Pour les artistes-auteurs les plus précaires, pas de réduction de cotisations !

Avec 15 autres organisations professionnelles, la Ligue dénonce un amendement qui privera les auteurs et autrices les plus précaires de la réduction de cotisations sociale que leur avait pourtant promis le président de la République.

Ce texte intersyndical inaugure le nouveau site artistes-auteurs.fr qui regroupe les communiqués et les actions collectives de nombreuses organisations qui informent et défendent les artistes-auteurs. Être créateur, être créatrice, si c’est avant tout une passion, c’est aussi souvent un métier. Aujourd’hui, il est urgent de protéger ces professionnels d’une précarisation économique et sociale toujours plus forte. Aujourd’hui, il est urgent de défendre et faire progresser les droits sociaux et les protections légales de tous les artistes-auteurs.

Communiqué intersyndical du 13 juillet 2020

Pour les artistes-auteurs les plus précaires, pas de réduction de cotisations !

En contradiction avec les engagements du président de la République, un amendement du gouvernement a supprimé la réduction de cotisations sociales aux artistes-auteur·trices les plus précaires !

Le président de la République a annoncé le 13 avril 2020 que des annulations de cotisations sociales seraient mises en œuvre pour les secteurs de l’économie durablement affectés par la crise, tels que le tourisme, la restauration, l’hôtellerie, la culture, le sport ou l’évènementiel. Le 6 mai 2020, il a expressément confirmé que les artistes-auteur·trices seraient concerné·es par cette mesure.

La troisième loi de finances rectificative pour 2020 prévoit en effet l’octroi d’une réduction de cotisations sociales pour tous les travailleurs non-salariés des secteurs particulièrement affectés par la crise. Mais lors de l’examen en première lecture, le gouvernement a déposé un amendement1 qui supprime toute aide aux artistes-auteur·trices les plus précaires. Ces créateurs et créatrices seraient donc les seuls parmi tous les travailleurs non-salariés à ne pas bénéficier d’une réduction de leurs cotisations sociales en dépit de l’engagement du Président de la république !

Cette inégalité de traitement au détriment des professionnel·les les plus fragiles, parmi les auteurs et les autrices d’œuvres littéraires, dramatiques, plastiques, graphiques, photographiques, lyriques, chorégraphiques, musicales, cinémato-graphiques, audiovisuelles, etc., est injustifiable et inacceptable.

En créant « un seuil d’au moins 3 000 € de revenus en 2019 » comme condition pour bénéficier d’une aide, seraient exclus :

  • la plupart des artistes-auteur·trices en début d’activité ;
  • les artistes-auteur·trices ayant consacré leur année 2019 à créer des œuvres sans en avoir tiré un bénéfice supérieur au seuil ;
  • des artistes-auteur·trices ayant engagé des frais importants de production d’œuvres ;
  • des artistes-auteur·trices ayant investi dans le développement de leur activité professionnelle (outils, matériels, frais de local professionnel, …) ;
  • des artistes-auteur·trices ayant subi d’importants coûts de réparation ou d’entretien ;
  • des artistes-auteur·trices dont l’activité artistique professionnelle a été réduite parce qu’ils ont suivi une formation professionnelle longue pour développer leur compétence artistique ;
  • des artistes-auteur·trices dont l’activité artistique professionnelle a été réduite en raison d’un congé maternité, de problèmes de santé ou d’un accident de parcours ;

En l’état, le dispositif constituerait un désaveu de l’engagement présidentiel à soutenir la création artistique en général et la création émergente en particulier.

Nous demandons donc au gouvernement et aux parlementaires de modifier le texte afin :

  • de n’exclure aucun·e artiste-auteur·trice de la réduction sur le paiement de leurs cotisations 2020 ;
  • d’octroyer une aide significative, donc d’instaurer un montant forfaitaire d’au moins 1 000€ (et non « d’au moins 500 € » !) ;
  • de veiller à réellement limiter les effets de seuil engendrés par les paliers à 8 000 € et 20 000 €.
Organisations signataires :
  • AdaBD Association des Auteurs de Bandes Dessinées
  • AICA France Association Internationale des Critiques d’Art
  • CAAP Comité Pluridisciplinaire des Artistes-Auteur·trices
  • CEA Commissaires d’Exposition Associés
  • Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse
  • CLAP Comité de Liaison et d’Action pour la Photographie
  • EGBD États Généraux de la Bande Dessinée
  • Ligue des auteurs professionnels
  • SELF Syndicat des Écrivains de Langue Française
  • SMdA-CFDT Syndicat Solidarité Maison des Artistes CFDT
  • SNAA-FO Syndicat National des Artistes-Auteurs FO
  • SNAP-CGT Syndicat National des Artistes Plasticiens CGT
  • SNP Syndicat National des Photographes
  • SNSP Syndicat National des Sculpteurs et Plasticiens
  • UNPI Union Nationale des Peintres Illustrateurs
  • USOPAVE Union des Syndicats et Organisations Professionnelles des Arts Visuels et de l’Écrit

Annexes

Contexte et budget

Nous souhaitons rappeler que les artistes-auteurs·trices sont les seuls travailleurs non-salariés à ne pas pouvoir bénéficier d’une aide sociale de leur propre régime. Ils ne comprendraient pas que, de surcroît, le montant d’aide minimal au paiement des cotisations (500 € dans le texte actuel) soit inférieur à tous les montants forfaitaires d’aide qui seront retenus pour les autres travailleurs non-salariés.

