Décret du 28 août 2020 : décryptage

Le décret n° 2020-1095 publié le 28 août 2020 était attendu depuis près de 7 ans par l’ensemble des artistes-auteurs. Présenté comme le véhicule législatif venant mettre en application les préconisations du rapport Bruno Racine, force est d’admettre qu’il mélange de nombreux sujets, et autant d’avancées attendues que de reculs catastrophiques pour notre profession. La Ligue des auteurs professionnels vous propose un décryptage pointu sur la partie du décret consacrée au champ du régime des artistes-auteurs. Nous reviendrons plus tard sur les enjeux autour de la gouvernance du régime, qui doivent trouver des réponses dans un cycle de réunions de travail sur la notion de “représentativité” avec le ministère de la culture et le ministère du travail.

UNE NOUVELLE DÉFINITION DES ACTIVITÉS ARTISTIQUES

Concernant les activités artistiques, le décret intègre désormais de nouvelles pratiques créatives dans le champ du régime.

Une ouverture du champ du régime. Notre régime social affiche une contradiction avec l’esprit du Code de la propriété intellectuelle qui vise une liste non exhaustive d’activités littéraires et artistiques. La notion “artiste-auteur” issue du Code de la sécurité sociale (v. notre vidéo illustrée) limite des activités protégées. Il en résulte que nombreux auteurs et autrices protégés en droit d’auteur sont exclus du régime artistes-auteurs.

La conservation de branches sectorielles n’a aucun sens du point de vue de la sécurité sociale. Si le régime s’élargit, il compte toujours ses cinq branches sectorielles très critiquables. Ces branches renvoyant aux secteurs de l’économie de la culture fixent la liste des auteurs et autrices susceptibles d’être rattachés au régime. Le régime conserve donc son ancienne approche : on ne part pas des individus qui créent des œuvres, mais des secteurs de diffusion des œuvres. Une telle structuration n’a aucun fondement juridique et divise des artistes-auteurs pourtant liés par des problématiques sociales communes : maladie, naissance, mariage, décès, etc.

La branche des arts graphiques et plastiques connaît des évolutions. Elle ne fait plus référence aux articles restrictifs du Code général des impôts, mais vise de manière plus large les auteurs d’œuvres originales, graphiques ou plastiques, les auteurs de scénographies de spectacles vivants, d’expositions ou d’espaces et les auteurs d’œuvres du design pour leurs activités relatives à la création de modèles originaux.

La branche du cinéma et de l’audiovisuel qui visait seulement les auteurs d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles accueillera désormais les auteurs de traductions, de sous-titres ou des audiodescriptions.

La prise en compte de nouveaux revenus principaux et accessoires

Avant la réforme. Pour rappel, une circulaire de 2011 précisait l’ensemble des revenus principaux et accessoires soumis aux cotisations sociales du régime des artistes-auteurs. Le décret apporte de nouvelles règles. Antérieurement au décret, étaient considérés comme revenus principaux : les droits d’auteurs versés en contrepartie d’un contrat de cession et la rémunération tirée d’une vente de l’oeuvre.

Du côté des “revenus accessoires”, la circulaire visait les revenus rattachés de manière dérogatoire au régime artistes-auteurs, pour des activités qu’on estimait entrer dans le champ de leur activité professionnelle : rencontres publiques, débats, cours et interventions scolaires… Ces rémunérations accessoires n’étaient prises en compte que pour les affiliés et la circulaire était si technique qu’elle avait parfois du mal à s’appliquer.

Le décret introduit deux nouveaux articles au sein du Code de la sécurité sociale. L’article R. 382-1-1 traite des revenus principaux et l’article R. 382-1-2 traite des revenus accessoires.

Les revenus principaux

Constituent, selon l’article R. 382-1-1 du Code de la sécurité sociale, des revenus principaux, les rémunérations versées “en contrepartie de la conception ou de la création, de l’utilisation ou de la diffusion d’une œuvre” dès lors que l’activité n’est pas salariée. Tel est le cas des revenus suivants :

1) La vente ou la location d’œuvres y compris les recettes issues de la recherche de financement participatif en contrepartie d’une œuvre de valeur équivalente ;

Les rémunérations tirées des ventes et locations étaient déjà prises en compte, en revanche, les recettes issues de la recherche de financement n’étaient pas visées par la circulaire de 2011 et laissaient planer un doute quant à leur prise en compte. Désormais, elles sont expressément visées par le Code de la sécurité sociale.

2) La vente d’exemplaires de son œuvre par l’artiste-auteur qui en assure lui-même la reproduction ou la diffusion, ou lorsqu’il est lié à un diffuseur par un contrat à compte d’auteur ou par un contrat à compte à demi ;

Autrement dit les auteurs et autrices auto-édités, les auteurs et autrices signant à compte d’auteur ou à compte à demi entreront enfin dans le régime et pourront enfin cotiser comme les auteurs et autrices édités à compte d’éditeur. Ils pourront déclarer les revenus tirés des produits dérivés de leurs oeuvres, ce qui constitue une avancée assez inédite.

3) L’exercice ou la cession de droits d’auteurs ;

Les droits d’auteur sont les rémunérations issues de la cession des droits étaient déjà des revenus artistiques principaux, le décret ne change rien sur ce point.

4) L’attribution de bourse de recherche, de création ou de production avec pour objet unique la conception, la réalisation d’une œuvre ou la réalisation d’une exposition, la participation à un concours ou la réponse à des commandes et appels à projets publics ou privés ;

La circulaire de 2011 prévoyait déjà que les bourses entrent dans le revenu artistique quand elles ont pour objet unique la conception, la réalisation d’une œuvre ou la réalisation d’une exposition. Elle visait aussi les sommes perçues en contrepartie de réponses à des commandes et appels à projets publics ou privés. La nouveauté est que ces rémunérations sont maintenant visées par le Code de la sécurité sociale au même titre que les droits d’auteur précédemment envisagés. Leur qualification ne fait plus de doute.

5) Les résidences de conception ou de production d’œuvres, dans les conditions fixées par arrêté pris par le ministre chargé de la culture et le ministre chargé de la sécurité sociale ;

La circulaire de 2011 prévoyait que ces rémunérations entrent dans le champ des revenus artistiques si le temps consacré à la conception/réalisation de l’œuvre est ≥ à 70% du temps de la résidence et si un contrat énonce l’ensemble des activités réalisées par l’artiste-auteur ainsi que le temps consacré à chaque activité. Puisqu’ici, l’item n° 5 fait référence aux “conditions fixées par arrêté”, il faudra interpréter le texte à la lumière dudit arrêté, même s’il y a tout lieu de penser que la règle précédente soit à nouveau celle qui sera appliquée par voie d’arrêté.

6) La lecture publique de son œuvre, la présentation d’une ou plusieurs de ses œuvres, la présentation de son processus de création lors de rencontres publiques et débats ou une activité de dédicace assortie de la création d’une œuvre ;

La circulaire de 2011 prévoyait une disposition bien délicate à appliquer puisqu’elle prévoyait que les revenus étaient principaux lorsqu’ils provenaient de : la lecture publique d’une œuvre, assortie d’une présentation orale/écrite, à l’exclusion des participations de l’auteur à des débats ou à des rencontres publiques portant sur une thématique abordée par l’auteur dans l’une de ses œuvres, des conférences, ateliers, cours et autres enseignements. Désormais, les participations rémunérées des auteurs et autrices aux rencontres publiques, dès lors qu’ils y présenteront leur processus de création, seront prises en compte.

Autre remarque, il est prévu dans le décret que les rémunérations tirées des activités de dédicace seront aussi concernées si elles sont assorties “de la création d’une œuvre”. C’est le cas des dédicaces illustrées qui a été pensé ici, mais le renvoi à “la création d’une œuvre” laisse place à d’autres interprétations : si l’auteur écrit un court poème en guise de dédicace ou réalise une esquisse, alors le régime s’appliquera à la rémunération qu’il aura touchée. Plus largement, on pourra présager une quasi-impossibilité d’exercer un contrôle sur des ouvrages dédicacés qui sont, de fait, voués à être possédés par leurs lecteurs… Autrement dit, si l’auteur et l’autrice ne réalisent pas de dédicaces “créatives” et sont rémunérées, rien ne les empêchera de déclarer ces revenus au titre de leurs rémunérations principales.

7) La remise d’un prix ou d’une récompense pour son œuvre ;

Les prix et récompenses d’une œuvre n’étaient pas visés par la circulaire de 2011 alors même que leur lien principal avec l’activité de création ne faisait aucun doute. Le Code de la sécurité sociale y fait maintenant référence.

8) Un travail de sélection ou de présélection en vue de l’attribution d’un prix ou d’une récompense à un artiste-auteur pour une ou plusieurs de ses œuvres ;

Les rémunérations tirées d’une activité de jury en vue de l’attribution d’un prix relevant de votre activité principale, elles sont maintenant visées par le Code de la sécurité sociale.

9) La conception et l’animation d’une collection éditoriale originale.

