Comparaison : le statut des auteurs en Amérique du nord

De septembre à novembre, Samantha Bailly, présidente de la Ligue des auteurs professionnels, est partie à la rencontre des syndicats d’auteurs et d’autrices nord américains. L’objectif ? Enquêter, questionner et analyser le statut et les modèles des créateurs et créatrices de l’autre côté de l’Atlantique.

Ces rencontres avec nos homologues étrangers ont confirmé certaines informations accessibles à travers la documentation disponible, mais nous ont aussi permis de faire de véritables découvertes. Quand il s’agit des auteurs et autrices du livre, peu importe nos différences de systèmes, le problème commun international demeure l’absence de dialogue social collectif, une dégradation rapide des revenus, l’absence de reconnaissance comme travailleurs, et une insatisfaction du statut en place. Ces difficultés majeures ont été en partie résolues par d’autres secteurs créatifs nord américains, comme par exemple l’audiovisuel ou le spectacle vivant.

Rencontrer d’autres organisations professionnelles de défense des auteurs et autrices, comprendre leur fonctionnement, le contexte dans lesquelles elles travaillent, est un jalon essentiel pour étendre son champ de compréhension des difficultés qu’éprouvent les auteurs et autrices en France. C’est aussi une pièce majeure du puzzle pour comprendre comment sont construites les organisations – associations ou syndicats – dédiées à leur protection. Pour commencer, le périmètre de ces recherches est confiné aux pays nord américains, et s’étendra sûrement par la suite à l’Europe.

Quelle est la situation des auteurs et autrices de livre au Canada et aux États-Unis ?

Quelles sont les différences entre droit d’auteur et copyright ?

Comment s’organisent les organisations professionnelles pour défendre leurs professions ?

Comment s’harmonisent ou non le droit du travail et le droit d’auteur ?

Des questions qui nous poussent à mettre à l’épreuve notre propre système de protection des droits sociaux. Aujourd’hui en France, qui défend les métiers créatifs et avec quels moyens ?

Rencontres avec les syndicats nord américains de défense des auteurs et autrices :

 

Annonces du Ministre : une forte déception

Dans un long discours1, le ministre de la Culture a rendu mardi 23 février ses arbitrages2 suite au rapport Bruno Racine. Hélas, le grand espoir des créatrices et créateurs s’est transformé en grande déception. La Ligue a rédigé et signé un communiqué avec douze autres organisations professionnelles d’artistes-auteurs :

« Les bonnes intentions ne suffisent plus… »
(Franck Riester)

Suite à la remise du rapport Racine, qui contenait en son sein des mesures pour améliorer la situation des artistes-auteurs, les espoirs étaient grands. Hélas, la déception aujourd’hui est forte et l’émotion palpable.

Les défis du rapport Racine n’ont pas été relevés. Le changement de paradigme n’a pas eu lieu.

L’enjeu du rapport Bruno Racine était de donner enfin aux artistes-auteurs les outils et moyens pour bâtir eux-mêmes des conditions de création et d’exercice de leurs métiers plus dignes. L’enjeu du rapport Bruno Racine était de faire en sorte que l’État prenne au sérieux son rôle de régulateur pour protéger les acteurs les plus fragilisés de la culture et qui en sont pourtant le moteur essentiel : les créateurs et les créatrices. L’enjeu du rapport Bruno Racine était de marquer l’Histoire en reconnaissant le travail des artistes-auteurs et leur garantir la protection à laquelle ils ont droit.

Finalement, avec les éléments partiels retenus par Franck Riester, qu’est-ce qui changera concrètement dans nos vies ? Sans des mesures à la hauteur des enjeux, c’est-à-dire des minimums de rémunération, la revalorisation du travail créatif, une représentation professionnelle clarifiée, des moyens financiers pour les organisations professionnelles, des accords-cadres dans la loi, rien ne changera. Ces propositions ont été écartées, repoussées dans le calendrier, ou encore vidées de leur sens.

Une fois de plus, les artistes-auteurs n’ont pas été entendus.

Aujourd’hui, les représentants militants et bénévoles des organisations professionnelles, qui ne cessent de lutter depuis des années pour faire entendre la voix des artistes-auteurs, ne peuvent se résoudre à voir ce rapport dénaturé et à rester exactement dans la même situation qu’avant sa publication.

Aujourd’hui plus qu’hier, nous demandons de toute urgence :

  • la réparation effective des préjudices graves causés aux artistes-auteurs de l’AGESSA depuis 40 ans, préjudices dont la responsabilité incombe exclusivement à l’organisme collecteur et à ses tutelles, et en aucun cas à celles et ceux qui en sont les les victimes.
  • un rendez-vous des organisations professionnelles avec le nouveau Conseiller du cabinet du ministère de la Culture dédié à la mise en œuvre du rapport.
  • la prise en compte des remarques du “comité de suivi” concernant le portail URSSAF artistes-auteurs
  • une protection sociale des artistes-auteurs unifiée et entièrement rattachée au régime général dans l’esprit de la loi de 1975,
  • une clarification de la représentation professionnelle des artistes-auteurs conforme au code du travail,
  • un financement pérenne des syndicats d’artistes-auteurs qui garantisse leur indépendance et les moyens d’assurer pleinement leur mission au service des artistes-auteurs,
  • l’organisation rapide d’élections professionnelles,
  • la mise en place d’un conseil d’administration qui pilote véritablement la protection sociale des artistes-auteurs,
  • la création du Conseil des artistes-auteurs,
  • la recomposition du Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique (CSPLA) afin d’intégrer les syndicats des artistes-auteurs.

