Résiliation du contrat d’édition

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Le contrat d’édition dispose des mêmes attributs que toutes les autres relations contractuelles : une fois signé, il se doit d’être respecté et la résiliation (donc l’annulation du contrat) n’est possible que si l’une des parties ne s’est pas acquittée de ses obligations.

En théorie, si votre relation avec votre maison d’édition ne vous satisfait plus, il sera nécessaire d’identifier une faute ou un manquement de la part de votre éditeur pour résilier le contrat, ce qui n’est pas toujours simple.

La résiliation d’un contrat d’édition peut être de deux types : amiable ou judiciaire. Dans le premier cas, vous n’avez pas besoin de vous présenter devant une juridiction pour réclamer la résiliation. Le deuxième cas nécessite que la résiliation soit décidée par un juge.

Dans un premier temps, il ne faut pas oublier que la résiliation peut être demandée de façon amiable sans forcément qu’une faute soit identifiée pour l’une des parties, elle résultera donc d’un commun accord entre l’auteur et la maison d’édition. Si vous estimez qu’une discussion peut être ouverte avec votre maison d’édition, vous pouvez privilégier cette voie sans recourir d’entrée à des voies plus contentieuses. La résiliation se passera toujours mieux si les relations ne sont pas conflictuelles.

Si la voie uniquement amiable ne peut aboutir, le Code de la propriété intellectuelle propose six cas de figure dans lesquels l’auteur est en droit de demander la résiliation de son contrat d’édition sans passer par le juge si l’éditeur manque à certaines de ses obligations.

1- Résiliation pour défaut de publication ou réimpression

Article L. 132-17 du Code de la propriété intellectuelle «Le contrat d’édition prend fin, sans préjudice des cas prévus par le droit commun, par les articles précédents de la présente sous-section ou par les articles de la sous-section 2, lorsque :

1° L’éditeur procède à la destruction totale des exemplaires ;

2° L’éditeur, sur mise en demeure de l’auteur lui impartissant un délai convenable, n’a pas procédé à la publication de l’œuvre ou, en cas d’épuisement, à sa réédition. Dans ce cas, la résiliation a lieu de plein droit. L’édition est considérée comme épuisée si deux demandes de livraison d’exemplaires adressées à l’éditeur ne sont pas satisfaites dans les trois mois.

En cas de mort de l’auteur, si l’œuvre est inachevée, le contrat est résolu en ce qui concerne la partie de l’œuvre non terminée, sauf accord entre l’éditeur et les ayants droit de l’auteur.»

L’auteur, en cas de défaut de publication ou de réédition, peut demander la résiliation du contrat. Dans un premier temps l’auteur devra exiger la publication ou la réédition de l’œuvre, si cela n’est pas fait dans le délai imparti, le contrat est résilié et l’auteur peut récupérer ses droits. Nous vous conseillons, à la date butoire du délai de publication que vous avez imposé à l’éditeur, d’envoyer une dernière lettre par accusée de réception attestant la résiliation du contrat et donc la restitution de vos droits. Grâce à cette lettre vous aurez une preuve tangible de la résiliation, et cette preuve sera notamment utile si vous choisissez de présenter votre œuvre à un nouvel éditeur.

Le Code prévoit un “délai convenable”, la durée impartie dépend donc de plusieurs éléments (retard dans la publication, s’il s’agit d’une édition luxe ou illustrée…). Pour être sûr d’opter pour un délai convenable nous pouvons vous conseiller entre 4 et 6 mois, qui est un délai suffisant pour procéder à une impression. Attention à bien vérifier les dispositions de votre contrat d’édition : il est possible qu’un délai soit déjà prévu dans le contrat pour ce genre de situation, dans ce cas il faudra le respecter.

Pour la destruction de l’intégralité des exemplaires prévue à l’alinéa 1 de l’article, aucune lettre de mise en demeure n’est nécessaire pour obtenir la résiliation du contrat mais nous vous conseillons, comme pour le défaut de publication, d’envoyer à votre éditeur une lettre ou un mail attestant de la destruction donc de la résiliation du contrat et la restitution de vos droits.

NB : Voir en bas de cet article un exemple de lettre de résiliation pour défaut de publication.

2- Résiliation pour défaut de reddition de compte

Article L. 132-17-3 Code de la propriété intellectuelle : «I.- L’éditeur est tenu pour chaque livre de rendre compte à l’auteur du calcul de sa rémunération de façon explicite et transparente.