Le décret intègre des directeurs de collection de façon claire, sans condition qu’ils sont également artistes-auteurs, alors même qu’ils ne sont pas à proprement parler à l’origine d’une œuvre de l’esprit. Il y a lieu de douter de la possibilité de leur verser des droits d’auteur (lesquels sont la contrepartie de la cession de droits). Le Code de la sécurité sociale vient donc mettre en place une fiction juridique qui pourrait être à l’abri de la critique sur la forme si elle ne laissait pas la porte à de nombreuses entorses au droit du travail… Rappelons en effet que des décisions du Conseil d’État et de la Cour de cassation, nos deux plus hautes juridictions suprêmes ont posé que si le directeur de collection exerçait une activité sous les ordres et directives d’une maison d’édition, il était tout à fait possible de caractériser entre eux un lien de subordination requalifiant ainsi le contrat en contrat de travail ! Cette fiction juridique n’empêchera donc absolument par l’Urssaf de procéder à un contrôle et pourquoi pas… à un redressement !

Les revenus accessoires

La prise en compte des revenus accessoires est faite sous réserve que les artistes-auteurs et artistes-autrices justifient de l’existence de revenus principaux sur l’année en cours ou une des deux années précédant l’année en cours. Les revenus accessoires sont intégrés à l’assiette des revenus dans la limite de 12 180 €. Avant le décret, le plafond était fixé à 80% du seuil d’affiliation (soit 7 308 € en 2020).

Constituent des revenus accessoires, les revenus provenant :

1) Des cours donnés dans l’atelier ou le studio de l’artiste-auteur, d’ateliers artistiques ou d’écriture et de la transmission du savoir de l’artiste-auteur à ses pairs :

Avant, la circulaire de 2011 considérait comme revenus accessoires les revenus provenant des cours donnés dans l’atelier ou le studio de l’artiste auteur, ainsi que ceux provenant d’ateliers, “dans la limite de 3 ateliers par an (1 atelier valant 5 séances d’une journée maximum)”. Le texte prévoyait aussi des exceptions qui rendaient l’application du texte plus compliquée : par exemple, pour les ateliers réalisés auprès d’organismes spéciaux (écoles primaires, collèges, lycées, universités, hôpitaux, prisons, etc.) la limite était portée à ateliers par an… En somme, le décret procède sur ce point à un vrai toilettage et rendra l’application de l’article R. 382-2-1 du Code de la sécurité sociale plus simple.

On pourra également admettre la qualification de revenus accessoires pour ceux tirés de consultations lorsque l’artiste-auteur renseignera ses pairs sur certains aspects de l’activité artistique et, pourquoi pas, les droits sociaux et fiscaux attachés au statut d’artiste-auteur.

2) De sa participation à des rencontres publiques et débats entrant dans le champ d’activité de l’artiste-auteur dès lors qu’il n’y réalise pas l’une des activités mentionnées au 6° de l’article R. 382-1-1 ;

La circulaire de 2011 prévoyait initialement que les seules “rencontres publiques et débats en lien direct avec l’œuvre de l’artiste auteur” entraient dans la catégorie des revenus accessoires. Or, dorénavant ces revenus intégreront les revenus principaux (v. infra, art. R. 382-2-1, n°6).

Il conviendra à partir de 2021 de faire la différence entre, d’une part, les rencontres publiques qui ne donnent lieu à aucune lecture, aucune présentation de l’œuvre ou de son processus créatif, aucune dédicace créative et, d’autre part, les rencontres publiques qui donnent lieu à une lecture ou une présentation de l’œuvre ou une dédicace créative…

Les premières seront des revenus accessoires et les secondes des revenus principaux. Nous formulons donc une crainte c’est que la frontière entre les deux ne soit pas trop fine et que les artistes-auteurs et autrices s’y retrouvent en pratique…

3) Des participations à la conception, au développement ou à la mise en forme de l’œuvre d’un autre artiste-auteur qui ne constituent pas un acte de création originale au sens du livre I du code de la propriété intellectuelle ;

La circulaire de 2011 visait “les participations ponctuelles, dans la limite admise de 4 par an, à la conception ou à la mise en forme de l’œuvre d’un autre artiste plasticien”. Fréquemment, il arrive en effet que des artistes-auteurs fassent appel à d’autres artistes-auteurs pour les aider à procéder à l’installation d’une œuvre ou à la mise en forme d’une performance, sans pour autant que les “aidants” soient en mesure de revendiquer un droit d’auteur sur la création. À ce moment-là, les revenus tirés par “l’aidant” pouvaient intégrer l’assiette des revenus accessoires.

Ces participations sont interprétées plus largement et incluent finalement toutes les interventions extérieures de tiers au moment de la conception de l’œuvre dès lors qu’elles n’impliquent pas un acte de création original. La rémunération ainsi versée sera qualifiée de revenu accessoire. À titre d’exemple, le recours aux consultants et aux scripts-docteurs est fréquent dans le secteur audiovisuel. Si leur intervention donne lieu à une réécriture complète du scénario teintant ce dernier de leur personnalité, la qualification juridique de la rémunération pourra être soulevée.

4) De la représentation par l’artiste-auteur de son champ professionnel dans les instances de gouvernance mentionnées au sixième alinéa de l’article L. 382-1 du présent code et à l’article R. 6331-64 du Code du travail.

Enfin, nouveauté du décret, les indemnités liées à l’occupation d’un siège par l’artiste-auteur ou par une artiste-autrice donneront lieu à la qualification de revenus accessoires.

La non-remise du certificat de précompte sanctionnée

Qu’est-ce que le précompte ? Le précompte et la dispense de précompte sont des conséquences très concrètes de la déclaration sociale des revenus tirés de l’activité de l’artiste-auteur.

Lorsque l’auteur et l’autrice déclarent leurs revenus en bénéfices non commerciaux, ils sont dispensés de précompte.
Pour en attester auprès de leurs diffuseurs, ils seront munis d’un certificat administratif qu’il conviendra alors de présenter aux clients. Les diffuseurs devront procéder au calcul de leurs cotisations “diffuseurs” et s’en acquitter auprès de l’Urssaf compétent.

Lorsque les auteurs et autrices déclarent fiscalement leurs revenus en traitements et salaires, les tiers qui les paient (diffuseurs ou exploitants) précomptent les cotisations sociales et les reversent directement à l’Urssaf.
Autrement dit, au moment de rémunérer les auteurs et autrices, les diffuseurs de leurs œuvres auront à calculer le coût social de la rémunération versée à l’auteur. Ils détermineront alors la part “auteur” et la part “diffuseur” et procéderont au paiement des sommes auprès de l’Urssaf. Selon un arrêté, lorsque le diffuseur précompte, il “remet” à l’artiste-auteur un certificat de précompte et il en “conserve” un double. Mais, la règle est peu respectée en pratique !

Pourtant ce précompte constitue un document essentiel : il permet de faire valoir des droits à la retraite et il permet d’attester que l’obligation de cotiser socialement au régime est respectée.

Dorénavant, le Code de la sécurité sociale prévoit que le défaut de production du certificat de précompte par le diffuseur entraîne l’application d’une pénalité égale à 155 euros par certificat de précompte non remis, ce qui devrait créer de nouveaux usages et inviter les diffuseurs à plus de rigueur !

Réductions de cotisations 2020, on vous explique tout !

Le Décret n° 2020-1103 sur les réductions de cotisations des artistes-auteurs affectés par la crise sanitaire vient de paraître. Il précise les conditions de mise en oeuvre de la mesure de soutien promise par le président de la République.

Pour rappel, la loi du 30 juillet 2020 prévoit que seuls les artistes-auteurs dont le revenu artistique en 2019 est supérieur ou égal à 3 000 € bénéficient d’une réduction des cotisations sociales redevables au titre de l’année 2020. Ce plancher a été dénoncé par la Ligue et d’autres organisations professionnelles : il prive les auteurs et autrices les plus précaires d’une réduction de cotisations sociales pourtant promise par le président de la République.

La loi fixait une réduction de cotisations d’au moins 500 € évoluant selon que le montant du revenu artistique 2019. Ce décret était donc très attendu puisqu’il détermine les montants précis de réductions accordées aux artistes-auteurs et artistes-autrices.

Les réductions augmentent progressivement selon des seuils :

  • 500 € pour les artistes-auteurs dont le revenu artistique 2019 est supérieur ou égal à 3 000 € et inférieur ou égal à 8120 €.
  • 1 000 € pour les artistes-auteurs dont le revenu artistique 2019 est strictement supérieur à 8120 € et inférieur ou égal à 20 300 €.
  • 2 000 € pour les artistes-auteurs dont le revenu artistique 2019 est strictement supérieur à 20 300 €.

Les artistes-auteurs et artistes-autrices qui débutent leur activité en 2020 sont aussi visés par le décret qui prévoit que le montant pris en compte pour déterminer le montant forfaitaire est le revenu artistique de l’année 2020, une fois ce dernier définitivement connu.

