Communiqué du 5 avril 2022
Le Syndicat National de l’Édition soutient les libraires… et méprise les auteurs !
Toujours privés de statut professionnel, les auteurs et autrices resteront-ils les maillons faibles de la chaîne du livre ?
Si le Syndicat National de l’Édition négocie avec tous les autres partenaires sociaux du livre, la question de la rémunération pour les auteurs et autrices a été balayée d’un revers de main.
Aujourd’hui, les groupes Editis et Gallimard ont pris une décision forte en faveur de l’écosystème du livre, en s’engageant à ce qu’aucune librairie ne soit rémunérée en-dessous de 36 % du prix de vente de leurs livres à compter du 1er juin pour Gallimard et du 1er juillet 2022 pour Editis.
La Ligue salue cette décision en faveur des libraires, qui montre la possibilité d’un dialogue social aboutissant à des décisions protectrices en matière de rémunération. Elle souhaite toutefois exprimer sa consternation devant cette nouvelle démonstration du peu de considération des grands groupes éditoriaux à l’égard des auteurs et autrices.
Alors que le taux minimum de 10% pour les auteurs et autrices avait été considéré comme contra legem par le SNE qui jugeait la mesure contraire au droit de l’Union européenne et au droit de la concurrence, on apprend que, finalement, les rouages du droit sont plus malléables qu’ils n’y paraissent.
D’une main, le SNE flatte les libraires, de l’autre, il étrangle les auteurs. Drôle de monde que celui où les maisons d’éditions soutiennent l’activité des libraires tout en oubliant délibérément de reconnaître le droit à une rémunération plus juste pour les créateurs et créatrices à l’origine de l’ensemble de leur activité.
Car pendant les neuf mois qu’aura duré la mission de médiation confiée par le ministère de la Culture au professeur Pierre Sirinelli, la Ligue des Auteurs Professionnels n’a pu que constater la réticence du Syndicat National de l’Édition à aborder les conditions de rémunération des auteurs et autrices.
Tout au long des concertations, le SNE a soigneusement évité le sujet, prétextant favoriser d’autres aspects de la négociation. La mission est ainsi arrivée à son terme sans que cette thématique ait pu être réellement abordée. Au moment de signer l’accord interprofessionnel finalement obtenu, le syndicat des éditeurs s’est dérobé. La raison ? Le texte final était assorti d’une promesse de poursuivre les négociations, avec comme objectif notoire l’amélioration des conditions de rémunération des artistes-auteurs.
Face à ce camouflet, le Ministère de la Culture considère la possibilité de rédiger une lettre de mission contraignant le SNE à négocier avec les représentants des auteurs, mais il ne fait rien !
Par son inaction et son incapacité à garantir un véritable dialogue social, le ministère de la Culture choisirait délibérément de condamner les auteurs et autrices (dont plus de 40% gagnent moins que le SMIC) à la précarité.
Il ne reste que quelques jours avant la fin du mandat de l’administration actuelle. La ministre de la Culture va-t-elle accepter que le SNE torpille neuf mois de négociations effectués sous son égide ? Pourtant, les éditeurs viennent de montrer que, quand ils le veuillent, ils sont tout à fait capables de négocier de meilleures conditions pour leurs partenaires au sein de la chaîne du Livre…
Tout comme l’ensemble les autres organisateurs d’auteurs et d’autrices ayant pris part aux négociations, la Ligue des Auteurs Professionnels demande à la ministre Roselyne Bachelot de prendre ses responsabilités !
Retrouvez les tribunes des auteurs et autrices :
Betty Piccioli – “Auteur : un parcours de la précarité ravagé par le Covid 19”, ActuaLitté, 20 avril 2020.
Adrien Tomas – “Moi, je voulais juste écrire”, Actualitté, 18 mars 2022.
L’Alliance des agents littéraires français (AALF) – “Face à un SNE trop dur, le besoin d’agents littéraires grandira pour les auteurs”, Actualitté, 18 mars 2022.
Thomas Fouchault – “Plus facile de négocier avec Deliveroo : Serait-il temps d’ubériser le SNE ?”, Actualitté, 19 mars 2022.
Manu Causse – “Mon travail d’auteur ? J’écris vite. Je compte bien. Et le compte n’y est pas”, Actualitté, 21 mars 2022.
Elisa Villebrun – “Dans quel secteur la difficulté est-elle si mal rétribuée? Aucun”, Actualitté, 22 mars 2022.
Christophe Hardy et Séverine Weiss, co-présidents du Conseil permanent des écrivains – “Il faut que les engagements pris envers les auteurs par Emmanuel Macron soient honorés avant la fin de son mandat”, Le Monde, 3 avril 2022.