Préserver l’ensemble des métiers du livre

La Ligue prend acte des mesures sanitaires prises par le gouvernement, dans le but d’endiguer l’actuelle pandémie qui nous concerne toutes et tous. Protéger les vies humaines est évidemment une priorité. Si le chiffre d’affaire global de l’édition a montré des résultats positifs malgré cette année 2020 complexe, ce sont les acteurs les plus fragiles de la chaîne du livre qui se sont en revanche retrouvés profondément éprouvés. Maisons d’édition indépendantes, librairies de premier niveau, jeunes diplômés, et bien sûr auteurs et autrices… À ce titre, la Ligue alerte les pouvoirs publics. Le secteur de la culture, comme tous les secteurs économiques, inclut des acteurs dominants et d’autres bien plus fragiles. Le tissu de l’économie du livre est très divers mais une certitude demeure : l’ensemble de la chaîne du livre est aujourd’hui mobilisée, craignant à raison les impacts économiques et sociaux sur le court et moyen terme pour ses travailleurs. Pour ce qui concerne les auteurs et autrices, la fermeture des librairies a des effets dévastateurs. Ce sont des années de travail envolées, la durée de vie des livres étant aujourd’hui très limitée et les chances de les voir de nouveau exploités minces. Également, nombreux sont les auteurs et autrices à ne pas comprendre la cohérence des mesures appliquées : certains commerces vendant des livres sont ouverts, d’autres fermés.

Pour finir, ce nouveau confinement aura des impacts économiques et sociaux sur l’ensemble des artistes-auteurs du pays. Population déjà profondément malmenée, cela nécessite aujourd’hui un plan d’urgence ambitieux en adéquation avec la gravité de la situation. Nous demandons solennellement au gouvernement de prendre toutes les mesures pour préserver l’ensemble des métiers du livre, et plus généralement de la culture. Cela demande de déployer des moyens sans précédents, à la hauteur des défis auxquels nous devons faire face.

Compte-rendu : plénière du 13 octobre 2020

En février dernier paraissait le Rapport Racine, et avec lui la promesse d’un plan artistes-auteurs ambitieux pour sortir nos professions de l’angle mort des politiques culturelles. Cette analyse de 140 pages, fruit de longs mois d’auditions et de travaux d’experts, pointe la non représentativité des artistes-auteurs comme la source systémique des graves problèmes que nous rencontrons. Absence d’un statut clair, non recours sociaux, réformes chaotiques et non concertées, faiblesse face aux exploitants de nos œuvres… La non reconnaissance de notre profession se traduit par un dialogue social déstructuré et peu efficace, où le droit commun est absent. A la lumière de ces enjeux, les réunions de travail promises par le ministère de la Culture sur la notion de représentativité sont d’importance.

Compte rendu de la réunion du 12 octobre 2020 – réunion plénière “restitution des travaux”

Ordre du jour du ministère :

  • Restitution et synthèse des débats
  • Proposition d’agenda pour les travaux à venir

Organisations présentes :

Dans l’attente des listes complètes communiquées par le ministère de la Culture sur la composition des groupes de travail.

Une restitution encore parcellaire

La réunion plénière du mardi 13 octobre fait suite à l’organisation par le ministère de la Culture de cinq première sessions (séance “Livre” du 24 septembre, séance “Cinéma-Audiovisuel” du 25 septembre, séance “Arts graphiques et plastiques” du 29 septembre, séance “Photographie” du 1er octobre et séance Musique et spectacle vivant du 8 octobre).

La réunion plénière s’est déroulée sous forme de powerpoint, comme la restitution et la synthèse des débats ayant eu lieu durant les réunions précédentes. À l’origine, ces groupes de travail devaient être consacrés à l’épineuse question de la représentativité, épicentre du rapport Bruno Racine. L’ordre du jour a été bousculé pour y intégrer d’autres questions en rapport avec le régime des artistes-auteurs. Urssaf, non recours sociaux, question de la “répartition de la valeur”… ces autres problématiques essentielles mais connues de longues dates des services des ministères ont donc été une nouvelle fois abordées. Néanmoins, la restitution qui a été présentée est encore parcellaire : le ministère insiste sur le fait qu’elle est amenée à être modifiée et stabilisée. Néanmoins à ce jour, nous n’avons toujours aucune liste de l’ensemble des organisations conviées à des concertations sur l’avenir des artistes-auteurs et donc invitées à parler en leur non. De même, les discussions ayant eu lieu à bâton rompu, nous n’avons aucun document écrit récapitulant les positions des différentes organisations sur les sujets d’une importance cruciale pour l’avenir des artistes-auteurs sur lesquels il nous a été demandé de nous positionner. En ces temps où la représentativité est questionnée, le préalable devrait être une complète transparence à l’égard des 270 000 artistes-auteurs en France afin que chacun puisse prendre connaissance des discussions en cours.

Une volonté de réparer au plus vite les défaillances administratives

La réunion plénière a été introduite par la présentation de conclusions. Selon les représentants du ministère de la Culture, il ressortirait des groupes de travail trois urgences décelées et deux priorités de “moyen terme” qui feraient l’unanimité des participants ; et une question de la représentativité qui, contrairement aux points précédents, ne ferait pas consensus parmi les organisations.

A court terme, la volonté du ministère est de :

  • Soulever la question du prolongement du fonds de solidarité jusqu’en 2021.
  • Effectuer un travail de recensement des dysfonctionnements des difficultés liées à la transition des compétences vers l’Urssaf Limousin.
  • Faire de l’accès réel aux droits sociaux une priorité politique.

La Ligue a pu exprimer une satisfaction à propos de ces trois premiers points, car en tant que lanceur d’alerte, elle met à l’index les problèmes d’information et de traitement de la demande sociale activement depuis 2 ans. Ces problèmes sont portés depuis longtemps par ses organisations fondatrices, la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse et les Etats Généraux de la BD. La Ligue se bat au quotidien pour que le problème majeur du non-recours aux droits sociaux – particulièrement fort chez les auteurs et autrices – soit enfin traité par les pouvoirs publics. Nos documents de travail notamment le résultat de notre 3e atelier du Hackaton 2020 ont été adressés aux représentants du ministère pour que ces dysfonctionnements soient réglés dans les meilleurs délais.

L’opportunité du contrat de commande discutée

Les représentants du ministère de la Culture ont posé que la question du contrat de commande était une priorité de moyen terme.

Le contrat de commande ne peut pas être considéré une priorité de moyen terme. Le Président a annoncé un plan de commandes publiques, qui est en cours d’élaboration. Aussi faudra-t-il être en mesure d’encadrer juridiquement et en terme de rémunération l’ensemble de ces commandes lorsque celles-ci seront réalisées.

La fiscalité : l’un des morceaux manquant du puzzle du statut

Le ministère a ensuite exprimé le souhait de simplifier le régime fiscal en harmonisant notamment les règles de droit relatives à la TVA. La volonté d’harmoniser et de simplifier, par la même occasion, les règles fiscales est pleinement partagée par la Ligue des auteurs professionnels.

Le pot de terre contre le pot de fer

Le ministère a ensuite exprimé le souhait de poursuivre les accords sectoriels actuels pour améliorer les rémunérations des auteurs et autrices et a alors listé – “par secteur” – un calendrier provisoire :

  • Renégociation des accords du “secteur du livre” datant de 2014
  • Mise en oeuvre des accords du “secteur de la musique” de 2017
  • Finalisation d’un charte dans le “secteur du théâtre”
  • Négociation d’accords sur les droits de représentation et sur la commande publique dans le “secteur des arts graphiques et plastiques”
  • Négociation de la question de la rémunération proportionnelle et minimale dans le “secteur du Cinéma et de l’audiovisuel”.

Aujourd’hui, les accords de 2014 dans le livre n’ont en rien amélioré la rémunération des auteurs et autrices. Au contraire, entériner la pratique de l’avance sur droit, qui n’avait pourtant aucune réalité juridique, a laissé une porte ouverte aux éditeurs pour faire disparaître les rémunérations en fixe, notamment dans le secteur de la BD. Les pratiques contractuelles ont également évolué : aujourd’hui, la commande est devenue une réalité quotidienne, de façon déguisée dans des contrats de cession hybride. La question n’est donc pas de poursuivre les discussions en cours mais bien de mettre en place un système de négociation collective permettant enfin de fixer des minimums de rémunération, afin de sécuriser enfin des professions en train de s’effondrer. Nous rappelons que le rapport Bruno Racine fait état d’une dégradation des rémunérations des artistes-auteurs : autrement dit, il y a une nécessité de changer la stratégie actuelle de la négociation collective afin de renforcer cette dernière.

Une méthode de travail illogique au regard du droit de la représentation collective

La Ligue des auteurs professionnels a contesté la méthodologie employée par le ministère à propos des futures négociations “sectorielles”. La Ligue a en ce sens remis en cause la méthode consistant à aller sur le terrain de la négociation collective, sans clarifier d’abord la légitimité des négociateurs. Aujourd’hui, la vague de colère qui saisit les auteurs et autrices du livre depuis des années est liée à la dégradation rapide de leurs conditions de création. L’écosystème en l’état ne permet pas de rééquilibrer les rapports de force entre auteurs et éditeurs. Tout d’abord, le Conseil Permanent des Ecrivains n’a pas la légitimité pour négocier des accords au nom de tous les auteurs et autrices du livre, ne rassemblant pas l’ensemble des organisations professionnelles d’auteurs et d’autrices et mélangeant des structures différentes défendant des intérêts différents. Ensuite, le rapport Racine fait état de l’asymétrie profonde entre les organisations professionnelles d’auteurs et autrices et le Syndicat National de l’Édition. Faute de renforcement des moyens des organisations représentatives des artistes-auteurs, le pot de terre contre le pot de fer continuera. Des auteurs et autrices bénévoles s’épuisent dans des négociations collectives face à un syndicat qui lui est équipé de moyens financiers conséquents et d’outils de lobbying puissants. Ce qui est valable pour le “secteur du livre” l’est dans d’autres secteurs. Enfin, faute d’un encadrement de la négociation collective par l’État, il n’y a aujourd’hui aucune contrainte pour aboutir à des résultats concrets en faveur des artistes-auteurs, pour rééquilibrer ce qui est aujourd’hui un déséquilibre qui détruit nos métiers. La Ligue a rappelé que la question de la représentativité et de la représentation collective était un préalable indispensable à toute négociation collective. Si les signataires ne sont pas représentatifs, leur donner la possibilité de négocier au nom d’une profession qu’ils n’ont pas la légitimité à représenter, doit être questionnée.