Deux modalités sont à connaître :

  • Pour les artistes-auteurs dont les revenus sont déclarés en BNC et qui sont dispensés de précompte, cette réduction s’applique via les acomptes provisionnels des cotisations calculés au titre de l’année 2020. Vous pouvez dès à présent moduler vos cotisations à la baisse en fonction de votre tranche, dans votre espace artistes-auteurs de l’Urssaf (si votre compte fonctionne…)
  • Pour les artistes-auteurs dont les revenus sont déclarés en traitements et salaires et ont fait l’objet d’un précompte, le montant correspondant à cette réduction sera versé, dans la limite des cotisations dues au titre de l’année 2020, par l’Urssaf Limousin lorsque le revenu de l’année 2020 sera connu. Autrement dit, cette catégorie d’artistes-auteurs et d’artistes-autrices se retrouvera une nouvelle fois lésée, puisque la réduction de cotisations sera bien plus tardive, sans que nous ayons à ce jour une date connue pour ce versement.

La réduction de cotisations est cumulable avec l’aide financière de l’État, mais elle n’a aucune conséquence sur l’ouverture des prestations sociales, qui sont évidemment maintenues.

La Ligue déplore que ce décret entre en complète contradiction avec les engagements du président de la République. Ce dernier avait annoncé une exonération des cotisations sociales, non pas une réduction. Jamais il n’avait été sous-entendu que cette dernière exclurait une partie des artistes-auteurs et artistes-autrices. Nous sommes la seule profession pour laquelle un tel système comprenant de lourds effets de seuil a été mise en place. De plus, une partie des artistes-auteurs ne verra ce soutien que dans un temps différé, encore inconnu à ce jour. Les nombreux dysfonctionnements vécus par les artistes-auteurs dans la transition entre l’Agessa/Mda et l’Urssaf Limousin présagent encore une mesure qui peine à atteindre son objectif : aider les créateurs et créatrices de ce pays.

Document : “L’impossible dialogue social” de la Guilde des scénaristes

La Guilde Française des Scénaristes publie un remarquable document, qui fera date dans l’histoire de la défense des artistes-auteurs et autrices. Pourquoi toutes les tentatives pour obtenir un véritable statut pour les artistes-auteurs échouent ? Pourquoi le scandale des retraites a-t-il été passé sous silence ? Pourquoi le rapport Racine a été enterré ? Pourquoi les pouvoirs publics sont si inactifs face aux dysfonctionnements de notre protection sociale, aussi bien le régime que les conditions de travail ?

Un mot clef qui éclaire toutes nos problématiques : représentativité.

L’absence de liberté syndicale et d’une représentativité légale et démocratique des artistes-auteurs nous empêche d’acquérir enfin des droits comme n’importe quel citoyen de ce pays.

Cet argumentaire juridique extrêmement pointu dresse un bilan précis et sans fard de notre écosystème, sans édulcorer la responsabilité de l’État dans cette cacophonie. Ce qui s’applique à l’audiovisuel s’applique en grande partie à l’univers du livre – où l’on peut dire que jusqu’ici, notre représentativité a été confisquée par divers acteurs, dont d’ailleurs le syndicat des éditeurs.

Lisez “L’impossible dialogue social”. Partagez-le. Envoyez-le à vos parlementaires. La France bafoue ses engagements les plus élémentaires pour nos professions créatives.

À 10 jours du début des nouvelles concertation avec le ministère de la culture sur la thématique de la “représentativité”, nous vous invitons à être le plus informés possibles sur les enjeux en cours. Après le récent décret qui confisque une nouvelle fois la gouvernance de notre régime, il est essentiel d’enfin traiter du sujet en profondeur, sous l’angle des droits fondamentaux des citoyens de ce pays.

La constitution de 1946 débute en rappelant que « au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. »

Immédiatement après cet énoncé, ce même préambule « proclame, en outre, comme particulièrement nécessaires à notre temps » un certain nombre de « principes politiques, économiques et sociaux ». Parmi ces derniers, on trouve à l’alinéa 6 le fait que : « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix. »

Chroniques juridiques de la Ligue n°1 : protection de l’œuvre

La Ligue des auteurs professionnels inaugure une nouvelle rubrique : ses chroniques juridiques ! Nous effectuons une veille juridique constante sur des jurisprudences concernant les droits des auteurs et autrices. L’occasion pour nous de commenter certaines affaires et de rappeler des règles d’or en matière de droit, afin de mieux vous orienter dans l’écosystème éditorial. C’est parti pour le 1er épisode !

Chroniques juridiques la Ligue

Épisode 1

Protection de l’œuvre

Une œuvre est protégée,
peu importe le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.

(Temps de lecture 5 minutes)

 

Une maison d’édition a édité un ouvrage reproduisant une cinquantaine de photographies d’architecture réalisées par une autrice. Cette dernière se rend compte que l’ouvrage a fait l’objet d’une réédition sans son accord, d’autant que, selon elle, la cession des droits signée pour la première publication était expirée… Après plusieurs réclamations restées sans réponse, elle décide d’assigner son éditeur en contrefaçon.

Le TGI de Paris lui donne tort au prétexte que « les photos litigieuses révélaient seulement un savoir-faire technique sans démonstration d’un parti-pris esthétique de sorte qu’elles n’étaient pas protégeables au titre du droit d’auteur ». La décision des premiers juges est très sévère, mais au fond leur cheminement est mécanique : si les photographies ne sont pas considérées comme des œuvres au sens du Code de la propriété intellectuelle, elles ne peuvent pas être protégées… Par conséquent la photographe n’est pas autrice : il n’y a donc pas de droits sur sa création et pas de contrefaçon… CQFD !

L’autrice ne s’arrête pas là… et fort heureusement, la Cour d’appel (CA Paris, Pôle 5- 2, 19 juin 2020, n° 19/02523) va se livrer à une autre appréciation. Les juges de la Cour d’appel de Paris vont rappeler, d’abord, que l’originalité « doit être explicitée par celui qui se prévaut d’un droit d’auteur » et souligner, ensuite, « qu’il importe peu que les photographies représentent des monuments ».

Il est très important de rappeler ici une règle essentielle du Code de la propriété intellectuelle : l’article L. 112-1 du CPI dispose que l’œuvre est protégée, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. Cet article illustre l’esprit “ouvert” du CPI qui protège l’œuvre indépendamment de ces caractéristiques indifférentes. Les photographies de monuments ne sont donc pas – par principe – exclues du champ de la protection du droit d’auteur.

Pour démontrer que ses œuvres sont protégées au titre du droit d’auteur, l’autrice doit alors rédiger une argumentation et démontrer que chaque création est originale. Autrement dit, elle doit pour chaque œuvre litigieuse démontrer en quoi elle est l’empreinte de sa personnalité… Le lecteur imaginera alors la difficulté de ce dossier qui portait sur une cinquantaine de photographies… Certaines affaires portent parfois sur plusieurs centaines d’œuvres qu’il faut alors caractériser une à une, c’est parfois très laborieux !

Les juges rappellent alors que l’artiste conserve « sa liberté créative d’effectuer des choix qui lui sont propres sur tous types de sujet, lesdits choix portant notamment sur des éléments de mise en scène, d’éclairage, de cadrage, d’angle de prise de vue ou d’atmosphère recherchée reflétant l’empreinte de sa personnalité ». Ils admettent donc la protection des photographies de l’autrice.

Pour se défendre, la maison d’édition arguait que la cession était toujours valable. En l’espèce, il n’y avait pas de contrat ; seule une facture précisait la mention Cession de droits mondiaux pour 5 ans ou 100 000 exemplaires. L’argument de l’éditeur était alors le suivant : la cession était valable tant que les 100 000 exemplaires n’étaient pas vendus… Étrange argument qui ne convaincra pas la Cour… Selon elle, les deux limites ne sont pas cumulatives : la cession était donc expirée 5 ans après l’émission de la facture et cela, qu’importe si le seuil des ventes n’était pas atteint.

L’autrice a donc gain de cause : la cession avait bien expiré et la reproduction de ses œuvres était illicite de la part de son éditeur. Elle a donc été indemnisée à hauteur des préjudices qu’elle a subis.

Voilà la solution de la Cour d’appel de Paris (Pôle 5- 2, 19 juin 2020, n° 19/02523) :

PAR CES MOTIFS

Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

Dit que les 48 photographies de Mme X, publiées dans l’ouvrage Y bénéficient de la protection au titre du droit d’auteur ;

Dit que la société Z a commis des actes de contrefaçon de droit d’auteur au préjudice de Mme X en rééditant et commercialisant sans son autorisation en 2008 et 2011 l’ouvrage ‘Y’ (…) ;

Condamne la société Z à payer à Mme X une somme totale de 18 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon de ses droits d’auteur ;

Fait interdiction à la société Z de commercialiser les rééditions litigieuses de l’ouvrage ‘Y’ ;

Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;

Condamne la société Z aux dépens de première instance et d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile et, vu l’article 700 dudit code, la condamne à payer à ce titre à Mme X une somme de 8 500 euros pour les frais irrépétibles de première instance et d’appel.

