Joann Sfar répond à la SGDL

Joann Sfar, président d’honneur de la Ligue des Auteurs Professionnels, a décidé de répondre publiquement au communiqué publié hier par la Société des Gens de Lettres.

Paris, le 26 Mai 2020

Tout le monde me conseille de me taire parce qu’il va y avoir un procès. Peut-être est-ce l’objectif de cette plainte, d’ailleurs, qu’on se taise.

Et on devrait remercier la Société des Gens de Lettres. J’ai eu tort de dire que cette institution représentait bien mal les auteurs. C’est vrai, on n’a pas entendu parler d’eux lorsque nous nous battions pour que le rapport Racine ne soit pas enterré. Ils ont été également très discrets lors du scandale de l’Agessa, lorsqu’on a découvert que notre organisme de sécurité sociale avait « oublié » une partie des cotisations de 190 000 artistes-auteurs, les amputant de leurs droits à la retraite. Mais aujourd’hui que notre profession sort exsangue d’années de crise et de plusieurs mois d’épidémie, ils se réveillent. Pour crier avec moi que la façon dont l’État a décidé de gérer la crise pour les artistes-auteurs est problématique ? Non. Pour demander la mise en place de mesures de soutien aux auteurs simples, adaptées et sans rupture d’égalité, comme pour les autres professionnels de ce pays ? Non. La Société des Gens de Lettres se réveille pour me faire un procès en diffamation. Je devrais donc la remercier et je comprends enfin la fonction de cet organisme : il sert à remettre les auteurs dans le droit chemin si par hasard il leur arrive d’être catastrophés, et par la situation sociale de leur profession, et par la façon paternaliste dont des associations font semblant de les défendre.

Passons sur le fait que le communiqué de la SGDL joue à BOGGLE avec mes déclarations pour me faire dire autre chose que ce que j’ai dit.

Et ne fermons pas notre grande bouche. Je ne crois pas que mes déclarations relèvent de la diffamation. Je veux bien entendre que je sois vague, imprécis, et que mes propos appellent au débat. Mais ce procès est une honte.

Pour dire le fond de ma pensée, je ne peux pas croire un instant que les 24 membres du conseil d’administration de la SGDL soutiennent cette démarche. Parmi eux des auteurs, des éditeurs et divers acteurs de la filière livre. Je ne peux pas croire qu’ils valident cette attitude honteuse à mes yeux. Pas plus que je ne peux imaginer les adhérents de la SGDL favorables au fait que leurs cotisations servent à attaquer un auteur en justice parce qu’il ose critiquer la situation actuelle.

Si j’émets ces critiques, et si d’autres auteurs le font avec moi, c’est parce que nous voyons au quotidien des collègues qui n’y arrivent plus, de tous âges. Nous voyons un système se refermer comme un nœud coulant autour de nos confrères. Et depuis des années chacune de nos initiatives auprès des pouvoirs publics finit réduite à néant. La dernière en date, le rapport Racine, a été torpillée. Ce rapport, commandité par le Ministère de la Culture comportait à la fois un constat juste sur notre situation, et des préconisations parfaitement sensées pour que les auteurs bénéficient enfin d’un statut plus conforme à leur activité. Dès sa publication, ce rapport a été l’objet de toutes les attaques émanant du Syndicat National de L’Edition, ce qui n’est pas une surprise, mais également d’autres organismes dont on a pu comprendre que leur investissement auprès des auteurs consistait avant tout à œuvrer pour que rien ne change.

Oui, j’affirme que la SGDL et tout le maillage mélangeant association culturelle, syndicats et organismes de gestion collective nous représente bien mal. C’est une confusion des intérêts défendus qui n’existe nulle part ailleurs dans la représentation professionnelle des métiers. La France s’est engagée, en ratifiant la convention n°87 de l’Organisation Internationale du Travail sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, à « prendre toutes mesures nécessaires et appropriées en vue d’assurer aux travailleurs et aux employeurs le libre exercice du droit syndical. »

Durant les temps d’abondance, tout le monde s’en foutait. Aujourd’hui que les auteurs ont besoin d’aide, je crois nécessaire de réfléchir aux raisons pour lesquelles aucun des relais qui devraient les aider ne fonctionne.