La Ligue affirme que la négociation collective est indispensable pour renforcer l’équilibre contractuel, c’est pour cela qu’une professionnalisation de la négociation collective selon le droit commun est essentielle. Pour des auteurs et autrices souvent considérés comme parties faibles du contrat, la Ligue demande la mise en place d’une instance transversale artistes-auteurs qui permettrait de contraindre les diffuseurs des œuvres. Cette instance transversale artistes-auteurs pourrait bien entendu être divisée par secteurs économiques et affinée par métiers, mais permettrait enfin d’avoir une vision d’ensemble des problématiques de tous les créateurs et créatrices, unies par un même code de la propriété intellectuelle et un même régime social.

La négociation collective intervient lorsque les négociateurs ont été déterminés selon des critères de représentativité. Elle doit intervenir avec un droit à la représentation collective reconnu aux artistes-auteurs. C’est la raison pour laquelle il y a urgence à traiter la question de la représentativité des auteurs et autrices en France, et pourtant cette urgence est contestée par certaines organisations.

Des réunions de travail révélatrices du problème majeur de la représentativité.

La question de la représentation des artistes-auteurs a ensuite été posée. Le ministère à l’issue des cinq premières séances de réflexion a posé que :

  • “Pour la majorité des organisations, l’urgence porte sur une amélioration de leurs rémunérations et sur les perspectives d’évolution du régime social des artistes-auteurs, ce qui suppose notamment d’apporter de nouvelles garanties à leurs relations avec les différents diffuseurs à travail la signature d’accords professionnels”.
  • Pour certaines organisations, le travail de fond sur la représentativité des artistes-auteurs devrait constituer un condition forte à toute politique publique efficace, ce qui suppose de s’interroger sur l’identité professionnelle des artistes-auteurs et la création d’un statut spécifique, transcendant les secteurs ou les modes de diffusion. Pour ces organisations, la reconnaissance du “statut” passe d’abord par la représentation syndicales et les droits associés à cette qualification pour les organisations qualifiées de représentatives”.

La Ligue a formulé une critique forte à l’égard de la méthodologie employée par le ministère de la Culture. Le sujet de la représentativité a été présentée aux organisations comme en opposition à d’autres urgences, comme s’il fallait choisir une liste de priorités et qu’aucun chantier n’était possible simultanément. Dans la formulation, l’utilisation de la notion de “majorité” semble vouloir indiquer que la problématique de la représentativité ne serait finalement soulevée que par une minorité et devrait être d’office écartée des sujets à traiter.

La Ligue s’oppose fermement à cette méthodologie utilisée : un calcul aurait été réalisé “en fonction du nombre d’organisations qui auraient exprimé leur faveur ou défaveur à l’égard du sujet de la représentation”.

  • D’une part, la Ligue rappelle que lors des concertations, nombreuses organisations n’interviennent pas oralement. Il est donc impossible de déduire de leur silence qu’elles sont pour ou contre le fait de prioriser la question de la représentativité. Aucun vote n’a été réalisé parmi les participants pour savoir si les organisations professionnelles veulent ou non prioriser la question de la représentativité.
  • D’autre part, la notion “d’organisation” n’est pas nette puisqu’elle enferme ici à la fois des associations et des syndicats professionnels d’artistes-auteurs ou de diffuseurs, mais également des organismes de gestion collective.

La Ligue constate que le sujet de la représentativité dérange au point qu’il soit envisagé de sortir du cadre légal commun à tous les travailleurs… Tandis qu’ils étaient auparavant élus, les représentants de nos organismes de gestion du régime social des artistes-auteurs seront bientôt désignés par les ministères sur la base de critères qui ne sont pas connus à ce jour.

Chaque travailleur a droit à une protection de ses intérêts professionnels, cela passe par la reconnaissance d’un statut professionnel et de droits à la représentation et à la négociation collective. Cela passe donc par l’attribution d’une capacité juridique à représenter les artistes-auteurs à la table des négociations collectives.

Dès lors, nul ne peut soutenir que la “signature d’accords ou les rapports avec les pouvoirs publics ne nécessitent pas une mesure de représentativité” sans porter gravement atteinte aux principes de la démocratie sociale.

Le périmètre d’intervention des organismes de gestion collective

Le périmètre d’intervention des organismes de gestion collective dans les concertations sur l’avenir des artistes-auteurs doit absolument être clarifié. Tout d’abord, les organismes de gestion collective sont des sociétés privées sous tutelle de l’Etat. Ensuite, les statuts des organismes de gestion collectives vont pour une grande majorité dans le sens d’une hiérarchie des membres par l’argent, lesquels ne peuvent accéder aux fonctions d’administration qu’à la condition de toucher un minimum de droits d’auteur. Par souci d’égalité, tous les auteurs et autrices doivent pouvoir participer à la table des négociations collectives quel qu’en soit leur revenu de rémunération. En outre, certains organismes de gestion sont composés d’auteurs et autrices, mais aussi d’éditeurs, ce qui les exclut d’office de toute fonction représentative des intérêts de notre profession pour des raisons évidentes de conflits d’intérêts. Il faut à tout prix trouver une articulation saine et légale des périmètres d’intervention entre les syndicats d’artistes-auteurs (rappelons qu’un syndicat peut avoir la forme juridique d’une association) et les organismes de gestion collective, pour lever toute confusion dans les intérêts défendus.

Pour la france, les artistes-auteurs travaillent-ils… ou non ?

Sans aucun fondement juridique, le représentant du ministère de la Culture a indiqué qu’il n’y avait aucune obligation législative constitutionnelle de limiter la représentativité aux syndicats. Il a été admis que la représentativité puisse être reconnue à des organisations qui poursuivent d’autres objets que celui de défendre les intérêts de la profession.

En outre, il a été posé que l’organisation d’élections professionnelles s’avère complexe et nécessite une longue instruction en amont, car il faudrait déterminer le corps électoral et identifier les artistes-auteurs professionnels en mettant en place des critères de professionnalité qui ne font pas consensus. A ce titre, la Ligue rappelle que durant la crise Covid, lorsqu’il est apparu nécessaire de soutenir en priorité les artistes-auteurs pour qui l’activité de création était dite “professionnelle”, chaque opérateur privé a conditionné des aides d’urgence à des critères très variés, qui ont conduit à écarter de nombreux créateurs des dispositifs d’aide d’urgence issus d’argent public. Egalement, le président de la République a annoncé une exonération de 4 mois pour les artistes-auteurs : en pratique, il a été décidé politiquement d’exclure du dispositif les artistes-auteurs gagnant moins de 3000 euros de revenus artistiques par an, pour aider en proprité les créateurs professionnalisés, selon un critère de professionnalité somme toute arbitraire. Autrement dit, en l’absence de critères, chaque acteur privé juge la professionnalité sans être soumis à la réflexion et à la discussion collective. Il est évident que la professionnalité des artistes-auteurs est un sujet majeur qui doit être clarifié une bonne fois pour toutes, puisque l’État lui-même destine une politique culturelle spécifique à une profession de créateurs et créatrices.

La Ligue des auteurs professionnels défend que le seul critère du revenu n’est pas suffisant pour appréhender la professionnalité d’un créateur. De fait, l’activité de création est singulière, et sa rémunération décorrélée du temps de travail. Il y en a d’autres à prendre en compte, et il est grand temps que la question soit traitée, car l’identification professionnelle est un prélude indispensable à la création d’un statut professionnel. En reculant encore, la ministère de la Culture met l’ensemble de notre communauté d’auteurs et autrices dans une situation juridique totalement instable.

Élections professionnelles ou enquête de représentativité ?

Malgré tout, une évidence semble ressortir : le fait que l’État va devoir d’une façon ou d’une autre conforter une représentativité légitime des artistes-auteurs, ne serait-ce que pour rétablir la gouvernance du régime de sécurité sociale des artistes-auteurs. Auparavant, c’étaient bien des élections professionnelles qui étaient organisées : nous demandons le rétablissement de ces élections pour toutes les raisons évoquées précédemment. Envisager l’enquête de représentativité comme la solution la plus rapide et la plus simple à mettre en oeuvre est très contestable. D’abord, parce qu’une telle enquête n’oblige aucune identification préalable de nos professions, identification qui est primordiale pour renforcer notre protection. Ensuite, l’enquête inquiète grandement lorsque par souci de rigueur et volonté de faire appliquer le droit, car il faut mettre en oeuvre des méthodes d’analyse incontestables. Or, face aux différentes méthodologies qui ont été suivies par le ministère de la Culture pour faire le bilan des cinq premières concertations, il y a de quoi craindre sérieusement que l’enquête soit réalisée selon des règles tout aussi discutables.

Conclusion : pour que rien ne change… ou un espoir ?