 

Organisations signataires :

AdaBD – Association des auteurs de bandes dessinées
CAAP – Comité Pluridisciplinaire des Artistes-Auteurs et des Artistes-Autrices
Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse
Les États Généraux de la Bande Dessinée
Ligue des Auteurs Professionnels
SELF – Syndicat des Écrivains de Langue Française
SMdA CFDT – Syndicat Solidarité Maison des Artistes CFDT
SNAA FO – Syndicat National des Artistes-Auteurs FO
SNAP CGT – Syndicat National des Artistes Plasticiens
CGT SNP – Syndicat National des Photographes
SNSP – Syndicat National des Sculpteurs et Plasticiens
UNPI – Union Nationale des Peintres Illustrateurs

Notes

Relever les défis du rapport racine

Dix organisations professionnelles de tous les métiers créatifs (écrivains et écrivaines, dessinateurs et dessinatrices, scénaristes, plasticiens et plasticiennes, photographes, peintres…) se sont réunies pour vous proposer une synthèse du rapport Racine. Ce document a pour vocation de décrypter les grands enjeux du rapport et d’affirmer quelles sont pour nous les mesures prioritaires. Qu’est-ce que telle mesure veut dire ? Qu’est-ce qu’elle peut changer ? Quels sont les points de vigilance ?

Il est aujourd’hui fondamental que les artistes-auteurs puissent avoir accès à l’ensemble des informations et enjeux qui concernent leurs professions. Il est aussi de notre devoir de fournir ce travail d’analyse pour que chacun puisse s’emparer de ce rapport.

La première partie du Rapport Racine, Une fragilisation de la situation de l’artiste-auteur dans tous les champs de la création, pointe « la stagnation ou la régression du revenu moyen tiré des activités de création, (…) la confusion des règles applicables, la position dominante des acteurs de l’aval dans les rapports contractuels avec les artistes-auteurs et la faiblesse collective de ces derniers, l’éparpillement de l’action de l’État.»

La seconde, L’État mis au défi d’agir, observe que les artistes-auteurs 
sont constamment dans l’angle mort des politiques publiques et structurellement consignés dans une position de faiblesse : « La mission conclut à la nécessité pour l’État de s’affirmer dans son triple rôle de régulateur et garant des équilibres, de promoteur de l’excellence, de la diversité et de la prise de risque, tout en se montrant lui-même un acteur exemplaire. »

À cet effet, la mission formule 23 recommandations qui visent notamment à renforcer les artistes-auteurs collectivement et conforter l’artiste-auteur au niveau individuel.

Ces recommandations résolument tournées vers une reconnaissance professionnelle des artistes-auteurs relèvent d’un changement de paradigme et rompent avec la vieille représentation romantique de l’artiste-auteur. Dans un élan unitaire, les organisations d’artistes-auteurs – sans rechercher l’exhaustivité, ni se perdre dans les détails – ont tenu à pointer les lignes de force essentielles du Rapport Racine.

Nous en profitons pour remercier Cambon, Brice Cossu, Malo Kerfriden, Alexis Sentenac et Ronan Toulhouat qui ont accompagné de leurs dessins la publication de ces analyses sur les réseaux sociaux ces dernières semaines :

Compte-rendu des rendez-vous d’Angoulême

Dans le cadre du festival d’Angoulême, la Ligue des auteurs professionnels a multiplié les rencontres formelles et informelles. Juste après la publication du rapport Bruno Racine, deux rendez-vous étaient particulièrement attendus, celui avec le ministre de la Culture et celui avec le président de la République. En espérant que le sommet de l’État a bien pris la mesure des enjeux pour les auteurs et autrices, et en conséquence pour toute la culture française.

Le Festival international de la Bande Dessinée d’Angoulême avait démarré dans un mélange de colère et d’espoir. Auteurs et autrices ont atteint un point de non-retour clair, incarné par une tribune signée dans Libération1 et un grand débrayage qui démontrent, encore une fois l’exigence de mesures fortes et salvatrices envers les auteurs et autrices, comme le fut, en son temps, le prix unique du livre pour les libraires et les éditeurs.

La Ligue des auteurs professionnels avait donc demandé l’organisation, dans le cadre du festival, de rendez-vous institutionnels pour discuter de la mise en œuvre du rapport Bruno Racine. Le jeudi 30 janvier y fut consacré.

Réunion de travail avec le ministre de la Culture

La journée a commencé par une réunion de travail d’une heure en présence du ministre de la Culture Franck Riester, de ses équipes, du cabinet de l’Élysée, du CNL et des collectivités locales. La Ligue était représentée par Denis Bajram, son président, par Samantha Bailly, également vice-présidente de la Charte des auteurs et des illustrateurs jeunesse et Benoît Peeters, également président des États généraux de la Bande Dessinée. Étaient aussi présents le SNAC BD représenté par Marc-Antoine Boidin, l’adaBD représentée par Christian Mattiucci et le CPE représenté par Bessora. Le ministre de la Culture a affirmé sans détour sa volonté de voir appliqué le rapport, reconnu comme brillant, objectif et apportant une vision construite d’une politique nouvelle envers les artistes-auteurs. Le ministre a proposé de suivre une méthodologie stricte et rigoureuse, point par point, en précisant que si certaines mesures pouvaient être appliquées rapidement, d’autres demanderont plus de temps et la mise en place préalable de certains points. Un chantier à étages. La Ligue partage ce constat : à titre d’exemple, la représentation professionnelle doit être clarifiée et les élections remises en place afin d’assurer à tout ce processus la légitimité qu’il mérite.

De nombreux sujets ont été abordés, de l’indépendance financière des organisations professionnelles, en passant par le contrat de commande ou encore la création de la délégation artistes-auteurs au ministère. La Ligue en a profité pour souligner deux sujets brûlants ayant un impact très concret sur nos vies :

Les dysfonctionnements continus de la transition vers l’URSSAF, et les points de blocage de la direction de cette dernière quant à l’application concrète de la volonté politique pourtant clairement exprimée par les ministères. Le portail artistes-auteurs doit avant tout être pleinement fonctionnel. Le système informatique doit être conforme aux décisions, et non afficher des informations totalement obsolètes. Il doit notamment tenir compte du report au 29 février de la date limite du premier paiement au lieu d’afficher des pénalités de retard. Samantha Bailly, qui a pu échanger avec le directeur de la transition URSSAF avant le départ au festival, a fait savoir très clairement que la situation était inacceptable et que les « problèmes informatiques » n’étaient pas une justification pour accepter la confusion et la détresse sociale que déclenchent ces incohérences et ces bugs.

