Le droit de divulgation

Dernière mise à jour :

Que dit la loi ?

L’article L. 121-2 du Code de la propriété intellectuelle (code de référence pour le droit d’auteur, il s’applique à toutes les œuvres quels que soient leurs genres ou leurs supports) :

«L’auteur a seul le droit de divulguer son œuvre. Il détermine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci.
Ce droit peut s’exercer même après l’expiration du droit exclusif d’exploitation déterminé à l’article L. 123-1. »

Ce droit peut s’exercer après l’expiration du droit exclusif d’exploitation (70 ans post mortem).

Explication de la notion

Le droit de divulgation est l’un des quatre attributs du droit moral français au même titre que le droit à la paternité, le droit au retrait et le droit au respect de l’œuvre.

L’auteur décide seul de où, quand et comment sera divulguée son œuvre. La première divulgation de son œuvre ne pourra jamais lui être imposée.

Ce droit est l’un des piliers du droit moral français, il permet à l’auteur de garder le contrôle de ses œuvres et d’éviter qu’il se trouve obligé d’exposer une œuvre qui ne lui convient pas. L’auteur est seul maître du destin de son œuvre. Par exemple, un peintre qui aurait réalisé un tableau pour une commande peut, une fois l’œuvre réalisée, refuser de la livrer au client et ce sans justification. Celui-ci ne pourra pas obtenir par voie judiciaire l’exécution forcée du contrat avec la remise du tableau. Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura aucune conséquence pour l’auteur, il pourra s’exposer à des dommages et intérêts pour n’avoir pas respecter le contrat mais la sanction ne pourra jamais être la divulgation forcée de l’œuvre.

Ce droit naît directement sur la tête de l’auteur du fait de sa création, il n’a pas besoin d’être formalisé par contrat pour être effectif. Dans le même sens un contrat qui aurait pour objectif de limiter ou de supprimer ce droit serait considéré comme nul et ne pourrait être opposé à l’auteur.

Le droit de divulgation s’exprime aussi dans les modalités choisis par l’auteur pour rendre publique son œuvre. Si l’auteur a consenti que son œuvre serait divulguée sous format papier, l’exploitant qui divulgue sous un autre format commet une atteinte aux droits moraux de l’auteur et peut s’exposer à une action en justice de sa part.
En revanche, il n’existe pas de droit de divulgation positif, en ce sens un auteur ne peut forcer, sur ce fondement, un tiers à divulguer son œuvre. Celui-ci devra se tourner vers le droit contractuel avec l’exécution forcée pour voir son œuvre divulguée.

Exemple de clause interdite

«L’éditeur décide seul de la date et des modalités de publication de l’œuvre. L’éditeur s’engage à informer l’auteur XXX temps avant la publication. L’auteur ne dispose pas d’un droit de regard sur les modalités de communication de l’œuvre une fois le manuscrit remis à l’éditeur. »

Dans le cas d’une œuvre réalisée par plusieurs co-auteurs, chacun est titulaire de son droit de divulgation. L’accord de tous les co-auteurs devra donc être réuni pour que l’œuvre puisse être divulguée (exception faite des dispositions spéciales prévues pour l’œuvre audiovisuelle à l’article L.132-24 du CPI).

Attention, ce droit est restreint à la première divulgation de l’œuvre au public, c’est ce que l’on appelle l’épuisement du droit. L’auteur peut s’opposer à la première divulgation de l’œuvre, mais une fois celle-ci communiquée avec son accord il ne pourra plus entraver sur ce fondement les prochaines divulgations. L’auteur ne sera pas démuni pour autant, il pourra toujours justifier son opposition par des moyens contractuels ou par les règles relatives à la cession des droits.