Le Rapport Racine a livré une analyse qui pousse inévitablement l’État à se positionner sur le fait d’amorcer ou non des changements efficaces et profonds en faveur des créateurs et créatrices, compte tenu de l’ampleur des dégâts pour nos professions. Cela oblige aussi l’État à faire face à un écosystème structuré profondément en défaveur des intérêts professionnels des créateurs et créatrices. Alors qu’un certain nombre de faits n’étaient pas encore reconnus il y a deux ans encore, il est devenu incontestable que la rémunération de l’ensemble des artistes-auteurs se dégrade depuis des décennies faute de régulation, que les artistes-auteurs n’ont pas accès à une représentativité structurée selon le droit commun, que notre régime de sécurité sociale a comporté des défaillances graves qui nous ont porté et nous portent encore préjudice, que la question d’identifier le corps professionnel des créateurs et créatrices ne pourra être éternellement repoussée si l’État veut mener une politique culturelle à destination de l’ensemble des professionnels de la culture. Evidemment, la Ligue a conscience que le Rapport Racine a mis simultanément sur la table un nombre très importants de problématiques toutes plus urgentes les unes que les autres à traiter, au regard d’une cinquantaine d’années de défaillances graves. La Ligue a également conscience de naviguer dans un système structuré de longue date. Mais le fait qu’un écosystème est structuré de longue date ne peut être une raison valable à ce que rien ne change. Depuis des décennies, les artistes-auteurs vivent des bricolages autant administratifs que juridiques. Cette situation n’est plus tenable.

Une question simple doit être posée : les artistes-auteurs, qui cotisent socialement comme des professionnels, travaillent-ils aux yeux du ministère de la Culture et plus généralement de la France ? Car, de fait, nous ne pouvons plus être considérés seulement comme des propriétaires d’œuvres de l’esprit. Nous sommes et des propriétaires d’œuvres de l’esprit et des individus qui travaillent.

Quelle sera la volonté de notre nouvelle ministre, Madame Roselyne Bachelot ? Conserver un système existant, qui a montré des failles graves pour nos professions, ou démarrer un chantier efficace et ambitieux ? Cette décision lui appartient en ayant en main tous les éléments et un paranoma clair des enjeux actuels. La rapport Racine a livré un travail d’envergure, objectif, nuancé, qui comporte de nombreuses mesures essentielles.

La ministre a annoncé dans Le Monde présenter en janvier 2021 son plan artistes-auteurs. Les créateurs et créatrices en attendent beaucoup, sans aucun doute. Mais une grande partie d’entre eux est aujourd’hui dans une précarité sociale et un désespoir qui doivent être regardés bien en face. Les choix politiques de début 2021 auront des conséquences cruciales sur l’avenir de nos professions.

Vous pouvez retrouver ici les contributions que la Ligue a fait parvenir au Ministère de la Culture :

Le contrat de commande : une bonne idée qui dérange

Actuellement, le Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique (CSPLA) étudie l’opportunité d’encadrer le contrat de commande pour les artistes-auteurs. Il s’agit de l’une des préconisations majeures du rapport Racine, dont vous pouvez retrouver une synthèse des mesures prioritaires pour de nombreuses organisations professionnelles ici.

On parle légalement de commande dans le cas où une œuvre n’existe pas encore et qu’un diffuseur ou un client (dans le cas du secteur du livre, un éditeur) sollicite un auteur pour la réalisation d’une œuvre de l’esprit en vue de procéder à son exploitation.

Étonnamment, l’encadrement de la commande suscite des réactions hostiles de la part d’organisations se revendiquant représenter les intérêts professionnels des artistes-auteurs. La Ligue des auteurs professionnels constate que le Conseil Permanent des Écrivains communique pour s’opposer à cette mesure. Le Conseil Permanent des Écrivains se revendique représentatif de l’ensemble des auteurs et autrices du livre et demande de poursuivre les négociations avec le Syndicat National de l’Édition au nom de tous les auteurs.

Les arguments développés par le Conseil Permanent des Écrivains contre le contrat de commande sont juridiquement infondés. Il est faux de dire que le contrat de commande est incompatible avec la liberté du créateur. De même, le fait de considérer que “rémunérer la commande entraînerait une cession de droit automatique” est la preuve d’un manque certain de connaissances des règles élémentaires du droit d’auteur. C’est nier un principe fondamental posé par le tout premier article du Code de la propriété intellectuelle (art. L. 111-1, CPI). Véritable pierre angulaire de tout le droit d’auteur, la titularité initiale de l’auteur n’a pas lieu d’être discutée au prétexte que l’œuvre lui est commandée. Dans bien d’autres secteurs culturels que le livre, des créateurs et créatrices cumulent une rémunération en amont (pendant l’acte de création) puis en aval (pendant l’exploitation). C’est le cas par exemple des journalistes, des photographes, des réalisateurs et réalisatrices, des architectes, des auteurs de spectacle vivants etc. Rappelons que c’était également le cas des auteurs et autrices de bande dessinée il y a encore quelques décennies.

Au sein du Code de la propriété intellectuelle, l’auteur est conçu comme partie faible au moment de l’exploitation de l’œuvre, c’est la raison pour laquelle un formalisme des contrats de cession existe, allant jusqu’à admettre l’annulation de la cession en cas de non-respect de ses règles. Pourquoi l’auteur n’est-il pas considéré comme une partie faible avant toute exploitation de l’œuvre, alors même qu’il est déjà lié à son exploitant ?

Certes, le Code civil prévoit effectivement un contrat de louage d’ouvrage, mais puisqu’il s’agit ici de droit commun des contrats, la spécificité de l’auteur, en tant que partie faible, est totalement niée, d’où l’intérêt de concevoir aussi l’auteur comme partie faible en amont et de prévoir un cadre juridique répondant à ses besoins de protection.

Face aux incompréhensions et aux fausses informations véhiculées sur le contrat de commande, il apparaît nécessaire que soit organisé un véritable débat entre experts pour rétablir certains fondamentaux du droit d’auteur.

Les arguments renvoyés par le Conseil Permanent des Écrivains sont les mêmes qui sont souvent développés par les diffuseurs des œuvres lorsque vient la question d’enfin reconnaître le travail créatif et de mettre en place des leviers légaux contraignants pour garantir une rémunération minimum.

Aujourd’hui, la confusion entre le travail de création et la cession des droits patrimoniaux a donné naissance à un contrat hybride qui a permis à l’industrie du livre d’invisibiliser l’acte de création. De même, la rémunération de l’à-valoir, avance sur droits amortissables, a paralysé la possibilité pour de nombreux auteurs et autrices de toucher des droits d’auteur sur l’exploitation de leurs œuvres. Si le partage de la valeur est un combat très important, ce dernier ne peut se faire au détriment de la reconnaissance du travail de création et de la protection sociale des individus qui exercent de véritables métiers au sein d’industries culturelles. De plus, le décret d’août 2020 reconnaît bien officiellement la conception d’œuvre, le cœur battant de notre activité, comme entrant dans le champ du régime artistes-auteurs. Fiscalement, socialement et juridiquement, nos revenus artistiques et de droits d’auteur doivent continuer à être harmonisés de façon conforme à notre régime, pour sortir des ambiguités administratives.

Pour finir, encadrer le contrat de commande pour les créateurs et créatrices est une véritable urgence. Le président de la République a annoncé un plan de commandes publiques pour les artistes-auteurs, qui est en cours d’élaboration. Non seulement le contrat de commande existe déjà, mais la commande est une pratique littéraire et artistique courante dans nos professions. La commande littéraire et artistique est fortement sollicitée par les institutions et les pouvoirs publics. Encore faut-il être en mesure d’encadrer juridiquement l’ensemble de ces contrats de commandes lorsque celles-ci seront réalisées, afin de protéger les intérêts des créateurs et créatrices. L’État doit être exemplaire en matière de rémunération et de conditions contractuelles pour les artistes-auteurs.

Non recours aux droits sociaux : résultats Hackaton 2020

La Ligue des auteurs professionnels est heureuse de proposer un dossier spécial pour aider tous les artistes-auteurs à repérer les bons interlocuteurs lorsqu’ils se consacrent professionnellement à leur activité de création. L’objectif est de lutter contre un phénomène particulièrement marqué dans le domaine de la création : le non-recours aux droits sociaux.

Les problèmes d’information et de traitement de la demande sociale soulèvent la question majeure du non-recours aux droits sociaux. On distingue traditionnellement deux formes de non-recours aux droits sociaux.

  • Soit les personnes éligibles ne demandent pas une prestation et donc ne la reçoivent pas.
  • Soit les personnes éligibles demandent une prestation, mais ne la reçoivent pas.

Différentes raisons expliquent ce phénomène : il s’agit d’un problème de non-connaissance du droit ou d’un problème de non-proposition (le droit n’étant pas “activé” par l’agent prestataire malgré l’éligibilité du demandeur) ou d’un découragement des éventuels bénéficiaires face à la complexité du dispositif à actionner. Ce problème fondamental invite à considérer le non-recours comme un indice du manque de légitimité des politiques publiques. Souvent les normes sont “hors sol”, car élaborées sans la contribution des usagers, ce qui participe à les rendre inapplicables.

Au delà de ces normes, c’est la structure hyper-sectorisée du régime social qui doit être remise en cause. Si les artistes-auteurs ont souvent des pratiques multi-créatives, ils sont appréhendés par le prisme de « branches » dans lesquelles ils sont souvent « enfermés ». Or, cette vision sectorielle constitue un obstacle majeur à la reconnaissance d’un statut professionnel unique et fort et elle multiplie à tort les dispositifs spécifiques allant parfois jusqu’à rompre l’égalité entre les artistes-auteurs ou desservir leurs accès à leurs droits élémentaires, en raison de complexités inutiles qui n’apportent pourtant pas une protection spécifique.

