Formulaires papier – fonds de solidarité

Vous le savez : la date limite de dépôt des demandes au titre du fonds de solidarité pour les mois de juillet à novembre 2020 a été repoussée, pour les artistes-auteurs, au 28 février 2021.

Nous vous informons qu’à titre exceptionnel, la procédure de demande s’effectuera par le biais de formulaires “papier” pour l’ensemble des artistes-auteurs, à l’exception des demandes au titre des pertes de novembre qui seront à effectuer en ligne sur le site impots.gouv.fr selon la procédure habituelle.

Voici les formulaires de demande pour les artistes-auteurs avec ou sans numéro de SIRET pour les mois de juillet, août, septembre et octobre :

Ils sont aussi disponibles auprès de vos services des impôts des entreprises (SIE) ou encore via votre espace particulier sur le site impots.gouv.fr, en en faisant la demande à partir de votre messagerie sécurisée.

Ces formulaires, une fois remplis, devront être adressés sous format papier aux services des impôts des entreprises (SIE).

Questionnaire de satisfaction sur le passage à l’Urssaf

Le passage à l’URSSAF est effectif depuis une année.

La Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse a mis au point un questionnaire que nous souhaiterions adresser également aux adhérent(e)s de la Ligue afin de connaître votre appréciation de cette transition.

Nous vous proposons de répondre à trois questions en 5 minutes : vos réponses seront extrêmement utiles et permettront de communiquer des données chiffrées au ministère de la Culture et à l’Urssaf.

L’objectif est de ne pas relâcher les efforts fournis pour la prise en compte de tous les dysfonctionnements rencontrés par les artistes-auteurs et autrices, et leur résolution.

Merci de votre aide et de votre participation !

Fonds de solidarité : des nouvelles !

Depuis le début de la crise sanitaire du Coronavirus COVID-19, l’État et les Régions ont mis en place un fonds de solidarité pour prévenir la cessation d’activité des petites entreprises, micro-entrepreneurs, indépendants et professions libérales, particulièrement touchés par les conséquences économiques du Covid-19. La Ligue des auteurs professionnels vous informe que deux nouveaux décrets relatifs au fonds de solidarité ont été récemment publiés.

Le décret n° 2020-1620 du 19 décembre 2020 définit les conditions d’éligibilité pour l’aide au titre du mois de décembre.

Si vous avez subi une perte de plus de 50 % de votre chiffre d’affaires, l’aide du fonds de solidarité peut aller jusqu’à 1 500 €. Si vous avez bénéficié d’indemnités journalières de sécurité sociale ou d’une pension, le montant de la subvention accordée est réduit du montant des indemnités journalières perçues ou à percevoir au titre du mois de décembre 2020.

Le décret n° 2020-1770 du 30 décembre 2020 reporte la date limite de dépôt d’une demande au 28 février 2021 pour les mois de septembre, octobre et novembre 2020.

Pour rappel, les artistes-auteurs déclarant leurs revenus en BNC peuvent faire leur demande au lien suivant, dans leur espace particulier, et ce, depuis le 20 novembre au titre du mois d’octobre et depuis le 4 décembre au titre du mois de novembre.

Pour les artistes-auteurs déclarant leurs revenus en Traitements et salaires, le formulaire au titre du mois d’octobre a été mis en ligne le 9 décembre au lien suivant. Le formulaire au titre du mois de novembre sera quant à lui publié prochainement.

L’opportunité d’encadrer la commande : contributions de la Ligue

Le rapport Racine a attesté la dégradation des conditions sociales et économiques de l’ensemble des auteurs et autrices. Parmi les solutions proposées, il suggérait de « conforter l’artiste-auteur au niveau individuel, en mettant à l’étude sans délai la définition d’un contrat de commande prenant en compte le travail de création ».

Suite aux orientations de l’ancien ministre de la Culture Franck Riester présentées le 18 février 2020, le président du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, Olivier Japiot, a confié au professeur des universités Pierre Sirinelli une mission afin de déterminer l’opportunité d’encadrer le contrat de commande et d’améliorer la rémunération des auteurs et autrices pour le temps de travail lié à leur activité créatrice.

Auditionnée à deux reprises par la mission Sirinelli/Dormont, la Ligue a notamment expliqué que la commande était très minorée ou maquillée dans le domaine du livre, parce qu’une telle pratique contrevient à une représentation romantique des auteurs et autrices. Pourtant, au vu de vos nombreux témoignages, nous savons que la commande littéraire et artistique est très répandue, et même largement majoritaire dans certains domaines du livre (BD, jeunesse). Or, le fait qu’elle ne soit absolument pas encadrée de manière à protéger spécifiquement les auteurs et autrices dans leurs relations de travail constitue un vrai problème pour notre profession.

Il faudrait simplement admettre que les pratiques éditoriales actuelles ont évolué, que l’industrie du livre a drastiquement changé depuis 50 ans. En appréhendant la commande dans la diversité de ses figures, nous pourrions parvenir à la constitution d’un droit plus protecteur pour les auteurs et autrices durant la phase de création.

La Ligue a remis deux études afin de montrer l’urgence qu’il y a à encadrer nos conditions de travail lorsque nous sommes sollicités par des commanditaires pour réaliser des œuvres de l’esprit. Des propositions qui ne remettent en aucun cas en cause le droit d’auteur, comme on a pu l’entendre, mais bien qui permettent d’enfin distinguer le temps de la création (amont) du temps de l’exploitation (aval).

Les auteurs et autrices, habitués à être depuis trop longtemps les variables d’ajustement de l’économie de la culture, doivent enfin être reconnus en tant que travailleurs indépendants, titulaires de droit de la propriété intellectuelle, mais aussi confrontés à des problématiques professionnelles.