Cette affaire est l’occasion de rappeler deux règles d’or aux auteurs et autrices :

Règle n°1 : Vous pouvez tout à fait rédiger un petit carnet de bord lorsque vous réalisez des œuvres de l’esprit ! Cette pratique pourrait vous permettre de fixer pour l’avenir l’ensemble des choix que vous avez opérés pour la réalisation de votre œuvre de l’esprit (qu’importe le genre de l’œuvre, il faut démontrer les choix personnels qui ont été faits au moment de sa réalisation). En cas de contentieux, ces notes pourraient vous être précieuses et faciliter grandement le travail de démonstration d’originalité de vos œuvres, surtout si celles-ci ont, comme dans la présente affaire, été réalisées il y a plus de 15 ans !

Règle n° 2 : Vous devez rédiger un contrat pour la cession de vos droits. Si la pratique des factures est répandue dans certains secteurs de la création, elle n’est pas à l’abri de la critique. Il faut respecter le formalisme exigeant du Code de la propriété intellectuelle. Et pour cela rien de plus simple : un contrat d’édition équitable est à votre disposition au lien suivant (ICI), vous pourrez l’adapter en fonction de vos besoins.

Votre émission web sur le statut des artistes-auteurs

Depuis des mois, des auteurs et autrices bénévoles de la Ligue travaillent sur l’un des plus gros chantiers de notre année : VOTRE émission web innovante dédiée à VOTRE STATUT !

Deux fois par mois durant un an, nous vous donnons rendez-vous sur la chaîne Twitch de la Ligue pour des tables rondes interactives et en direct. En plateau, des experts se mêleront aux artistes-auteurs et autrices, traitant d’une thématique précise pendant 1h30.

Le but ? Vous informer massivement sur vos droits, faire connaître notre statut, mais aussi créer un espace de parole où vous pourrez témoigner et réagir, partager vos expériences, face à des juristes, sociologues, avocats, etc…

Si cette émission s’adresse en premier lieu à nos adhérents, donc des auteurs et autrices du livre, la perspective a été élargie à tous les artistes-auteurs, et nous recevrons d’autres organisations professionnelles partenaires qui contribueront activement.

Nous vous promettons un rendez-vous dynamique, entre tables rondes, pastilles et vidéos pédagogiques, chat pour poser vos questions en direct, mais aussi humour et entraide.

La première émission web aura lieu le 3 septembre à 18h00, sur le thème « Qu’est-ce qu’un artiste-auteur ? ». Alors, à vos agendas !

Une directrice pour la Ligue

La Ligue des auteurs professionnels, dont le travail reposait jusqu’à maintenant sur ses seuls bénévoles, vient de recruter une directrice. Et pas n’importe qui : Stéphanie Le Cam est une universitaire et juriste reconnue qui travaille depuis 10 ans sur le statut des artistes-auteurs. Elle a nourri la Mission Bruno Racine de sa grande expertise sur l’articulation entre le droit du travail et le droit d’auteur. Elle a aussi, entre autres, participé activement au Hackaton de février 2019. En rejoignant la Ligue, elle est heureuse de pouvoir mettre ses compétences directement au service des autrices et des auteurs.

Pourquoi une directrice ?

Le jeudi 6 septembre 2018 nous étions réunis dans la maison où a vécu Balzac. Auteurs et autrices de littérature générale, littérature jeunesse, bande dessinée, polar, romance, fantasy… Des jeunes créateurs faisant leurs premiers pas dans le monde de l’édition aux auteurs de best-sellers ayant marqué ces dernières décennies, nous avons décidé de nous unir pour prendre notre destin collectif en main, sous l’impulsion de la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse et des États-Généraux de la BD. Nous nous sommes ligués pour sauvegarder nos métiers, améliorer nos conditions de création et faire reconnaître, enfin, notre profession.

Depuis, le chemin parcouru est considérable. En à peine 2 ans, la Ligue compte 2000 adhérents et adhérentes. Notre équipe uniquement composée d’une dizaine d’auteurs et autrices bénévoles a rédigé des documents inédits sur le statut des auteurs et autrices, obtenu la mission Bruno Racine, alerté constamment sur toutes les réformes et les textes de loi concernant notre profession, créé des actions et des campagnes de communication pour sensibiliser sur nos conditions précaires, rencontré en continu les parlementaires et les pouvoirs publics, participé activement aux réunions de concertation et comités de suivi, élaboré des positions communes avec une vingtaine d’autres organisations professionnelles d’artistes-auteurs, soutenu et guidé au quotidien des centaines d’auteurs et d’autrices sur leurs droits… la liste est longue !

Pourtant, la Ligue repose essentiellement sur le bénévolat et l’entraide. Nos administrateurs et administratrices sont des auteurs et autrices qui doivent eux aussi conjuguer leur travail, leur créativité, leurs incertitudes, avec l’investissement immense que demande l’organisation professionnelle. Il est donc temps de passer à une seconde phase du développement de la Ligue : sa consolidation tant financière qu’en terme de ressources humaines et d’expertise. Le chantier de la reconnaissance de notre profession est colossal, et nous demande de faire face à tous les groupes d’intérêt qui ne souhaitent en aucun cas voir notre écosystème évoluer, ou encore les conditions d’exercice de nos métiers rééquilibrées. Le conseil d’administration de la Ligue a donc décidé de procéder à son tout premier recrutement : la direction, qui viendra en soutien à toutes les missions quotidiennes des bénévoles. Notre point cardinal : le droit. Nous sommes convaincus qu’aujourd’hui, seule l’application du droit dans un environnement professionnel qui le bafoue peut nous permettre d’assainir la situation.

Nous sommes profondément honorés que Stéphanie Le Cam, juriste et maître de conférence, accepte cette mission. Nous avons déjà eu l’occasion de collaborer avec elle en mars dernier, lors du Hackaton où nos organisations ont travaillé avec une vingtaine d’universitaires, avocats et juristes. Également, nous sommes nombreux à avoir lu sa thèse et pris la mesure de son degré de compréhension des dysfonctionnements de notre statut. La Ligue des auteurs professionnels s’est construite en alliant en permanence des actions militantes et à des réflexions constructives au service de la profession. Forte de dix ans d’une double expertise très rare entre droit social et droit de la propriété intellectuelle, les connaissances de Stéphanie Le Cam vont s’avérer un atout crucial dans les années à venir. Un double regard sur le droit d’auteur et le droit du travail fait partie des expertises clef pour parvenir à faire émerger un véritable statut des artistes-auteurs et la reconnaissance de toute une profession aujourd’hui dans l’angle mort de la France, comme en a attesté encore la gestion de crise du Covid 19. C’est avec beaucoup d’enthousiasme que nous accueillons donc Stéphanie Le Cam parmi nous. Elle sera amenée à être votre interlocutrice privilégiée sur bien des sujets, en lien permanent avec un conseil d’administration plus engagé et porté que jamais. Souhaitez-lui la bienvenue !

Le conseil d’administration de la Ligue

 

Le mot de la nouvelle directrice

Voilà plus de dix ans que je mène une activité de recherche sur les articulations entre le droit social et le droit de la propriété intellectuelle. Le cœur de mes travaux depuis tout ce temps est le statut – ou plutôt les incohérences du statut – des auteurs et des autrices. À ce titre, j’ai soutenu en 2011 une thèse de doctorat intitulée L’auteur professionnel, entre droit d’auteur et droit social.

En parallèle, la direction de l’Institut des sciences sociales du travail de l’Ouest m’a permis d’être quotidiennement en relation avec des militants syndicaux de différentes organisations professionnelles, des conseillers prud’hommes, magistrats, avocats, inspecteurs du travail, médecin et psychologues du travail. Ensemble, nous traitons des problématiques très variées liées aux sciences sociales du travail.

L’année dernière, le ministre de la Culture demandait à Bruno Racine de s’entourer d’un collège d’experts et j’ai été sollicitée en tant qu’experte indépendante pour participer à cette réflexion prospective sur le statut d’auteur. Au cours des auditions, j’ai entendu tous les acteurs majeurs du secteur littéraire et artistique. J’ai été particulièrement sensible à l’originalité de la Ligue des auteurs professionnels. Avec détermination et intelligence, ses représentants ont porté une parole inédite, moderne et clairvoyante sur les difficultés que connaissent les artistes-auteurs. À mes yeux de chercheuse, la Ligue se distingue par sa force de propositions pour réparer les nombreux dysfonctionnements du régime des artistes-auteurs, en matière de droits sociaux ou de régulation des équilibres avec les diffuseurs.

Le rapport Racine, fruit de 8 mois de travaux collectifs, d’auditions, de réflexions, a été remis au ministre en début d’année. Malgré un accueil très positif de la part des auteurs et autrices, ce dernier peine à être mis en application. De ma position extérieure, j’ai pu découvrir comme beaucoup les forces de lobbying en jeu pour démonter un long travail de diagnostic et de préconisations pourtant objectif, nourri et précis.