Cette approche sectorielle est basée sur l’idée discutable et pourtant répandue que l’écrivain n’a strictement rien à voir avec le sculpteur et le scénariste. Et à ce titre, la protection sociale des artistes-auteurs est très fragmentée : ils cotisent pour un régime social divisé en cinq branches professionnelles gérées – pour l’instant – par deux organismes agréés qui n’ont plus la compétence du recouvrement laquelle a été transférée à l’Urssaf Limousin. De plus, ils contribuent à une caisse de retraite complémentaire (l’IRCEC) laquelle gère trois régimes de retraite complémentaire (RACD, RAAP et RACL) ! En résumé, si nous ne nions pas les singularités propres à certains créateurs, cette approche sectorielle les divise au point de les priver d’une identité commune, d’un accès simple à leurs droits et d’un véritable statut professionnel.

En outre, cette multiplicité des organismes ne facilite pas la compréhension du régime. La dégradation depuis plusieurs années des conditions économiques et sociales et l’appauvrissement progressif des artistes-auteurs largement affaiblis par cette crise sanitaire doit inviter les instances à réfléchir à une réforme complète du régime pour que celui-ci soit facilement appréhendé par les artistes-auteurs.

Le présent dossier vise donc à renforcer la protection des intérêts professionnels des artistes-auteurs en apportant des outils pratiques pour les aider dans la mise en œuvre de leur protection sociale.

Chroniques juridiques de la Ligue n°2 : un contrat annulé pour cause d’invalidité

La Ligue des auteurs professionnels effectue une veille juridique constante des jurisprudences concernant les droits des auteurs et autrices. C’est une opportunité de vous présenter des affaires intéressantes et de rappeler des règles d’or en matière de droit, afin de mieux vous orienter dans l’écosystème éditorial. Ce second épisode nous permettra de revenir sur des règles fondamentales qui entourent le contrat d’édition.

Chroniques juridiques la ligue

Épisode 2

La validité du contrat d’édition

Le contrat d’édition doit prévoir
le nombre d’exemplaires minimum constituant le premier tirage
ou le versement d’un minimum garanti,
à défaut de quoi, il est nul !

(Temps de Lecture 5 minutes)

 

En 2017, une autrice a signé un contrat avec son éditeur pour une durée de 10 ans avec faculté de tacite reconduction. Elle lui cédait “le droit de reproduire, publier et exploiter l’oeuvre, sous forme imprimée et numérique”.

Deux ans plus tard, elle assigne son éditeur pour faire juger la cession de ses droits nulle et sans effet juridique et demande :

  • le retrait des œuvres sur tous sites marchands et établissements physiques à compter du jugement sous peine d’astreinte ;
  • la somme de 10000 euros au titre des dommages et intérêts ;
  • la publication du jugement sur le site de l’éditeur.

Pour convaincre les juges, l’autrice tente alors de démontrer que le contrat souffre d’un déséquilibre manifeste le privant ainsi de validité. Elle réunit alors un certain nombre d’indices :

  • une durée minimale de 10 ans, renouvelable par tacite reconduction ;
  • une cession exclusive de tous ses droits patrimoniaux d’auteur à l’éditeur, lequel disposait pour sa part de la faculté de céder à son tour lesdits droits sans autorisation préalable et écrite de l’auteur ;
  • un délai maximum de correction pour l’auteur des épreuves renvoyées par l’éditeur, fixé à une semaine ;
  • un engagement de l’auteur de proposer en priorité ses œuvres à venir à l’éditeur, sans limitation à un genre spécifique, pour une édition aux mêmes conditions que celles du contrat litigieux ;
  • un délai de préavis de résiliation imposé à l’auteur, fixé à 1 an ;
  • une absence d’engagement de l’éditeur relatif au nombre d’exemplaires imprimés
  • l’envoi d’un unique exemplaire gratuit à l’auteur ;
  • l’absence d’à-valoir au bénéfice de l’auteur.

Elle fait ensuite état des conditions difficiles dans lesquelles est intervenue la publication de son ouvrage :

  • les délais très courts de validation sollicités par l’éditeur ;
  • les fluctuations des dates de parutions annoncées, du fait de l’éditeur ;
  • le refus de l’éditeur de lui faire connaître la biographie qu’il allait rédiger d’elle ;
  • l’absence de réaction concrète de l’éditeur à la présence de son oeuvre sur deux sites de téléchargement illicites ;
  • l’absence de réponse à ses demandes successives relatives au nombre d’exemplaires vendus ;
  • l’absence d’un exemplaire, commandé par ses soins, dans le cadre de la reddition des comptes de mai 2018 ;
  • l’absence de remise de l’œuvre éditée à la gagnante d’un concours et la carence de l’éditeur relative à l’organisation d’autres concours.

Les juges accueillent sa demande et décident alors de l’annulation du contrat de cession. Leur décision est très intéressante, car elle est très pédagogique.

Ils rappellent d’abord une règle essentielle prévue par l’article L 132-10 du Code de la propriété intellectuelle : « Le contrat d’édition doit indiquer le nombre minimum d’exemplaires constituant le premier tirage. Toutefois, cette obligation ne s’applique pas aux contrats prévoyant un minimum de droits d’auteur garantis par l’éditeur. »

La rémunération de l’auteur constitue la contrepartie de la cession de ses droits donc l’absence d’un nombre minimum d’exemplaires ou d’un à-valoir constitue un cas de nullité du contrat. Les juges font observer que « l’à-valoir est un moyen pour l’auteur de vivre de son métier »…

Ils rappellent un usage professionnel qui établit que le montant de l’à-valoir versé par l’éditeur à l’auteur doit couvrir, au minimum, l’équivalent des droits d’auteurs dus sur la moitié du premier tirage, ou, en cas d’édition de poche, sur l’intégralité de ce tirage.

Enfin, ils soulignent que, compte tenu des spécificités de l’impression à la demande auprès des libraires, l’éditeur ne s’engage pas à imprimer un nombre minimum d’exemplaires… Dès lors faute d’à-valoir garanti, le contrat est nul.

Les juges signalent également d’autres anomalies au sein du contrat et notamment l’absence de mentions distinctes et spécifiques concernant l’édition numérique. En effet, ils rappellent que la nullité de la cession des droits numériques, visée par l’article L132-17-1 du Code de la propriété intellectuelle, est effectivement encourue compte tenu de l’absence de mentions distinctes au contrat concernant l’édition numérique. Enfin, ils remettent en cause la validité du pacte de préférence à défaut de limitation en genre et en nombres d’ouvrages !

 

La décision est au lien suivant : Tribunal de Lille. Le tribunal déclare alors nulle la cession et contrefaisante l’exploitation de l’œuvre en version imprimée et numérique, faute d’autorisation valable de l’autrice ;

Il condamne l’éditeur au retrait des œuvres sur tous sites marchands et établissements physiques, dans le délai de 45 jours à compter du jugement et sous peine d’astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard passé ce délai, pendant 3 mois ;

Il condamne l’éditeur à justifier, au moyen d’un document certifié par un expert-comptable, de l’état des ventes et des stocks de l’ouvrage.

Il condamne l’éditeur à payer à l’autrice, au titre de l’exploitation principale de l’ouvrage sous forme imprimée, le droit proportionnel progressif suivant, calculé sur le prix de vente public hors taxe (PPHT) de l’ouvrage :

  • 6 % du 1er au 100e exemplaire ;
  • 8% du 101e au 15 000e exemplaire ;
  • 10% au-delà ;

Sous forme numérique : 20% du prix de vente public hors taxe (PPHT) des e-books ;

Enfin, il condamne l’éditeur à payer à l’autrice la somme de 1000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de perte de chance et moral, augmentée des intérêts légaux à compter du présent jugement ;

 

Cette affaire est l’occasion de rappeler trois règles d’or aux auteurs et autrices :

Règle d’or n° 1 : Votre contrat d’édition ne sera valable que s’il précise soit le nombre d’exemplaires minimum constituant le premier tirage, soit un minimum garanti, autrement appelé “à-valoir”. Votre rémunération est considérée comme un élément déterminant de votre engagement. Aussi vous devez être capable de repérer cette cause classique d’annulation du contrat de cession.

Règle d’or 2 : Lorsque vous cédez vos droits pour l’édition d’un livre sous forme imprimée, cela n’implique pas simultanément une cession des droits pour l’édition du livre sous forme numérique. Depuis une ordonnance de 2014, l’art. L. 132-17-1 prévoit que les conditions relatives à la cession des droits sous une forme numérique doivent être déterminées dans une partie distincte du contrat, à peine de nullité de la cession de ces droits. Il apparaît plus équitable d’envisager distinctement les deux contrats. Imaginons que l’œuvre imprimée se soit bien vendue, alors vous serez plus fort au moment de la négociation de l’exploitation de l’œuvre sous forme numérique.

Règle n° 3 : Vous devez vérifier que votre droit de préférence est accordé de manière limitée. Par principe, retenez que vous n’avez pas le droit de céder globalement les droits sur vos œuvres futures ! Toutefois, le Code de la propriété intellectuelle prévoit une possibilité contractuelle d’accorder à l’éditeur une sorte de droit de préemption sur les œuvres que vous n’avez pas encore créées. Attention : vous pouvez accorder un droit de préférence à un éditeur, mais ce pacte de préférence doit être limité pour chaque genre à cinq ouvrages nouveaux à compter du jour de la signature du contrat pour la première œuvre ou pour un délai de cinq années à compter du même jour.

Demandes à l’Urssaf

Vendredi 9 octobre, la Ligue a organisé une web-émission d’urgence consacrée à l’Urssaf, en présence de la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse, du CAAP et de l’ATLF. Merci à l’Urssaf de s’être prêtée à l’exercice du live pour répondre aux questions que se posent les artistes-auteurs. Néanmoins les artistes-auteurs ont témoigné massivement des dysfonctionnements rencontrés et de leurs inquiétudes. A l’issue de ces échanges, nous formulons les demandes précises pour que cette crise soit prise à bras le corps en attendant la mise en place des élections professionnelles, et donc d’un véritable pilotage de notre régime par les artistes-auteurs.

