Le droit de retrait et de repentir

Dernière mise à jour :

Que dit la loi ?

Article L. 121-4 du Code de la propriété intellectuelle :

«Nonobstant la cession de son droit d’exploitation, l’auteur même postérieurement à la publication de son œuvre, jouit d’un droit de repentir ou de retrait vis à vis du cessionnaire. Il ne peut toutefois exercer ce droit qu’à charge d’indemniser préalablement le cessionnaire du préjudice que ce repentir ou ce retrait peut lui causer. Lorsque, postérieurement à l’exercice de son droit de repentir ou de retrait, l’auteur décide de faire publier son œuvre, il est tenu d’offrir par priorité ses droits d’exploitation au cessionnaire qu’il avait originairement choisi et aux conditions originairement déterminées. »

Explication de la notion

Le droit de retrait et de repentir est un attribut du droit moral français au même titre que le droit de divulgation, le droit de retrait et le droit au respect de l’œuvre.

Le droit de retrait est celui qui permet à l’auteur de se retirer unilatéralement d’une cession de droit accordée à un tiers et donc par ce fait de retirer son œuvre de la commercialisation.
Il permet de faire obstacle aux ventes futures mais ne peut pas récupérer les exemplaires vendus entre les mains des propriétaires

Le droit de repentir est celui qui permet à l’auteur de modifier son œuvre même si celle-ci est déjà cédée et commercialisée. Ce droit à pour vocation de protéger l’intégrité artistique de l’auteur et de permettre à celui-ci de retirer ou modifier une œuvre qui ne lui convient pas. Il n’est applicable qu’aux seules cessions de droit relatives au droit d’exploitation (droit de reproduction, représentation, adaptation, traduction…).

Temporellement, ce droit fait suite au droit de divulgation. Il peut être actionné après la publication de l’œuvre, avant celle-ci l’auteur se tournera en priorité vers le droit de divulgation pour s’opposer à sa parution.

Comme tous les autres droits moraux, celui-ci ne peut être limité ou supprimé par contrat.
En revanche contrairement aux autres droits moraux celui-ci n’est pas transmissible aux héritiers à la mort de l’auteur.

Exemple de clause interdite

«L’auteur ne peut par quelque moyens que se soit s’opposer à la communication et la commercialisation de l’œuvre.
Les moyens de diffusion et de communication relèvent de la compétence de l’éditeur.
L’auteur ne peut demander le retrait de l’œuvre du commerce.
L’auteur atteste de la version définitive de l’œuvre et ne peut demander la modification de celle-ci une fois communiquée au public. »

Ce droit ne peut être actionné que postérieurement à l’indemnisation du cocontractant qui serait lésé par le retrait. C’est à dire qu’un auteur peut exiger de sa maison d’édition qu’elle arrête la commercialisation de son livre et de rappeler tous ceux non encore vendus sans qu’elle puisse s’y opposer. Cependant avant d’exiger un tel retour l’auteur doit indemniser la maison d’édition à hauteur des pertes et dommages subies par le retrait.

Attention : ce droit ne peut servir à l’obtention de conditions financières supérieures car si après le retrait l’auteur décide de remettre dans le commerce son œuvre il doit la présenter en préférence à son ancien cocontractant aux conditions originels.

L’utilisation de ce droit est susceptible de qualification abusive par le juge.
Une demande de retrait par un auteur peut se voir rejeter par le juge s’il estime qu’elle a seulement pour objectif de nuire au cocontractant. Le droit de retrait et de repentir peut engendrer un abus de droit moral, mais il incombe au cocontractant d’apporter la preuve du détournement de ce droit à des fins abusives.

Spécificité pour les agents publics: un agent public qui a créé une œuvre de l’esprit dans l’exercice de ses fonctions ou d’après les instructions reçues ne peut exercer son droit de repentir et de retrait, sauf accord de l’autorité investie du pouvoir hiérarchique (article L. 121-7-1 CPI).

Que disent les tribunaux ?
  • L’effacement du nom de l’auteur ne relève pas du droit de repentir. Un artiste ne peut sur ce fondement nier sa paternité ou retirer son nom d’une œuvre. Cour d’Appel de Paris, 17 janvier 1970
  • les juges peuvent contrôler les raisons pour lesquelles une personne exerce son droit de retrait et de repentir et estimer que constitue un abus de droit moral le fait pour un auteur salarié, licencié par son employeur éditeur, de prétendre s’opposer à la réédition des ses bandes dessinées au prétexte d’un taux de rémunération insuffisant. Cour de Cassation, 1ere chambre civile, 14 mai 1991.

 

Exemple de lettre de mise en demeure pour exercer son droit de retrait :

PREMIÈRE LETTRE DE MISE EN DEMEURE
Demande de retrait de la commercialisation

à l'attention de
{Société}
{Monsieur/Madame X}
{Adresse}

À {ville}, le {date}

Objet : Lettre de mise en demeure

Par lettre recommandée avec accusé de réception n°{XXXXX}
et par email à l’adresse {xxx@yyy}

Madame, Monsieur,

Le XX j’ai signé avec votre société un contrat d’édition portant sur l'œuvre XX.

Aujourd’hui je souhaiterai exercer mon droit de retrait prévu à l’article L. 121-4 du Code de la propriété intellectuelle au motif que (expliquer pourquoi vous souhaitez retirer votre œuvre).

En vertu de l’article précité et pour indemniser votre préjudice subi, je vous propose en compensation la somme de XX. N’hésitez pas à vous rapprocher de moi pour discuter des modalités d’application.

Après versement de la somme convenue, je vous remercierai de retirer dans les meilleurs délais mon œuvre “nom de l'œuvre” de la commercialisation, et à défaut d’action de votre part je serai dans l’obligation d’engager des poursuites judiciaires afin de faire respecter mon droit moral.

Je vous prie de bien vouloir croire, Madame, Monsieur, en l’expression de mes sincères salutations.

{Mon nom}
{Ma signature}