De même, sur la question des retraites, l’avenir a été évoqué tout autant que le passé. Nos représentants ont pu exprimer au ministre la gravité du scandale révélé par la mission Bruno Racine : l’Agessa n’ayant pas opéré le recouvrement d’une partie des cotisations des assujettis, de façon illégale. Ce sont près de 190 000 artistes-auteurs qui se retrouvent amputés de trimestres de retraite, sans le savoir. Le rapport pointe un manque de contrôle « interne et externe » de l’organisme. Nous avons répété l’urgence de la mise en place d’élections professionnelles et de la récupération de la gouvernance du régime artistes-auteurs par les artistes-auteurs eux-mêmes. Comment l’État va réparer un tel préjudice, aujourd’hui enfin reconnu ?

La réunion a été très constructive, et l’équipe du ministre s’est montrée déterminée à mettre en application le rapport Bruno Racine. Franck Riester s’exprimera mi-février sur les mesures prioritaires, le calendrier et le plan d’action. La Ligue a été très claire : cela fait des décennies que notre population professionnelle est dans l’angle mort des politiques de l’État. Les espoirs sont donc très grands, et nous n’attendons pas de mesures en demi-teinte, mais bien des changements ayant des impacts très concrets sur nos vies, à court, moyen et long terme.

Déjeuner avec le président de la République

Suite à cette réunion, une partie des représentants présents a déjeuné avec le président de la République, Emmanuel Macron. Étaient présents pour la Ligue Denis Bajram et Samantha Bailly, et pour le SNAC BD Marc-Antoine Boidin. D’autres auteurs et autrices étaient invités pour témoigner de nos réalités diverses : Enki Bilal, Cécile Bidault, Cy, Jul et Lewis Trondheim. Côté éditeurs étaient présents le président du SNE, Vincent Montagne, ainsi que Charlotte Gallimard, Jaques Glénat et Christel Hoolans, ainsi que le président du SEA, représentant les éditeurs indépendants, Benoît Preteseille.

Le président de la République a exprimé son intention d’écouter les auteurs et autrices, de comprendre leur quotidien et leurs difficultés. Chacun a pu témoigner de façon très concrète des problématiques actuelles : non-paiement du travail créatif, pression dans les rendus, contrats d’édition léonins, précarité, incertitudes, impossibilité d’accès aux droits sociaux… la liste est longue.

En plus de ces témoignages personnels, les représentants des organisations professionnelles ont tenu un discours plus général sur nos attentes très concrètes vis-à-vis des pouvoirs publics, avec pédagogie et détermination. La mise en place du rapport Bruno Racine, l’importance de toutes ces mesures, la question du statut professionnel bien sûr, des droits sociaux, mais aussi celle cruciale de la rémunération et de la régulation du secteur. Les représentants des éditeurs, plus discrets, ont rappelé la crainte de voir l’équilibre de la chaîne du livre bousculé. La question d’encadrer de façon professionnelle et sous l’égide de l’État, un dialogue interprofessionnel renforcé et transformé, semble faire consensus.

Notons que le représentant des éditeurs indépendants a appuyé avec ferveur les demandes des auteurs et autrices en donnant des chiffres très concrets sur la pratique de leurs contrats équitables (50% de droits en numérique par exemple.) L’éditrice Christel Hoolans a confirmé l’existence de problématiques liées au statut des auteurs et autrices, entre complexité administrative, contradiction et manque de protection.

Le président de la République s’est monté à l’écoute et n’a pas hésité à poser des questions. À la fin du repas, Bruno Racine a rappelé de façon très claire que le but du rapport n’était pas d’analyser toute la chaîne du livre, ou tout autre secteur culturel dans son ensemble, mais bien la place des artistes-auteurs au cœur de la société et de l’économie des industries créatives.

Certains auteurs ont saisi l’occasion de ce déjeuner pour porter très clairement auprès du président de la République des sujets de société globaux, tout particulièrement ceux de l’écologie et des violences policières.

Pour finir, le président de la République a effectué des annonces lors du discours qui s’est suivi sur la scène du festival. Voici ses paroles :

Il y a un rapport très important qui ne touche pas que la bande dessinée, mais qui la concerne aussi, qui a été remis par Monsieur Racine il y a quelques jours au ministre. On en a parlé avec beaucoup d’entre vous et donc on va prendre des décisions.

Le ministre est en train de travailler. Il fera les annonces précises, mais il est clair qu’on veut que le Centre National du Livre fasse beaucoup plus et oriente beaucoup plus ses financements directs vers les auteurs. Aujourd’hui, c’est environ 12%. Ce n’est pas suffisant.

On veut aussi que les droits sociaux, l’encadrement administratif et juridique des auteurs, soit facilité et simplifié. Il y a des propositions très claires qui sont faites par le rapport Racine et qui seront, qui sont en train d’être travaillées et seront reprises pour permettre de mieux protéger, accompagner dans leurs droits, dans leur quotidien les femmes et les hommes qui ont décidé de créer et qui, parfois, sont dans des situations de grande précarité.

Il faut permettre aussi de mieux organiser ce monde commun que nous avons entre les auteurs, les éditeurs, les libraires parce que quand quelqu’un achète un album, il y a une valeur qui est créée et elle a un prix. Il faut que ce prix soit justement réparti et donc c’est tout le débat qu’on a eu. C’est un dialogue qui se fera entre les parties prenantes mais que l’État va faciliter. Il doit permettre de donner plus de visibilité aux auteurs dans le temps, une rémunération plus juste et que l’on repense un petit peu le modèle économique en étant respectueux de chacun, c’est un dialogue qui doit se faire. Je crois que toutes les parties prenantes ont compris qu’il était nécessaire et le ministre s’y est d’ores et déjà attelé.2

La Ligue des auteurs professionnels salue donc un échange constructif et une volonté claire de l’État d’agir. En points de vigilance, nous rappelons qu’aujourd’hui, la précarité, la dégradation des revenus et l’insécurité juridique et sociale gouvernent le quotidien de la majorité des artistes-auteurs en France. Nous attendons donc des changements très concrets et des changements forts. S’il a été question de rémunération minimum, nous attendons également une prise de position sans ambiguïté sur le rôle de régulateur que doit jouer l’État dans la relation professionnelle qui lie artistes-auteurs et exploitants de leurs œuvres. La rémunération du travail de création est également un enjeu qui ne saurait être mis de côté.

