Les 30 propositions de la Ligue
Axe II : Mieux encadrer les relations contractuelles
Les auteurs et autrices sont reconnus comme la partie faible par le Code de la propriété intellectuelle, et c’est bien normal. Il est difficilement envisageable, pour un auteur, de négocier d’égal à égal avec une structure brassant des centaines de millions d’euros de chiffre d’affaires.
Un paradoxe est constaté depuis plusieurs années : alors que le nombre de dispositions légales relatives au formalisme des contrats de cession ne fait qu’augmenter au sein du Code de la propriété intellectuelle, la précarisation des auteurs et autrices n’a jamais été aussi grandissante.
Les contrats que signent les auteurs et autrices avec leurs maisons d’édition s’ils sont encadrés dans un formalisme très strict, ne sont finalement que peu protecteurs des intérêts des auteurs et autrices : aucune rémunération minimale, pas de gardes fous sur la durée ou l’étendue des cessions de droits, peu de transparence…
Il faut aujourd’hui que le contrat d’édition protège les intérêts matériels des auteurs et autrices et corrige de manière effective les déséquilibres que nous constatons au jour le jour. C’est le sens de nos propositions.
Mesure 3 : Limiter la durée et l’étendue des cessions de droits
En général, un auteur est contraint de céder ses droits pour le monde entier et souvent pour plus de 100 ans. En Espagne, la loi protège les auteurs en limitant la durée des contrats à 15 ans.
Le droit protège l’œuvre toute la vie de l’auteur et pendant 70 ans après sa mort. C’est très protecteur… pour celui qui possède les droits d’exploitation. En pratique, les contrats s’alignent sur cette durée.
Les éditeurs se constituent ainsi un catalogue d’œuvres qu’ils pourront exploiter durant des décennies. Une telle cession est-elle pertinente quand on sait le gouffre existant entre la durée effective de vie d’un livre et la durée de la cession ? Assurément non.
Il s’agit d’une particularité française. La loi espagnole limite les contrats d’exploitation à 15 ans. En Allemagne, la durée est rarement supérieure à 10 ans. Au-delà, l’éditeur qui souhaite continuer d’exploiter l’ouvrage est tenu de rémunérer l’auteur d’un nouvel à-valoir.
Autre problème : dans le milieu du livre, la majorité des contrats d’exploitations prévoient des cessions de tous les droits de propriété intellectuelle (traduction en toutes langues, exploitation sous forme de produits dérivés, adaptations, etc.).
Si les cessions étaient séparées, elles seraient mieux adaptées à la réalité de chaque marché et exploitation et elles pourraient faire l’objet de rémunérations supplémentaires pour les auteurs et autrices.
En limitant l’étendue des droits cédés, les auteurs et autrices auraient davantage de pouvoirs de négociation sur les droits qu’ils conserveraient alors. Comme cela se fait dans beaucoup de pays.
Nous recommandons de limiter les cessions à une durée de 10 ans, durée plus cohérente au regard de la durée d’exploitation d’une œuvre et de séparer la cession de chaque grand type de droits (traductions, produits dérivés, etc.).
Mesure 4 : Restituer les droits non utilisés ou sous-exploités
Le saviez-vous ?
Si l’éditeur n’assure pas d’exploitation sérieuse à l’œuvre, il peut rester titulaire des droits en réalisant chaque année la vente d’un seul d’exemplaire… Cela privera l’auteur de TOUS ses droits en l’enfermant dans un contrat qui ne lui rapporte plus rien.
Les auteurs cèdent à leur éditeur la totalité de leurs droits patrimoniaux pour la durée de la propriété intellectuelle, et cette cession est effective, même si certains droits ne sont pas ou peu exploités.
Et c’est valable pour tous les droits ! Est-il normal qu’un éditeur garde des droits sur les produits dérivés alors qu’il ne les exploite pas ? Est-il normal qu’il garde des droits de traduction pour le monde entier alors qu’il n’a ni les moyens ni l’intention de les exploiter ?
Lorsque les droits cédés à l’éditeur ne font l’objet d’aucune exploitation ou d’une exploitation insuffisante, il s’agirait de les restituer aux auteurs et autrices, puisque ces derniers sont privés de l’opportunité d’en tirer une rémunération.
En Allemagne par exemple, la loi prévoit que les auteurs peuvent récupérer leurs droits s’ils ne sont pas exploités au bout de 2 ans.
Nous recommandons que l’auteur puisse, s’il le souhaite, récupérer automatiquement ses droits lorsqu’à partir de deux ans à compter de sa signature, le contrat lui rapporte moins de 100 euros par an.
Mesure 5 : Lutter contre les clauses contractuelles abusives
Le saviez-vous ?
Certains contrats prévoient que l’éditeur peut demander à un auteur de réaliser un travail de création, changer ses plans en cours de projet et se donner le droit de ne pas payer l’auteur.
Les auteurs et autrices sont très largement privés de la possibilité de négocier les clauses, le contrat est à prendre ou à laisser.
De nouvelles clauses apparaissent dans les contrats et accentuent encore les déséquilibres significatifs. Par exemple : l’éditeur demande à l’auteur de payer les frais de correction ou se réserve le droit d’accepter l’ouvrage et de le payer en conséquence.
Nous recommandons de répertorier ces clauses abusives en vue d’en interdire l’écriture dans les contrats.
Mesure 6 : Mettre en place des redditions semestrielles
Le saviez-vous ?
Entre le moment où un livre est vendu par l’éditeur et le moment où l’auteur peut toucher ses droits il peut se dérouler 18 mois
Les revenus des auteurs sont fluctuants et imprévisibles : ils et elles ne touchent leurs droits sur les ventes de leurs livres qu’une fois par an. Ils n’ont aucune visibilité sur les chiffres de ventes durant l’année et aucune idée de la rémunération qu’ils vont percevoir.