Je crois qu’on ne peut plus accepter l’absence d’une représentation professionnelle légitime des auteurs. Il y a des lois en France. Nous demandons une chose simple : l’application de la démocratie sociale, et l’organisation d’élections professionnelles conformes au droit du travail. Aujourd’hui, certaines associations et organismes nous représentent d’office sous prétexte d’ancienneté, emploient beaucoup de monde, sont très richement dotées. Nous avons le droit de critiquer leur action, et même leur existence si ça nous chante.

Il m’arrive d’être excessif, inexact, de me tromper dans les chiffres ? C’est possible. C’est sans doute une idée naïve, mais dans la mesure où l’État parvient à imposer l’impôt sur le revenu aux artistes-auteurs et à leur prélever des cotisations, je ne vois pas pourquoi il a besoin de la SGDL pour distribuer des aides d’urgence aux critères déconnectés avec nos métiers, au moment de l’une des plus grandes crises économiques du siècle. 1 million d’euros a été débloqué pour les auteurs par l’État. Plutôt que de les gérer lui-même, ce dispositif a été confié à la Société des Gens de Lettres. 1 autre million supplémentaire a été apporté par des organismes de gestions collectives. En date du 4 mai 2020, d’après les chiffres du Centre National du Livre, seulement 80 auteurs avaient eu accès à cette aide. Les auteurs ont fait savoir leur détresse.

Que la SGDL soit mécontente de mes mots, je l’imagine bien. Qu’ils aient le sentiment que je suis excessif, j’en conviens volontiers. Même si une part de moi songe qu’il faudrait hurler encore plus fort puisqu’après des années à s’époumoner, les collègues et moi-même ne sommes pas entendus. Qu’ils en arrivent à me faire un procès, cela relève selon moi de l’indignité. Et c’est une honte pour une association qui prétend être au service des auteurs.

Je demande solennellement et publiquement aux 24 membres du directoire de la SGDL ainsi qu’aux adhérents de cette association s’ils acceptent que leur nom serve à cette procédure honteuse.

Chère SGDL, je vais relire Balzac. J’aimerais bien déchirer ma carte de membre, mais je n’en fais pas partie. Tu ne me représentes pas. Et si tu persistes à vouloir attaquer ceux qui osent parler, prépare-toi à demander à l’État davantage de fonds car on risque d’être nombreux.

Joann Sfar
Président d’honneur de la Ligue des Auteurs Professionnels

SGDL : quand une société d’auteurs s’attaque à… un auteur

La Société des Gens de Lettres est censée défendre les auteurs, mais aujourd’hui elle décide d’en attaquer un en justice.

Samedi 23 mai, en pleine crise du COVID-19, Joann Sfar a fait une intervention remarquée sur France Inter destinée à défendre l’ensemble des auteurs et autrices alors que leur situation se dégrade sans cesse. Mais la SGDL n’en a retenu que ses remarques désillusionnées sur la manière dont est organisée l’aide aux auteurs, les prenant strictement pour elle. Plutôt que d’expliquer son point de vue, la SGDL a décidé d’annoncer par communiqué qu’elle va déposer une plainte contre Joann Sfar pour diffamation devant le Procureur de la République.

La Ligue des auteurs professionnels est consternée qu’une société fondée par des auteurs pour défendre les auteurs puisse envisager d’aller en justice contre un auteur. Et cela parce que sa parole libre lui déplait. Qu’en auraient pensé les fondateurs ? Qu’en pensent aujourd’hui les membres de la SGDL ? Comment est-ce seulement possible ?

La Ligue est en train d’étudier le communiqué de la SGDL. Après analyse des propos tenus à son encontre, elle verra quelle doit être sa réaction.