Pour la création du Centre national des artistes-auteurs

Avec 17 autres organisations professionnelles, la Ligue demande la création d’un Centre national des artistes-auteurs.
Communiqué intersyndical du 1er novembre 2020

Pour la création du Centre national des artistes-auteurs dédié à tous les métiers de la création

« La mission sur “L’auteur et l’acte de création”, mise en place par le Gouvernement le 9 avril 2019 et dirigée par M. Bruno Racine, a reçu de nombreux professionnels du domaine des arts visuels, de la musique, du livre, du théâtre et de l’audiovisuel. M. Bruno Racine a rendu fin 2019 son rapport, dont un certain nombre de préconisations ont été reprises dans le plan artistes-auteurs annoncé le 18 février 2020. Ce plan s’articule autour de trois axes : – garantir et développer les droits sociaux fondamentaux ; – accompagner l’évolution des modèles et garantir les droits économiques des artistes-auteurs, – donner aux artistes-auteurs les moyens d’être mieux représentés et associés aux réflexions et négociations sociales qui les concernent. La crise sanitaire de la Covid-19 a affecté les artistes-auteurs qui ont été particulièrement touchés dans leur activité quotidienne de création, ce qui a engendré pour certains une situation économique critique…»

Réponse du Ministère de la culture publiée dans le JO Sénat du 15/10/2020

 

La crise sanitaire a mis en évidence l’absence d’opérateur public capable de gérer les artistes-auteurs ainsi que le déficit de connaissance et d’identification du secteur de la création.

Les artistes-auteurs sont dans l’angle mort des politiques publiques depuis des décennies.

Aujourd’hui, seule l’institution d’un Centre national des artistes-auteurs — établissement public à caractère administratif — peut permettre de mettre en œuvre certaines préconisations fondamentales du rapport Racine, notamment :

  • Un observatoire « afin de mettre en œuvre un suivi statistique et qualitatif affiné et fiable » des divers métiers des artistes-auteurs (préconisation n° 11 du Rapport Racine). Nul ne peut gérer correctement une population qu’il méconnaît, tant dans sa globalité que dans ses particularités professionnelles. Comment sécuriser socialement une population sans se donner les moyens de l’observer ?
  • Un portail d’information sur tous les aspects de l’exercice professionnel des artistes-auteurs qui « facilite l’accès aux règles applicables aux artistes-auteurs », règles communes mais actuellement largement méconnues tant des artistes-auteurs et de leurs partenaires économiques que des administrations publiques elles-mêmes (préconisation n° 14). L’expérience montre que seul un référent national serait à même de répondre aux innombrables difficultés que rencontrent les artistes-auteurs et leurs diffuseurs au quotidien.
  • Un service de médiation pour aider à « dénouer les litiges individuels opposant des artistes-auteurs aux acteurs de l’aval (éditeurs, producteurs, diffuseurs) » (préconisation n° 6). L’absence d’un tel service organisé est fortement préjudiciable aux artistes-auteurs.
  • Un pôle de « négociations collectives sur tout sujet intéressant la condition des artistes-auteurs ainsi que leurs relations avec les exploitants des œuvres » (préconisation n° 7). L’existence d’une institution qui organise le dialogue social entre les syndicats et associations professionnels des artistes-auteurs avec les représentants des divers circuits de diffusion est indispensable pour favoriser le développement d’accords collectifs qui pourraient être rendus obligatoires à l’ensemble des intéressés par arrêté du ministre chargé de la Culture.
  • Un service dédié aux « facteurs d’inégalités parmi les artistes-auteurs, selon l’origine sociale, géographique, ou le sexe, et chargé de mettre en place des mesures adaptées pour en neutraliser les effets » (préconisation n° 19).
  • Un fonds de soutien à la création qui permettra « d’accroître par redéploiement la part des aides accordées directement aux artistes-auteurs dans l’ensemble des aides publiques allouées à la culture » (préconisation n° 12).
  • Un fonds d’aide d’urgence et de solidarité. La crise sanitaire va produire ses effets catastrophiques sur plusieurs années pour le secteur culturel en général et pour les artistes-auteurs en particulier. Il importe désormais de prévoir le guichet unique qui a cruellement fait défaut au début de la crise sanitaire et qui, à l’avenir, permettra d’aider spécifiquement les artistes-auteurs à maintenir leur activité économique et à survivre.

En regard de l’état des lieux catastrophique du secteur de la création et du déficit de gestion publique des artistes-auteurs depuis des décennies, la réponse politique adéquate ne peut plus être l’annonce de quelques mesures ponctuelles.

Les difficultés administratives, sociales et économiques des artistes-auteurs sont systémiques. Le mal doit être pris à la racine. La mesure doit être historique. L’ampleur des problèmes constatés et leur récurrence impliquent aujourd’hui de doter le secteur de la création d’un opérateur dédié qui portera la politique publique pour tous les métiers des artistes-auteurs.

Communiqué commun des représentants des artistes-auteurs :

  • AdaBD Association des Auteurs de Bandes Dessinées
  • AICA France Association Internationale des Critiques d’Art
  • CAAP Comité Pluridisciplinaire des Artistes-Auteur·trices
  • CEA Commissaires d’Exposition Associés
  • Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse
  • CLAP Comité de Liaison et d’Action pour la Photographie
  • EGBD Etats Généraux de la Bande Dessinée
  • Ligue des auteurs professionnels
  • SELF Syndicat des Ecrivains de Langue Française
  • SMC Syndicat français des compositrices et compositeurs de musique contemporaine
  • SMdA-CFDT Syndicat Solidarité Maison des Artistes CFDT
  • SNAA-FO Syndicat National des Artistes-Auteurs FO
  • SNAP-CGT Syndicat National des Artistes Plasticiens CGT
  • SNP Syndicat National des Photographes
  • SNSP Syndicat National des Sculpteurs et Plasticiens
  • UNPI Union Nationale des Peintres Illustrateurs
  • USOPAVE Union des Syndicats et Organisations Professionnels des Arts Visuels et de l’Ecrit.

Préserver l’ensemble des métiers du livre

La Ligue prend acte des mesures sanitaires prises par le gouvernement, dans le but d’endiguer l’actuelle pandémie qui nous concerne toutes et tous. Protéger les vies humaines est évidemment une priorité. Si le chiffre d’affaire global de l’édition a montré des résultats positifs malgré cette année 2020 complexe, ce sont les acteurs les plus fragiles de la chaîne du livre qui se sont en revanche retrouvés profondément éprouvés. Maisons d’édition indépendantes, librairies de premier niveau, jeunes diplômés, et bien sûr auteurs et autrices… À ce titre, la Ligue alerte les pouvoirs publics. Le secteur de la culture, comme tous les secteurs économiques, inclut des acteurs dominants et d’autres bien plus fragiles. Le tissu de l’économie du livre est très divers mais une certitude demeure : l’ensemble de la chaîne du livre est aujourd’hui mobilisée, craignant à raison les impacts économiques et sociaux sur le court et moyen terme pour ses travailleurs. Pour ce qui concerne les auteurs et autrices, la fermeture des librairies a des effets dévastateurs. Ce sont des années de travail envolées, la durée de vie des livres étant aujourd’hui très limitée et les chances de les voir de nouveau exploités minces. Également, nombreux sont les auteurs et autrices à ne pas comprendre la cohérence des mesures appliquées : certains commerces vendant des livres sont ouverts, d’autres fermés.

