Oeuvre anonyme et pseudonyme

Dernière mise à jour :

Il existe, en droit d’auteur, des règles qui sont spécifiques aux œuvres anonymes ou pseudonymes, c’est-à-dire, les œuvres dont l’identité de l’auteur n’est pas connue du public.

Que dit la loi ?

Article L. 113-6 du Code de la propriété intellectuelle :
«Les auteurs des œuvres pseudonymes et anonymes jouissent sur celles-ci des droits reconnus par l’article L. 111-1.
Ils sont représentés dans l’exercice de ces droits par l’éditeur ou le publicateur originaire, tant qu’ils n’ont pas fait connaître leur identité civile et justifié de leur qualité.
La déclaration prévue à l’alinéa précédent peut être faite par testament ; toutefois, sont maintenus les droits qui auraient pu être acquis par des tiers antérieurement.
Les dispositions des deuxième et troisième alinéas ne sont pas applicables lorsque le pseudonyme adopté par l’auteur ne laisse aucun doute sur son identité civile. »

Article L. 123-3 du Code de la propriété intellectuelle :
«Pour les œuvres pseudonymes, anonymes ou collectives, la durée du droit exclusif est de soixante-dix années à compter du 1er janvier de l’année civile suivant celle où l’œuvre a été publiée. La date de publication est déterminée par tout mode de preuve de droit commun, et notamment par le dépôt légal.
Au cas où une œuvre pseudonyme, anonyme ou collective est publiée de manière échelonnée, le délai court à compter du 1er janvier de l’année civile qui suit la date à laquelle chaque élément a été publié.
Lorsque le ou les auteurs d’œuvres anonymes ou pseudonymes se sont fait connaître, la durée du droit exclusif est celle prévue aux articles L. 123-1 ou L. 123-2.
Les dispositions du premier et du deuxième alinéa ne sont applicables qu’aux œuvres pseudonymes, anonymes ou collectives publiées pendant les soixante-dix années suivant l’année de leur création.
Toutefois, lorsqu’une oeuvre pseudonyme, anonyme ou collective est divulguée à l’expiration de la période mentionnée à l’alinéa précédent, son propriétaire, par succession ou à d’autres titres, qui en effectue ou fait effectuer la publication jouit d’un droit exclusif de vingt-cinq années à compter du 1er janvier de l’année civile suivant celle de la publication. »

Explication de la notion

Les œuvres anonymes et pseudonymes ont la particularité de ne pas révéler l’identité de l’auteur.

Ces dispositions fonctionnent seulement si l’auteur n’est réellement pas identifiable. Par exemple, un auteur qui aurait l’habitude d’utiliser un pseudonyme pour écrire mais dont la véritable identité est connue de tous ne sera pas soumis aux règles spéciales des œuvres anonymes.

Le but de ces règles n’est pas de catégoriser les œuvres mais de permettre leur exploitation lorsque l’accord de l’auteur n’est pas atteignable, car l’auteur ne peut être identifié par le public et les tiers.

Ainsi, la loi considère que l’auteur est représenté dans ces droits par son éditeur ou son publicataire (la personne ou société en charge de la publication de l’œuvre s’il ne s’agit pas d’un contrat d’édition). Cela signifie que les tiers doivent passer par l’intermédiaire de l’éditeur pour obtenir des droits sur l’œuvre. En revanche, cela ne veut pas dire que l’éditeur possède les droits de l’œuvre, il représente seulement l’auteur dans sa volonté. Si l’éditeur outrepasse ses prérogatives sans l’accord de l’auteur, celui-ci pourra agir judiciairement.

L’œuvre anonyme ou pseudonyme ne retire pas ses droits à l’auteur, il propose un intermédiaire entre le public et l’auteur. Par exemple, imaginons qu’une adaptation en livre audio est faite de votre œuvre et la personne qui la réalise souhaite modifier une partie du texte : au regard de votre droit moral, votre accord est nécessaire. Étant donné que l’exploitant ne connaît pas votre identité il ne pourra pas vous demander directement, la demande transitera donc par votre éditeur.

Exemple de clause interdite

«L’auteur consent à publier son œuvre anonymement et ne pas revenir sur cet accord en révélant son identité durant toute la durée d’exploitation de l’œuvre.
L’éditeur représente l’auteur dans ses droits et dispose par ce fait de l’intégralité des droits patrimoniaux et moraux.
L’éditeur s’engage à informer l’auteur de toute exploitation ou cession de droit intervenant sur l’œuvre. L’avis de l’auteur n’est recueilli qu’à titre consultatif et ne peut intervenir dans le processus décisionnel. »

Autre particularité, la durée des droits d’exploitation ne débute pas au même point. La durée des droits d’auteur est de 70 ans après la mort de l’auteur pour les œuvres traditionnelles. En revanche, dans le cas des œuvres anonymes et pseudonymes, la date de la mort de l’auteur est et doit rester inconnue pour préserver l’anonymat. Pour pallier ce blocage, la loi considère que la durée de 70 ans commence à courir à la date de publication de l’œuvre.

L‘anonymat ou le pseudonyme peuvent être révoqués à n’importe quel moment par l’auteur. Il est même possible de prévoir par testament la révélation de l’identité de l’auteur une fois celui-ci décédé. L’éditeur ou tout autre cessionnaire de droit ne peuvent s’opposer à la levée de l’anonymat ou du pseudonyme.

L’anonymat de l’œuvre ne change pas les conditions et modalités de rémunération de l’auteur, il reste soumis à la rémunération proportionnelle des droits d’auteur.

Attention toutefois à ne pas penser que publier anonymement vous protège de toutes actions judiciaires. Si votre œuvre porte atteinte d’une quelconque façon aux intérêts d’autruis (diffamation, injures, plagiat…), le tiers pourra agir contre la maison d’édition qui vous représente. Cependant, l’éditeur peut à tout moment se retourner contre l’auteur pour lui demander l’indemnisation du préjudice qu’il a subi par sa faute. L’article L. 132-8 incombe à l’auteur, dans un contrat d’édition, de garantir à l’éditeur l’exercice paisible et, sauf convention contraire, exclusif du droit cédé.

Que disent les tribunaux ?

  • L’auteur peut révoquer à tout moment sa décision d’anonymat. Cour d’appel de Paris, 18 décembre 1990.
  • L’éditeur qui révèle la véritable identité de l’auteur qui écrit sous pseudonyme viole le droit moral de celui-ci et engage sa responsabilité. Cour d’appel de Paris, 5 juillet 1979
  • Il est possible que deux pseudonymes similaires coexistent en l’absence de risque de confusion. Cour d’appel de Paris, 13 février 2013

Pour plus d’informations complémentaires n’hésitez pas à aller lire l’article sur le droit de paternité.