Quoi qu’il en soit, la Ligue défendra le droit de parler de Joann Sfar, en particulier son droit de soutenir les luttes des auteurs et autrices. La Ligue, plutôt que d’attaquer un auteur en justice, continuera, elle, de défendre tous les auteurs et autrices, leur liberté d’expression et leur droit à l’indignation. Y compris quand ils ne seront pas d’accord avec elle.

 

Alerte ! prochain décret sur le régime social des artistes-auteurs

Les circonstances actuelles de la crise sanitaire que nous traversons ne peuvent être l’occasion pour les ministères de la Culture et des Solidarités et de la Santé de passer en force un décret majeur concernant l’évolution du régime social des artistes-auteurs.

Vous voulez continuer à vivre un cauchemar pour percevoir vos droits de sécurité sociale (retraites, indemnités maladies, maternité) ? Suivez le guide !

Ce projet de décret a commencé à être discuté entre les ministères et les organisations professionnelles juste avant les mesures de confinement. Nombreuses sont les organisations professionnelles d’artistes-auteurs à avoir fait remonter les problèmes graves que poserait ce décret s’il était mis en application tel quel, sans modification.

Après 50 ans de dysfonctionnements au sein de notre régime de sécurité sociale, l’heure n’est plus aux bricolages, ni à s’enferrer dans les erreurs du passé. Nous attendons de l’État une concertation réelle avec les premiers concernés par leur protection sociale et la prise en compte des modifications essentielles à l’amélioration de l’accès à nos droits élémentaires.

Voici les points alarmants :

Ce décret prévoit la constitution d’un seul conseil d’administration et l’agrément d’un seul organisme de sécurité sociale, sans plus de précisions sur les missions du conseil d’administration, ni sur les statuts de l’organisme en question. Si la suppression de l’agrément à la Maison des Artistes est clairement programmée, en revanche les ministères prévoient de maintenir l’agrément de l’Agessa, en dépit du fait qu’il est désormais de notoriété publique que cet organisme a agi en violation de la loi depuis 50 ans, portant préjudice à plus de 200 000 artistes-auteurs.

Nous demandons la création d’un nouvel et unique organisme de sécurité sociale pour assurer la gouvernance de notre régime. Il est temps pour les artistes-auteurs de bénéficier enfin d’une caisse de sécurité sociale, fiable et adaptée, pour piloter le prestataire de recouvrement des cotisations sociales, qui est désormais l’Urssaf.

Le décret prévoit que les ministères choisissent eux-mêmes les organisations qui siégeront au sein du conseil d’administration de l’organisme de sécurité sociale.Cela viole toutes les règles élémentaires de démocratie sociale. Il appartient aux artistes-auteurs eux-mêmes de désigner leurs représentants par voie élective.

Les élections professionnelles sont une préconisation essentielle du rapport Racine. Le ministre de la Culture lui-même s’est engagé à revoir la représentativité professionnelle des artistes-auteurs et à donner accès aux artistes-auteurs à une véritable démocratie sociale comme dans les autres professions. Les ministères sont supposés organiser les élections des conseils d’administration… depuis 2014.

Ce décret ne prévoit toujours pas d’action sociale pour les artistes-auteurs alors que cette carence a été largement mise en évidence dans le cadre de la crise économico-sanitaire actuelle.

L’Urssaf a été mobilisée et réactive en matière d’aide sociale pour les autres secteurs professionnels de non-salariés. Il importe qu’il en soit de même à l’avenir pour les artistes-auteurs.

Ce décret — supposé concerner une adaptation du régime des artistes-auteurs à la réalité de leurs activités de création actuelle — ne mentionne pas la création d’œuvres comme activité première des artistes-auteurs !

Aujourd’hui plus qu’hier et moins que demain, la protection sociale des artistes-auteurs et la pleine reconnaissance du secteur de la création sont des sujets majeurs, urgents et conséquents. L’incurie a assez duré, aujourd’hui plus que jamais, le droit à l’erreur n’est plus permis.