Pour finir, ce nouveau confinement aura des impacts économiques et sociaux sur l’ensemble des artistes-auteurs du pays. Population déjà profondément malmenée, cela nécessite aujourd’hui un plan d’urgence ambitieux en adéquation avec la gravité de la situation. Nous demandons solennellement au gouvernement de prendre toutes les mesures pour préserver l’ensemble des métiers du livre, et plus généralement de la culture. Cela demande de déployer des moyens sans précédents, à la hauteur des défis auxquels nous devons faire face.

Compte-rendu : plénière du 13 octobre 2020

En février dernier paraissait le Rapport Racine, et avec lui la promesse d’un plan artistes-auteurs ambitieux pour sortir nos professions de l’angle mort des politiques culturelles. Cette analyse de 140 pages, fruit de longs mois d’auditions et de travaux d’experts, pointe la non représentativité des artistes-auteurs comme la source systémique des graves problèmes que nous rencontrons. Absence d’un statut clair, non recours sociaux, réformes chaotiques et non concertées, faiblesse face aux exploitants de nos œuvres… La non reconnaissance de notre profession se traduit par un dialogue social déstructuré et peu efficace, où le droit commun est absent. A la lumière de ces enjeux, les réunions de travail promises par le ministère de la Culture sur la notion de représentativité sont d’importance.

Compte rendu de la réunion du 12 octobre 2020 – réunion plénière “restitution des travaux”

Ordre du jour du ministère :

  • Restitution et synthèse des débats
  • Proposition d’agenda pour les travaux à venir

Organisations présentes :

Dans l’attente des listes complètes communiquées par le ministère de la Culture sur la composition des groupes de travail.

Une restitution encore parcellaire

La réunion plénière du mardi 13 octobre fait suite à l’organisation par le ministère de la Culture de cinq première sessions (séance “Livre” du 24 septembre, séance “Cinéma-Audiovisuel” du 25 septembre, séance “Arts graphiques et plastiques” du 29 septembre, séance “Photographie” du 1er octobre et séance Musique et spectacle vivant du 8 octobre).

La réunion plénière s’est déroulée sous forme de powerpoint, comme la restitution et la synthèse des débats ayant eu lieu durant les réunions précédentes. À l’origine, ces groupes de travail devaient être consacrés à l’épineuse question de la représentativité, épicentre du rapport Bruno Racine. L’ordre du jour a été bousculé pour y intégrer d’autres questions en rapport avec le régime des artistes-auteurs. Urssaf, non recours sociaux, question de la “répartition de la valeur”… ces autres problématiques essentielles mais connues de longues dates des services des ministères ont donc été une nouvelle fois abordées. Néanmoins, la restitution qui a été présentée est encore parcellaire : le ministère insiste sur le fait qu’elle est amenée à être modifiée et stabilisée. Néanmoins à ce jour, nous n’avons toujours aucune liste de l’ensemble des organisations conviées à des concertations sur l’avenir des artistes-auteurs et donc invitées à parler en leur non. De même, les discussions ayant eu lieu à bâton rompu, nous n’avons aucun document écrit récapitulant les positions des différentes organisations sur les sujets d’une importance cruciale pour l’avenir des artistes-auteurs sur lesquels il nous a été demandé de nous positionner. En ces temps où la représentativité est questionnée, le préalable devrait être une complète transparence à l’égard des 270 000 artistes-auteurs en France afin que chacun puisse prendre connaissance des discussions en cours.

Une volonté de réparer au plus vite les défaillances administratives

La réunion plénière a été introduite par la présentation de conclusions. Selon les représentants du ministère de la Culture, il ressortirait des groupes de travail trois urgences décelées et deux priorités de “moyen terme” qui feraient l’unanimité des participants ; et une question de la représentativité qui, contrairement aux points précédents, ne ferait pas consensus parmi les organisations.

A court terme, la volonté du ministère est de :

  • Soulever la question du prolongement du fonds de solidarité jusqu’en 2021.
  • Effectuer un travail de recensement des dysfonctionnements des difficultés liées à la transition des compétences vers l’Urssaf Limousin.
  • Faire de l’accès réel aux droits sociaux une priorité politique.

La Ligue a pu exprimer une satisfaction à propos de ces trois premiers points, car en tant que lanceur d’alerte, elle met à l’index les problèmes d’information et de traitement de la demande sociale activement depuis 2 ans. Ces problèmes sont portés depuis longtemps par ses organisations fondatrices, la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse et les Etats Généraux de la BD. La Ligue se bat au quotidien pour que le problème majeur du non-recours aux droits sociaux – particulièrement fort chez les auteurs et autrices – soit enfin traité par les pouvoirs publics. Nos documents de travail notamment le résultat de notre 3e atelier du Hackaton 2020 ont été adressés aux représentants du ministère pour que ces dysfonctionnements soient réglés dans les meilleurs délais.

L’opportunité du contrat de commande discutée

Les représentants du ministère de la Culture ont posé que la question du contrat de commande était une priorité de moyen terme.

Le contrat de commande ne peut pas être considéré une priorité de moyen terme. Le Président a annoncé un plan de commandes publiques, qui est en cours d’élaboration. Aussi faudra-t-il être en mesure d’encadrer juridiquement et en terme de rémunération l’ensemble de ces commandes lorsque celles-ci seront réalisées.

La fiscalité : l’un des morceaux manquant du puzzle du statut

Le ministère a ensuite exprimé le souhait de simplifier le régime fiscal en harmonisant notamment les règles de droit relatives à la TVA. La volonté d’harmoniser et de simplifier, par la même occasion, les règles fiscales est pleinement partagée par la Ligue des auteurs professionnels.