À la fin du repas, Samantha Bailly a dit au président : « Ces problèmes existent depuis des siècles : déjà Balzac avait des revendications identiques à celles que nous portons aujourd’hui. Il avait ouvert une épicerie avec des auteurs connus pour revendiquer qu’ils gagnaient plus en vendant des légumes qu’en écrivant. Vous avez une chance historique de redonner aux créateurs et créatrices leur juste place. »

La Ligue attend maintenant avec impatience les décisions du ministre de la Culture, en particulier la mise en place des mesures prioritaires du rapport Bruno Racine. Les auteurs et autrices ne peuvent plus attendre.

 

Notes

Samantha Bailly redevient présidente de la Ligue

Denis Bajram a demandé à quitter la présidence de la Ligue pour des raisons personnelles. C’est Samantha Bailly qui reprend donc la fonction. L’occasion de faire un point sur la nécessité de s’engager aujourd’hui.

La Ligue des auteurs professionnelles frappe haut et fort depuis qu’elle existe, et certains semblent en déduire que nous sommes des professionnels de la défense des auteurs et autrices. Mais il faut bien réaliser que les dirigeants et les actifs de la Ligue sont tous des bénévoles. Nous ne recevons aucune indemnité pour un travail qui pour certains finit pourtant par nous occuper plusieurs jours par semaine. À l’inverse, nous recevons des coups de toute part, à commencer de ceux qui tirent aujourd’hui profit du manque de protections des auteurs et autrices et qui  voudraient, bien sûr, que rien ne change.

Épuisé, le président de la Ligue, Denis Bajram, a dû admettre que sa santé lui imposait de se retirer de l’action syndicale. Dans un long message que nous vous invitons à lire, il explique son engagement depuis les années 90, en particulier via la fondation et l’animation de l’adaBD, du SNAC BD, des États généraux de la Bande Dessinée et de la Ligue des auteurs professionnels. S’il ne cache pas la dureté de la tâche, voire la violence qu’il a parfois subit, il termine son message par un appel pressant à s’engager pour tous les auteurs et autrices :

Enfin, et surtout, ne déduisez pas de mon retrait qu’il ne faut pas vous engager, bien au contraire ! C’est le moment ou jamais de venir non seulement me remplacer, mais d’aller renforcer vos organisations. La Ligue des auteurs professionnels est votre force de frappe dans la lutte globale des auteurs et autrices. En apprenant mon retrait, certains risquent d’avoir envie de sabrer le champagne, j’espère que vous allez leur donner tort en vous engageant nombreux. Adhérez à la Ligue si ce n’est déjà fait ! Devenez bénévoles ! Aujourd’hui, nous avons le rapport Bruno Racine sur lequel nous appuyer, il va falloir le défendre bec et ongle et l’emmener le plus loin possible. Les deux prochaines années de cette législature sont donc un moment clef de notre histoire. Je compte sur vous pour ne pas le manquer.

Le conseil d’administration de la Ligue des auteurs professionnels a donc pris acte de la démission de Denis du poste de président et a élu Samantha Bailly à la place. Elle retrouve ainsi le poste qu’elle avait à la création de la Ligue.

Nous remercions Denis pour tout le travail accompli. Nous le remercions aussi d’avoir accepté de rester au conseil d’administration à titre d’expert, afin de faire profiter aux autres administrateurs et à tous les bénévoles de sa connaissance des dossiers ainsi que de son expérience. La Ligue remercie aussi Samantha Bailly d’avoir accepté de redevenir présidente.

Comme le dit Denis dans son message, auteurs,  autrices, nous sommes à un moment clef de notre histoire. C’est le moment de s’engager, d’adhérer à la Ligue si ce n’est déjà fait et d’aller plus loin pour tous ceux qui le peuvent.

Assemblée générale des auteurs et autrices de BD lors du dernier festival d’Angoulême. Samantha Bailly et Denis Bajram y ont expliqué les enjeux du rapport Bruno Racine.

Sécurité sociale : nouveau courrier aux ministres

Juste avant la publication du rapport Racine, douze organisations professionnelles d’artistes-auteurs, dont la Ligue, ont envoyé un nouveau courrier au ministre de la Culture et à la ministre des Solidarités et de la Santé.

La mission Bruno Racine parle longuement de la problématique de la représentation professionnelle des artistes-auteurs. Cela rejoint fortement les demandes que nous faisions dans ce courrier aux ministres : la mise en place d’élections professionnelles avec des critères de représentativité objectivables.

Les dysfonctionnements actuels de la transition vers l’Urssaf montrent à quel point toute réforme faite sans concertation sérieuse et continue avec les organisations de terrain se termine en catastrophes sociales et économiques pour les créateurs et créatrices. Comment peut-on continuer ainsi ? Alors que tout le monde semble enfin reconnaitre à quel point la situation des créateurs et créatrices est fragile et précaire ?

Dans l’urgence, nous réitérons donc notre demande de création d’un comité de pilotage constitué de toutes les organisations syndicales et professionnelles d’artistes-auteurs susceptibles de siéger dans le futur conseil d’administration de notre organisme de protection sociale.

Mais surtout, nous demandons expressément la mise en place dans les meilleurs délais des élections professionnelles proposées par le rapport Bruno Racine pour rétablir une gouvernance sur des critères démocratiques et objectifs.

ARTISTES-AUTEURS

COMMUNIQUÉ DU 22 JANVIER 2020

à l’attention de Monsieur Franck Riester, ministre de la Culture et de Madame Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé

Pour une gouvernance légitime et démocratique des artistes-auteurs

Il appartient aux artistes-auteurs eux-mêmes de désigner leurs représentants dans toutes les instances décisionnaires qui les concernent.

Dans notre communiqué du 19 septembre 2019, nous avons rappelé que les artistes-auteurs sont illégalement évincés depuis avril 2014 de la gestion de leur propre régime de sécurité sociale. Nous avons demandé la création d’un unique organisme de protection sociale des artistes-auteurs (OPSAA) doté d’un conseil d’administration qui « règle par ses délibérations les affaires de l’organisme », un conseil d’administration composé en majorité des représentants légitimes des bénéficiaires, donc élus par les artistes-auteurs eux-mêmes (et non désignés par les ministères).