Aujourd’hui, forte de dix ans d’expertise et de recherche, je veux m’investir aux côtés de ces auteurs et autrices bénévoles qui luttent au quotidien pour améliorer les conditions de leur profession. Les attaques dont la Ligue fait l’objet confirment qu’elle est devenue en à peine 2 ans une organisation professionnelle forte et donc crainte pour les réformes dont elle pourrait être porteuse. Le signe que le changement est enfin en chemin. C’est pour moi un grand honneur de devenir la première directrice générale de la Ligue des auteurs professionnels. Je mettrai toute mon expertise en droit d’auteur et en droit social au service de ses membres, et plus globalement de la profession. Mon vœu le plus cher est de poursuivre cet effort collectif inédit et plein d’aspirations : empêcher la dégradation des conditions de travail des créateurs et créatrices, créer un véritable statut protecteur des artistes-auteurs et réconcilier droit d’auteur et droit du travail, qui n’ont rien d’incompatibles. C’est avec enthousiasme et détermination que je rejoins cette équipe débordante d’énergie.

Stéphanie Le Cam

 

Pour les artistes-auteurs les plus précaires, pas de réduction de cotisations !

Avec 15 autres organisations professionnelles, la Ligue dénonce un amendement qui privera les auteurs et autrices les plus précaires de la réduction de cotisations sociale que leur avait pourtant promis le président de la République.

Ce texte intersyndical inaugure le nouveau site artistes-auteurs.fr qui regroupe les communiqués et les actions collectives de nombreuses organisations qui informent et défendent les artistes-auteurs. Être créateur, être créatrice, si c’est avant tout une passion, c’est aussi souvent un métier. Aujourd’hui, il est urgent de protéger ces professionnels d’une précarisation économique et sociale toujours plus forte. Aujourd’hui, il est urgent de défendre et faire progresser les droits sociaux et les protections légales de tous les artistes-auteurs.

Communiqué intersyndical du 13 juillet 2020

Pour les artistes-auteurs les plus précaires, pas de réduction de cotisations !

En contradiction avec les engagements du président de la République, un amendement du gouvernement a supprimé la réduction de cotisations sociales aux artistes-auteur·trices les plus précaires !

Le président de la République a annoncé le 13 avril 2020 que des annulations de cotisations sociales seraient mises en œuvre pour les secteurs de l’économie durablement affectés par la crise, tels que le tourisme, la restauration, l’hôtellerie, la culture, le sport ou l’évènementiel. Le 6 mai 2020, il a expressément confirmé que les artistes-auteur·trices seraient concerné·es par cette mesure.

La troisième loi de finances rectificative pour 2020 prévoit en effet l’octroi d’une réduction de cotisations sociales pour tous les travailleurs non-salariés des secteurs particulièrement affectés par la crise. Mais lors de l’examen en première lecture, le gouvernement a déposé un amendement1 qui supprime toute aide aux artistes-auteur·trices les plus précaires. Ces créateurs et créatrices seraient donc les seuls parmi tous les travailleurs non-salariés à ne pas bénéficier d’une réduction de leurs cotisations sociales en dépit de l’engagement du Président de la république !

Cette inégalité de traitement au détriment des professionnel·les les plus fragiles, parmi les auteurs et les autrices d’œuvres littéraires, dramatiques, plastiques, graphiques, photographiques, lyriques, chorégraphiques, musicales, cinémato-graphiques, audiovisuelles, etc., est injustifiable et inacceptable.

En créant « un seuil d’au moins 3 000 € de revenus en 2019 » comme condition pour bénéficier d’une aide, seraient exclus :

  • la plupart des artistes-auteur·trices en début d’activité ;
  • les artistes-auteur·trices ayant consacré leur année 2019 à créer des œuvres sans en avoir tiré un bénéfice supérieur au seuil ;
  • des artistes-auteur·trices ayant engagé des frais importants de production d’œuvres ;
  • des artistes-auteur·trices ayant investi dans le développement de leur activité professionnelle (outils, matériels, frais de local professionnel, …) ;
  • des artistes-auteur·trices ayant subi d’importants coûts de réparation ou d’entretien ;
  • des artistes-auteur·trices dont l’activité artistique professionnelle a été réduite parce qu’ils ont suivi une formation professionnelle longue pour développer leur compétence artistique ;
  • des artistes-auteur·trices dont l’activité artistique professionnelle a été réduite en raison d’un congé maternité, de problèmes de santé ou d’un accident de parcours ;

En l’état, le dispositif constituerait un désaveu de l’engagement présidentiel à soutenir la création artistique en général et la création émergente en particulier.

Nous demandons donc au gouvernement et aux parlementaires de modifier le texte afin :

  • de n’exclure aucun·e artiste-auteur·trice de la réduction sur le paiement de leurs cotisations 2020 ;
  • d’octroyer une aide significative, donc d’instaurer un montant forfaitaire d’au moins 1 000€ (et non « d’au moins 500 € » !) ;
  • de veiller à réellement limiter les effets de seuil engendrés par les paliers à 8 000 € et 20 000 €.
Organisations signataires :
  • AdaBD Association des Auteurs de Bandes Dessinées
  • AICA France Association Internationale des Critiques d’Art
  • CAAP Comité Pluridisciplinaire des Artistes-Auteur·trices
  • CEA Commissaires d’Exposition Associés
  • Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse
  • CLAP Comité de Liaison et d’Action pour la Photographie
  • EGBD États Généraux de la Bande Dessinée
  • Ligue des auteurs professionnels
  • SELF Syndicat des Écrivains de Langue Française
  • SMdA-CFDT Syndicat Solidarité Maison des Artistes CFDT
  • SNAA-FO Syndicat National des Artistes-Auteurs FO
  • SNAP-CGT Syndicat National des Artistes Plasticiens CGT
  • SNP Syndicat National des Photographes
  • SNSP Syndicat National des Sculpteurs et Plasticiens
  • UNPI Union Nationale des Peintres Illustrateurs
  • USOPAVE Union des Syndicats et Organisations Professionnelles des Arts Visuels et de l’Écrit

Annexes

Contexte et budget

Nous souhaitons rappeler que les artistes-auteurs·trices sont les seuls travailleurs non-salariés à ne pas pouvoir bénéficier d’une aide sociale de leur propre régime. Ils ne comprendraient pas que, de surcroît, le montant d’aide minimal au paiement des cotisations (500 € dans le texte actuel) soit inférieur à tous les montants forfaitaires d’aide qui seront retenus pour les autres travailleurs non-salariés.

De plus, nous observons que le coût global de la mesure telle qu’actuellement envisagée serait en réalité très largement inférieur aux 100 millions annoncés par le gouvernement. En effet, non seulement les revenus des artistes-auteurs·trices, donc leurs cotisations proportionnelles, seront en forte baisse en 2020, mais encore l’aide forfaitaire est plafonnée et différentielle (« dans la limite des cotisations et contributions de sécurité sociale dues au titre de l’année 2020 »).

Commentaires

Commentaires relatifs à l’exposé sommaire de l’amendement du gouvernement adopté par l’Assemblée Nationale.

Source : http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/3074/AN/1730

► Nous sommes pleinement d’accord avec le premier paragraphe de l’exposé sommaire qui préconise de ne pas retenir comme référence l’année 2020. La référence à l’année 2020 aurait privé l’abattement de tout effet pratique pour les artistes-auteurs·trices les plus impacté·es par la crise et donc n’aurait pas atteint l’objectif visé de venir en aide aux artistes-auteurs·trices qui auront subi les plus fortes baisses de revenus en 2020.

­► Le deuxième paragraphe précise : « Il est également apparu nécessaire d’adapter les tranches de rémunération afin de minimiser les effets de seuils et de s’assurer que l’aide apportée bénéficie aux artistes-auteurs les plus touchés dont l’activité artistique constituait bien une activité suffisamment significative en 2019. »

La modification des tranches réduit un peu les effets de seuil sans toutefois les supprimer.

Nous observons que le critère « d’activité suffisamment significative » n’est nullement invoqué pour les autres travailleurs non-salariés.

Dans la présentation générale du PLFR 3, le gouvernement a exprimé la crainte d’un effet d’aubaine pour les artistes-auteurs « qui ont une activité principale (salariés ou fonctionnaires le plus souvent) en plus de leurs activités artistiques ». Il a également pointé « l’hétérogénéité de profils et de niveaux de revenus » du secteur de la création et noté qu’il « n’est pas envisageable de mettre en place un critère de niveau d’activité sur les années antérieures ou un critère d’activité exclusivement artistique pour exclure les artistes-auteurs par ailleurs salariés ou fonctionnaires, du fait de l’absence de données connues sur la nature des revenus antérieurs ».

Les artistes-auteurs·trices ont tous la même activité économique : la conception et la création d’œuvres originales. La population des micro-entrepreneurs, par exemple, est infiniment plus hétérogène que celle des artistes-auteurs·trices, nombre d’entre eux cumulent divers statuts (salarié, etc.) et leur activité économique n’est pas toujours particulièrement « significative » or, tous sans exception bénéficient d’une réduction de cotisation.

Nous sommes par ailleurs les premiers à regretter la carence de données relatives aux profils socio-économiques des artistes-auteurs·trices et à appeler de nos vœux depuis longtemps la création d’un observatoire. Cette carence n’est pas imputable aux artistes-auteurs·trices eux-mêmes et ne peut avoir pour conséquence d’exclure aujourd’hui des professionnels non salariés dont les revenus ont été faibles en 2019.