Le pot de terre contre le pot de fer

Le ministère a ensuite exprimé le souhait de poursuivre les accords sectoriels actuels pour améliorer les rémunérations des auteurs et autrices et a alors listé – “par secteur” – un calendrier provisoire :

  • Renégociation des accords du “secteur du livre” datant de 2014
  • Mise en oeuvre des accords du “secteur de la musique” de 2017
  • Finalisation d’un charte dans le “secteur du théâtre”
  • Négociation d’accords sur les droits de représentation et sur la commande publique dans le “secteur des arts graphiques et plastiques”
  • Négociation de la question de la rémunération proportionnelle et minimale dans le “secteur du Cinéma et de l’audiovisuel”.

Aujourd’hui, les accords de 2014 dans le livre n’ont en rien amélioré la rémunération des auteurs et autrices. Au contraire, entériner la pratique de l’avance sur droit, qui n’avait pourtant aucune réalité juridique, a laissé une porte ouverte aux éditeurs pour faire disparaître les rémunérations en fixe, notamment dans le secteur de la BD. Les pratiques contractuelles ont également évolué : aujourd’hui, la commande est devenue une réalité quotidienne, de façon déguisée dans des contrats de cession hybride. La question n’est donc pas de poursuivre les discussions en cours mais bien de mettre en place un système de négociation collective permettant enfin de fixer des minimums de rémunération, afin de sécuriser enfin des professions en train de s’effondrer. Nous rappelons que le rapport Bruno Racine fait état d’une dégradation des rémunérations des artistes-auteurs : autrement dit, il y a une nécessité de changer la stratégie actuelle de la négociation collective afin de renforcer cette dernière.

Une méthode de travail illogique au regard du droit de la représentation collective

La Ligue des auteurs professionnels a contesté la méthodologie employée par le ministère à propos des futures négociations “sectorielles”. La Ligue a en ce sens remis en cause la méthode consistant à aller sur le terrain de la négociation collective, sans clarifier d’abord la légitimité des négociateurs. Aujourd’hui, la vague de colère qui saisit les auteurs et autrices du livre depuis des années est liée à la dégradation rapide de leurs conditions de création. L’écosystème en l’état ne permet pas de rééquilibrer les rapports de force entre auteurs et éditeurs. Tout d’abord, le Conseil Permanent des Ecrivains n’a pas la légitimité pour négocier des accords au nom de tous les auteurs et autrices du livre, ne rassemblant pas l’ensemble des organisations professionnelles d’auteurs et d’autrices et mélangeant des structures différentes défendant des intérêts différents. Ensuite, le rapport Racine fait état de l’asymétrie profonde entre les organisations professionnelles d’auteurs et autrices et le Syndicat National de l’Édition. Faute de renforcement des moyens des organisations représentatives des artistes-auteurs, le pot de terre contre le pot de fer continuera. Des auteurs et autrices bénévoles s’épuisent dans des négociations collectives face à un syndicat qui lui est équipé de moyens financiers conséquents et d’outils de lobbying puissants. Ce qui est valable pour le “secteur du livre” l’est dans d’autres secteurs. Enfin, faute d’un encadrement de la négociation collective par l’État, il n’y a aujourd’hui aucune contrainte pour aboutir à des résultats concrets en faveur des artistes-auteurs, pour rééquilibrer ce qui est aujourd’hui un déséquilibre qui détruit nos métiers. La Ligue a rappelé que la question de la représentativité et de la représentation collective était un préalable indispensable à toute négociation collective. Si les signataires ne sont pas représentatifs, leur donner la possibilité de négocier au nom d’une profession qu’ils n’ont pas la légitimité à représenter, doit être questionnée.

La Ligue affirme que la négociation collective est indispensable pour renforcer l’équilibre contractuel, c’est pour cela qu’une professionnalisation de la négociation collective selon le droit commun est essentielle. Pour des auteurs et autrices souvent considérés comme parties faibles du contrat, la Ligue demande la mise en place d’une instance transversale artistes-auteurs qui permettrait de contraindre les diffuseurs des œuvres. Cette instance transversale artistes-auteurs pourrait bien entendu être divisée par secteurs économiques et affinée par métiers, mais permettrait enfin d’avoir une vision d’ensemble des problématiques de tous les créateurs et créatrices, unies par un même code de la propriété intellectuelle et un même régime social.

La négociation collective intervient lorsque les négociateurs ont été déterminés selon des critères de représentativité. Elle doit intervenir avec un droit à la représentation collective reconnu aux artistes-auteurs. C’est la raison pour laquelle il y a urgence à traiter la question de la représentativité des auteurs et autrices en France, et pourtant cette urgence est contestée par certaines organisations.

Des réunions de travail révélatrices du problème majeur de la représentativité.

La question de la représentation des artistes-auteurs a ensuite été posée. Le ministère à l’issue des cinq premières séances de réflexion a posé que :

  • “Pour la majorité des organisations, l’urgence porte sur une amélioration de leurs rémunérations et sur les perspectives d’évolution du régime social des artistes-auteurs, ce qui suppose notamment d’apporter de nouvelles garanties à leurs relations avec les différents diffuseurs à travail la signature d’accords professionnels”.
  • Pour certaines organisations, le travail de fond sur la représentativité des artistes-auteurs devrait constituer un condition forte à toute politique publique efficace, ce qui suppose de s’interroger sur l’identité professionnelle des artistes-auteurs et la création d’un statut spécifique, transcendant les secteurs ou les modes de diffusion. Pour ces organisations, la reconnaissance du “statut” passe d’abord par la représentation syndicales et les droits associés à cette qualification pour les organisations qualifiées de représentatives”.

La Ligue a formulé une critique forte à l’égard de la méthodologie employée par le ministère de la Culture. Le sujet de la représentativité a été présentée aux organisations comme en opposition à d’autres urgences, comme s’il fallait choisir une liste de priorités et qu’aucun chantier n’était possible simultanément. Dans la formulation, l’utilisation de la notion de “majorité” semble vouloir indiquer que la problématique de la représentativité ne serait finalement soulevée que par une minorité et devrait être d’office écartée des sujets à traiter.

La Ligue s’oppose fermement à cette méthodologie utilisée : un calcul aurait été réalisé “en fonction du nombre d’organisations qui auraient exprimé leur faveur ou défaveur à l’égard du sujet de la représentation”.