Spécificité pour les agents publics : le droit de divulgation reconnu aux agents publics qui ont créé une oeuvre de l’esprit dans l’exercice de leurs fonctions ou d’après des instructions reçues, doit s’exercer dans le respects des règles auxquelles ils sont soumis en leur qualité d’agent et de celles qui régissent l’organisation, le fonctionnement et l’activité de la personne publique qui les emploie. En d’autres termes, avant d’actionner son droit de divulgation, l’auteur devra vérifier les mentions d’un potentiel contrat existant avec son employeur, ou par prudence, se référer à son supérieur hiérarchique.
(si vous souhaitez plus d’informations sur les auteurs employés du secteur public ou fonctionnaires n’hésitez pas à aller consulter la fiche “auteur fonctionnaire”)

Que disent les tribunaux ?

  • Représente une violation du droit de divulgation l’initiative qui a pour conséquence de remettre sur le marché une œuvre que l’auteur avait retirée. Cour de Cassation, chambre criminelle, 2 décembre 1964
  • Représente une violation du droit de divulgation la publication sans autorisation d’un texte inédit transmis “pour avis” à une revue. TGI Paris, 11 septembre 2002
    l’exercice du droit moral par l’auteur de l’œuvre originale revêt un caractère discrétionnaire, de sorte que l’appréciation de la légitimité de cet exercice échappe au juge. Cour de Cassation, 1ère chambre civile, 5 juin 1984 (explication concrète : c’est vous qui choisissez pourquoi vous ne souhaitez pas divulguer l’oeuvre, le juge ne peut pas contester votre choix sous prétexte qu’il l’estime insuffisant)
  • La seule remise du support matériel de l’œuvre à un tiers est insuffisante à caractériser par l’auteur ou son ayant droit, du droit de divulgation de celle-ci. Cour de Cassation, 1ère chambre civile, 10 octobre 2018

Quels recours pour l’auteur ?

Selon votre relation avec votre éditeur, vous aurez pris votre téléphone, envoyé un mail assassin ou serez resté muet et découragé. Sachez qu’un éditeur ne peut ignorer l’illégalité de sa démarche, que ne pas réagir prépare le terrain à d’autres atteintes révoltantes aux œuvres, les vôtres ou celles d’autres auteurs.

La seule démarche respectueuse des auteurs et de votre travail et qui présente des vertus pédagogiques est un courrier envoyé en recommandé AR (en cas d’absence de réponse de votre éditeur ou de réponse insatisfaisante, n’hésitez pas à demander conseil auprès de professionnels compétents et d’envisager des poursuites judiciaires pour faire cesser l’atteinte).
Voici la lettre que les juristes de la Ligue mettent à votre disposition :

PREMIÈRE LETTRE DE MISE EN DEMEURE
ATTEINTE AU DROIT MORAL

à l'attention de
{Société}
{Monsieur/Madame X}
{Adresse}

À {ville}, le {date}

Objet : Lettre de mise en demeure

Par lettre recommandée avec accusé de réception n°{XXXXX}
et par email à l’adresse {xxx@yyy}

Madame, Monsieur,

J’ai pu constater que mon œuvre {nom de l’œuvre} a été divulguée (expliquer où et quand l'œuvre a été divulguée). Cette divulgation est intervenue sans mon accord et n’a pas été portée à ma connaissance au préalable.

Or, conformément à l’article L. 121-2 du Code de la propriété intellectuelle “l’auteur a seul le droit de divulguer son œuvre. Sous réserve des dispositions de l’article L. 134-24, il détermine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci.”

N’ayant pu déterminer les modalités de divulgation de mon œuvre, la communication de celle-ci nuit gravement à mon droit moral.

Je vous mets donc en demeure, dans un délai de 8 jours à compter de la réception de la présente, de cesser toute exploitation de mon œuvre en l’absence de mon autorisation de divulgation.

Si, malgré cet avertissement, vous mainteniez en l’état cette exploitation de mon œuvre, je serai au regret de vous faire parvenir une mise en demeure d’indemnisation de mon préjudice moral.

Je vous prie de bien vouloir croire, Madame, Monsieur, en l’expression de mes sincères salutations.

{Mon nom}
{Ma signature}