Les demandes de la ligue

1) Une communication large et massive, très visible sur le portail (une pop up ?) pour indiquer que ce dernier est encore en cours de construction, qu’AUCUNE PÉNALITÉ ne sera appliquée et que les services traiteront avec bienveillance les dossiers vu les circonstances.

2) Une mise en contact entre l’Urssaf Limousin et les organisations professionnelles afin de renforcer leur expertise sur le régime AA. Pour l’heure, si les équipes sont de bonne volonté, il leur manque le degré d’expertise pour répondre aux demandes.

3) Des accusés de réception systématiques pour les demandes par mails et l’assurance de réponses dans la semaine. Les AA témoignent massivement n’avoir aucune réponse aux mails envoyés.

4) La résolution urgente de bugs très problématiques (PDF final de déclaration erronée, le cas des AA + auto entrepreneurs, les messages effacés de la messagerie, la liste est longue !)

5) La mise en service rapide de la modulation en ligne avec une explication claire de son fonctionnement.

6) Une identification complète de l’ensemble des artistes-auteurs : à ce jour, environ 1/3 seulement est identifié ! 45 ans que notre population est sous les radars, cela ne peut plus durer.

7) Le développement de nouvelles fonctionnalités adaptées, comme la mise en ligne automatique des certificats de précompte sur l’espace AA quand le diffuseur s’est acquitté des cotisations. Seule l’Urssaf peut garantir que le diffuseur les a bien reversées.

En synthèse : merci à l’Urssaf de répondre présent ainsi publiquement, mais nous avons besoin de changements dans la gestion actuelle des artistes-auteurs pour enfin rassurer ces professions et faire en sorte que la transition aboutisse à un outil fiable, fonctionnel et adapté à nos professions.

Vous pouvez revoir la web-émission Artistes-auteurs : un statut ! spéciale urgence Urssaf en cliquant ici.

Appel de cotisations Urssaf : panique et décryptage

Pour les chanceux qui ont accès à leur espace artistes-auteurs de l’Urssaf Limousin, une surprise de taille vient de tomber. Vous venez de voir apparaître vos appels de cotisations et ces dernières n’ont jamais été aussi importantes ! Nous comprenons le vent de panique qui souffle sur la profession. Dans une période déjà extrêmement rude socialement et économiquement, le traitement réservé aux artistes-auteurs est grave. Nous allons tenter au mieux de vous expliquer la situation et de vous donner des outils pour savoir comment agir selon votre cas.

L’art de moduler

Pour rappel, la transition entre l’Agessa et l’Urssaf a tourné au cauchemar administratif. Fin 2019, la Ligue notait déjà un sérieux déficit d’information des artistes-auteurs, un retard voire une absence du courrier de l’Urssaf contenant les codes d’activation, des dysfonctionnements techniques du portail et des impossibilités de créer un espace personnel pour beaucoup.

Face à ces problèmes techniques et suite aux pressions des syndicats, un report du 1er appel de cotisations provisionnelles avait été décalé au 31 janvier 2020 (versus le 15 janvier 2020). Du reste, une modulation des premiers appels de cotisations est aussi possible pour les artistes-auteurs. Un outil pratique en principe, mais il y a un problème de taille ! Sa mise en application technique.

  • Soit les artistes-auteurs ont accès à leur espace personnel : on pensait logiquement qu’il serait possible de moduler les cotisations depuis leur espace, comme on peut le faire par exemple pour le prélèvement à la source de l’impôt. Mais impossible techniquement. Ils doivent alors adresser la demande de modulation via une adresse mail saturée, sans savoir si leur demande a été prise en compte… Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
  • Soit les artistes-auteurs, à défaut d’avoir reçu leurs codes, ne peuvent pas accéder à leur espace personnel… Modulation impossible par défaut !

Aujourd’hui, la somme des cotisations que l’on vous demande de payer au 15 octobre prochain correspond à une estimation de cotisations calculées sur la base de votre assiette sociale de 2020 (que vous parviendrez à calculer en consultant le précieux article du CAAP). Puisque vos revenus 2020 ne sont pas encore connus, cette assiette est estimée en référence à celle de 2019.

Et l’exonération de 4 mois de cotisations ?

Une régulation interviendra seulement lorsque l’ensemble de vos revenus pour cette année sera connu, d’autant plus que les mesures de réductions de cotisations (annoncées initialement comme des exonérations) seront applicables pour les artistes-auteurs. En effet, celles-ci augmentent progressivement selon des seuils :

  • 0 € pour les artistes-auteurs dont l’assiette sociale 2019 est inférieure à 3 000 € (et ce malgré les alertes lancées par de nombreuses organisations professionnelles)
  • 500 € pour les artistes-auteurs dont l’assiette sociale 2019 est supérieure ou égale à 3 000 € et inférieure ou égale à 8120 €.
  • 1 000 € pour les artistes-auteurs dont l’assiette sociale 2019 est strictement supérieure à 8120 € et inférieure ou égale à 20 300 €.
  • 2 000 € pour les artistes-auteurs dont l’assiette sociale 2019 est strictement supérieure à 20 300 €.

Ainsi, pour les artistes-auteurs dont les revenus sont déclarés en BNC et qui sont dispensés de précompte, cette réduction s’applique via les acomptes provisionnels des cotisations calculées au titre de l’année 2020. Vous devez dès à présent moduler vos cotisations à la baisse en fonction de votre tranche, dans votre espace artistes-auteurs de l’Urssaf (si votre compte fonctionne…).

Pour les artistes-auteurs dont les revenus sont déclarés en traitements et salaires et ont fait l’objet d’un précompte, le montant correspondant à cette réduction sera versé, dans la limite des cotisations dues au titre de l’année 2020, par l’Urssaf Limousin lorsque le revenu de l’année 2020 sera connu. Autrement dit, cette catégorie d’artistes-auteurs et d’artistes-autrices se retrouvera une nouvelle fois de plus lésée, puisque la réduction de cotisations sera bien plus tardive, sans que nous ayons à ce jour une date connue pour ce versement.

Je ne comprends rien à la somme demandée : que faire ?

La Ligue vous invite donc à vérifier que l’estimation de votre assiette sociale pour 2020 est bien en lien avec celle de 2019, cela vous permettra de juger la cohérence de cet appel à cotisations.

  • Première hypothèse, vos assiettes sociales entre 2019 et 2020 sont à peu près similaires, mais votre appel à cotisations pour 2020 (estimé sur la base de l’assiette 2019) est totalement incohérent. Dans ce cas, vous devez contacter immédiatement l’Urssaf Limousin à l’adresse suivante : artiste-auteur.limousin@urssaf.fr
  • Deuxième hypothèse, vos assiettes sociales entre 2019 et 2020 sont à peu près similaires et votre appel à cotisations pour 2020 (estimé sur la base de l’assiette 2019) est cohérent, mais vous êtes confronté à une difficulté de payer vos cotisations. Dans ce cas, vous pouvez encore moduler votre échéancier dans votre espace personnel, en faisant une demande via la messagerie, en tenant compte notamment des réductions de cotisations accordées en 2020.
  • Troisième hypothèse, votre assiette sociale 2020 est très inférieure à celle de 2019 (en raison de la crise notamment) et votre appel à cotisations pour 2020 (estimés sur la base de l’assiette 2019 nettement supérieure) est totalement incohérent. Dans ce cas, vous pouvez encore moduler votre échéancier dans votre espace personnel, en faisant une demande via la messagerie, en tenant compte notamment des réductions de cotisations accordées en 2020.

Une vague de témoignages inquiétants

Pour le reste, nous sommes submergés de témoignages très inquiétants sur des dysfonctionnements :

  1. Des appels de cotisations pour des artistes-auteurs précomptés de leurs cotisations par leurs diffuseurs.
  2. L’Urssaf Limousin se retournant vers les artistes-auteurs dont les diffuseurs ont précompté les cotisations sociales, mais sont en faute de ne pas les avoir reversées à l’Urssaf ! Or l’Urssaf devrait se retourner vers les diffuseurs.
  3. La mention de pénalités de paiement sur l’espace artistes-auteurs alors qu’il a été arbitré que – compte tenu des dysfonctionnements – des pénalités ne seraient pas appliquées.

Nos demandes

Associée à d’autres organisations professionnelles, la Ligue a d’ores et déjà demandé

  • Qu’il soit possible de continuer à moduler jusqu’en 2021 le calcul définitif des cotisations réellement dues pour 2020.
  • Qu’aucune pénalité ne soit appliquée et que cela apparaisse sur l’espace artistes-auteurs.
  • Une communication simple, lisible et claire de l’ensemble des dispositifs et changements en cours pour les artistes-auteurs.

Conclusion

Rappelons qu’aujourd’hui, les artistes-auteurs eux-mêmes ne sont toujours pas au pilotage de leur régime de sécurité sociale. La gestion chaotique de cette transition pour 270 000 artistes-auteurs est extrêmement grave. Le manque d’informations, les dysfonctionnements, la menace de pénalités, les mesures qui se téléscopent, créent un climat de mal-être social profond, dans un contexte déjà extrêmement difficile. Tant que les pouvoirs publics n’appliqueront pas les mesures du Rapport Racine pour prendre à bras le corps la question de notre statut, chaque réforme, chaque mesure, chaque transition sera un calvaire dans son application. Un tel traitement de l’ensemble de nos professions créatives est indigne d’un pays tel que la France. À quand une intervention forte du ministère des Solidarités et de la Santé ?