  • D’une part, la Ligue rappelle que lors des concertations, nombreuses organisations n’interviennent pas oralement. Il est donc impossible de déduire de leur silence qu’elles sont pour ou contre le fait de prioriser la question de la représentativité. Aucun vote n’a été réalisé parmi les participants pour savoir si les organisations professionnelles veulent ou non prioriser la question de la représentativité.
  • D’autre part, la notion “d’organisation” n’est pas nette puisqu’elle enferme ici à la fois des associations et des syndicats professionnels d’artistes-auteurs ou de diffuseurs, mais également des organismes de gestion collective.

La Ligue constate que le sujet de la représentativité dérange au point qu’il soit envisagé de sortir du cadre légal commun à tous les travailleurs… Tandis qu’ils étaient auparavant élus, les représentants de nos organismes de gestion du régime social des artistes-auteurs seront bientôt désignés par les ministères sur la base de critères qui ne sont pas connus à ce jour.

Chaque travailleur a droit à une protection de ses intérêts professionnels, cela passe par la reconnaissance d’un statut professionnel et de droits à la représentation et à la négociation collective. Cela passe donc par l’attribution d’une capacité juridique à représenter les artistes-auteurs à la table des négociations collectives.

Dès lors, nul ne peut soutenir que la “signature d’accords ou les rapports avec les pouvoirs publics ne nécessitent pas une mesure de représentativité” sans porter gravement atteinte aux principes de la démocratie sociale.

Le périmètre d’intervention des organismes de gestion collective

Le périmètre d’intervention des organismes de gestion collective dans les concertations sur l’avenir des artistes-auteurs doit absolument être clarifié. Tout d’abord, les organismes de gestion collective sont des sociétés privées sous tutelle de l’Etat. Ensuite, les statuts des organismes de gestion collectives vont pour une grande majorité dans le sens d’une hiérarchie des membres par l’argent, lesquels ne peuvent accéder aux fonctions d’administration qu’à la condition de toucher un minimum de droits d’auteur. Par souci d’égalité, tous les auteurs et autrices doivent pouvoir participer à la table des négociations collectives quel qu’en soit leur revenu de rémunération. En outre, certains organismes de gestion sont composés d’auteurs et autrices, mais aussi d’éditeurs, ce qui les exclut d’office de toute fonction représentative des intérêts de notre profession pour des raisons évidentes de conflits d’intérêts. Il faut à tout prix trouver une articulation saine et légale des périmètres d’intervention entre les syndicats d’artistes-auteurs (rappelons qu’un syndicat peut avoir la forme juridique d’une association) et les organismes de gestion collective, pour lever toute confusion dans les intérêts défendus.

Pour la france, les artistes-auteurs travaillent-ils… ou non ?

Sans aucun fondement juridique, le représentant du ministère de la Culture a indiqué qu’il n’y avait aucune obligation législative constitutionnelle de limiter la représentativité aux syndicats. Il a été admis que la représentativité puisse être reconnue à des organisations qui poursuivent d’autres objets que celui de défendre les intérêts de la profession.

En outre, il a été posé que l’organisation d’élections professionnelles s’avère complexe et nécessite une longue instruction en amont, car il faudrait déterminer le corps électoral et identifier les artistes-auteurs professionnels en mettant en place des critères de professionnalité qui ne font pas consensus. A ce titre, la Ligue rappelle que durant la crise Covid, lorsqu’il est apparu nécessaire de soutenir en priorité les artistes-auteurs pour qui l’activité de création était dite “professionnelle”, chaque opérateur privé a conditionné des aides d’urgence à des critères très variés, qui ont conduit à écarter de nombreux créateurs des dispositifs d’aide d’urgence issus d’argent public. Egalement, le président de la République a annoncé une exonération de 4 mois pour les artistes-auteurs : en pratique, il a été décidé politiquement d’exclure du dispositif les artistes-auteurs gagnant moins de 3000 euros de revenus artistiques par an, pour aider en proprité les créateurs professionnalisés, selon un critère de professionnalité somme toute arbitraire. Autrement dit, en l’absence de critères, chaque acteur privé juge la professionnalité sans être soumis à la réflexion et à la discussion collective. Il est évident que la professionnalité des artistes-auteurs est un sujet majeur qui doit être clarifié une bonne fois pour toutes, puisque l’État lui-même destine une politique culturelle spécifique à une profession de créateurs et créatrices.

La Ligue des auteurs professionnels défend que le seul critère du revenu n’est pas suffisant pour appréhender la professionnalité d’un créateur. De fait, l’activité de création est singulière, et sa rémunération décorrélée du temps de travail. Il y en a d’autres à prendre en compte, et il est grand temps que la question soit traitée, car l’identification professionnelle est un prélude indispensable à la création d’un statut professionnel. En reculant encore, la ministère de la Culture met l’ensemble de notre communauté d’auteurs et autrices dans une situation juridique totalement instable.

Élections professionnelles ou enquête de représentativité ?

Malgré tout, une évidence semble ressortir : le fait que l’État va devoir d’une façon ou d’une autre conforter une représentativité légitime des artistes-auteurs, ne serait-ce que pour rétablir la gouvernance du régime de sécurité sociale des artistes-auteurs. Auparavant, c’étaient bien des élections professionnelles qui étaient organisées : nous demandons le rétablissement de ces élections pour toutes les raisons évoquées précédemment. Envisager l’enquête de représentativité comme la solution la plus rapide et la plus simple à mettre en oeuvre est très contestable. D’abord, parce qu’une telle enquête n’oblige aucune identification préalable de nos professions, identification qui est primordiale pour renforcer notre protection. Ensuite, l’enquête inquiète grandement lorsque par souci de rigueur et volonté de faire appliquer le droit, car il faut mettre en oeuvre des méthodes d’analyse incontestables. Or, face aux différentes méthodologies qui ont été suivies par le ministère de la Culture pour faire le bilan des cinq premières concertations, il y a de quoi craindre sérieusement que l’enquête soit réalisée selon des règles tout aussi discutables.

Conclusion : pour que rien ne change… ou un espoir ?