► Le troisième paragraphe pose tout particulièrement problème : « Pour apprécier le caractère d’activité suffisamment significative le Gouvernement a retenu le seuil de 3 000 euros de revenus en 2019 qui correspond au seuil qui ouvre droit à la formation professionnelle (AFDAS). »

Tout d’abord, nous nous étonnons fortement que l’exposé sommaire affirme que « le seuil de 3 000 € de revenus… correspond au seuil qui ouvre droit à la formation professionnelle (AFDAS) » alors que l’ouverture du droit à la formation professionnelle n’est nullement fondée sur un seuil de revenu annuel à 3 000 €, mais sur des chiffres d’affaires cumulés (9 000 € sur 3 ans, 12 000 € sur 4 ans et 15 000 € sur 5 ans).

Un seuil minimum de « revenu artistique » est d’autant moins opératoire que l’évaluation de l’activité de tout acteur économique ne se mesure pas à son bénéfice mais à son chiffre d’affaires. Exclure de l’aide au paiement des cotisations les artistes-auteurs·trices dont le bénéfice est faible en 2019 en raison du niveau de leurs dépenses professionnelles serait particulièrement aberrant.

Par ailleurs, l’introduction comme critère d’un seuil minimal de revenu annuel ne permet nullement d’atteindre l’objectif visé par le gouvernement. Par exemple, un homme politique, un sportif de haut niveau ou n’importe quelle personnalité connue peut aisément avoir écrit un bestseller qui lui rapporte en 2019 un revenu complémentaire supérieur au seuil, pourtant son « activité artistique » — ni habituelle, ni constante n’est nullement « significative ». Inversement, un·e artiste-auteur·trice dont l’activité artistique est exercée à titre habituel, constant et dans un but lucratif — donc à titre professionnel selon les critères de l’administration fiscale — peut aisément avoir consacré son année 2019 à créer des œuvres sans en avoir tiré un bénéfice supérieur au seuil.

La déconnexion entre le travail effectué et l’éventuelle rémunération qui en résulte est la principale spécificité de la création artistique.

Ainsi, le critère retenu par le gouvernement est déconnecté de la réalité et de la spécificité des conditions d’exercice professionnel des artistes-auteurs·trices. Ce critère exclurait de fait de nombreux professionnels de la création artistique lourdement impactés par crise, et ce, sous couvert de ne pas vouloir viser les artistes-auteurs dont l’activité créatrice est marginale, alors que la puissance publique elle-même n’est pas en capacité de les discerner, faute d’observatoire du secteur de la création et de connaissance des profils socio-économiques des artistes-auteurs.

Autrement dit, en l’état du texte, les écueils seraient pleinement atteints, contrairement aux objectifs…

Notes

Plénière au Ministère de la Culture du 8 juillet 2020

Mercredi 8 juillet 2020 avait lieu une plénière artistes-auteurs au Ministère de la culture. Trois sujets primordiaux y ont été abordés :

  • Le décret du régime social des artistes-auteurs attendu depuis 2013.
  • Les 4 mois d’exonération de cotisations sociales promises par le président de la République.
  • La représentativité professionnelle.

La Ligue des auteurs professionnels exprime sa profonde inquiétude quant à la gestion générale des problématiques sociales liées aux artistes-auteurs : les conséquences du décret s’il est appliqué en l’état, la grande complexité des modalités de l’exonération des cotisations ainsi que l’absence de garantie de la reconnaissance d’une profession et d’une démocratie sociale.

Nous vous proposons un compte-rendu de cette plénière, afin de mieux mesurer les enjeux qui vont se nouer dans les mois à venir pour les auteurs et autrices du livre, et plus globalement l’ensemble des artistes-auteurs.

Régime social : petites avancées sur le champ du régime, confiscation de la démocratie sociale et maintien de l’existant
  • Le projet de décret proposé au mois de mars aux syndicats, associations et organismes de gestion collectives a pour ambition de « clôturer l’édifice qu’est le régime artistes-auteurs ». Malgré de nombreux retours construits et étayés juridiquement d’une quinzaine d’organisations professionnelles, c’est ce projet inchangé qui a été envoyé en lecture au Conseil d’État.
  • Le ministère assure avoir transmis au Conseil d’État toutes nos questions et nos retours. Une seconde version du décret aurait été rédigée. L’arbitrage se jouera entre deux décrets possibles : celui du mois de mars et la version amendée après consultation du Conseil d’État. Nous n’avons pas accès à cette seconde version.
  • Peu importe sa version, le décret mélange deux sujets : les revenus entrant dans le périmètre du régime des artistes-auteurs et notre organisme de sécurité sociale.
  • En ce qui concerne le champ du régime artistes-auteurs, le décret comprend potentiellement plusieurs avancées significatives : intégration des revenus d’autodiffusion, intégration de la conception de l’œuvre ou distinction consolidée juridiquement entre revenus principaux et revenus accessoires.
  • En revanche, le décret intègre des directeurs de collection de façon ambivalente, ce qui laisse la porte ouverte à de nombreuses entorses au droit du travail et qui vient en contradiction avec la première décision du Conseil d’État.
  • En ce qui concerne l’organisme de sécurité sociale, aucune élection professionnelle n’est prévue juridiquement : cela va à l’encontre de la promesse formulée par le Ministre de la culture Franck Riester.
  • Les représentants des artistes-auteurs seront choisis par les ministères, tandis que les organismes de gestion collectives se voient octroyer des voix délibératives (les OGC étaient auparavant seulement consultatifs à l’Agessa, et absents de la Mda)
  • Un seul organisme de sécurité sociale est annoncé maintenu. D’après nos informations, il s’agirait de l’Agessa, en dépit du fait qu’il est désormais de notoriété publique que cet organisme a agi en violation de la loi depuis 50 ans, portant préjudice à plus de 200 000 artistes-auteurs.

Conclusion :

Sur le champ du régime des artistes-auteurs, nous notons quelques avancées qui sont le fruit d’un long travail de discussion avec le ministère de la culture tout au long de 2019, pour lequel une partie de nos recommandations ont été manifestement intégrées (auto-diffusion, conception de l’œuvre, consolidation juridique des revenus principaux et accessoires, etc). Néanmoins, ce décret a profité à d’autres groupes d’intérêt pour introduire dans le champ du régime artistes-auteurs des activités très ambivalentes entre le Code de la propriété intellectuelle et le Code du travail. Le régime des artistes-auteurs ne doit pas être un outil d’effet d’aubaine (1,1% de l’équivalent de la “part patronale” seulement) pour les employeurs afin de précariser les autres métiers de l’édition.

En ce qui concerne l’organisme de sécurité sociale, la Ligue des auteurs professionnels est très inquiète. Compte tenu du bilan catastrophique de la gestion du régime, une réforme d’envergure s’imposait. En l’état, c’est le maintien de l’existant comme s’il n’y avait aucune leçon à tirer des 50 dernières années. C’est un déni complet des préjudices subis par les artistes-auteurs et une confiscation de la démocratie sociale.

Aides et exonérations : promesse non tenue
  • Emmanuel Macron a promis pendant la crise du COVID-19 une exonération des charges sociales de quatre mois pour les artistes-auteurs.
  • La réalité de sa mise en pratique est une déduction et non pas une exonération, selon un système extrêmement complexe, qui comprend de nombreux effets de seuils. D’un point de vue technique, le système promet déjà un décalage dans le temps important avant que les artistes-auteurs puissent voir les effets concrets de cette mesure.
  • Il a été décidé de ne faire bénéficier de cette mesure qu’une partie des artistes-auteurs. Un nouveau critère arbitraire de professionnalité a été établi par les pouvoirs publics : ne pourront bénéficier de cette mesure d’exonération de 4 mois des cotisations sociales que les artistes-auteurs ayant touché au minimum 3000 euros de revenus artistiques en 2019. Cela exclura de fait les jeunes créateurs et créatrices en début d’activité ou encore ceux et celles ayant eu une année difficile.
  • Le système retenu est un abattement forfaitaire sur les revenus 2020 variable par tranche d’assiette sociale 2019. Pour être appliqué, cet abattement nécessite la connaissance par l’administration du montant total des revenus 2019 et 2020. Les artistes-auteurs dispensés de précompte et en BNC peuvent déjà moduler leurs cotisations à 0 sur leur espace artistes-auteurs, en faisant le calcul de l’abattement auquel ils auront droit. Mais les artistes-auteurs précomptés ne verront l’effet de ces exonérations qu’en 2021 au plus tôt.
  • En outre, l’exonération ne prend pas en compte notre retraite complémentaire, l’IRCEC.

Conclusion :

Contrairement à la promesse présidentielle, il ne s’agit pas d’une exonération complète des cotisations sociales, mais d’une déduction d’une partie des cotisations sociales pour une partie des artistes-auteurs, le tout selon des conditions complexes et qui promettent une mise en place technique aussi lourde que la compensation de la CSG.

La notion de profession pour les artistes-auteurs semble utilisée à géométrie variable, selon les circonstances. Encore une fois, le seul critère du revenu est retenu, alors que les travaux du rapport Racine ont bien indiqué que ce critère était insuffisant pour juger de la professionnalité des artistes-auteurs compte tenu de la fluctuation de nos rémunérations.