Dans notre communiqué du 17 octobre 2019, nous avons demandé la création d’un Comité de pilotage relatif à la gouvernance de notre protection sociale. Nous avons proposé des modalités pratiques – sur un an – pour établir le rôle du conseil d’administration de l’OPSAA et organiser les élections professionnelles. Nous n’ignorons pas que construire une représentation professionnelle légitime des artistes-auteurs ne s’improvise pas.

La réunion de concertation du 22 novembre 2019, supposée répondre aux attentes exprimées dans nos communiqués précédents, a été annulée le jour même.

Dans notre communiqué du 16 décembre 2019, nous avons demandé la communication du rapport Racine, dont les préconisations devraient notamment viser à réguler les relations économiques inéquitables et à endiguer la précarité systémique des artistes-auteurs. À ce jour, ce rapport pourtant terminé n’est toujours pas rendu public. Nous avons également réitéré notre demande de constitution d’une représentation professionnelle et d’une gouvernance digne de ce nom.

La mise en œuvre catastrophique du transfert à l’Urssaf Limousin de la collecte des cotisations sociales des artistes-auteurs — effectuée en l’absence d’un pilotage de leurs représentants — démontre, s’il en était besoin, qu’aucun régime social ne peut, ni ne doit, fonctionner hors-sol.

Les préconisations et les alertes émises par le groupe de travail « Communication / Flash Information », mis en place le 18 février 2018, n’ont été que très partiellement entendues et prises en compte. Contrairement à ce qui nous a été annoncé en groupe de travail le 17 septembre 2019, le produit finalisé (courrier Urssaf, portail artistes-auteurs, ouverture espace personnel, modulation cotisations, etc.) ne nous a pas été soumis au préalable.

Dans notre communiqué du 24 décembre 2019, nous avons pointé les dysfonctionnements du portail dédié de l’Urssaf et les carences d’information de l’Urssaf aux artistes-auteurs. Nous avons demandé le report de la première échéance de cotisation au 29 février 2020.

Dans son communiqué du 13 janvier 2020, l’Urssaf a annoncé le report de la première échéance au 29 février 2020. Dont acte.

Elle affirme être à l’écoute des artistes-auteurs pour les accompagner dans le changement d’organisme de recouvrement. Or, c’est l’Urssaf Limousin qui a besoin — aujourd’hui comme demain — de « l’accompagnement » des organisations syndicales pour pouvoir accomplir correctement sa mission au service des artistes-auteurs.

En conclusion, le communiqué précise : « Enfin, l’Urssaf mettra en œuvre dans les prochains jours une communication régulière auprès d’un comité de suivi constitué par le ministère de la Culture en lien avec les organisations représentatives des artistes-auteurs. »

Or, en l’absence d’élections professionnelles, nul ne peut dire quelles sont les « organisations représentatives des artistes-auteurs ». Le ministère de la culture a arbitrairement décidé de la composition de ce comité d’une demi-douzaine de personnes. Cette situation ne peut plus durer : la représentation professionnelle des artistes-auteurs se doit d’être légitime, démocratique et basée sur des critères définis.

Depuis des mois, aucune réponse des ministères n’a été apportée à la question cruciale de la gouvernance et de la représentation professionnelle des artistes-auteurs. Pendant ce temps, ceux-ci font les frais d’une transition dysfonctionnelle et déconnectée de leurs professions. L’heure n’est plus au colmatage des nombreux dysfonctionnements qui auraient pu être évités. L’heure est à un chantier ambitieux, rigoureux et novateur pour résoudre les crises sociales, économiques et administratives que vivent nos professions.

Depuis l’annulation de la réunion de concertation du 22 novembre 2019, aucune autre date n’a été programmée.

Par la présente, nous réitérons notre demande de création d’un comité de pilotage constitué de toutes les organisations syndicales et professionnelles d’artistes-auteurs susceptibles de siéger dans le futur conseil d’administration de notre organisme de protection sociale. Nous demandons expressément la mise en place dans les meilleurs délais d’une gouvernance sur des critères démocratiques et objectifs.

Organisations signataires :

AdaBD – Association des auteurs de bandes dessinées
CAAP – Comité Pluridisciplinaire des Artistes-Auteurs et des Artistes-Autrices
EAT – Ecrivains Associés du Théâtre
La Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse
Ligue des Auteurs Professionnels
SELF – Syndicat des Écrivains de Langue Française
SMdA CFDT – Syndicat Solidarité Maison des Artistes CFDT
SNAA FO – Syndicat National des Artistes-Auteurs FO
SNAP CGT – Syndicat National des Artistes Plasticiens CGT
SNP – Syndicat National des Photographes
SNSP – Syndicat National des Sculpteurs et Plasticiens
UNPI – Union Nationale des Peintres Illustrateurs

Mission ministérielle : enfin le rapport Racine !

Aujourd’hui est un grand jour pour les artistes-auteurs comme pour la Ligue : le rapport de la Mission Bruno Racine vient enfin d’être remis et publié dans la foulée. En espérant qu’il soit suivi de décisions politiques concrètes !

Ne le cachons pas, c’est une grande victoire pour la Ligue des auteurs professionnels car elle est à l’origine de toute cette aventure.  En effet, en décembre 2018, la toute jeune Ligue, armée de son constat sur le statut des auteurs1, avait obtenu un rendez-vous avec le nouveau Ministre de la Culture2. Nous y avions défendu la nécessité de mesures fortes pour sauver les métiers des auteurs et avions obtenu la création d’un groupe de travail ministériel sur le sujet.

Ne le cachons pas non plus, La Ligue et ses membres fondateurs se sentaient alors très seuls à porter cette demande de changement. En effet beaucoup d’autres organisations s’inquiétaient de ce que les artistes-auteurs pourraient perdre dans des modifications de leur statut, sans sembler voir tout ce qu’ils étaient déjà en train de perdre… voire tout ce qu’ils n’avaient jamais eu. Heureusement, l’avenir nous a montré qu’en fait notre analyse de la situation était bien plus partagée que nous le pensions (en particulier par La Guilde française des scénaristes et le CAAP, merci à eux).

