
Des effets d’annonce démentis par les faits et par la justice
Suite à la réforme de 2018 qui a transféré la collecte des cotisations à l’Urssaf Limousin, le gouvernement avait annoncé qu’il doterait les artistes-auteurs d’un « organisme de gestion de sécurité sociale » qui assurerait le « pilotage du régime sur le long terme ». C’est dans ce cadre qu’il a agréé la SSAA (la Sécurité sociale des artistes-auteurs, nouveau nom de l’AGESSA) et a recomposé un conseil d’administration unique (mesure N°5 du plan auteurs 2021-2022).
Mais le tribunal administratif a jugé le 7 novembre 2024 que l’association SSAA n’est pas un « organisme de sécurité sociale ». Et il s’avère que le conseil d’administration de la SSAA a pour seuls rôles d’approuver les comptes et de désigner les membres de la commission d’action sociale, dont la mission est particulièrement limitée.
De plus, selon la direction actuelle de la SSAA, ses missions sont « soit sans effet, soit déjà assurées par d’autres organismes, soit mises en œuvre dans des conditions insatisfaisantes. ».
Le gouvernement avait pourtant annoncé que les « missions spécifiques de cet organisme seraient renforcées » :
• L’affiliation, auparavant réalisée par les caisses primaires d’assurance maladie, lui est transférée ;
• Sa compétence au regard du champ d’application du régime est confortée, les commissions professionnelles lui sont toujours rattachées ;
• L’action sociale précédemment réalisée par la MDA et l’AGESSA est maintenue.
Mais en réalité l’affiliation est effectuée par l’organisme de sécurité sociale dédié aux artistes-auteurs : l’Urssaf Limousin.
En matière de champ d’application du régime, seule la direction de la SSAA est décisionnaire, les commissions professionnelles n’ont jamais été réunies.
L’action sociale est l’unique mission effectivement remplie par la commission ad hoc désignée par le CA mais non sans difficulté, ni lacune.
L’état des lieux à la SSAA s’avère catastrophique. Aux dysfonctionnements et aux défaillances de gestion s’ajoutent la souffrance au travail des salarié·es.
Force est de constater que l’agrément de la SSAA et la recomposition de son CA par le gouvernement étaient finalement des leurres. Dans les faits, les artistes-auteur·ices sont exclu·es du pilotage de leur régime social.
Aujourd’hui les artistes-auteur·ices sont donc les seul·es travailleur·euses en France à ne pas disposer d’un conseil rattaché à leur organisme de sécurité sociale et qui soit effectivement chargé du pilotage de leur protection sociale. Cette situation ne peut perdurer.
Quelles missions pour le Conseil de la protection sociale des artistes-auteurs rattaché à leur organisme de sécurité sociale ?
• Piloter le régime de protection sociale des artistes-auteurs ;
• Voter les budgets ;
• Établir le règlement intérieur du conseil ;
• Veiller à la qualité des services rendus aux artistes-auteurs par l’organisme de sécurité sociale assurant le recouvrement des cotisations (l’Urssaf) et par les organismes assurant le service des prestations (CPAM, CNAV, CAF, …) ;
• Être saisi pour avis et formuler des propositions d’amélioration de la politique de services rendus aux artistes-auteurs ;
• Déterminer les budgets et les orientations générales relatives à l’action sanitaire et à l’action sociale déployées en faveur des artistes-auteurs ;
• Désigner les membres de la commission d’action sociale et les membres de la commission d’action sanitaire ;
• Veiller à la bonne application aux artistes-auteurs des règles relatives à leur protection sociale, notamment à travers des médiations dédiées ;
• Déterminer les orientations générales de la politique de communication à l’égard des artistes-auteurs et de leurs diffuseurs ;
• Déterminer les orientations générales de l’observation statistique favorisant la connaissance de la protection sociale et des métiers des artistes-auteurs ;
• Voter le rapport annuel relatif à la gestion du recouvrement par l’Urssaf ;
• Proposer au ministre chargé de la Sécurité sociale des modifications législatives ou réglementaires dans son domaine de compétence ;
• Être saisi par ce même ministre de toute question relative à la protection sociale des artistes-auteurs ;
• Être saisi, pour avis, des projets de loi de financement de la sécurité sociale et des projets de mesures législatives ou réglementaires concernant la sécurité sociale des artistes-auteurs.
Le conseil peut désigner en son sein des commissions et leur déléguer une partie de ses attributions. Le conseil peut entendre toute personne ou organisation dont il estime l’audition utile à son information.
Quelle composition du Conseil de la protection sociale des artistes-auteur·ices ?
Il appartient aux artistes-auteur·ices elleux-mêmes, et non au gouvernement, de désigner par élection les organisations qui peuvent légitimement les représenter dans le Conseil de leur protection sociale. Suite à la suppression des élections des artistes-auteur·ices en 2018, aucune organisation d’artistes-auteur·ices aujourd’hui ne peut être qualifiée de « représentative ».
Dans le régime général des salarié·es, auquel les artistes-auteurs sont rattachés, le principal critère de représentativité est l’audience électorale, or ce critère est manquant parmi ceux de l’article L. 2121-1 du code du travail cité en référence pour les artistes-auteurs. L’ « enquête de représentativité » dont se prévaut le gouvernement est une mystification qui a positionné les artistes-auteurs comme des organisations d’employeurs, alors que dans ce régime, ce sont les diffuseurs à qui ce rôle est attribué.
Nous demandons instamment
• La création d’un Conseil de la protection sociale des artistes-auteur·ices rattaché à notre organisme de sécurité sociale et dont les missions seront mentionnées dans le code de la sécurité sociale.
• Le rétablissement des élections professionnelles des artistes-auteur·ices pour déterminer périodiquement quelles organisations d’artistes-auteur·ices peuvent être qualifiées de représentatives et pourront légitimement siéger dans le Conseil de la protection sociale des artistes-auteur·ices.
Signataires
adaBD Association des auteur·ices de bande dessinée
AFD Alliance France Design
ATAA Association des traducteurs adaptateurs de l’audiovisuel
Backstory l’Association
CAAP Comité pluridisciplinaire des artistes-auteurs et autrices
La Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse
La CIL Charte des Illustrateurs-ices Ludiques
EGBD États généraux de la bande dessinée
FNSAC-CGT – La CGT Spectacle
La Ligue des auteurs professionnels
La Source Aux Auteurs
SdS Syndicat des Scénaristes
S.E.L.F. Syndicat des écrivains de langue française
SMC Syndicat français de compositrices et compositeurs de musique contemporaine
SNAA-FO Syndicat National des Artistes-Auteurs Force Ouvrière
SNAP-CGT Syndicat National des Artistes Plasticien·nes CGT
SNP Syndicat National des Photographes
SNSP Syndicat National des Sculpteurs et Plasticiens
SRF Société des Réalisatrices et réalisateurs de Films
STAA CNT-SO Syndicat des Travailleur·euses Artistes-Auteur·ices CNT-SO
UNPI Union nationale des peintres-illustrateurs
USOPAVE Union des syndicats et organisations professionnelles des arts visuels et de l’écrit