Nos organisations professionnelles avaient proposé une exonération d’un tiers des cotisations sociales de l’année 2020 (l’équivalent de 4 mois de cotisations, lissées sur l’année donc). Les autres travailleurs indépendants de la culture disposent d’une véritable exonération. Nous déplorons qu’une solution simple n’ait pas été retenu et qu’il ait été préféré une usine à gaz technocratique et complexe, basée sur des arbitrages budgétaires et une appréhension politique floue de qui l’État doit soutenir quand il soutient “les artistes-auteurs”.

Élections professionnelles : la nécessaire intervention du Ministère du travail
  • Aucun signe des élections professionnelles tant attendues.
  • Il a été proposé de mettre en place des « groupes de travail » en septembre, une nouvelle fois « par secteur », c’est-à-dire en raisonnant par les canaux de diffusion et non pas par nos métiers.

Conclusion :

La question de la représentativité professionnelle doit être traitée selon deux axes pour former un véritable statut : notre régime de sécurité sociale et les accords interprofessionnels encadrant nos conditions de travail avec les exploitants de nos œuvres. Sur la question du régime de sécurité sociale, nos secteurs de diffusion ne devraient avoir aucun rapport avec la discussion. Sur la question de la négociation de nos conditions contractuelles, il faudrait une vision transversale artistes-auteurs ensuite affinée par secteurs de diffusion pour entrer dans le détail des différents métiers. La méthodologie proposée actuellement par le ministère de la culture est en totale contradiction avec les résultats du Rapport Racine qui proposait de remettre l’artiste-auteur au centre, non pas à travers ses secteurs de diffusion mais bien de son activité de création.

L’absence d’un véritable statut professionnel et de règles claires de représentativité a clairement impacté les artistes-auteurs durant la crise du Covid 19. Les instances et pouvoirs publics ont immédiatement établi le raisonnement qu’il fallait aider les créateurs et créatrices pour qui l’activité de création représentait un enjeu de survie économique et sociale. Mais chaque structure, association, opérateur privé ou public a formulé sa propre conception personnelle de la professionnalité. Résultat : un mélange chaotique entre des mesures d’ordre social, professionnel ou économique et d’énormes des difficultés administratives, quand les autres professions ont pu accéder à leurs droits de façon simple et automatique.

La Ligue des auteurs professionnels plaide pour un traitement transversal artistes-auteurs des questions de représentativité professionnelle, considérant que les créateurs et créatrices sont unis par un seul et même statut. Transversalité ne signifie pas effacement des spécificités ! Le statut des intermittents du spectacle n’empêche en aucun cas l’élaboration de questions sectorielles plus fines ou l’existence de métiers très divers et particuliers. Mais c’est l’absence d’un véritable statut pour les créateurs et créatrices, tout comme la reconnaissance de la profession, qui permet le maintien d’une situation économique, sociale et administrative aussi chaotique et grave.

Il est fondamental que la question de la représentation professionnelle ne soit pas traitée sous l’angle des affects, de l’ancienneté ou de l’idéologie, mais bien du droit et de la loi.

Il est impératif que le Ministère du travail soit activement associé à ces travaux afin que soient clarifiées ces notions de représentativité professionnelle, de dialogue social et de liberté syndicale.

La Ligue milite pour un véritable statut professionnel des artistes-auteurs où notamment le revenu ne serait pas l’unique critère définissant un créateur ou une créatrice de profession. Il est essentiel que des travaux soient conduits à l’aune d’une réflexion profonde, sérieuse et à la croisée du Code de la propriété intellectuelle, du Code de la sécurité sociale et du Code du travail.

La Ligue des auteurs professionnels réitère ses profondes inquiétudes. Le diagnostic du Rapport Racine et ses préconisations étaient finalement d’une redoutable prescience à la lumière de la crise sanitaire actuelle et de ses conséquences. N’est-il pas temps de tirer les enseignements de près de 50 ans de dysfonctionnements pour donner aux créateurs et créatrices de ce pays le cadre clair qu’ils méritent ?

Certificats de précompte : la Ligue à la rescousse !

La déclaration de revenus artistiques de l’Urssaf est en ligne. Compte tenu du nombre incroyable de bugs et de problèmes que vous rencontrez, nous vous conseillons d’attendre avant de la remplir. Trop de dysfonctionnements que les services doivent corriger, dont nous n’avons pas à faire les frais. Plusieurs organisations professionnelles ont demandé le report de la deadline et ont fait remonter les nombreuses problématiques que vous rencontrez.

Parmi toutes les problématiques que vous rencontrez, une est très récurrente : l’Urssaf vous demande vos certificats de précompte. Un document que vos diffuseurs doivent en principe vous remettre obligatoirement s’ils précomptent vos cotisations sociales. Sauf que… dans la pratique, cette obligation n’est quasiment jamais remplie par les diffuseurs. L’Urssaf vous demande aujourd’hui d’aller chercher vous-même, un à un, ces documents : un parcours du combattant long, fastidieu , et qui ne vous incombe pas juridiquement. Rappelons que souvent, vous avez des diffuseurs très multiples, il n’est pas rare qu’un artiste-auteur de profession ait collaboré dans l’année avec une trentaine de diffuseurs différents (éditeurs, producteurs, galeristes, établissements scolaires, institutions, etc). Rappelons que les organismes de gestion collectives précomptent également les cotisations lors du versement des droits collectifs : certains fournissent automatiquement des certificats de précompte, d’autres pas.

Alors que faire ?

La Ligue vous propose une action collective. Il est obligatoire d’uploader un PDF contenant un certificat de précompte pour valider votre déclaration, mais vous êtes dans l’incapacité d’en obtenir. Uploadez alors à la place ce document créé par la Ligue, qui rappelle à l’Urssaf les obligations légales des diffuseurs. Une façon massive et collective de faire passer le message : les artistes-auteurs ne sont pas responsables des défaillances de leurs diffuseurs. Il est nécessaire que le code de la sécurité sociale soit plus clair et contraignant envers les diffuseurs. Et surtout, au XXIe siècle, il devrait être possible de générer systématiquement ces documents dans votre espace artistes-auteurs à partir du moment où le diffuseur a bien reversé les cotisations sociales pour vous, information que seule l’Urssaf propose.

À vous de jouer !

Quelques rappels indispensables :

Le précompte de cotisations est une opération réalisée par le diffuseur consistant à prélever sur les revenus artistiques les cotisations sociales de l’artiste-auteur. Une fois calculé, il opère le versement de ces cotisations à l’Urssaf Limousin.

Le précompte ne concerne pas les artistes-auteurs dont les revenus sont déclarés fiscalement en bénéfices non commerciaux (BN ). Lorsque les droits d’auteurs sont imposés selon les règles applicables en matière de traitements et salaires, le précompte sera la règle, à moins que l’artiste-auteur ne fasse une demande de dispense de précompte et gère lui-même le versement des cotisations sociales.

Qu’impose concrètement la loi au diffuseurs ?

L’article 1 de l’arrêté du 19 avril 1995 donne deux précisions sur le rôle du diffuseur en matière de précompte.

D’une part, le diffuseur “remet” à l’artiste-auteur un document comportant les mentions suivantes :

  • Le nom et l’adresse de la personne physique ou morale qui verse la rémunération ;
  • L’organisme auquel cette personne verse lesdites cotisations et contributions ;
  • Les nom et prénoms de l’artiste-auteur ;
  • L’adresse postale de l’artiste-auteur ;
  • Le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques ;
  • La nature de l’activité artistique donnant lieu à rémunération ;
  • Le montant de la rémunération brute ;L’assiette, le tau et le montant des cotisations, de la contribution sociale généralisée, de la contribution pour le remboursement de la dette sociale et la contribution formation professionnelle précomptées à la charge de l’artiste-auteur ;
  • Le montant de la somme effectivement perçue par l’artiste-auteur ;
  • La date de paiement de ladite somme ;
  • Les éventuels montants pris en charge par l’État.

D’autre part, le diffuseur “conserve” un double du document remis à l’artiste-auteur.

Une absence de cadre contraignant

Or, tout le problème est que ces deux règles obligatoires n’ont en l’état aucun cadre contraignant, ce qui explique sans doute pourquoi qu’elles ne sont pas respectées en pratique.

Cette absence de cadre est fort regrettable, car ce certificat de précompte constitue un document essentiel pour l’artiste-auteur. Il lui permet de faire valoir ses droits à la retraite et d’attester que l’obligation de cotiser socialement au régime artistes-auteurs a bien été respectée par les diffuseurs.

Pire encore, les organismes de gestion du régime demandent fréquemment au artistes-auteurs de produire la preuve que leurs diffuseurs ont bien payé les cotisations sociales en fournissant des certificats de précompte qu’ils n’ont pour la plupart jamais reçu de leur carrière…

Pourtant on peut lire, par exemple, sur le site http://www.secu-artistes-auteurs.fr/, que les organismes de gestion du régime artistes-auteurs spécifient bien l’obligation qui incombent au diffuseurs.

“Lors du règlement de votre rémunération, votre diffuseur doit vous remettre une certification de précompte”.

Une réforme exigée !