A cette fin, l’éditeur adresse à l’auteur, ou met à sa disposition par un procédé de communication électronique, un état des comptes mentionnant :

1° Lorsque le livre est édité sous une forme imprimée, le nombre d’exemplaires fabriqués en cours d’exercice, le nombre des exemplaires en stock en début et en fin d’exercice, le nombre des exemplaires vendus par l’éditeur, le nombre des exemplaires hors droits et détruits au cours de l’exercice ;

2° Lorsque le livre est édité sous une forme numérique, les revenus issus de la vente à l’unité et de chacun des autres modes d’exploitation du livre ;

3° Dans tous les cas, la liste des cessions de droits réalisées au cours de l’exercice, le montant des redevances correspondantes dues ou versées à l’auteur ainsi que les assiettes et les taux des différentes rémunérations prévues au contrat d’édition.

Une partie spécifique de cet état des comptes est consacrée à l’exploitation du livre sous une forme numérique.

La reddition des comptes est effectuée au moins une fois par an, à la date prévue au contrat ou, en l’absence de date, au plus tard six mois après l’arrêté des comptes.

II.-Si l’éditeur n’a pas satisfait à son obligation de reddition des comptes selon les modalités et dans les délais prévus au I, l’auteur dispose d’un délai de six mois pour mettre en demeure l’éditeur d’y procéder.

Lorsque cette mise en demeure n’est pas suivie d’effet dans un délai de trois mois, le contrat est résilié de plein droit.

III.-Lorsque l’éditeur n’a satisfait, durant deux exercices successifs, à son obligation de reddition des comptes que sur mise en demeure de l’auteur, le contrat est résilié de plein droit trois mois après la seconde mise en demeure.

IV.-L’éditeur reste tenu, même en l’absence de mise en demeure par l’auteur, de respecter ses obligations légales et contractuelles de reddition des comptes. »

Votre éditeur est tenu de vous adresser au minimum une fois par an une reddition de comptes comportant toutes les informations énoncées dans l’article L. 132-17-3. Si vous n’avez pas reçu de reddition de comptes ou que celle-ci ne mentionne pas toutes les informations nécessaires, à partir de la date à laquelle vous avez reçu ou auriez dû recevoir votre reddition de compte, vous pouvez, dans les 6 mois, adresser une lettre de mise en demeure à votre éditeur lui impartissant un délai de 3 mois pour s’exécuter. Si rien n’a été rectifié dans ce délai, le contrat est considéré comme résilié et vos droits vous sont restitués. Nous vous conseillons, à la date butoire des 3 mois, d’envoyer une dernière lettre attestant la résiliation du contrat pour bénéficier d’une preuve supplémentaire de la restitution de vos droits.

3- Résiliation pour défaut de paiement

Article L. 132-17-3-1 du Code de la propriété intellectuelle : «L’éditeur procède au paiement des droits au plus tard six mois après l’arrêté des comptes, sauf convention contraire précisée par l’accord rendu obligatoire mentionné à l’article L. 132-17-8.

Si l’éditeur n’a pas satisfait à son obligation de paiement des droits dans les délais prévus au premier alinéa du présent article, l’auteur dispose d’un délai de douze mois pour mettre en demeure l’éditeur d’y procéder.

Lorsque cette mise en demeure n’est pas suivie d’effet dans un délai de trois mois, le contrat est résilié de plein droit. »

Votre éditeur est tenu de procéder au paiement de vos droits dans les 6 mois suivants l’arrêté des comptes (la date d’arrêté des comptes est normalement prévue dans votre contrat édition). Si votre éditeur n’a pas respecté son obligation vous pouvez lui adresser par lettre avec accusé de réception une mise en demeure lui impartissant de s’exécuter dans un délai de 3 mois. À défaut d’action de sa part dans ce délai, vos droits vous seront restitués et le contrat résilié. Attention, vous ne disposez cependant que d’un délai de 12 mois pour effectuer la mise en demeure, dépassé ce délai ce mécanisme ne pourra plus être utilisé.

4- Résiliation pour manquement à l’obligation d’exploitation permanente et suivie

Article L. 132-17-2 du Code de la propriété intellectuelle : «I.-L’éditeur est tenu d’assurer une exploitation permanente et suivie du livre édité sous une forme imprimée ou sous une forme numérique.

II.-La cession des droits d’exploitation sous une forme imprimée est résiliée de plein droit lorsque, après une mise en demeure de l’auteur adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, l’éditeur ne satisfait pas dans un délai de six mois à compter de cette réception aux obligations qui lui incombent à ce titre.