Hackathon : réinventer le droit des relations collectives des artistes-auteurs

Qu’est-ce qu’un artiste-auteur ? La représentativité professionnelle, c’est quoi ? Comment accéder à des accords collectifs pour encadrer nos conditions de travail ? Qui représente nos professions auprès des pouvoirs publics ? Comment sont prises les décisions qui engagent la profession ? La représentation professionnelle est au cœur des préoccupations actuelles de nos métiers.

Le rapport Racine porte en lui toutes les mesures pour reconfigurer la protection des artistes-auteurs. Hélas, la volonté politique n’est pas pour l’heure à la hauteur de ce formidable projet. Alors comment réagir ? En faisant ce que nous savons faire : créer. Voici aujourd’hui les résultats de l’atelier “Réinventer le droit des relations collectives des artistes-auteurs.”

Le but était de réfléchir et trouver des solutions concrètes pour permettre aux organisations professionnelles d’artistes-auteurs de construire une représentativité professionnelle légitime et d’être plus fortes à la table des négociations collectives.

Organisé les 13 & 14/03/20 au Labo de l’édition situé au 2, rue Saint-Médard à Paris, notre Hackathon a rassemblé pendant 24 heures des avocats, des juristes, des universitaires, des spécialisés en propriété intellectuelle, en droit social, en droit du travail, en droit des contrats… une vingtaine d’experts qui ont travaillé sans relâche avec des auteurs et autrices bénévoles. Le but ? Réinventer ensemble la protection des artistes-auteurs. Nous avons commencé dans les secteurs que nous connaissons, à savoir le livre et de l’audiovisuel, mais ces réflexions concernent l’ensemble du régime artistes-auteurs et ont vocation à être élargies.

Reconnue comme un principe général du droit applicable à l’ensemble des relations collectives du travail par le Conseil d’État, la représentativité confère deux prérogatives principales :

– Signer des conventions et accords susceptibles d’extension

– Siéger dans les commissions paritaires.

La représentativité des artistes-auteurs n’a jamais été questionnée par le secteur de la création ou les institutions. Il en ressort que les artistes-auteurs, soit 270 000 personnes en France, ne se sont jamais appropriés la notion de « démocratie sociale ». Cela s’explique en partie par la construction historique du régime social des artistes-auteurs et par le fait que les niveaux de représentation de ces derniers sont difficiles à appréhender.

Encore aujourd’hui, la question d’un statut professionnel propre aux artistes-auteurs questionne et de nombreux artistes-auteurs alertent les pouvoirs publics sur un problème majeur : ils ne sont pas représentés.

Nous vous invitons à lire ce document, le résultat des travaux de cet ensemble d’avocats, de juristes, d’universitaires et d’auteurs et autrices. Merci à Cy pour ces illustrations.

Illustration Cy

Le Hackathon, c’est quoi ?

Contraction de « Hack » et de « Marathon », un « Hackathon » est un rassemblement de plusieurs professions qui, dans un laps de temps limité, élaborent des propositions et des applications innovantes sur un sujet précis. Un Hackathon est à l’origine une compétition de développement informatique, qui se décline depuis sous tous types de domaines. Ce type d’événement permet de mettre en avant la créativité et les compétences des participants qui construisent un projet en équipe.

Dans cette logique, les Jeunes Universitaires Spécialisés en Propriété Intellectuelle (JUSPI), l’Institut des Sciences Sociales du Travail de l’Ouest (ISSTO), la Guilde française des scénaristes, la Ligue des auteurs professionnels, la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse et les États Généraux de la Bande Dessinée ont co-organisé cette année un Hackathon les 13 et 14 mars 2020. Cet événement a regroupé des universitaires et des auteurs autour d’un but commun : 24 heures pour renforcer la protection des auteurs et autrices du livre et de l’audiovisuel.

Réunion avec le ministre de la Culture

Le mardi 12 mai a eu lieu une réunion auteurs de l’écrit en visio-conférence avec le Ministre de la culture Franck Riester. Étaient présents les représentants du ministères, du CNL, des OGC et des organisations professionnelles.

