Le droit de paternité

Dernière mise à jour :

Que dit la loi ?

Article L. 121-1 du Code de la propriété intellectuelle :
«L’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre.
Ce droit est attaché à sa personne.
Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible.
Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur.
L’exercice peut être conféré à un tiers en vertu de dispositions testamentaires. »

Explication de la notion

Le droit de paternité fait partie des quatre attributs du droit moral français au même titre que le droit de divulgation, le droit de retrait ou le droit au respect de l’œuvre. Il est transmissible aux héritiers à la mort de l’auteur.

Il octroie à l’auteur la faculté de faire connaître son nom ainsi que sa qualité sur chacune de ses œuvres. Le nom de l’auteur doit être correctement orthographié, le cas contraire constitue une atteinte au droit de paternité. La qualité de l’auteur peut correspondre à ses titres, grades ou distinctions. Par exemple, un médecin peut exiger la mention du titre de docteur sur ces articles.

Cette obligation ne vaut pas seulement pour le nom civil de l’auteur mais aussi pour les pseudonymes qu’il choisira d’utiliser. Ce droit peut aussi s’exprimer négativement dans le sens où l’auteur peut s’opposer à ce que son nom apparaisse sur l’œuvre.

Que l’œuvre soit signée du nom de l’auteur, de son pseudonyme ou qu’elle soit anonyme, l’éditeur ou tout autre cessionnaire de droit ne peut imposer aucune modification ou contrainte à l’auteur. Une clause qui obligerait l’auteur à signer de son nom une œuvre est entachée de nullité. De même, serait considérée comme nulle une clause dans laquelle l’auteur s’engage à ne jamais revendiquer sa paternité sur l’œuvre.

L’auteur, au nom de son droit de paternité peut s’opposer aux usurpations, c’est-à-dire qu’il peut éviter l’apposition du nom d’un tiers qui n’est pas intervenu dans la réalisation de l’œuvre.

Toutefois il est possible pour l’auteur de renoncer à sa paternité et de laisser un tiers signer l’œuvre à sa place (convention de transfert de paternité/Ghostwriting/ prête plume). Dans ce cas la renonciation ne peut être irrévocable et l’auteur peut à tout moment se revendiquer comme créateur de l’œuvre (mais un dédommagement financier peut être demandé en contrepartie, pour plus d’informations n’hésitez pas à consulter la fiche «l’auteur prête-plume»).

Exemple de clause interdite

«L’auteur transfère la paternité de l’œuvre à M/ Mme XXX.
Il s’engage à ne jamais revendiquer sa paternité sur l’œuvre et renonce de ce fait à son droit au nom.
Il s’engage aussi à reconnaître publiquement M/Mme XXX comme seul auteur de l’œuvre. »

Le droit de paternité peut subir quelques aménagements en fonction de la nature de l’œuvre. L’auteur ne peut exiger l’apposition de sa signature ou de son nom sur une œuvre si ce n’est matériellement pas possible. Par exemple lorsque l’auteur d’une chanson accepte que celle-ci soit utilisée à des fins publicitaires, il renonce en même temps à son droit au nom lorsque le film ne comporte pas de générique. De même, pour les auteurs d’œuvres d’arts appliqués, leur droit peut être limité à la mention du nom sur les dessins et maquettes et non sur les reproductions industrielles de l’œuvre.

Attention à ne pas confondre le droit à la paternité et les droits de la personnalité (droit à la dignité, au respect de sa personne, droit à l’image…). Le droit de paternité ne protège l’auteur que dans l’exercice de son nom pour la reconnaissance de ses œuvres, il ne protège pas le nom de l’auteur en tant que tel. Il n’a pas pour objet de protéger l’auteur contre des atteintes à l’honneur ou à la réputation sur son nom ou sa personne. De même, le fondement du droit de paternité ne peut pas être utilisé pour demander le retrait d’une photo de vous sur le site de la maison d’édition (c’est le droit à l’image qu’il faudra utiliser).