Cette résiliation n’a pas d’effet sur la partie distincte du contrat d’édition relative à la cession des droits d’exploitation du livre sous une forme numérique.

III.-La cession des droits d’exploitation sous une forme numérique est résiliée de plein droit lorsque, après une mise en demeure de l’auteur adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, l’éditeur ne satisfait pas dans un délai de six mois à compter de cette réception, aux obligations qui lui incombent à ce titre.

Cette résiliation n’a d’effet que sur la partie distincte du contrat d’édition relative à la cession des droits d’exploitation du livre sous une forme numérique.

IV.-Les résiliations prévues aux II et III sont sans effet sur les contrats d’adaptation audiovisuelle prévus à l’article L. 131-3. »

Dans cette situation, l’auteur peut demander la résiliation du contrat si l’éditeur ne respecte pas son obligation d’exploitation permanente et suivie. La mise en demeure doit laisser un délai de 6 mois à l’éditeur pour s’exécuter. À défaut, le contrat sera résilié.

Qu’est qu’une obligation d’exploitation permanente et suivie et dans quelles situations n’est-elle pas respectée ? Le problème de cette obligation est qu’elle n’est pas définie par le Code, les interprétations sont donc variables en fonction des situations et même des juges.
Dans l’idée, il s’agit d’une obligation pour l’éditeur d’exploiter correctement le livre donc de veiller à ce que les commandes des libraires soient honorées dans un délai convenable, qu’il n’y ai pas de rupture de stock trop longue et qu’une publicité et diffusion de l’oeuvre soit effectuée.

La mise en oeuvre de cette résiliation peut être difficile car votre éditeur n’aura sûrement pas la même définition ni les mêmes attentes de l’obligation d’exploitation, nous vous conseillons donc de réunir un maximum de preuves tout au long de l’exploitation de votre oeuvre (par exemple : des commandes de libraires ou particuliers qui ont du retard, des occasions de publicité qui n’ont pas été saisies, des tirages insuffisants, etc.) pour que la résiliation ait les meilleurs chances de réussite. Plus vous obtiendrez de preuves diverses et surtout différées dans le temps, plus vous parviendrez à caractériser le manquement.

À noter aussi, pour vos prochains contrats d’édition n’hésitez pas à demander à ce que soit défini cette obligation directement au contrat ! Vous pourrez donc vous mettre d’accord en amont avec votre éditeur sur le contenu de cette obligation d’exploitation.

5- Résiliation pour absence de ventes

Article L. 132-17-4 du Code de propriété intellectuelle : «I.-Le contrat d’édition prend fin à l’initiative de l’auteur ou de l’éditeur, si, pendant deux années consécutives au-delà d’un délai de quatre ans après la publication de l’œuvre, les états de comptes ne font apparaître de droits versés, ou crédités en compensation d’un à-valoir, au titre d’aucune des opérations suivantes :

1° Vente à l’unité du livre dans son intégralité sous une forme imprimée, à l’exception de la vente issue de systèmes de distribution réservés à des abonnés ou à des adhérents ;

2° Vente ou de l’accès payant à l’unité du livre dans son intégralité sous une forme numérique ;

3° Consultation numérique payante du livre disponible dans son intégralité, pour les secteurs éditoriaux reposant essentiellement sur ce modèle de mise à disposition ;

4° Traductions intégrales du livre sous une forme imprimée ou sous une forme numérique.

La résiliation est notifiée à l’autre partie par lettre recommandée avec demande d’avis de réception dans un délai de douze mois suivant la date limite d’envoi de l’état des comptes par l’éditeur ou de sa mise à disposition de l’auteur par un procédé de communication électronique.

Le délai de préavis applicable à la résiliation est de trois mois. A l’expiration du délai de préavis, le contrat est résilié de plein droit.

II.-Les dispositions du I ne sont pas applicables à certaines modalités d’exploitation d’un livre précisées par l’accord rendu obligatoire mentionné à l’article L. 132-17-8. »

Ce procédé de résiliation n’intervient qu’en cas de mévente totale de l’ouvrage, c’est-à-dire que l’auteur ne reçoit aucun droit d’auteur pendant deux années consécutives après quatre années de commercialisation, il suffit qu’apparaisse un euro ou moins de rémunération pour que la résiliation ne puisse être demandée. En pratique, cette résiliation n’est utilisée que dans de très rares occasions.