Après quelques mois de réflexion, cette demande s’incarna dans une mission ministérielle, confiée à Bruno Racine. Logiquement, la Ligue fut reçue en premier, en avril 20193. Nous fîmes un grand état des lieux qui fut écouté avec une extrême attention par les membres de la mission, venus de tous les horizons. Après avoir mené toutes ses autres auditions, la mission nous reçut une seconde fois4, en juillet, afin de lui remettre notre travail, un document dense de 36 pages de réflexions et d’hypothèses sur le statut des auteurs mais aussi sur les régulations possibles. Ce document, nous ne l’avions pas rendu public jusqu’à maintenant, car nous avions vite compris que beaucoup de groupes d’intérêt voulaient en connaître le contenu afin de mieux pouvoir s’en défendre.

Puis, comme tout le monde, nous avons attendu. Nous avons maintenu un fort contact avec la mission comme avec le ministère pendant toute cette période, histoire de bien rappeler que ce rapport ne pouvait pas être flou ni tiède, que les artistes-auteurs ne le pardonneraient pas.

Ce rapport est donc aujourd’hui sur la table. C’est un vrai changement de paradigme. Aujourd’hui, ce n’est plus aux artistes-auteurs d’avoir à prouver la réalité de beaucoup de leurs problèmes. Ces problèmes sont enfin actés par une mission indépendante et experte. Cela veut dire que ceux qui continueraient à vouloir les nier, comme ceux qui voudraient toujours que rien ne change, tous ceux-là se rangeront officiellement dans le camp du désastre culturel et industriel qui s’annonce dans ce cas.

Ce rapport de 140 pages commence par 23 propositions, que nous publions intégralement ici. Ces propositions sont le plus souvent novatrices et à la hauteur de nos attentes. Si elles devaient être toutes appliquées, ce serait une véritable reconfiguration des rapports de force entre les artistes-auteurs et les exploitants de leur œuvres, et un vrai progrès dans la prise en compte des artistes-auteurs par les pouvoirs publics.

Ces propositions peuvent sans doute être une peu difficiles à lire pour tous ceux qui ne maîtrisent pas bien le sujet, d’autant plus qu’elles résument en fait l’ensemble du constat et de la réflexion porté par la Mission Bruno Racine. Nous ferons notre possible pour expliquer simplement le principe et les enjeux de celles qui nous paraissent les plus fortes dans de prochaines communications.

 

Répondre à la demande de statut en définissant la professionnalité des artistes-auteurs

  • Recommandation n°1 : Tenir compte de critères de professionnalité pour permettre aux auteurs de bénéficier d’une prise en charge de leurs surcotisations par les commissions d’action sociale de l’AGESSA et de la MDA, lorsqu’ils ne remplissent pas la condition de revenus et qu’ils en font la demande.
  • Recommandation n°2 : Simplifier et assouplir les dispositifs de lissage pour tenir compte des revenus perçus par les artistes-auteurs (calcul des cotisations et des impositions) et leur permettre d’étaler leurs paiements.
  • Recommandation n°3 : Étendre le champ des activités accessoires et rehausser le nombre annuel des activités permises ainsi que le plafond des revenus associés, afin de mieux tenir compte des activités de l’auteur dans la cité.
  • Recommandation n°4 : Ouvrir le droit de vote à des élections professionnelles à tous les artistes-auteurs remplissant la condition de revenus (900 fois la valeur moyenne du SMIC horaire) au cours d’au moins une des quatre années écoulées ; dans un second temps, prévoir les modalités permettant d’associer aux élections les artistes-auteurs ne remplissant pas la condition de revenus mais pouvant être regardés comme professionnels au regard de critères objectifs, lorsqu’ils en font la demande.

Renforcer les artistes-auteurs collectivement

  • Recommandation n°5 : Organiser rapidement des élections professionnelles dans chaque secteur de création artistique afin de doter les artistes-auteurs d’organisations représentatives, financées par les organismes de gestion collective.
  • Recommandation n°6 : Généraliser les instances de médiation sectorielles et renforcer leur rôle en leur permettant d’intervenir pour dénouer des litiges individuels opposant des artistes-auteurs aux acteurs de l’aval (éditeurs, producteurs, diffuseurs).
  • Recommandation n°7 : Créer un Conseil national composé des représentants des artistes-auteurs, des organismes de gestion collective et des représentants des producteurs, éditeurs et diffuseurs, chargé de formuler des propositions et de conduire les négociations collectives sur tout sujet intéressant la condition des artistes-auteurs ainsi que leurs relations avec les exploitants des œuvres.
  • Recommandation n°8 : Renforcer la représentation des auteurs au sein du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) et étendre les missions de celui-ci à l’étude de la condition des artistes-auteurs.
  • Recommandation n°9 : Créer une délégation aux auteurs au ministère de la Culture en tant que point d’entrée unique, chargée de coordonner la politique des artistes-auteurs du ministère de la culture et de ses établissements publics, de piloter la concertation territoriale animée par les DRAC, de préparer les réformes concernant les artistes-auteurs et d’assurer le secrétariat du Conseil national des artistes-auteurs.
  • Recommandation n°10 : Organiser la concertation et la négociation collective en vue de parvenir, d’ici la fin 2021, à :
    · la détermination d’un taux de référence de rémunération proportionnelle pour les auteurs selon les secteurs,
    · la mise en place d’une transparence accrue sur les résultats de l’exploitation de leurs œuvres, en premier lieu sur le suivi des ventes,
    · l’introduction dans le code de la propriété intellectuelle d’un contrat de commande rémunérant en droits d’auteur le temps de travail lié à l’activité créatrice,
    · la diffusion des bonnes pratiques professionnelles, dans le sens d’un meilleur équilibre des relations entre les artistes-auteurs et l’aval de la création, ainsi que d’un encouragement à la diversité dans la création.
  • Recommandation n°11 : Créer un observatoire au sein du Conseil national des artistes-auteurs afin de mettre en œuvre un suivi statistique et qualitatif affiné et fiable.