Le Rapport Racine a livré une analyse qui pousse inévitablement l’État à se positionner sur le fait d’amorcer ou non des changements efficaces et profonds en faveur des créateurs et créatrices, compte tenu de l’ampleur des dégâts pour nos professions. Cela oblige aussi l’État à faire face à un écosystème structuré profondément en défaveur des intérêts professionnels des créateurs et créatrices. Alors qu’un certain nombre de faits n’étaient pas encore reconnus il y a deux ans encore, il est devenu incontestable que la rémunération de l’ensemble des artistes-auteurs se dégrade depuis des décennies faute de régulation, que les artistes-auteurs n’ont pas accès à une représentativité structurée selon le droit commun, que notre régime de sécurité sociale a comporté des défaillances graves qui nous ont porté et nous portent encore préjudice, que la question d’identifier le corps professionnel des créateurs et créatrices ne pourra être éternellement repoussée si l’État veut mener une politique culturelle à destination de l’ensemble des professionnels de la culture. Evidemment, la Ligue a conscience que le Rapport Racine a mis simultanément sur la table un nombre très importants de problématiques toutes plus urgentes les unes que les autres à traiter, au regard d’une cinquantaine d’années de défaillances graves. La Ligue a également conscience de naviguer dans un système structuré de longue date. Mais le fait qu’un écosystème est structuré de longue date ne peut être une raison valable à ce que rien ne change. Depuis des décennies, les artistes-auteurs vivent des bricolages autant administratifs que juridiques. Cette situation n’est plus tenable.

Une question simple doit être posée : les artistes-auteurs, qui cotisent socialement comme des professionnels, travaillent-ils aux yeux du ministère de la Culture et plus généralement de la France ? Car, de fait, nous ne pouvons plus être considérés seulement comme des propriétaires d’œuvres de l’esprit. Nous sommes et des propriétaires d’œuvres de l’esprit et des individus qui travaillent.

Quelle sera la volonté de notre nouvelle ministre, Madame Roselyne Bachelot ? Conserver un système existant, qui a montré des failles graves pour nos professions, ou démarrer un chantier efficace et ambitieux ? Cette décision lui appartient en ayant en main tous les éléments et un paranoma clair des enjeux actuels. La rapport Racine a livré un travail d’envergure, objectif, nuancé, qui comporte de nombreuses mesures essentielles.

La ministre a annoncé dans Le Monde présenter en janvier 2021 son plan artistes-auteurs. Les créateurs et créatrices en attendent beaucoup, sans aucun doute. Mais une grande partie d’entre eux est aujourd’hui dans une précarité sociale et un désespoir qui doivent être regardés bien en face. Les choix politiques de début 2021 auront des conséquences cruciales sur l’avenir de nos professions.

Vous pouvez retrouver ici les contributions que la Ligue a fait parvenir au Ministère de la Culture :

Le contrat de commande : une bonne idée qui dérange

Actuellement, le Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique (CSPLA) étudie l’opportunité d’encadrer le contrat de commande pour les artistes-auteurs. Il s’agit de l’une des préconisations majeures du rapport Racine, dont vous pouvez retrouver une synthèse des mesures prioritaires pour de nombreuses organisations professionnelles ici.

On parle légalement de commande dans le cas où une œuvre n’existe pas encore et qu’un diffuseur ou un client (dans le cas du secteur du livre, un éditeur) sollicite un auteur pour la réalisation d’une œuvre de l’esprit en vue de procéder à son exploitation.

Étonnamment, l’encadrement de la commande suscite des réactions hostiles de la part d’organisations se revendiquant représenter les intérêts professionnels des artistes-auteurs. La Ligue des auteurs professionnels constate que le Conseil Permanent des Écrivains communique pour s’opposer à cette mesure. Le Conseil Permanent des Écrivains se revendique représentatif de l’ensemble des auteurs et autrices du livre et demande de poursuivre les négociations avec le Syndicat National de l’Édition au nom de tous les auteurs.

Les arguments développés par le Conseil Permanent des Écrivains contre le contrat de commande sont juridiquement infondés. Il est faux de dire que le contrat de commande est incompatible avec la liberté du créateur. De même, le fait de considérer que “rémunérer la commande entraînerait une cession de droit automatique” est la preuve d’un manque certain de connaissances des règles élémentaires du droit d’auteur. C’est nier un principe fondamental posé par le tout premier article du Code de la propriété intellectuelle (art. L. 111-1, CPI). Véritable pierre angulaire de tout le droit d’auteur, la titularité initiale de l’auteur n’a pas lieu d’être discutée au prétexte que l’œuvre lui est commandée. Dans bien d’autres secteurs culturels que le livre, des créateurs et créatrices cumulent une rémunération en amont (pendant l’acte de création) puis en aval (pendant l’exploitation). C’est le cas par exemple des journalistes, des photographes, des réalisateurs et réalisatrices, des architectes, des auteurs de spectacle vivants etc. Rappelons que c’était également le cas des auteurs et autrices de bande dessinée il y a encore quelques décennies.

Au sein du Code de la propriété intellectuelle, l’auteur est conçu comme partie faible au moment de l’exploitation de l’œuvre, c’est la raison pour laquelle un formalisme des contrats de cession existe, allant jusqu’à admettre l’annulation de la cession en cas de non-respect de ses règles. Pourquoi l’auteur n’est-il pas considéré comme une partie faible avant toute exploitation de l’œuvre, alors même qu’il est déjà lié à son exploitant ?

Certes, le Code civil prévoit effectivement un contrat de louage d’ouvrage, mais puisqu’il s’agit ici de droit commun des contrats, la spécificité de l’auteur, en tant que partie faible, est totalement niée, d’où l’intérêt de concevoir aussi l’auteur comme partie faible en amont et de prévoir un cadre juridique répondant à ses besoins de protection.

Face aux incompréhensions et aux fausses informations véhiculées sur le contrat de commande, il apparaît nécessaire que soit organisé un véritable débat entre experts pour rétablir certains fondamentaux du droit d’auteur.

Les arguments renvoyés par le Conseil Permanent des Écrivains sont les mêmes qui sont souvent développés par les diffuseurs des œuvres lorsque vient la question d’enfin reconnaître le travail créatif et de mettre en place des leviers légaux contraignants pour garantir une rémunération minimum.

Aujourd’hui, la confusion entre le travail de création et la cession des droits patrimoniaux a donné naissance à un contrat hybride qui a permis à l’industrie du livre d’invisibiliser l’acte de création. De même, la rémunération de l’à-valoir, avance sur droits amortissables, a paralysé la possibilité pour de nombreux auteurs et autrices de toucher des droits d’auteur sur l’exploitation de leurs œuvres. Si le partage de la valeur est un combat très important, ce dernier ne peut se faire au détriment de la reconnaissance du travail de création et de la protection sociale des individus qui exercent de véritables métiers au sein d’industries culturelles. De plus, le décret d’août 2020 reconnaît bien officiellement la conception d’œuvre, le cœur battant de notre activité, comme entrant dans le champ du régime artistes-auteurs. Fiscalement, socialement et juridiquement, nos revenus artistiques et de droits d’auteur doivent continuer à être harmonisés de façon conforme à notre régime, pour sortir des ambiguités administratives.