Compte-rendu de la réunion du 29 septembre 2020

En février dernier paraissait le Rapport Racine, et avec lui la promesse d’un plan artistes-auteurs ambitieux pour sortir nos professions de l’angle mort des politiques culturelles. Cette analyse de 140 pages, fruit de longs mois d’auditions et de travaux d’experts, pointe la non représentativité des artistes-auteurs comme la source systémique des graves problèmes que nous rencontrons. Absence d’un statut clair, non recours sociaux, réformes chaotiques et non concertées, faiblesse face aux exploitants de nos œuvres… La non reconnaissance de notre profession se traduit par un dialogue social déstructuré et peu efficace, où le droit commun est absent. A la lumière de ces enjeux, les réunions de travail promises par le ministère de la Culture sur la notion de représentativité sont d’importance.

Compte rendu de la réunion du 29 septembre 2020 – groupe sectoriel “arts visuels”

Ordre du jour du ministère :

  • Proposition de priorisation des différents chantiers inscrits à l’agenda des prochains mois en distinguant les enjeux de court terme et ceux de moyen terme ;
  • La question de la représentativité des organisations d’artistes-auteurs : identification des finalités et modalités possibles.

Organisations présentes :

Dans l’attente des listes complètes communiquées par le ministère de la Culture sur la composition des groupes de travail.

Une réunion constructive

Après l’énumération de tous les problèmes déjà connus (Urssaf, non recours sociaux, dégradation de la rémunération, etc) déjà évoqués dans les autres groupe, le groupe de travail dans le secteur “arts visuels” a permis d’entrer dans le vif du sujet des travaux qui nous réunissent : la représentativité. Les organisations professionnelles, de sensibilités différentes, étaient toutes d’accord sur l’absence de représentativité établie pour les artistes-auteurs et l’urgence du sujet. Un exemple concret des effets dévastateurs de cette absence est par exemple la transition chaotique entre Agessa/MdA et Urssaf, sans pilotage des artistes-auteurs. La représentativité d’un champ professionnel permet, comme dans n’importe quelle autre profession, de structurer un écosystème et de renforcer la défense des intérêts collectifs de la population concernée.

Des diffuseurs en retrait et des organismes de gestion collective absents

Les organisations de diffuseurs qui étaient conviées en réunion se sont d’elles-mêmes mises en retrait et ont remis en question leur propre présence à une réunion qui concerne les intérêts des artistes-auteurs. La relation entre les organisations professionnelles d’artistes-auteurs et les diffuseurs était respectueuse et les périmètres d’intervention de chacun bien définis. Les organismes de gestion collective étaient quant à eux absents. L’ADAGP et la SAIF, dans les arts visuels, respectent le périmètre de représentativité des organisations professionnelles dans les discussions qui les concernent, ce qui se traduit par des synergies constructives.

Identification des artistes-auteurs : les failles existantes et des avancées

Le ministère de la Culture a annoncé que 38 millions d’euros avaient déjà été versés aux artistes-auteurs via le fonds de solidarité. Ce chiffre est hélas parcellaire du fait des grandes difficultés d’identification des artistes-auteurs bien connues, néanmoins l’ajout de la case “artiste-auteur” sur le formulaire des impôts aura permis de faciliter l’accès au fonds mais aussi de récolter des données. La problématique de rendre connu notre statut commun à l’ensemble des administrations est donc essentielle à tous les niveaux. Aujourd’hui, les difficultés qu’ont eues tous les artistes-auteurs à obtenir l’accès au fonds de solidarité sont purement liées techniquement à un problème d’identification. Malgré tout, ce dispositif aura été bien plus massif que les fonds sectoriels confiés à des opérateurs privés. La leçon à tirer de la crise sanitaire est que les fonds sectoriels ont créé un labyrinthe d’aides aux critères d’accès divers et complexes. En revanche, des mesures simples et collectives pour l’ensemble des artistes-auteurs peuvent montrer un effet d’ampleur, si elles sont bien opérationnelles.

L’absence du ministère du travail

Nous déplorons de nouveau l’absence du ministère du Travail. Le dialogue social relève du champ de compétence du ministère du travail, et nous souhaitons que la profession des artistes-auteurs cesse d’être mise à part de toutes les considérations et lois qui s’appliquent dans ce pays en matière de dialogue social. Aussi, nous demandons solennellement que le ministère du Travail soit présent et contribue à cadrer ces discussions.

Une profession invisible

L’ensemble des organisations font le constat d’une profession invisible et de la non reconnaissance d’exercer un métier, certes singulier, mais un métier. Les artistes-auteurs sont à la fois victimes d’être la variable d’ajustement de toute l’économie de la culture faute de régulation, mais en plus de l’image fantasmée que la société se fait d’eux. La diversité de nos métiers est devenue un prétexte pour ne pas nous appréhender de façon transversale, comme les travailleurs d’un seul et même secteur : la création. Ce morcellement nous affaiblit et nous empêche d’accéder pleinement à un statut.

Pour un centre national des artistes-auteurs

Dans les discussions, une proposition majeure est ressortie, qui synthétise tous nos besoins du moment :

  • Accès effectif aux droits sociaux
  • Renforcement de la négociation collective
  • Renforcement des artistes-auteurs à titre individuel
  • Clarification de la représentativité
  • Ressource d’informations claires et centralisées
  • Profession reconnue et appréhendée
  • Opérateur impulsant les bonnes pratiques
  • etc

C’est la création d’un CENTRE NATIONAL DES ARTISTES-AUTEURS. Ce projet permettrait de rendre opérationnelles les mesures du rapport Racine de façon très simple, complète et efficace. Il ne s’agirait pas d’un simple conseil, mais bien d’un centre. Enfin doter les artistes-auteurs d’un opérateur puissant et financé permettrait de résoudre une grande partie de leurs problématiques. Ce serait à la fois un centre de ressources d’informations, un observatoire de nos métiers, mais aussi une instance de négociation collective avec les diffuseurs de nos œuvres. Cette instance de négociation collective, sous l’égide de l’État et contraignante pour les exploitants de nos œuvres, serait transversale pour appréhender l’ensemble des problèmes des créateurs et créatrices, mais très fine dans sa construction en représentant bien tous les secteurs économiques et les métiers. Cette instance serait d’autant plus pertinente qu’enfin dotée d’un véritable outil statistique pour connaître nos pratiques, toutes les discussions et travaux menés en son sein permettraient de partir d’informations vérifiées. Ce centre serait une façon d’intégrer notre diversité mais tout en ayant une approche globale, qui permettrait enfin de porter des réglementations contraignantes. Aujourd’hui, les rares acquis sociaux que nous avons sont fragiles. La Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse a par exemple pris l’exemple des tarifs Charte. Ces derniers sont utilisés bien au-delà des auteurs jeunesse, ils sont devenus une référence pour de nombreux artistes-auteurs. Hélas, ils ne sont qu’une recommandation. Le Centre National du Livre les a consacrés en conditionnant ses subventions au respect des tarifs. Dans la pratique, nous avons déploré ces dernières années le non respect des tarifs de nombreuses structures financées par le CNL, dont le pouvoir de contrainte a semblé bien plus limité qu’il n’y paraissait. Ce qu’il nous faut, ce sont bien des réglementations pour la pratique de nos professions, qui soient à la fois communes à l’ensemble des artistes-auteurs et bien entendu adaptées à leurs pratiques. Gestion transversale et diversité ne sont pas incompatibles, bien au contraire : c’est en créant une synergie entre les deux que les artistes-auteurs seront enfin mieux défendus.

Travaux concrets : les élections professionnelles

Le groupe de travail s’est ensuite penché sur la question des élections professionnelles, en faisant des propositions de modalités concrètes au ministère de la culture.

Syndicats ?

Une question très intéressante a été posée : pourquoi des syndicats d’artistes-auteurs, et non pas des collectifs plus informels ? Pourquoi les artistes-auteurs ont-ils autant de mal à se regrouper et s’unir ? Il est apparu qu’à l’heure actuelle, la crise de la représentativité qui secoue notre milieu vient du fait que nous avons un siècle de retard en la matière. Tandis que les artistes-auteurs luttent pour accéder à des principes fondamentaux de démocratie sociale, le climat politique en France sur cette question est aussi à vif. Les manifestations des Gilets Jaunes ont montré aussi toute la problématique de la représentativité au sens large dans notre société. Si nous comprenons parfaitement les réserves idéologiques de certains artistes-auteurs à se reconnaître dans des syndicats, car elle est commune à tous les Français et Françaises, nous rappelons qu’il s’agit ici de faire simplement appliquer le droit commun. Contrairement aux autres syndicats en France, ceux des artistes-auteurs ne sont pas financés, ou quand ils le sont, c’est à des conditions qui peuvent entraver leur liberté syndicale et confisquer le dialogue social. En l’absence d’organisations professionnelles légitimes et financées, aujourd’hui, toute structure et n’importe qui parle au nom de nos professions. Or, il nous appartient à nous de pouvoir construire des projets, identifier des interlocuteurs précis missionnés pour notre défense et de d’être libres de remettre en cause leurs actions ou leur efficacité.

Conclusion

Si l’approche sectorielle des groupes de travail a rapidement montré ses limites, il était intéressant de constater que l’écosystème des arts visuels, qui a de longue date balisé les rôles de chaque organisation du fait de la présence de syndicats d’artistes-auteurs, permettait de générer une réunion de travail constructive où se mettent en place de véritables synergies, peu importe les sensibilités et convictions propres aux organisations professionnelles. La raison ? Les organisations professionnelles défendent toutes la même chose : les intérêts professionnels et moraux de la profession. La Ligue et d’autres organisations professionnelles appellent de leurs vœux la création d’un Centre National des Artistes-Auteurs. Nous savons que la situation actuelle est tendue, et la crise sanitaire a mis en exergue à quel point l’État était incapable de soutenir efficacement nos professions, non pas faute d’arbitrage politique en l’occurrence, mais bien d’outils opérationnels pour que ces décisions politiques s’inscrivent dans nos vies et nos réalités. L’État a aujourd’hui une chance historique de doter nos populations créatives d’un opérateur qui permettrait de mettre en place les mesures du rapport Racine sur le court, moyen et long terme.