Conforter l’artiste-auteur individuellement

  • Recommandation n°12 : Accroître par redéploiement la part des aides accordées directement aux artistes-auteurs dans l’ensemble des aides publiques allouées à la culture.
  • Recommandation n°13 : Préciser l’article L. 324-17 du CPI en prévoyant une part minimum des crédits d’action artistique culturelle devant être employée par les OGC en soutien direct des auteurs.
  • Recommandation n°14 : Faciliter l’accès aux règles applicables aux artistes-auteurs en créant un portail d’information géré par le ministère de la culture en liaison avec la direction de la sécurité sociale et le ministère de l’économie et des finances.
  • Recommandation n°15 : S’assurer que tous les organismes de sécurité sociale connaissent les règles applicables aux artistes-auteurs et disposent d’une personne ressource identifiée comme référent.
  • Recommandation n°16 : Généraliser sans délai le droit de représentation à l’ensemble des expositions temporaires dans les institutions publiques.
  • Recommandation n°17 : Instaurer de manière partenariale avec le CNL et la SOFIA une rémunération des auteurs de bande dessinée et littérature jeunesse, dans le cadre de leur participation à des salons et festivals.
  • Recommandation n°18 : Conditionner l’allocation d’aides publiques au respect des règles et bonnes pratiques relatives aux artistes-auteurs.
  • Recommandation n°19 : Identifier les facteurs d’inégalités parmi les artistes-auteurs, selon l’origine sociale, géographique ou le sexe, et mettre en place des mesures adaptées pour en neutraliser les effets.
  • Recommandation n°20 : Veiller à ce que les étudiants des établissements d’enseignement artistique bénéficient de formations relatives aux aspects juridiques, administratifs et commerciaux de leur future carrière.
  • Recommandation n°21 : Prévoir des dispositifs d’aides susceptibles d’accompagner les artistes-auteurs dans la durée et étudier en particulier, dans les secteurs où ce serait pertinent, la possibilité de mettre en place un système comparable aux commissioners des pays scandinaves.
  • Recommandation n°22 : Renforcer et multiplier les programmes d’échanges internationaux au bénéfice des artistes-auteurs, des critiques d’art, des commissaires d’exposition et des conservateurs.
  • Recommandation n°23 : Organiser une manifestation ou un cycle d’expositions d’ampleur nationale autour de la création contemporaine en France visant notamment à montrer sa vitalité et sa diversité territoriale.

Nous publierons dans les prochains jours une analyse plus détaillée de l’ensemble. D’ici là, les plus courageux peuvent se plonger dans cette sérieuse lecture :

Nous vous proposons de lire aussi le document que la Ligue a remis à la mission Bruno Racine. C’était un outil de travail, prévu pour être utilisé comme « boîte à outil » de réflexion. Il contient beaucoup de pistes, auxquelles nous continuerons de réfléchir dans les prochains mois. Rien n’est définitif, tout n’est que réflexion en cours, ce document a avant tout pour but d’ouvrir le champ du possible :

Nous tenons enfin à remercier monsieur Bruno Racine et tous les membres de la mission. Vous avez, ensemble, fait un travail formidable. Vous avez dû résister, nous le savons, à de nombreuses pressions. Votre constat est éminemment expert mais est aussi courageux dans ses prises de positions.

Nous espérons que dès aujourd’hui, le Ministère de la Culture ainsi que les Commissions culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat vont s’emparer de ce rapport. Nous sommes évidemment à la disposition des élus et des pouvoirs publics pour leur apporter de nouveau l’expertise technique, la connaissance du terrain et la force de proposition que nous avons apportées à la mission Bruno Racine.

Pour conclure, il est évident que le rapport Racine n’est pour nous qu’un départ. Si nous obtenons déjà le renforcement de la représentation professionnelle des artistes-auteurs, par la légitimité démocratique et les moyens financiers, la défense des artistes-auteurs ne pourra qu’en sortir grandie.

Mais, surtout, il va falloir maintenant que ce rapport soit suivi de faits, de concret. Il doit s’incarner maintenant dans la loi, mais surtout dans nos réalités d’artistes-auteurs. Cela fait des décennies qu’aucune grande décision politique pour protéger les créateurs et créatrices n’a été prise en France. Pourtant l’urgence est là, il faut sauver les artistes-auteurs !

Monsieur le ministre de la Culture, nous savons que vous allez subir de très nombreuses pressions pour que rien ne change. Deux choix s’offrent à vous. Vous pouvez, en effet, décider de ne pas faire pas grand chose, comme tant d’autres avant vous. Vous pouvez, au contraire, prendre la mesure des enjeux et décider qu’il est temps de mieux protéger les artistes-auteurs. Mais, ayez-en bien conscience, c’est une bonne partie de l’avenir culturel de la France que vous tenez entre vos mains.

Notes

Débrayage Angoulême 2020

Auteurs et autrices présentes au FIBD,

Nous vous demandons de poser vos crayons LE VENDREDI 31 JANVIER À 16h30.

Le lieu de rendez-vous et les actions vous seront précisées très bientôt.

Des actions seront aussi proposées à ceux et celles qui ne sont pas à Angoulême.

Cet appel est lancé par toutes les organisations professionnelles : SNAC BD, Ligue des Auteurs Professionnels, États généraux de la Bande Dessinée, adaBD et Charte des Auteurs et Illustrateurs Jeunesse.

Les actions seront coordonnées avec les collectifs d’auteurs et d’autrices mobilisées.

SANS AUTRICES ET AUTEURS, PAS DE BD !

Lettre ouverte au président du SNE

Monsieur le président du Syndicat national de l’édition,

Lors de votre discours de présentation des vœux du SNE, vous vous êtes prononcé contre le fait que le gouvernement légifère sur la protection des auteurs.

Afin de garantir la bonne santé du secteur du livre, il serait donc nécessaire de conserver les choses en l’état actuel – à savoir le maintien des auteurs dans la précarité qui est actuellement la leur.