De plus, nous observons que le coût global de la mesure telle qu’actuellement envisagée serait en réalité très largement inférieur aux 100 millions annoncés par le gouvernement. En effet, non seulement les revenus des artistes-auteurs·trices, donc leurs cotisations proportionnelles, seront en forte baisse en 2020, mais encore l’aide forfaitaire est plafonnée et différentielle (« dans la limite des cotisations et contributions de sécurité sociale dues au titre de l’année 2020 »).

Commentaires

Commentaires relatifs à l’exposé sommaire de l’amendement du gouvernement adopté par l’Assemblée Nationale.

Source : http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/3074/AN/1730

► Nous sommes pleinement d’accord avec le premier paragraphe de l’exposé sommaire qui préconise de ne pas retenir comme référence l’année 2020. La référence à l’année 2020 aurait privé l’abattement de tout effet pratique pour les artistes-auteurs·trices les plus impacté·es par la crise et donc n’aurait pas atteint l’objectif visé de venir en aide aux artistes-auteurs·trices qui auront subi les plus fortes baisses de revenus en 2020.

­► Le deuxième paragraphe précise : « Il est également apparu nécessaire d’adapter les tranches de rémunération afin de minimiser les effets de seuils et de s’assurer que l’aide apportée bénéficie aux artistes-auteurs les plus touchés dont l’activité artistique constituait bien une activité suffisamment significative en 2019. »

La modification des tranches réduit un peu les effets de seuil sans toutefois les supprimer.

Nous observons que le critère « d’activité suffisamment significative » n’est nullement invoqué pour les autres travailleurs non-salariés.

Dans la présentation générale du PLFR 3, le gouvernement a exprimé la crainte d’un effet d’aubaine pour les artistes-auteurs « qui ont une activité principale (salariés ou fonctionnaires le plus souvent) en plus de leurs activités artistiques ». Il a également pointé « l’hétérogénéité de profils et de niveaux de revenus » du secteur de la création et noté qu’il « n’est pas envisageable de mettre en place un critère de niveau d’activité sur les années antérieures ou un critère d’activité exclusivement artistique pour exclure les artistes-auteurs par ailleurs salariés ou fonctionnaires, du fait de l’absence de données connues sur la nature des revenus antérieurs ».

Les artistes-auteurs·trices ont tous la même activité économique : la conception et la création d’œuvres originales. La population des micro-entrepreneurs, par exemple, est infiniment plus hétérogène que celle des artistes-auteurs·trices, nombre d’entre eux cumulent divers statuts (salarié, etc.) et leur activité économique n’est pas toujours particulièrement « significative » or, tous sans exception bénéficient d’une réduction de cotisation.

Nous sommes par ailleurs les premiers à regretter la carence de données relatives aux profils socio-économiques des artistes-auteurs·trices et à appeler de nos vœux depuis longtemps la création d’un observatoire. Cette carence n’est pas imputable aux artistes-auteurs·trices eux-mêmes et ne peut avoir pour conséquence d’exclure aujourd’hui des professionnels non salariés dont les revenus ont été faibles en 2019.

► Le troisième paragraphe pose tout particulièrement problème : « Pour apprécier le caractère d’activité suffisamment significative le Gouvernement a retenu le seuil de 3 000 euros de revenus en 2019 qui correspond au seuil qui ouvre droit à la formation professionnelle (AFDAS). »

Tout d’abord, nous nous étonnons fortement que l’exposé sommaire affirme que « le seuil de 3 000 € de revenus… correspond au seuil qui ouvre droit à la formation professionnelle (AFDAS) » alors que l’ouverture du droit à la formation professionnelle n’est nullement fondée sur un seuil de revenu annuel à 3 000 €, mais sur des chiffres d’affaires cumulés (9 000 € sur 3 ans, 12 000 € sur 4 ans et 15 000 € sur 5 ans).

Un seuil minimum de « revenu artistique » est d’autant moins opératoire que l’évaluation de l’activité de tout acteur économique ne se mesure pas à son bénéfice mais à son chiffre d’affaires. Exclure de l’aide au paiement des cotisations les artistes-auteurs·trices dont le bénéfice est faible en 2019 en raison du niveau de leurs dépenses professionnelles serait particulièrement aberrant.

Par ailleurs, l’introduction comme critère d’un seuil minimal de revenu annuel ne permet nullement d’atteindre l’objectif visé par le gouvernement. Par exemple, un homme politique, un sportif de haut niveau ou n’importe quelle personnalité connue peut aisément avoir écrit un bestseller qui lui rapporte en 2019 un revenu complémentaire supérieur au seuil, pourtant son « activité artistique » — ni habituelle, ni constante n’est nullement « significative ». Inversement, un·e artiste-auteur·trice dont l’activité artistique est exercée à titre habituel, constant et dans un but lucratif — donc à titre professionnel selon les critères de l’administration fiscale — peut aisément avoir consacré son année 2019 à créer des œuvres sans en avoir tiré un bénéfice supérieur au seuil.

La déconnexion entre le travail effectué et l’éventuelle rémunération qui en résulte est la principale spécificité de la création artistique.

Ainsi, le critère retenu par le gouvernement est déconnecté de la réalité et de la spécificité des conditions d’exercice professionnel des artistes-auteurs·trices. Ce critère exclurait de fait de nombreux professionnels de la création artistique lourdement impactés par crise, et ce, sous couvert de ne pas vouloir viser les artistes-auteurs dont l’activité créatrice est marginale, alors que la puissance publique elle-même n’est pas en capacité de les discerner, faute d’observatoire du secteur de la création et de connaissance des profils socio-économiques des artistes-auteurs.

Autrement dit, en l’état du texte, les écueils seraient pleinement atteints, contrairement aux objectifs…

Notes