Vous pouvez retrouver ici les contributions que la Ligue a fait parvenir au Ministère de la Culture :

Élections professionnelles : proposition concrète

Les artistes-auteurs sont évincés depuis avril 2014 de la gestion de leur propre régime de sécurité sociale. Suite aux nombreuses défaillances attestées, nous demandons la création d’un nouvel organisme pour piloter le régime social des artistes-auteurs. Aujourd’hui, la situation est intenable. Nous demandons depuis 1 an désormais l’organisation d’élections professionnelles, afin que nos professions puissent constituer une représentation clarifiée, solide et élue démocratiquement afin d’agir sur les décisions nous concernant sur plusieurs périmètres. Le premier périmètre est le régime de sécurité sociale.

Quel rôle pour le conseil d’administration ?

Nous l’avons vu durant la crise du Covid, les indépendants qui disposaient d’un véritable pilotage de leur régime de sécurité sociale ont pu obtenir des soutiens simples et massifs en période d’urgence. Nous demandons que soient explicitement spécifiés les pouvoirs et le rôle du conseil d’administration de la protection sociale des artistes-auteurs par voie réglementaire. À ce jour, l’Urssaf Limousin n’est qu’un prestataire assurant le recouvrement des cotisations. Si les artistes-auteurs avaient pu être associés au pilotage de la transition Agessa/Mda/Urssaf, ces derniers ne vivraient pas actuellement une période administrative aussi complexe et difficile.

Modalités pratiques pour les élections professionnelles

Ces propositions sont les positions conjointes de 12 organisations professionnelles d’artistes-auteurs depuis 2019. Vous pouvez trouver toutes les précisions en fin d’article.

Qui est électeur ?

Les élections professionnelles ne sont pas une nouveauté. Or, par le passé, elles permettaient dans le régime artistes-auteurs de désigner des individus et non pas des organisations professionnelles. Un point très problématique qui a été corrigé dans le code de la sécurité sociale. Dans toutes les instances concernant les artistes-auteurs, il serait essentiel que nos professions ne soient plus représentées par des personnes mais bien des organisations professionnelles.

Antérieurement seuls les dits « affiliés » pouvaient voter, donc les artistes-auteurs ayant une assiette sociale supérieure ou égale à 900 SMIC horaire (environ 9000 euros/an) ou ayant été affiliés à titre dérogatoire par une commission professionnelle. Aujourd’hui, tout cotisant est dit « affilié », mais, comme précédemment, seule une partie des cotisants s’ouvre l’ensemble des droits au régime (ceux qui atteignent le seuil forfaitaire de 900 SMIC horaire et ceux qui cotisent volontairement sur ce seuil). Qui est électeur pose la question de quels artistes-auteurs composeront le corps professionnel de notre population. Définir le corps professionnel, c’est enfin identifier notre profession. Comme nous le maintenons depuis 2019, le critère seul du revenu ne saurait définir la professionnalité d’un artiste-auteur. Pour l’heure, faute d’outils, l’État est incapable d’appréhender notre population sociologiquement et dans nos pratiques autrement que par le revenu. Pour des raisons pratiques, il faudrait donc trouver un premier critère objectif de professionnalité le plus large possible tout en permettant par la suite d’établir encore plus finement la professionnalité d’un artiste-auteur. Soutenir socialement les artistes-auteurs qui dépendent économiquement de leur activité de création, et qui sont donc particulièrement exposés aux effets de la crise dans les industries culturelles, devrait être une priorité politique.

Nous proposons que soit électeur tout artiste-auteur ayant validé au moins 3 trimestres vieillesse l’année N-1 du vote, soit une assiette sociale supérieure ou égale à 450 SMIC horaire.

Ce nouveau seuil (450 SMIC horaire au lieu de 900 précédemment) permet d’élargir la base électorale, donc la représentativité des organisations syndicales qui seront élues. Elle permet également d’équilibrer les effectifs d’électeurs entre les deux organismes sociaux préexistants (MdA-sécurité sociale et AGESSA) soit environ 35 000 électeurs par organisme, alors qu’à un seuil de 900 SMIC horaire, les électeurs seraient nettement plus nombreux pour les arts graphiques et plastiques (29 222 affiliés MdA-sécurité sociale contre 16 940 affiliés AGESSA pour l’année 2018).

Qui est éligible ?

Tout syndicat professionnel d’artistes-auteurs pourrait être candidat. « Les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l’étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts. […] Les syndicats ou associations professionnels de personnes exerçant la même profession, des métiers similaires ou des métiers connexes concourant à l’établissement de produits déterminés ou la même profession libérale peuvent se constituer librement. […] Les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent. » (art. 2131-1 et suivants du Code du travail).

Dans le secteur de la création, comme dans tout secteur professionnel, seuls les syndicats professionnels ont la capacité juridique de représenter l’intérêt collectif des professions mentionnées dans leurs statuts. Comme tous les travailleurs, les artistes-auteurs peuvent librement se constituer en syndicats professionnels.

Quel mode de scrutin ?

Nous proposons un scrutin proportionnel plurinominal préférentiel, afin de favoriser la représentation la plus large possible des pratiques et des métiers des artistes-auteurs.

Scrutin plurinominal préférentiel : chaque électeur peut voter pour un, deux ou trois syndicats. Il leur attribue un pourcentage (avec un total de 100 %). Ainsi, son vote pourra correspondre au mieux à l’éventuelle pluralité de ses pratiques créatives et/ou à une diversité de ses préférences syndicales.

Scrutin proportionnel : chaque syndicat candidat se présente isolément à l’élection. Les candidats seraient élus selon les règles de la représentation proportionnelle (et non au scrutin majoritaire) pour permettre une meilleure représentation des différentes catégories ou tendances des artistes-auteurs.

Conclusion

Nous invitons les autres organisations professionnelles à formuler des propositions très concrètes sur les possibilités pratiques pour les élections professionnelles des artistes-auteurs. Il faut à tout prix que le chantier démarre réellement, pour qu’en cette période de crise économique sans précédent, les artistes-auteurs eux-mêmes soient au plus près de la gestion de leur régime de sécurité sociale afin d’y impulser les changements et évolutions désormais vitales.

Vous pouvez retrouver ici les contributions que la Ligue a fait parvenir au Ministère de la Culture :

Compte-rendu de la réunion du 25 septembre 2020

En février dernier paraissait le Rapport Racine, et avec lui la promesse d’un plan artistes-auteurs ambitieux pour sortir nos professions de l’angle mort des politiques culturelles. Cette analyse de 140 pages, fruit de longs mois d’auditions et de travaux d’experts, pointe la non représentativité des artistes-auteurs comme la source systémique des graves problèmes que nous rencontrons. Absence d’un statut clair, non recours sociaux, réformes chaotiques et non concertées, faiblesse face aux exploitants de nos œuvres… La non reconnaissance de notre profession se traduit par un dialogue social déstructuré et peu efficace, où le droit commun est absent. A la lumière de ces enjeux, les réunions de travail promises par le Ministère de la Culture sur la notion de représentativité sont d’importance.

compte rendu de la réunion du 25 septembre 2020 – groupe sectoriel “AUDIOVISUEL”

Ordre du jour du ministère :

  • Proposition de priorisation des différents chantiers inscrits à l’agenda des prochains mois en distinguant les enjeux de court terme et ceux de moyens terme ;
  • La question de la représentativité des organisations d’artistes-auteurs : identification des finalités et modalités possibles.

Organisations présentes :

Dans l’attente des listes complètes communiquées par le ministère de la culture sur la composition des groupes de travail.

Dans l’attente de mesures concrètes

8 mois après la sortie du rapport Racine, les mesures préconisées par ce dernier sont toujours en attente d’une mise en application. Le décret du 28 août 2020 a permis des avancées significatives sur le champ du régime artistes-auteurs, mais la question de la représentativité et donc de la gouvernance de ce dernier reste en suspens et génère de nombreuses tensions. Durant la réunion du travail, chaque association, syndicat et organisme de gestion collective a dressé une liste de ses propres priorités pour les artistes-auteurs. Toutes les problématiques évoquées sont déjà bien connues de l’État. Nous rappelons qu’un diagnostic limpide et pragmatique a déjà été posé. La question qui demeure est la suivante : avec le remaniement ministériel, la nouvelle Ministre de la culture Roselyne Bachelot va-t-elle s’emparer du rapport Racine comme ligne de conduite pour des actions concrètes à venir en faveur de la profession ? Les artistes-auteurs attendent depuis des années malgré des cris d’alarme continus, et la situation sociale et économique ne fait que s’aggraver. Des solutions concrètes existent. Nous rappelons les propositions pour relever les défis du rapport Racine dans ce document.

Une approche sectorielle qui pose question

De nombreuses organisations professionnelles d’artistes-auteurs étant composées de créateurs et créatrices exerçant leurs activités dans plusieurs secteurs de diffusion, l’approche sectorielle a révélé la similitude des problématiques remontées peu importe les groupes de travail. Portail Urssaf défaillant, non recours sociaux dramatiques, nécessité de revaloriser les rémunérations, contrat de commande… les artistes-auteurs étant unis par un même régime de sécurité social et étant toutes et tous des auteurs au sens du Code de la Propriété Intellectuelle, il est logique que les doléances identiques se retrouvent dans chaque groupe.