Pour finir, encadrer le contrat de commande pour les créateurs et créatrices est une véritable urgence. Le président de la République a annoncé un plan de commandes publiques pour les artistes-auteurs, qui est en cours d’élaboration. Non seulement le contrat de commande existe déjà, mais la commande est une pratique littéraire et artistique courante dans nos professions. La commande littéraire et artistique est fortement sollicitée par les institutions et les pouvoirs publics. Encore faut-il être en mesure d’encadrer juridiquement l’ensemble de ces contrats de commandes lorsque celles-ci seront réalisées, afin de protéger les intérêts des créateurs et créatrices. L’État doit être exemplaire en matière de rémunération et de conditions contractuelles pour les artistes-auteurs.

Non recours aux droits sociaux : résultats Hackaton 2020

La Ligue des auteurs professionnels est heureuse de proposer un dossier spécial pour aider tous les artistes-auteurs à repérer les bons interlocuteurs lorsqu’ils se consacrent professionnellement à leur activité de création. L’objectif est de lutter contre un phénomène particulièrement marqué dans le domaine de la création : le non-recours aux droits sociaux.

Les problèmes d’information et de traitement de la demande sociale soulèvent la question majeure du non-recours aux droits sociaux. On distingue traditionnellement deux formes de non-recours aux droits sociaux.

  • Soit les personnes éligibles ne demandent pas une prestation et donc ne la reçoivent pas.
  • Soit les personnes éligibles demandent une prestation, mais ne la reçoivent pas.

Différentes raisons expliquent ce phénomène : il s’agit d’un problème de non-connaissance du droit ou d’un problème de non-proposition (le droit n’étant pas “activé” par l’agent prestataire malgré l’éligibilité du demandeur) ou d’un découragement des éventuels bénéficiaires face à la complexité du dispositif à actionner. Ce problème fondamental invite à considérer le non-recours comme un indice du manque de légitimité des politiques publiques. Souvent les normes sont “hors sol”, car élaborées sans la contribution des usagers, ce qui participe à les rendre inapplicables.

Au delà de ces normes, c’est la structure hyper-sectorisée du régime social qui doit être remise en cause. Si les artistes-auteurs ont souvent des pratiques multi-créatives, ils sont appréhendés par le prisme de « branches » dans lesquelles ils sont souvent « enfermés ». Or, cette vision sectorielle constitue un obstacle majeur à la reconnaissance d’un statut professionnel unique et fort et elle multiplie à tort les dispositifs spécifiques allant parfois jusqu’à rompre l’égalité entre les artistes-auteurs ou desservir leurs accès à leurs droits élémentaires, en raison de complexités inutiles qui n’apportent pourtant pas une protection spécifique.

Cette approche sectorielle est basée sur l’idée discutable et pourtant répandue que l’écrivain n’a strictement rien à voir avec le sculpteur et le scénariste. Et à ce titre, la protection sociale des artistes-auteurs est très fragmentée : ils cotisent pour un régime social divisé en cinq branches professionnelles gérées – pour l’instant – par deux organismes agréés qui n’ont plus la compétence du recouvrement laquelle a été transférée à l’Urssaf Limousin. De plus, ils contribuent à une caisse de retraite complémentaire (l’IRCEC) laquelle gère trois régimes de retraite complémentaire (RACD, RAAP et RACL) ! En résumé, si nous ne nions pas les singularités propres à certains créateurs, cette approche sectorielle les divise au point de les priver d’une identité commune, d’un accès simple à leurs droits et d’un véritable statut professionnel.

En outre, cette multiplicité des organismes ne facilite pas la compréhension du régime. La dégradation depuis plusieurs années des conditions économiques et sociales et l’appauvrissement progressif des artistes-auteurs largement affaiblis par cette crise sanitaire doit inviter les instances à réfléchir à une réforme complète du régime pour que celui-ci soit facilement appréhendé par les artistes-auteurs.

Le présent dossier vise donc à renforcer la protection des intérêts professionnels des artistes-auteurs en apportant des outils pratiques pour les aider dans la mise en œuvre de leur protection sociale.

Chroniques juridiques de la Ligue n°2 : un contrat annulé pour cause d’invalidité

La Ligue des auteurs professionnels effectue une veille juridique constante des jurisprudences concernant les droits des auteurs et autrices. C’est une opportunité de vous présenter des affaires intéressantes et de rappeler des règles d’or en matière de droit, afin de mieux vous orienter dans l’écosystème éditorial. Ce second épisode nous permettra de revenir sur des règles fondamentales qui entourent le contrat d’édition.

Chroniques juridiques la ligue

Épisode 2

La validité du contrat d’édition

Le contrat d’édition doit prévoir
le nombre d’exemplaires minimum constituant le premier tirage
ou le versement d’un minimum garanti,
à défaut de quoi, il est nul !

(Temps de Lecture 5 minutes)

 

En 2017, une autrice a signé un contrat avec son éditeur pour une durée de 10 ans avec faculté de tacite reconduction. Elle lui cédait “le droit de reproduire, publier et exploiter l’oeuvre, sous forme imprimée et numérique”.

Deux ans plus tard, elle assigne son éditeur pour faire juger la cession de ses droits nulle et sans effet juridique et demande :

  • le retrait des œuvres sur tous sites marchands et établissements physiques à compter du jugement sous peine d’astreinte ;
  • la somme de 10000 euros au titre des dommages et intérêts ;
  • la publication du jugement sur le site de l’éditeur.

