Signez la Tribune : Pour une véritable sécurité sociale des artistes-auteurs et autrices

Imaginez que votre sécurité sociale dépende d’une simple association loi 1901.
Que vos représentants soient désignés par le ministère de la Culture, sans élection, sans mandat démocratique.

Que pendant 40 ans, cette association ait failli à sa mission lésant plus de 200 000 personnes.

Et que cette association soit simplement rebaptisée, et puisse utiliser des fonds publics pour vous attaquer en justice quand vous obtenez réparation de ses fautes.

C’est pourtant la réalité vécue par 400 000 artistes-auteurs en France.

Depuis cinquante ans, l’ex-AGESSA — devenue SSAA — cumule les défaillances structurelles : comptes non certifiés, retraites non validées, affiliations perdues, données non transmises, gouvernance opaque et dépenses injustifiables.

En 1988 déjà, la Cour des comptes condamnait l’agent comptable de l’AGESSA pour irrégularités dans la gestion des fonds recouvrés. En 2013, une mission IGAS/IGAC pointait ses dysfonctionnements graves ; en 2020, le rapport Racine révélait : « Plus de 190000 personnes n’ont jamais été prélevées de cotisations vieillesse depuis la création du régime en 1975, alors que le contraire leur était indiqué. »

Ces décennies de défaillances ont conduit à un basculement précipité à l’Urssaf en 2019 pour le recouvrement des cotisations. Pourtant, l’AGESSA est toujours là, avec un nouveau nom « SSAA » et un élargissement de son périmètre aux arts graphiques et plastiques. Son directeur a même bénéficié d’un parachute doré de 300 000 euros.

Le rapport de la cour des comptes 2025 est sans appel : il faut retirer l’agrément à la SSAA.

Le temps est venu de doter enfin les artistes-auteurs d’un conseil qui pilote effectivement leur régime social

Malgré ce constat, le ministère de la Culture choisit encore et toujours la voie du déni. Il préconise de “transformer” la SSAA, c’est-à-dire de conserver une association bancale en lui ajoutant quelques rustines. C’est ce que prévoit le PLFSS 2026.

La SSAA n’est ni une caisse, ni un organisme de sécurité sociale. C’est un faux-semblant sous forme associative dénué de pouvoir décisionnaire et financé sur fonds publics.

Toutes les autres professions disposent d’organismes légitimes fondés sur le code de la sécurité sociale

Les artistes-auteurs, eux, sont les seuls travailleurs français dont la protection sociale dépend d’une association privée cooptée par le gouvernement.

Une aberration institutionnelle et une violation du principe fondateur posé par Ambroise Croizat : “La Sécurité sociale doit être administrée par les bénéficiaires eux-mêmes.”

Nous, artistes-auteurs, ne demandons pas de privilèges.
Nous demandons simplement le respect du droit commun pour notre protection sociale.

  • La création d’un Conseil de protection sociale des artistes-auteurs, inscrit dans le Code de la Sécurité sociale,
  • Des représentants élus par les artistes-auteurs, et non désignés par le gouvernement,
  • Des missions claires : suivi qualité des services (Urssaf, CNAV, CPAM), médiation, action sociale, prévention santé, réparation des préjudices,
  • Une gouvernance décisionnaire transparente exclusivement composée des partenaires sociaux : les syndicats et organisations professionnelles des artistes-auteurs et des diffuseurs.

Ce Conseil doit être une véritable structure commune, où les créateurs et créatrices participent réellement au pilotage de leur protection sociale.

Le statu quo n’est plus tenable.
Les bricolages institutionnels ont duré trop longtemps, et les effets sont connus : scandales sociaux, gestion défaillante, inégalités de traitement, défiance.


Chaque jour qui passe sans créer un véritable conseil de la protection sociale des artistes-auteurs, ni retirer l’agrément de la SSAA, est une faute politique et sociale.

Ce qui se joue ici dépasse le seul cas des artistes-auteurs : c’est une question de justice et de dignité.


Une société qui ne garantit pas à ses créateurs et créatrices une sécurité sociale digne de ce nom abîme sa culture autant que sa démocratie.

Il est temps de tourner la page de la SSAA alias l’AGESSA et d’ouvrir celle d’une véritable protection sociale des artistes-auteurs.

Parce qu’il n’y a pas de création libre sans droits sociaux effectifs.

 

La Tribune a été publiée dans Libération le 23 octobre, mais vous pouvez encore la signer ici dans ce document partagé