6- Cessation de l’activité de la maison d’édition ou liquidation judiciaire

Article L. 132-15 du Code de la propriété intellectuelle : «La procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire de l’éditeur n’entraîne pas la résiliation du contrat.
Lorsque l’activité est poursuivie en application des articles L. 621-22 et suivants du code de commerce, toutes les obligations de l’éditeur à l’égard de l’auteur doivent être respectées.
En cas de cession de l’entreprise d’édition en application des articles L. 621-83 et suivants du code de commerce précité, l’acquéreur est tenu des obligations du cédant.
Lorsque la cessation d’activité de l’entreprise d’édition est prononcée, soit conséquemment à une décision judiciaire de liquidation, soit du fait d’une cessation d’activité volontaire, un état des comptes à date de la cessation est produit et adressé à chaque auteur sous contrat avec l’entreprise par l’éditeur ou, le cas échéant, le liquidateur. Cet état des comptes doit faire apparaître le nombre d’exemplaires des ouvrages vendus depuis la dernière reddition des comptes établie, le montant des droits dus à leur auteur au titre de ces ventes ainsi que le nombre d’exemplaires disponibles dans le stock de l’éditeur. L’éditeur, en cas de cession volontaire, ou le liquidateur, en cas de décision judiciaire de liquidation, fournit à l’auteur les informations qu’il a recueillies auprès des distributeurs et des détaillants sur le nombre d’exemplaires restant disponibles.
Lorsque l’activité de l’entreprise a cessé depuis plus de six mois ou lorsque la liquidation judiciaire est prononcée, le contrat est résilié de plein droit.
Le liquidateur ne peut procéder à la vente en solde des exemplaires fabriqués ni à leur réalisation dans les conditions prévues aux articles L. 622-17 et L. 622-18 du code de commerce précité que quinze jours après avoir averti l’auteur de son intention, par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception.
L’auteur possède, sur tout ou partie des exemplaires, un droit de préemption. A défaut d’accord, le prix de rachat sera fixé à dire d’expert. »

En cas de liquidation judiciaire ou de cessation d’activité le contrat est résilié automatiquement et les droits sont restitués à l’auteur. La cessation d’activité de l’entreprise doit avoir plus de 6 mois pour que la résiliation intervienne. Vous pourrez trouver cette information soit directement auprès de votre maison d’édition si elle informe ses collaborateurs qu’elle cesse son activité soit vous pouvez consulter les sites InfoGreffe ou Société.com qui ont des informations majoritairement fiables et actualisées.

L’auteur peut demander à racheter l’intégralité ou une partie du stock de ses ouvrages. Pour cette partie vous pouvez vous référez à votre contrat d’édition qui prévoit normalement le coût de rachat pour l’auteur en cas de ventes en solde ou de mise au pilon.

Exemple de lettre de mise en demeure de restitution de droits pour défaut de publication :

PREMIÈRE LETTRE DE MISE EN DEMEURE
RÉSILIATION DE CONTRAT

à l'attention de
{Société}
{Monsieur/Madame X}
{Adresse}

À {ville}, le {date}

Objet : Lettre de mise en demeure

Par lettre recommandée avec accusé de réception n°{XXXXX}
et par email à l’adresse {xxx@yyy}

Madame, Monsieur,

Le XXX (Date) j’ai signé avec votre société un contrat d’édition portant sur l'œuvre XXX (nom de l'œuvre) qui prévoit en son article XXX (numéro de l’article) une publication au XXX (date de la publication. Or, depuis cette date aucune publication n’est intervenue, le délai est donc dépassé depuis XXX (nombre de jours ou mois).

Vous n’êtes pas sans savoir que l’absence de publication de mes œuvres nuit à ma réputation d’auteur et à l’ouverture de certains de mes droits sociaux. Elle crée, d’autre part, un préjudice financier en me privant des rémunérations dues en contrepartie de l’exploitation que vous vous êtes pourtant engagée à faire.

L’article L. 132-17 du Code de la propriété intellectuelle dispose que si l'éditeur, sur mise en demeure de l'auteur lui impartissant un délai convenable, n'a pas procédé à la publication de l'œuvre, la résiliation du contrat a lieu de plein droit.

Je vous mets donc en demeure, par la présente, de procéder à la publication de mon œuvre XXX (nom de l'œuvre) dans un délai de six mois et à défaut, de me restituer l’intégralité de mes droits.

Je vous prie de bien vouloir croire, Madame, Monsieur, en l’expression de mes sincères salutations.

{Mon nom}
{Ma signature}