Une présentation des comptes devrait intervenir une fois par semestre pour permettre aux auteurs et autrices d’avoir plus de visibilité sur leurs revenus à venir, et cela, quelle que soit la rémunération proportionnelle ou forfaitaire prévue au contrat.
Cette reddition devra être accompagnée d’un règlement, afin de limiter la durée entre la publication d’un ouvrage et le premier paiement et la durée entre chaque rentrée d’argent.
Nous recommandons de modifier la loi sur ce point, afin que l’obligation de reddition de comptes annuelle devienne au moins semestrielle et qu’elle soit accompagnée d’un paiement.
Mesure 7 : Renforcer l’obligation de paiement
Le saviez-vous ?
Certains contrats prévoient que si l’éditeur doit moins de 50 € à l’auteur, il est dispensé de les lui verser. Essayez-donc de faire ça avec votre opérateur téléphonique ou votre boulanger…
De plus en plus fréquemment certaines maisons d’édition se réservent le droit de ne pas verser aux auteurs et autrices le montant de leurs droits si ces derniers ne dépassent pas un certain montant.
Nous recommandons que ces usages illégaux soient proscrits. De manière générale, le non-respect de l’obligation de payer devrait conduire systématiquement à la résiliation de plein droit des contrats de cession, à la demande de l’auteur.
Mesure 8 : Consacrer un vrai droit à la transparence – l’exploitation principale
Le saviez-vous ?
Dans la grande majorité des cas, l’auteur n’est pas informé du tirage de ses livres, ni du coût d’impression ou des éventuels investissements marketing (ou non) réalisé par son éditeur.
Si le contrat d’édition est censé naître d’une relation de confiance entre un auteur et un éditeur, celle-ci est souvent mise à mal à cause de cette opacité regrettable.
Dans un autre domaine de la création, l’audiovisuel, cette problématique a été prise en considération par le législateur qui a renforcé la transparence pour les auteurs et autrices, en imposant que le coût de fabrication des œuvres leur soit communiqué par les producteurs.
Nous recommandons qu’un bilan annuel soit produit par l’éditeur, faisant apparaître les sommes payées aux auteurs, les coûts d’impression, promotion et marketing, ainsi que les revenus de l’éditeur.
Mesure 9 : Consacrer un vrai droit à la transparence –
les exploitations secondaires
Le saviez-vous ?
Un auteur peut découvrir presque 2 ans après, et sans en connaître les conditions, que son livre a été traduit à l’étranger
Les auteurs n’ont en général pas d’informations sur la manière dont l’éditeur exploite l’œuvre avec d’autres tiers. Par exemple, ils ignorent comment l’œuvre est diffusée à l’étranger et le découvrent dans leurs relevés sans aucune autre information.
Est-il normal de découvrir que son livre a été traduit presque deux ans après sa publication en Turquie et sans en connaître les conditions ?
En outre, en cas de faillite ou de rachat de l’éditeur principal, l’auteur se retrouve engagé avec des partenaires dont il ne connaît pas l’identité, pour des durées inconnues et sans possibilité de recevoir les rémunérations qui lui sont dues.
Nous recommandons d’obliger l’éditeur à fournir les informations pertinentes en cas de sous-cession (édition poche, traduction…) selon un modèle unique et clair mentionnant l’identité du sous-cessionnaire, la durée de cession, les conditions financières, etc.
L’éditeur devrait fournir, à la demande de l’auteur, copie de la convention le liant au sous-cessionnaire, pour l’informer de ces modalités, et lui permettre d’obtenir les noms et coordonnées des personnes à contacter, le cas échéant.
Mesure 10 : Mettre en place un pourcentage minimum
Le saviez-vous ?
Sur un livre à 10 €, la part de l’auteur n’atteint parfois pas les 20 centimes. En pratique, dans le secteur jeunesse, le taux moyen dépasse rarement les 5 % du prix public.
Nous assistons à un phénomène de paupérisation des auteurs et autrices et une répartition de la valeur défavorable à celles et ceux qui sont pourtant à l’origine de toute la chaîne du livre.
Outre des taux ridiculement bas, nous constatons d’autres dérives : certains éditeurs publient des livres inédits en format dit « semi-poche » pour justifier une rémunération inférieure à celle des « grands formats », privant ainsi les auteurs de rémunérations plus avantageuses.
Nous recommandons un pourcentage minimum de 10 % quelle que soit l’édition et un système de progressivité par palier, pour que les auteurs et autrices puissent voir leur taux augmenter si leur livre rencontre le succès.
Mesure 11 : Interdire le transfert des charges aux auteurs
Le saviez-vous ?
Les auteurs réalisent aujourd’hui une grande part des tâches techniques (corrections, scans, nettoyage d’images…), lesquelles étaient anciennement à la charge des éditeurs, et le font souvent sans rémunération.
Les évolutions des techniques et des pratiques ont entraîné un fort transfert des charges anciennement supportées par les éditeurs en direction des auteurs.
La part financière, dévolue à ce travail non créatif, qui est ainsi économisée par les éditeurs, n’est que rarement payée aux auteurs, alors que ce sont des tâches coûteuses en temps et qui nécessitent souvent un investissement matériel onéreux.
Nous recommandons que ces charges incombent – par principe – à l’éditeur. Lorsqu’elles incombent, en accord avec eux, aux auteurs, elles devront faire l’objet d’une rémunération, distincte des rémunérations versées en contrepartie du travail de création et de l’exploitation de l’œuvre.
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