Ce message est faux, inacceptable et uniquement bâti sur la défense des intérêts économiques des entreprises que vous représentez. Faux car certaines maisons d’édition agissent dans le respect de leurs auteurs sans que cela ne nuise à leur croissance. Inacceptable car la grande majorité des autres maisons d’édition tirent largement profit de la précarité de leurs auteurs, alors même que ces derniers sont à l’origine de l’ensemble de leurs publications :

  • Un quart des auteurs ne perçoit aucun à-valoir.
  • 30% des auteurs touchent moins de 3000 euros d’à-valoir.
  • Les droits d’auteurs moyens sont de 7,2 % pour l’ensemble du secteur, 5,2% en jeunesse, 3% lorsqu’il y a un co-auteur.
  • 41 % des auteurs professionnels affiliés vivent avec moins que le SMIC.
  • 60 % des auteurs doivent encore réclamer leurs relevés de droits.
  • 52 % des auteurs n’ont jamais reçu de droits lorsque leurs œuvres ont été exploitées à l’étranger
  • 24 % des auteurs ont eu connaissance de traductions de leurs livres à l’étranger sans en avoir été informés au préalable par leur éditeur.1

Dans la Bande Dessinée, dont on s’apprête à fêter l’année :

  • 53 % des auteurs de BD professionnels vivent avec moins que le SMIC.
  • 50 % des autrices de BD professionnelles vivent sous le seuil de pauvreté.
  • 88% des auteurs de BD n’ont jamais bénéficié d’un congé maladie.
  • 81% des auteurs de BD n’ont jamais bénéficié d’un congé maternité, paternité ou adoption.2

Par ailleurs, le SNE fait état d’un chiffre d’affaires annuel de 2 670 000 000 € (deux milliards six cent soixante-dix millions d’euros) en 2018. Un secteur de poids dans les industries créatives, qu’il est indécent de qualifier de fragile au regard de la précarité galopante de celles et ceux qui sont à l’origine de cette vitalité économique et culturelle tant louée.

La crise sociale et économique que traversent les auteurs et autrices est directement imputable à la politique de maisons d’édition désireuses de maintenir une situation d’exploitation des créateurs plutôt qu’un réel partenariat liant auteurs et éditeurs.

Si le Syndicat National de l’édition prétend représenter les intérêts de l’édition au sens large, quelles mesures concrètes le syndicat a-t-il pris pour lutter contre la destruction des métiers de ceux et celles qui créent les livres ? Aucune.

Par ailleurs, en d’autres circonstances, le SNE a mené des actions de lobbying fortes pour la réglementation du secteur, quand il s’est agi du “droit d’auteur” au niveau européen dont les exploitants des œuvres sont les premiers bénéficiaires, ou encore du prix unique du livre qui a été de fait une mesure de régulation vous offrant un puissant pouvoir dans la chaîne du livre.

Votre discours a néanmoins le mérite de donner une réponse claire aux nombreuses revendications des organisations professionnelles d’auteurs : votre refus de l’idée que l’État joue son rôle de régulateur quand il s’agit de sauver nos métiers. Cette rupture du dialogue social met au jour les véritables intérêts en jeu. Il est d’autant plus urgent que les pouvoirs publics légifèrent pour protéger davantage les créateurs et créatrices et leur donner enfin un cadre de travail digne.

Les auteurs ont raison d’attendre avec impatience le rapport Racine. Si vous vous opposez par avance et avec une telle force à ses propositions aux législateurs, c’est que ce rapport pourrait bien contenir enfin les mesures de régulation que nous attendons.

Et s’il advenait que le rapport Racine soit amputé de mesures régulatrices, nous saurions que des pressions auront été exercées. La crise sociale, économique et administrative dans laquelle se trouvent nos populations professionnelles est sans précédent. L’heure est à la régulation pour davantage d’équilibre.

Le temps d’un dialogue social encadré par l’État et d’une politique volontariste en faveur des auteurs et autrices est venu. C’est l’avenir de la culture française qui se joue aujourd’hui.

Dessin de Coliandre
Dessin de Coliandre

Notes

L’Urssaf s’explique sur les dysfonctionnements

Suite aux récentes protestations des auteurs et autrices, l’Acoss/Urssaf communique enfin pour expliquer ce qui se passe dans la transition actuelle. Samantha Bailly, vice-présidente de la Ligue et de La Charte a passé une longue heure de discussion avec le directeur de la transition Agessa/MDA/Urssaf, qui lui a expliqué les raisons informatiques ou techniques des nombreux bugs rencontrés.

Qu’avons-nous appris ?

• L’appel de cotisations sera bien décalé, mais seulement au 31 janvier 2020, ce qui n’est pas la date demandée par les 18 organisations professionnelles ayant exigé le report de la deadline compte tenu des difficultés techniques.

Le système d’identification des artistes-auteurs est extrêmement complexe : le recoupement des informations n’étant pas effectué entre l’Agessa/MDA et l’Urssaf, des milliers d’artistes-auteurs ont été écartés de la base en raison d’un recoupement imparfait entre les informations contenues dans le fichier de la sécurité sociale et celles du fichier de l’INSEE. On demande à ces derniers de contacter eux-mêmes l’Urssaf s’ils n’ont pas été identifiés.

Il est donc parfaitement anormal que des auteurs déclarant en Traitements et salaires et précomptés aient reçus un échéancier de cotisations. Si cela vous arrive, on vous indique de contacter l’Urssaf pour rectifier la situation.

• La bonne nouvelle technique : auteurs et autrices en Traitements et salaires et précomptés feront leur déclaration en avril via le portail artistes-auteurs, déclaration qui devrait être pré-remplie directement avec la liste des diffuseurs ayant reversés leurs cotisations. Ce serait donc enfin la fin de l’infernale déclaration Agessa/MDA à remplir soi-même.

• À terme, l’espace artistes-auteurs doit être équipé d’un système permettant à chacun de moduler de lui-même ses cotisations.

Pour les artistes-auteurs ayant déjà une activité avec un numéro SIRET + une activité créative, il y a manifestement un gros bug, toujours irrésolu à ce jour.

• Nous en avons profité pour demander à quelle date serait reversée la compensation de la CSG, puisqu’aucune information n’a été communiquée pour le moment sur le versement.

Plus généralement, ces considérations techniques ne règlent toujours pas la question de la gouvernance du régime ! Rappelons que de nombreuses organisations professionnelles d’artistes-auteurs demandent la création d’un seul organisme de sécurité sociale et le rétablissement d’une gouvernance démocratique et claire :