Quoi de neuf ? Pour l’heure, nous n’avons pas de date arrêtée pour la case artistes-auteurs ni d’autres précisions sur l’application des 4 mois d’exonération de cotisations sociales – c’est acté, mais quelles modalités précises ? La retraite complémentaire est-elle bien comprise ?

Nous avons formulé des propositions simples et efficaces, à l’écrit1 comme à l’oral, pour harmoniser les différents guichets dits “sectoriels” existants et adapter le fonds de solidarité national à la particularité du revenu différé des artistes-auteurs. Pour les guichets sectoriels, on nous renvoie à la « gouvernance » de ces guichets qui reste floue et qui sous-entend qu’il n’y a pas de pilotage global artistes-auteurs. Les ruptures d’égalité actuelles et le mimétisme du mécanisme de fonds de solidarité que nous soulignons depuis des semaines ne semblent donc pas prises en compte. De fait, ces guichets sont non cumulables (sauf celui de la Sacem) et aucun ne prend en compte notre plus grande spécificité : notre revenu différé dans le temps. Pourtant, ces deux sujets pourraient être facilement corrigés.

Nous maintenons que si l’urgence est indéniable et peut expliquer certaines décisions hâtives2 , les problèmes actuels doivent à tout prix être réglés sous le prisme du statut artistes-auteurs en distinguant ce qui relève du soutien économique, de l’aide sociale et de la compensation des annulations de prestations. Sur ce sujet, il a semblé légitime au Ministère comme à d’autres organisations présentes que les différents aspects soient ainsi mélangés dans les soutiens. Cela montre hélas tous les biais de perception de ce que chacun projette des besoins d’« un auteur » et une absence de reconnaissance de la profession.

Nos demandes d’harmonisation, d’adaptation et de clarification n’ont pourtant rien d’extraordinaire : elles s’appliquent dans les autres professions. Il s’agit bien, durant cette crise, de traiter les artistes-auteurs comme les professionnels qu’ils sont, sans rupture d’égalité et dans la compréhension de leurs métiers.

Nous rappelons que notre devoir de représentation est de porter les demandes des auteurs et autrices eux-mêmes. Aujourd’hui et comme vient de le montrer notre récente étude3 , ces derniers ne sont pas satisfaits de la gestion de la crise et les conséquences économiques et sociales seront lourdes. Peu ont accès en pratique aux dispositifs de soutiens, et paradoxalement les plus professionnalisés, sans autre sécurité (aucun droit chômage, pas de droits sociaux par un autre métier etc) sont exclus pour des raisons qui pourraient être rectifiées.

Notre réalité doit à tout prix être prise en compte, en trouvant des solutions.

Nous réitérons donc nos demandes, continuons d’envoyer des documents et préconisations, mais sommes inquiets que ces dernières ne soient pas entendues malgré leur simplicité. L’avenir nous le dira rapidement. Elles ne demandent pourtant qu’un arbitrage politique favorable.

Notes

Résultats de l’enquête, phase 2 : Impacts du COVID-19 sur les revenus des auteurs et autrices du livre

Étude menée du 23 avril 2020 au 6 mai 2020

En raison de l’épidémie du COVID-19 et des mesures prises pour lutter contre la contamination, les revenus des auteurs et autrices du livre, comme ceux de nombreux Français et Françaises, ont été impactés.

Après avoir mesuré les pertes de revenus que représentent les annulations de salons, d’interventions et les décalages des plannings de sorties d’ouvrages lors d’une première phase, la Ligue des auteurs professionnels et ses membres fondateurs (Charte des auteurs et Illustrateurs Jeunesse et États Généraux de la BD) ont mis en place un second questionnaire à destination des auteurs et autrices du livre. Son objectif est de déterminer l’impact de la crise sur leur situation sociale et économique après 8 semaines de confinement : accès ou non aux dispositifs de soutien, pertes de revenus, perspectives d’avenir, sentiment sur la gestion par les pouvoirs publics, etc.