Pour une œuvre faussement attribuée à un auteur, les tribunaux n’ont pas de position définitive sur le sujet. Seuls certains juges estiment que cette fausse attribution rentre dans le champ d’application du droit à la paternité. Dans tous les cas, les actes de faux ou de fraude artistique peuvent être sanctionnés pénalement (Loi du 9 février 1895).

Que disent les tribunaux ?

  • Une personne ne peut prétendre à la protection de son nom patronymique en tant que tel, fût-il utilisé pour l’exercice de son activité artistique, ce nom, quelle que soit sa renommée prétendue, ne constituant pas en lui-même une œuvre de l’esprit. Cour d’appel de Versailles, 25 février 2010
  • Commet une faute l’éditeur qui supprime la mention de la qualité de l’auteur (directeur d’études de l’Ecole pratique des hautes études) dans une traduction de l’ouvrage. TGI Paris 6 décembre 1976.
  • L’omission du nom de l’auteur sur des ouvrages, même diffusés en nombre restreint, cause au créateur un préjudice qui doit être réparé, la modestie de la diffusion n’ayant d’influence que sur la seule estimation de l’ampleur de la réparation due. Cour d’appel de Paris 4 mai 1983.
  • L’auteur, personne physique, jouit d’un droit inaliénable au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre, de sorte que ni l’existence d’un contrat de travail, ni la propriété du support matériel de l’œuvre ne sont susceptibles de conférer à son employeur la jouissance de ce droit. Cour de Cassation, 1ere chambre civile, 16 novembre 2016.
  • Les clauses relatives à l’anonymat sont valables dès lors qu’il n’y a pas de renonciation définitive aux prérogatives de droit moral, l’auteur disposant de la faculté de révoquer à tout moment sa décision. Cour d’appel de Paris, 18 décembre 1990.
  • L’éditeur ne peut méconnaitre la convention relative à un pseudonyme et révéler la véritable identité de l’auteur sans l’accord de ce dernier. Cour d’appel de Paris, 5 juillet 1979.

Quels recours pour l’auteur ?

Selon votre relation avec votre éditeur, vous aurez pris votre téléphone, envoyé un mail assassin ou serez resté muet et découragé. Sachez qu’un éditeur ne peut ignorer l’illégalité de sa démarche, que ne pas réagir prépare le terrain à d’autres atteintes révoltantes aux œuvres, les vôtres ou celles d’autres auteurs.

La seule démarche respectueuse des auteurs et de votre travail et qui présente des vertus pédagogiques est un courrier envoyé en recommandé AR (en cas d’absence de réponse de votre éditeur ou de réponse insatisfaisante, n’hésitez pas à demander conseil auprès de professionnels compétents et d’envisager des poursuites judiciaires pour faire cesser l’atteinte).

Voici la lettre que les juristes de la Ligue mettent à votre disposition :

 

PREMIÈRE LETTRE DE MISE EN DEMEURE
ATTEINTE AU DROIT MORAL

à l'attention de
{Maison d'édition}
{Monsieur/Madame X}
{Adresse}

À {ville}, le {date}

Objet : Lettre de mise en demeure

Par lettre recommandée avec accusé de réception n°{XXXXX}
et par email à l’adresse {xxx@yyy}

Madame, Monsieur,

J’ai pu constater que mon nom n’est pas mentionné/est mal orthographié sur mon œuvre (indiquer le nom de l'œuvre). Par cet oubli, vous entravez mon droit de m’identifier comme auteur de l'œuvre.

Or, conformément à l’article L. 121-1 « L’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre ». Cette atteinte porte donc préjudice à mon droit à la paternité.

Je vous mets donc en demeure, dans un délai de 8 jours à compter de la réception de la présente, de rectifier cette atteinte en ajoutant mon nom/en orthographiant correctement mon nom et de cesser toute exploitation de l'œuvre sous cette forme qui m’est préjudiciable.

Si, malgré cet avertissement, vous mainteniez en l’état cette exploitation de mon œuvre, je serai au regret de vous faire parvenir une mise en demeure d’indemnisation de mon préjudice moral.

Je vous prie de bien vouloir croire, Madame, Monsieur, en l’expression de mes sincères salutations.

{Mon nom}
{Ma signature}