Le Code de la sécurité sociale doit être modifié et prévoir e pressément une obligation légale sans ambiguïté et contraignante incombant au diffuseurs de remettre un certificat de précompte automatiquement au artistes-auteurs. Le ode devrait aussi prévoir une obligation pour le diffuseur de conserver le certificat en question, lequel pourrait être réclamé directement par l’Urssaf Limousin et mis à disposition de l’artiste-auteur sur son espace artiste-auteur dédié.

Tant qu’une réforme n’intervient pas, les artistes-auteurs sont face à une réalité très problématique : les diffuseurs ne leur délivrent pas ce document.

Le SNE veut contrôler le dialogue social

Une vidéo de l’assemblée générale du Syndicat national de l’édition est en train d’émouvoir beaucoup d’auteurs et autrices. On y entend le président des éditeurs y tenir des propos sur les organisations professionnelles d’auteurs qui semblent provenir d’un autre siècle. La volonté affichée par le SNE de garder un contrôle tout paternaliste sur le dialogue social confirme l’analyse du Rapport Racine sur les problèmes de représentativité pour les artistes-auteurs. Au vu de cette vidéo, il est clair que l’État doit prendre ses responsabilités au plus vite : seules des élections professionnelles peuvent déterminer librement et démocratiquement qui parle au nom des auteurs et autrices.

Lors de son assemblée générale, le Syndicat national de l’édition a abordé la question de la représentativité des auteurs et autrices du livre et du dialogue social entre les créateurs et les groupes éditoriaux. Un sujet crucial et attendu, dans un contexte de crise sociale, administrative et économique sans précédent pour l’ensemble des artistes-auteurs. Les mesures essentielles du Rapport Racine peinent à émerger malgré un constat documenté et objectif sur la crise que nous traversons. La gestion chaotique des mesures du Covid 19 pour les auteurs et autrices a montré les dysfonctionnements profonds de notre statut, mais aussi la nécessité de la reconnaissance de la profession que nous formons.

Cette intervention de Vincent Montagne, président du SNE, a fait l’objet d’une captation vidéo qui a été relayée hier sur les réseaux sociaux. En voici deux extraits qui ne peuvent être passés sous silence :

Alors que cette fédération de la profession qui nous semblait il y a quelques années évidente, et qui a été mise à mal par ces critiques systématiques des éditeurs, nous nous persistons à dire que c’est notre force c’est notre rôle et notre responsabilité.

Je pense que cet enjeu est devant nous et comme le rapport Racine l’indique, même si les auteurs souhaitent avoir leur propre représentation, nous considérons que… il faudra accueillir cette représentation quand elle aura lieu mais à condition qu’elle ne soit pas une caricature j’ai envie de dire fortement syndiquée ou colorée de ce que les auteurs veulent en réalité.

Ma discussion avec la présidente du CPE [Conseil permanent des écrivains] était intéressante. C’est qu’elle avait son conseil et elle me disait : « Bah… je ne sais pas trop quoi dire parce qu’objectivement, je considère que ce plan [d’aide du gouvernement] est bon pour nous. Mais j’ai peur de perdre la base, qui va continuer à critiquer. »

C’est cette réflexion-là, disons, entre nous. On est très conscients des dissensions qui existent entre les organisations des auteurs mais nous considérons aujourd’hui que dans son ensemble, les quatorze associations qui sont au CPE, sous forme de… sont plus raisonnables que d’autres, disons. Et je pense qu’il faut les soutenir et dialoguer avec eux et c’est un des axes de ce que nous souhaitons faire dans les mois à venir.

Et peut-être qu’il y a une prise de conscience au Ministère que les positions excessives de certains auteurs et de la Ligue en particulier rend toute discussion impossible. Et je crois que cette prise de conscience, elle est récente, elle date de quelques semaines.

Et je crois que nous devons prendre acte aussi que même s’il y a devant nous la problématique de l’élection des auteurs. Et un peu la distorsion dans la construction dans le Ministère d’une distorsion entre les professions et les acteurs de ces professions. Il faut essayer, à mon sens, de continuer à dialoguer avec le CPE. Ne serait-ce que pour que les votes dans les nouveaux… dans la nouvelle organisation des auteurs soient en faveur de la SGDL et du CPE. Montrer qu’il y a un dialogue avec les éditeurs et qu’il y a de véritables avancées.

La stratégie donnée par le SNE est très claire : le refus catégorique de voir apparaître une forme de démocratie sociale pour les auteurs et autrices. De façon franche, le président du Syndicat national de l’édition révèle la volonté de privilégier le Conseil Permanent des Écrivains comme interlocuteur du dialogue social, jugé plus « raisonnable ». Il s’oppose également à une représentation des auteurs et autrices trop « syndiquée et colorée », même si celle-ci devait être choisie par la voie des urnes, par les auteurs et autrices eux-mêmes. Enfin, il est question de manipuler le dialogue social en élaborant une stratégie visant à « montrer des avancées » pour « ne serait-ce que les votes dans la nouvelle organisation des auteurs soient en faveur de la SGDL et du CPE. »

Cette intervention du SNE montre également le déni complet de l’indignation vécue par les auteurs et autrices. Ces derniers seraient forcés à rejoindre un mouvement de contestation qui ne serait pas de leur propre volonté :

Tous les auteurs viennent voir leurs éditeurs en disant en gros c’est pas vous, on est plutôt obligé de suivre, on l’a vu à Angoulême où les auteurs les plus sympathiques ont levé le crayon parce qu’ils ne pouvaient pas faire autrement.

Ces propos tenus interpellent vivement le conseil d’administration de la Ligue des auteurs professionnels. Ils ne sont pourtant pas une surprise : si des auteurs et autrices investis depuis longtemps dans les instances de dialogue ont décidé de créer la Ligue des auteurs professionnels, puis de quitter le Conseil Permanent des Écrivains, c’est qu’ils sont parfaitement conscients que le système actuel est profitable au Syndicat national de l’édition. Ce dernier a tout intérêt à choisir des interlocuteurs non syndicaux et à refuser l’intervention de l’État ou toute régulation sous le prisme du code du travail.

Néanmoins, nous ne pouvons rester sans réagir face à des propos aussi graves, qui attestent à la fois d’un déni complet de la réalité sociale des auteurs et autrices, d’une tentative d’usurpation de leurs voix et d’un paternalisme qui n’a plus sa place au XXIe siècle.

La Ligue des auteurs professionnels et bien d’autres organisations professionnelles sont pleinement ouvertes au dialogue social avec le Syndicat national de l’édition. Mais comme l’a attesté le rapport Bruno Racine, aujourd’hui, ce dialogue social ne peut avoir lieu dans des conditions équilibrées, ce qui nous conduit à une impasse. Les accords CPE/SNE de 2014 n’ont pas empêché la dégradation rapide et brutale de nos revenus, et pour cause : ils ne protègent pas nos conditions de création. Aussi, les artistes-auteurs sont privés à ce jour d’une branche professionnelle

Le dialogue social est une composante essentielle de la démocratie. Pour rappel, la France s’est engagée, en ratifiant la convention n°87 de l’Organisation Internationale du Travail sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, à « prendre toutes mesures nécessaires et appropriées en vue d’assurer aux travailleurs et aux employeurs le libre exercice du droit syndical ». Le Conseil constitutionnel a bien rappelé que tout travailleur doit pouvoir participer, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective de ses conditions de travail1. Tout comme ce principe de valeur constitutionnel, la négociation collective a été reconnue comme un droit fondamental au niveau du droit de l’Union européenne2.

Finalement, ces déclarations sont un aveu : celui de la connaissance de la déconnexion entre la représentation actuelle des auteurs et autrices du livre reconnue par le SNE et « la base », comme elle est appelée. La négation de la démocratie sociale des auteurs et autrices participe activement à la fragilisation de leurs conditions économiques et sociales.

Les groupes éditoriaux ne peuvent plus nier aujourd’hui que l’acte de création est un travail qui engendre une œuvre, et donc une propriété. Nous ne laissons plus invisibiliser cette première phase de création qui est le cœur battant de notre activité. Nous ne laisserons plus confondre la création d’une œuvre et l’exploitation d’une œuvre.

Nous sommes les créateurs et créatrices à l’origine de l’industrie du livre, et nous revendiquons le droit, comme toutes les professions, à des conditions de travail encadrées et un dialogue social légitime.

À ce titre, la Ligue des auteurs professionnels est pleinement ouverte à un dialogue avec le Syndicat national de l’édition. Mais aujourd’hui, la priorité est de rendre aux auteurs et autrices leurs voix : les laisser décider par eux-mêmes, à travers des élections professionnelles, de leurs représentants. Ce moment historique ne saurait leur être volé.

La Ligue des auteurs professionnels est convaincue que des avancées majeures pour davantage d’équilibre entre auteurs et autrices et maisons d’édition pourraient avoir lieu, si l’écosystème actuel était enfin clarifié et les rapports de force rééquilibrés. Nous nous tournons donc vers le Ministère de la Culture, mais aussi le Ministère du Travail : quand reconnaîtrez-vous les créateurs et créatrices de ce pays comme de véritables professionnels ?

Notes