I. Population

L’enquête porte sur 415 auteurs et autrices du livre. Au sein de la population de répondants, 41% sont écrivains ou écrivaines, 33,4% dessinateurs ou dessinatrices, 14,3% scénaristes, 5,5% coloristes, 5,3% traducteur ou traductrice. Si cela ne fait pas partie du champ des activités de création, 0,5% la des répondants ont précisé exercer une activité de correction.

Une importante majorité des répondants (68%) déclare avoir publié plus de dix ouvrages en édition traditionnelle ou en auto-édition.

De même, plus de 80% des répondants (80,7%) déclarent que leur activité de création (dans et hors secteur du livre) constitue leur principale ou unique activité professionnelle.

La population de cette étude est par conséquent très professionnalisée et installée.

II. Pratique des métiers créatifs

Comme c’est souvent le cas pour les auteurs et autrices du livre, une importante proportion des répondants (39,5%) déclare exercer plusieurs métiers de la création dans le secteur du livre.

Une importante proportion des répondants (40%) déclare également tirer une partie de ses revenus artistiques et droits d’auteurs d’au moins une autre activité créative dans un secteur culturel différent de celui du livre.

Ces résultats, ainsi que ceux présentés dans la Figure 4., illustrent la tendance répandue au sein des artistes-auteurs et artistes-autrices à pratiquer plusieurs activités créatives. La population concernée est donc en grande partie et multi-métiers et exerce dans plusieurs secteurs de diffusion.

III. Revenus liés au secteur du livre

La suite de l’étude porte sur les revenus envisagés par les auteurs et autrices du livre entre juin et septembre 2020. Il s’agit habituellement d’une période économiquement creuse pour la profession : peu de parutions (et donc peu d’à-valoir prévus à la sortie des ouvrages le cas échéant), peu de signatures de contrat, peu d’événements culturels.

Les congés d’été pour les maisons d’édition sont souvent synonymes de décalage de paiement à la rentrée, situation préjudiciable pour les auteurs et autrices.

Après un printemps montrant une forte perte de revenus pour de nombreux auteurs et autrices (cf. la première phase de cette étude : pour 45 jours de confinement, les auteurs et autrices perdent en moyenne 2798,46 euros), l’arrivée dans la période estivale creuse, couplée à la crise du COVID-19, a pour conséquence un affaiblissement net des revenus des auteurs et autrices.

23% des répondants déclarent qu’ils ne toucheront rien au cours des quatre mois compris entre juin et septembre 2020, tandis que 22% pensent toucher 1000 euros ou moins. 41% des répondants estiment qu’ils vont gagner entre 1000 et 5000 euros (soit entre 250 et 1250 euros par mois). Seuls 14% des répondants gagneront plus que cette somme au cours des quatre mois estivaux.

En moyenne, les auteurs et autrices répondants ont prévu de toucher 2803,24 euros pour l’ensemble de la période estivale 2020 (soit 700,81 euros par mois). Rappelons que pour 80,7% d’entre eux, la création constitue leur principale ou unique activité professionnelle.

En moyenne, les répondants à cette étude déclarent travailler avec 4 maisons d’édition.

20% des auteurs et autrices ne travaillent qu’avec une seule maison, quand la majorité (56%) travaille avec deux à cinq maisons différente. 21% travaillent avec six éditeurs ou plus, 5% avec plus de dix. 3% des auteurs et autrices professionnels n’ont pas publié à compte d’éditeur et tirent leurs revenus de l’autoédition.

À la date de l’étude, seuls 19% des répondants déclarent avoir reçu les redditions de compte obligatoires de l’ensemble de leurs éditeurs, contre 37% qui n’ont rien reçu d’aucun éditeur et 44% qui ont reçu leurs redditions de certains de leurs éditeurs mais pas d’autres.

Parmi les auteurs et autrices qui ont reçu toutes ou partie de leurs redditions de compte, seuls 27% déclarent avoir reçu l’intégralité des sommes dues pour l’année 2019, contre 38% qui n’ont pas tout reçu et 35% qui n’ont rien reçu à la date de l’étude.