L’absence du ministère du travail

Nous déplorons de nouveau l’absence du ministère du travail. Le dialogue social relève du champ de compétence du ministère du travail, et nous souhaitons que la profession des artistes-auteurs cesse d’être mise à part de toutes les considérations et lois qui s’appliquent dans ce pays en matière de dialogue social. Aussi, nous demandons solennellement que le Ministère du Travail soit présent et contribue à cadrer ces discussions.

La question du contrat de commande

Parmi les sujets qui sont venus pêle-mêle sur la table des discussions en introduction, le contrat de commande a cristallisé les débats. Certaines associations d’auteurs ou organisme de gestion collective se sont opposés à sa mise en place, au prétexte que l’encadrement de nos conditions de travail serait une mise en danger du droit d’auteur. Cet argument est parfaitement infondé. Nous tenons à éclaircir un point juridique fondamental : distinguer le paiement de l’acte de création et de la cession des droits ne retire aucunement la titularité de droit d’auteur aux artistes-auteurs !

Il existe une incohérence frappante du droit qui protège l’auteur parce qu’il est la partie faible du contrat d’exploitation sans toutefois prévoir un cadre juridique pour le protéger davantage au moment de la création, en amont de la diffusion d’une œuvre. Ce moment – l’acte de création – est pourtant le cœur battant de l’activité des auteurs et autrices. Il ne s’agit pas de révolutionner le droit existant, mais plutôt de le faire appliquer !

L’article 1710 du Code civil prévoit que « le louage d’ouvrage est un contrat par lequel l’une des parties s’engage à faire quelque chose pour l’autre, moyennant un prix convenu entre elles ».

Par transposition au secteur du livre ou de l’audiovisuel par exemple, le louage d’ouvrage est un contrat par lequel un auteur ou une autrice s’engage à écrire une œuvre pour un éditeur ou un producteur, moyennant un prix convenu entre eux.

Au titre de la commande, l’auteur s’engage à écrire une œuvre et à la livrer à l’entreprise dans un délai convenu. Il s’engage aussi à faire des modifications, impératif qui existe déjà dans les contrats de cession actuels, que ce soit dans le livre ou l’audiovisuel.

Au titre de la cession de droits, l’auteur s’engage à céder à l’éditeur les droits patrimoniaux nés sur l’œuvre qu’il a créée.

Actuellement, seul le second contrat est rémunéré.

Sans aucun encadrement, on voit se multiplier des contrats de cession mélangeant ce qui relève de la cession de droits à des impératifs qui devraient d’une façon ou d’une autre relever légalement du Code du travail, y compris pour un travail indépendant. Les auteurs se retrouvent souvent dans des situations administratives ubuesques, dans la confrontation entre ce qui relève de la propriété et/ou du travail. Un exemple : une autrice enceinte a droit en pratique à des indemnités pour son congé maternité, mais son contrat d’édition peut imposer des dates de rendu sur la même temporalité. Quel droit prévaut : le droit du contrat ou le droit social ? En l’absence de cadre et de régulation, les conditions économiques et sociales des auteurs se dégradent de façon inéluctable et rapide, que ce soit en termes d’à-valoir (avance sur droits), de rémunération proportionnelle ou de non-recours sociaux.

Auparavant, seules les rémunérations versées à l’auteur en contrepartie de la cession de droits étaient conçues comme des rémunérations principales dans le régime artistes-auteurs. Le décret du 28 août 2020 vient d’ouvrir une porte en reconnaissant plus largement les rémunérations issues de la conception des œuvres – non pas uniquement de leur exploitation – comme entrant dans le champ du régime. Jusqu’ici, cette absence d’encadrement du moment de l’acte de création a permis le développement des avances ou à-valoir, un mode de rémunération très contestable juridiquement qui invisibilise le travail créatif et paralyse l’obtention de redevances du fait de mécanismes de compensations.

Partant du constat que les auteurs et autrices sont les parties faibles des contrats de commande et de cession, la Ligue milite pour mettre en place un véritable droit de la négociation collective qui permettrait aux auteurs et autrices d’être plus forts lors de la signature de leurs contrats. Cela demande la reconnaissance d’une véritable branche professionnelle pour l’ensemble des créateurs et créatrices et donc d’une représentativité clarifiée.

Des organisations professionnelles pointées comme non légitimes pour participer au débat

En préambule de la réunion, la Ligue et d’autres organisations professionnelles ont dû essuyer des critiques d’autres organisations sur leur présence dans le groupe de travail “audiovisuel”. Cette introduction était à elle seule l’illustration du document de la Guilde des scénaristes, L’impossible dialogue social. Faute d’encadrement légal, la représentativité de la profession n’est pas établie. La Ligue rappelle que ses adhérents sont composés d’auteurs et d’autrices du livre dont les activités de création s’exercent en simultané dans de nombreux secteurs de diffusion. 10% des adhérents de la Ligue sont scénaristes d’audiovisuel, ce qui représente plus de 200 individus, mais surtout les auteurs et autrices de livre voient leurs droits audiovisuels systématiquement captés par les maisons d’édition. Aussi, les auteurs et autrices de la Ligue sont confrontés au quotidien à des problématiques liées au marché de l’audiovisuel : écriture, cession de droits, droit moral, etc. Le ministère de la culture nous a informé en préambule les critères de présence aux groupes de travail : avoir des adhérents exerçant des métiers dans le secteur économique concerné. Aucun autre critère. Comme l’indiquait le rapport Racine, en absence de représentativité entérinée, nul ne peut présumer de quelle organisation d’auteurs est représentative de quoi faute d’un écosystème à la cartographie des intérêts clarifiés par la voie légale et démocratique.

Qu’est-ce qu’un syndicat ?

Dans les groupes de travail du livre comme de l’audiovisuel, le point brûlant est la question de quel type d’organisation d’auteurs peuvent prétendre représenter les intérêts des artistes-auteurs. Nous appelons à une reprise en main de notions fondamentales sous le prisme du droit commun. Il faut distinguer le type de structure selon les intérêts qu’elle défend, afin d’éviter tout conflit d’intérêt. Il faut aussi distinguer les différents champs sur lesquelles s’appliquent le dialogue social :

  • Droits individuels et droits collectifs
  • Régime de sécurité sociale
  • Négociation interprofessionnelles pour encadrer les conditions de travail des artistes-auteurs

Nous constatons qu’autour de la table sont présentes de nombreuses structures représentant des métiers très divers, dans des secteurs fins : clarifier la représentativité n’empêche en rien la diversité, au contraire ! En revanche, il s’agit bien pour chaque organisation de clarifier l‘objet de sa mission au service des artistes-auteurs. Le terme de “syndicat” prête à confusion car il est peu utilisé dans notre écosystème qui découvre la démocratie sociale.

Alors qu’est-ce qu’un syndicat ? Une organisation syndicale ou professionnelle ne se définit donc pas par sa forme juridique, mais par son objet : la défense exclusive des intérêts d’une profession. Peu importe qu’elle prenne la forme d’une association régie par la loi du 1er juillet 1901 ou par la loi du 21 mars 1884. C’est l’objet de l’activité de l’entité qui permet la qualification d’organisation syndicale ou professionnelle et de la distinguer d’autres groupements. Ces organisations ne défendent pas uniquement leurs adhérents, mais tous les professionnels visés par leurs statuts, qu’ils soient adhérents ou non. C’est ce qui leur permet d’ester en justice pour la profession.

Pourquoi en France, le dialogue social est réservé aux syndicats ? Justement pour éviter les conflits d’intérêt. Du fait de ce paysage non clarifié, il y a encore peu de temps, les pouvoirs publics pouvaient estimer que le Syndicat National de l’édition “représentait les auteurs”. Qui imaginerait dans un autre secteur un syndicat d’employeurs représenter les salariés ? Même si les artistes-auteurs ne sont pas salariés, nul ne peut ignorer le lien de dépendance qui existe entre eux et les exploitants de leurs œuvres et le fait qu’ils sont parti faible du contrat. De même, quand une structure cumule de nombreux objets et pas exclusivement la défense des intérêts de la profession s’exercent forcément des tensions internes, conflits ou divergences d’intérêt. Le Rapport Racine pointait que le chaos qui régnait dans notre écosystème était la raison systémique à l’impossibilité actuelle à faire émerger un véritable statut pour les artistes-auteurs. Cette clarification est donc une priorité.

Conclusion

Pour l’heure, les groupes de travail s’apparent davantage à des groupes de parole. Les mêmes thématiques et points sensibles reviennent selon les secteurs de diffusion. La raison est simple : peu importe la façon dont nos œuvres sont diffusées, nous sommes toutes et tous des créateurs d’œuvres ! Nos métiers ont des particularités mais pour enfin obtenir un véritable statut, nous devons nous concentrer sur nos points communs entre artistes-auteurs et organisations professionnelles ayant la même mission, à savoir défendre exclusivement les intérêts d’une profession. L’obtention d’un statut protecteur pour un groupe social n’empêche en aucun cas l’expression de la spécificité des métiers. À titre d’exemple, le statut des intermittents du spectacle permet tout à fait à chaque corps de métiers de représenter ses spécificités. Si cette notion même de “profession” fait encore débat, c’est bien que nous avons un cap historique à franchir. À la lumière des confusions et interrogations de beaucoup d’associations d’auteurs, le meilleur moyen de cadrer ces travaux serait d’y faire intervenir des rappels élémentaires du droit, d’où la nécessité de l’intervention du ministère du travail. Nous militons pour l’application des préconisations du rapport Racine, pour un écosystème lisible et clarifié à l’abri de tout conflit d’intérêt, et ce afin que les artistes-auteurs accèdent enfin, après des siècles, à un véritable statut les reconnaissant comme les professionnels de la culture qu’ils sont.

Vous pouvez retrouver ici les contributions que la Ligue a fait parvenir au Ministère de la Culture :