Archives annuelles : 2020

Lettre ouverte au président du SNE

Monsieur le président du Syndicat national de l’édition,

Lors de votre discours de présentation des vœux du SNE, vous vous êtes prononcé contre le fait que le gouvernement légifère sur la protection des auteurs.

Afin de garantir la bonne santé du secteur du livre, il serait donc nécessaire de conserver les choses en l’état actuel – à savoir le maintien des auteurs dans la précarité qui est actuellement la leur.

Ce message est faux, inacceptable et uniquement bâti sur la défense des intérêts économiques des entreprises que vous représentez. Faux car certaines maisons d’édition agissent dans le respect de leurs auteurs sans que cela ne nuise à leur croissance. Inacceptable car la grande majorité des autres maisons d’édition tirent largement profit de la précarité de leurs auteurs, alors même que ces derniers sont à l’origine de l’ensemble de leurs publications :

  • Un quart des auteurs ne perçoit aucun à-valoir.
  • 30% des auteurs touchent moins de 3000 euros d’à-valoir.
  • Les droits d’auteurs moyens sont de 7,2 % pour l’ensemble du secteur, 5,2% en jeunesse, 3% lorsqu’il y a un co-auteur.
  • 41 % des auteurs professionnels affiliés vivent avec moins que le SMIC.
  • 60 % des auteurs doivent encore réclamer leurs relevés de droits.
  • 52 % des auteurs n’ont jamais reçu de droits lorsque leurs œuvres ont été exploitées à l’étranger
  • 24 % des auteurs ont eu connaissance de traductions de leurs livres à l’étranger sans en avoir été informés au préalable par leur éditeur.1

Dans la Bande Dessinée, dont on s’apprête à fêter l’année :

  • 53 % des auteurs de BD professionnels vivent avec moins que le SMIC.
  • 50 % des autrices de BD professionnelles vivent sous le seuil de pauvreté.
  • 88% des auteurs de BD n’ont jamais bénéficié d’un congé maladie.
  • 81% des auteurs de BD n’ont jamais bénéficié d’un congé maternité, paternité ou adoption.2

Par ailleurs, le SNE fait état d’un chiffre d’affaires annuel de 2 670 000 000 € (deux milliards six cent soixante-dix millions d’euros) en 2018. Un secteur de poids dans les industries créatives, qu’il est indécent de qualifier de fragile au regard de la précarité galopante de celles et ceux qui sont à l’origine de cette vitalité économique et culturelle tant louée.

La crise sociale et économique que traversent les auteurs et autrices est directement imputable à la politique de maisons d’édition désireuses de maintenir une situation d’exploitation des créateurs plutôt qu’un réel partenariat liant auteurs et éditeurs.

Si le Syndicat National de l’édition prétend représenter les intérêts de l’édition au sens large, quelles mesures concrètes le syndicat a-t-il pris pour lutter contre la destruction des métiers de ceux et celles qui créent les livres ? Aucune.

Par ailleurs, en d’autres circonstances, le SNE a mené des actions de lobbying fortes pour la réglementation du secteur, quand il s’est agi du “droit d’auteur” au niveau européen dont les exploitants des œuvres sont les premiers bénéficiaires, ou encore du prix unique du livre qui a été de fait une mesure de régulation vous offrant un puissant pouvoir dans la chaîne du livre.

Votre discours a néanmoins le mérite de donner une réponse claire aux nombreuses revendications des organisations professionnelles d’auteurs : votre refus de l’idée que l’État joue son rôle de régulateur quand il s’agit de sauver nos métiers. Cette rupture du dialogue social met au jour les véritables intérêts en jeu. Il est d’autant plus urgent que les pouvoirs publics légifèrent pour protéger davantage les créateurs et créatrices et leur donner enfin un cadre de travail digne.

Les auteurs ont raison d’attendre avec impatience le rapport Racine. Si vous vous opposez par avance et avec une telle force à ses propositions aux législateurs, c’est que ce rapport pourrait bien contenir enfin les mesures de régulation que nous attendons.

Et s’il advenait que le rapport Racine soit amputé de mesures régulatrices, nous saurions que des pressions auront été exercées. La crise sociale, économique et administrative dans laquelle se trouvent nos populations professionnelles est sans précédent. L’heure est à la régulation pour davantage d’équilibre.

Le temps d’un dialogue social encadré par l’État et d’une politique volontariste en faveur des auteurs et autrices est venu. C’est l’avenir de la culture française qui se joue aujourd’hui.

Dessin de Coliandre
Dessin de Coliandre

Notes

L’Urssaf s’explique sur les dysfonctionnements

Suite aux récentes protestations des auteurs et autrices, l’Acoss/Urssaf communique enfin pour expliquer ce qui se passe dans la transition actuelle. Samantha Bailly, vice-présidente de la Ligue et de La Charte a passé une longue heure de discussion avec le directeur de la transition Agessa/MDA/Urssaf, qui lui a expliqué les raisons informatiques ou techniques des nombreux bugs rencontrés.

Qu’avons-nous appris ?

• L’appel de cotisations sera bien décalé, mais seulement au 31 janvier 2020, ce qui n’est pas la date demandée par les 18 organisations professionnelles ayant exigé le report de la deadline compte tenu des difficultés techniques.

Le système d’identification des artistes-auteurs est extrêmement complexe : le recoupement des informations n’étant pas effectué entre l’Agessa/MDA et l’Urssaf, des milliers d’artistes-auteurs ont été écartés de la base en raison d’un recoupement imparfait entre les informations contenues dans le fichier de la sécurité sociale et celles du fichier de l’INSEE. On demande à ces derniers de contacter eux-mêmes l’Urssaf s’ils n’ont pas été identifiés.