Pour convaincre les juges, l’autrice tente alors de démontrer que le contrat souffre d’un déséquilibre manifeste le privant ainsi de validité. Elle réunit alors un certain nombre d’indices :

  • une durée minimale de 10 ans, renouvelable par tacite reconduction ;
  • une cession exclusive de tous ses droits patrimoniaux d’auteur à l’éditeur, lequel disposait pour sa part de la faculté de céder à son tour lesdits droits sans autorisation préalable et écrite de l’auteur ;
  • un délai maximum de correction pour l’auteur des épreuves renvoyées par l’éditeur, fixé à une semaine ;
  • un engagement de l’auteur de proposer en priorité ses œuvres à venir à l’éditeur, sans limitation à un genre spécifique, pour une édition aux mêmes conditions que celles du contrat litigieux ;
  • un délai de préavis de résiliation imposé à l’auteur, fixé à 1 an ;
  • une absence d’engagement de l’éditeur relatif au nombre d’exemplaires imprimés
  • l’envoi d’un unique exemplaire gratuit à l’auteur ;
  • l’absence d’à-valoir au bénéfice de l’auteur.

Elle fait ensuite état des conditions difficiles dans lesquelles est intervenue la publication de son ouvrage :

  • les délais très courts de validation sollicités par l’éditeur ;
  • les fluctuations des dates de parutions annoncées, du fait de l’éditeur ;
  • le refus de l’éditeur de lui faire connaître la biographie qu’il allait rédiger d’elle ;
  • l’absence de réaction concrète de l’éditeur à la présence de son oeuvre sur deux sites de téléchargement illicites ;
  • l’absence de réponse à ses demandes successives relatives au nombre d’exemplaires vendus ;
  • l’absence d’un exemplaire, commandé par ses soins, dans le cadre de la reddition des comptes de mai 2018 ;
  • l’absence de remise de l’œuvre éditée à la gagnante d’un concours et la carence de l’éditeur relative à l’organisation d’autres concours.

Les juges accueillent sa demande et décident alors de l’annulation du contrat de cession. Leur décision est très intéressante, car elle est très pédagogique.

Ils rappellent d’abord une règle essentielle prévue par l’article L 132-10 du Code de la propriété intellectuelle : « Le contrat d’édition doit indiquer le nombre minimum d’exemplaires constituant le premier tirage. Toutefois, cette obligation ne s’applique pas aux contrats prévoyant un minimum de droits d’auteur garantis par l’éditeur. »

La rémunération de l’auteur constitue la contrepartie de la cession de ses droits donc l’absence d’un nombre minimum d’exemplaires ou d’un à-valoir constitue un cas de nullité du contrat. Les juges font observer que « l’à-valoir est un moyen pour l’auteur de vivre de son métier »…

Ils rappellent un usage professionnel qui établit que le montant de l’à-valoir versé par l’éditeur à l’auteur doit couvrir, au minimum, l’équivalent des droits d’auteurs dus sur la moitié du premier tirage, ou, en cas d’édition de poche, sur l’intégralité de ce tirage.

Enfin, ils soulignent que, compte tenu des spécificités de l’impression à la demande auprès des libraires, l’éditeur ne s’engage pas à imprimer un nombre minimum d’exemplaires… Dès lors faute d’à-valoir garanti, le contrat est nul.

Les juges signalent également d’autres anomalies au sein du contrat et notamment l’absence de mentions distinctes et spécifiques concernant l’édition numérique. En effet, ils rappellent que la nullité de la cession des droits numériques, visée par l’article L132-17-1 du Code de la propriété intellectuelle, est effectivement encourue compte tenu de l’absence de mentions distinctes au contrat concernant l’édition numérique. Enfin, ils remettent en cause la validité du pacte de préférence à défaut de limitation en genre et en nombres d’ouvrages !

 

La décision est au lien suivant : Tribunal de Lille. Le tribunal déclare alors nulle la cession et contrefaisante l’exploitation de l’œuvre en version imprimée et numérique, faute d’autorisation valable de l’autrice ;

Il condamne l’éditeur au retrait des œuvres sur tous sites marchands et établissements physiques, dans le délai de 45 jours à compter du jugement et sous peine d’astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard passé ce délai, pendant 3 mois ;

Il condamne l’éditeur à justifier, au moyen d’un document certifié par un expert-comptable, de l’état des ventes et des stocks de l’ouvrage.

Il condamne l’éditeur à payer à l’autrice, au titre de l’exploitation principale de l’ouvrage sous forme imprimée, le droit proportionnel progressif suivant, calculé sur le prix de vente public hors taxe (PPHT) de l’ouvrage :

  • 6 % du 1er au 100e exemplaire ;
  • 8% du 101e au 15 000e exemplaire ;
  • 10% au-delà ;

Sous forme numérique : 20% du prix de vente public hors taxe (PPHT) des e-books ;

Enfin, il condamne l’éditeur à payer à l’autrice la somme de 1000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de perte de chance et moral, augmentée des intérêts légaux à compter du présent jugement ;

 

Cette affaire est l’occasion de rappeler trois règles d’or aux auteurs et autrices :

Règle d’or n° 1 : Votre contrat d’édition ne sera valable que s’il précise soit le nombre d’exemplaires minimum constituant le premier tirage, soit un minimum garanti, autrement appelé “à-valoir”. Votre rémunération est considérée comme un élément déterminant de votre engagement. Aussi vous devez être capable de repérer cette cause classique d’annulation du contrat de cession.

Règle d’or 2 : Lorsque vous cédez vos droits pour l’édition d’un livre sous forme imprimée, cela n’implique pas simultanément une cession des droits pour l’édition du livre sous forme numérique. Depuis une ordonnance de 2014, l’art. L. 132-17-1 prévoit que les conditions relatives à la cession des droits sous une forme numérique doivent être déterminées dans une partie distincte du contrat, à peine de nullité de la cession de ces droits. Il apparaît plus équitable d’envisager distinctement les deux contrats. Imaginons que l’œuvre imprimée se soit bien vendue, alors vous serez plus fort au moment de la négociation de l’exploitation de l’œuvre sous forme numérique.

Règle n° 3 : Vous devez vérifier que votre droit de préférence est accordé de manière limitée. Par principe, retenez que vous n’avez pas le droit de céder globalement les droits sur vos œuvres futures ! Toutefois, le Code de la propriété intellectuelle prévoit une possibilité contractuelle d’accorder à l’éditeur une sorte de droit de préemption sur les œuvres que vous n’avez pas encore créées. Attention : vous pouvez accorder un droit de préférence à un éditeur, mais ce pacte de préférence doit être limité pour chaque genre à cinq ouvrages nouveaux à compter du jour de la signature du contrat pour la première œuvre ou pour un délai de cinq années à compter du même jour.