Il est donc parfaitement anormal que des auteurs déclarant en Traitements et salaires et précomptés aient reçus un échéancier de cotisations. Si cela vous arrive, on vous indique de contacter l’Urssaf pour rectifier la situation.

• La bonne nouvelle technique : auteurs et autrices en Traitements et salaires et précomptés feront leur déclaration en avril via le portail artistes-auteurs, déclaration qui devrait être pré-remplie directement avec la liste des diffuseurs ayant reversés leurs cotisations. Ce serait donc enfin la fin de l’infernale déclaration Agessa/MDA à remplir soi-même.

• À terme, l’espace artistes-auteurs doit être équipé d’un système permettant à chacun de moduler de lui-même ses cotisations.

Pour les artistes-auteurs ayant déjà une activité avec un numéro SIRET + une activité créative, il y a manifestement un gros bug, toujours irrésolu à ce jour.

• Nous en avons profité pour demander à quelle date serait reversée la compensation de la CSG, puisqu’aucune information n’a été communiquée pour le moment sur le versement.

Plus généralement, ces considérations techniques ne règlent toujours pas la question de la gouvernance du régime ! Rappelons que de nombreuses organisations professionnelles d’artistes-auteurs demandent la création d’un seul organisme de sécurité sociale et le rétablissement d’une gouvernance démocratique et claire :

 

Urssaf, échéancier et dysfonctionnements : que faire ?

Vous avez reçu un échéancier de l’Urssaf obscur avec des montants de cotisations sans explication ? Vous avez reçu un courrier avec vos codes d’accès mais ne parvenez pas à vous connecter ? Vous n’avez pas reçu de courrier ?

Nous allons essayer de vous guider avec les informations à disposition. Merci au passage au CAAP, Comité Pluridisciplinaire des Artistes-Auteurs·trices, qui a fourni un travail d’analyse très poussé pour décrypter les tenants et aboutissants de ces premiers pas de l’Urssaf.

1) Ne payez pas

Pour le moment, surtout, ne payez rien : un échéancier n’est pas un avis d’appel à cotisation !

2) Accès au portail

Vérifiez si vous avez reçu ou non vos codes d’accès au portail artistes-auteurs de l’Urssaf. Actuellement, 10% seulement des artistes-auteurs en BNC ont reçu le fameux courrier. Les auteurs déclarant en Traitements et salaires et précomptés sont supposés recevoir un courrier plus tard, d’ici avril. Néanmoins, de nombreux témoignages invalident cette information que l’on trouve sur le site de l’Urssaf. Des auteurs déclarant en traitements et salaires ont reçu un courrier avec des codes d’accès et/ou un échéancier. Pourquoi ? Mystère.

3) Modulation

Vous pouvez en théorie moduler les premiers appels de cotisations. Formidable. Le problème ? Déjà, le portail artistes-auteurs n’est pas opérationnel, et cerise sur le gâteau, il est impossible de moduler soi-même ses acomptes sur son espace ! Il faut envoyer un mail pour faire la demande, à une adresse saturée. Vérifiez si vos demandes de modulation ont été prises en compte dans votre espace personnel sur le portail (si vous pouvez y accéder). Sinon renvoyez votre demande de modulation à artiste-auteur.limousin@urssaf.fr et gardez bien la trace du mail.

Si vous ne pouvez toujours pas accéder à votre compte en raison des bugs et carences d’informations, n’hésitez pas à écrire à artiste-auteur.limousin@urssaf.fr ou à appeler directement le standard au 0 806 804 208 (prix d’un appel local).

Les organisations professionnelles de tous les métiers créatifs sont consternées par ces dysfonctionnements. Les syndicats et associations attendent des réponses publiques des ministères de la Culture et Ministère des solidarités et de la santé à leur courrier commun. La Ligue a été rapidement en lien avec le cabinet du ministre de la Culture, Franck Riester, qui a été très réactif aux signaux d’alerte. Le ministre a finalement tweeté un message des plus clairs dans l’après midi du 31 décembre :

Beaucoup d’artistes-auteurs nous font part des grandes difficultés administratives auxquelles ils sont confrontés dans le cadre de la transition Agessa/Accos.

Avec Agnès Buzyn, nous comprenons leur profond mécontentement. Nos services sont mobilisés pour que des réponses claires et satisfaisantes soient apportées rapidement. Nous y serons très attentifs.
Source

Nous vous tiendrons au courant de chaque avancée. Pour rappel, il y a un an, les représentants de la Ligue et des organisations qui l’ont fondée avaient prédit aux pouvoirs publics la situation actuelle, si les problèmes systémiques de nos conditions sociales et économiques n’étaient pas pris en main de façon radicale et efficace.

Il est plus que temps que les artistes-auteurs reprennent la main sur leur avenir, et que des décisions et parti-pris fermes à la hauteur de la gravité de la situation soient entérinés dans la loi.

Ce qui se produit durant les fêtes ne se serait jamais arrivé si les artistes-auteurs n’étaient pas illégalement évincés depuis avril 2014 de la gestion de leur propre régime de sécurité sociale. Cette situation anormale est désormais intenable. Pour rappel, depuis des mois, nous demandons :

  • La création ad hoc d’un seul et même organisme agréé compétent pour la protection sociale des artistes-auteurs.
  • Une révision de la composition du conseil d’administration de la protection sociale des artistes-auteurs.
  • Le rétablissement du mode électif pour la désignation des syndicats professionnels des artistes-auteurs qui siégeront dans le conseil d’administration de la protection sociale des artistes-auteurs.
  • Que soient explicitement spécifiés les pouvoirs et le rôle du conseil d’administration de la protection sociale des artistes-auteurs par voie réglementaire.