19% des répondants déclarent également qu’au moins une des maisons d’éditions avec lesquelles ils travaillent a annoncé différer les versements attendus par les auteurs.

À l’heure actuelle, la situation économique de nombreux auteurs et autrices de livre est extrêmement précaire. L’arrivée de la période estivale, traditionnellement creuse, sera encore plus durement ressentie que d’habitude en raison de la crise du COVID-19.

En effet, le décalage des offices, le ralentissement de l’activité des maisons d’édition et l’annulation d’événements culturels ont largement amputé les revenus du printemps sur lesquels comptaient les auteurs et autrices de livre (voir Phase 1 de l’étude). Ces premiers chamboulements de la crise ont ainsi empêché nombre d’auteurs et d’autrices de constituer des réserves de trésorerie pour l’été, habituellement peu rémunérateur.

À cela s’ajoutent des pertes impossibles à quantifier à ce stade : contrats annulés ou décalés, absence de ventes d’œuvres, impact des fermetures des librairies sur les ventes, etc. L’ampleur des effets ne pourra s’appréhender que sur le moyen terme.

IV. Accès aux aides et fonds de solidarité

A. Fonds de solidarité DGFIP

Pour la période d’avril 2020, seuls 13% des répondants déclarent pouvoir accéder au fonds de solidarité DGFIP. 42% ne savent pas s’ils y ont accès ou ne sont pas sûrs, et 45% n’y ont pas accès.

Parmi les obstacles à l’accès à ce fonds, ceux qui ont répondu ne pas savoir ou ne pas y avoir accès ont principalement mis en avant :

  • L’inéligibilité pour cause de revenus trop importants sur 2020 par rapport au même mois sur 2019 (50%)
  • Les critères inadaptés (17%)
  • L’impossibilité de remplir le dossier sans numéro de SIRET (15%)

Tous les artistes-auteurs partagent une même particularité : leurs revenus sont par nature aléatoires et différés dans le temps. Ce pour deux raisons :

  • Les revenus issus de l’exploitation de leurs œuvres sont des sommes d’argent qu’ils touchent de façon déconnectée de la période durant laquelle cette œuvre a été créée. Par exemple, au Canada, le choix a été fait de ne pas prendre en compte les revenus issus d’exploitation d’œuvre dans le calcul des montants touchés par les artistes-auteurs, du fait que ces revenus sont en réalité corrélés à une activité professionnelle antérieure.
  • Même si un artiste-auteur est rémunéré pour son acte de création (contrat de commande, prestation…) l’absence de réglementation sur les délais de paiement et les mauvaises pratiques des milieux culturels font que les retards et décalages de paiement sont extrêmement courants.

Faute de réglementation stricte, la rémunération des artistes-auteurs est la variable d’ajustement permanente des secteurs culturels. Il n’est pas rare de voir un auteur ou une autrice de livre toucher un à-valoir avec deux ou trois mois de retard pour un manuscrit rendu à temps.

On comprend que dans ces circonstances, certains auteurs et autrices ont aussi reçu des paiements inattendus liés à une activité professionnelle antérieure, qui ne reflète donc pas l’impact immédiat qu’a la crise sur leurs métiers. Cela ne signifie pas que ces professionnels n’ont pas expérimenté des pertes de revenus nettes en raison de la crise.

Le printemps étant la période de redditions de compte des maisons d’édition beaucoup d’auteurs et autrices touchent une partie importante de leurs revenus tirés de l’exploitation de leurs œuvres durant ces mois.

L’impossibilité de lisser les revenus 2019 sur l’année pour comparer avec le mois de mars 2020 a empêché un grand nombre d’entre eux d’accéder à une aide dont ils avaient besoin le mois dernier.

Pour le mois d’avril 2020, les critères de la DGFIP ont été assouplis : il faut désormais avoir 50% de perte de revenus en avril 2020 par rapport à avril 2019, et il est possible de choisir entre deux modes de calcul : soit comparer les revenus de avril 2019 avec avril 2020, soit faire une moyenne mensuelle des revenus de 2019 pour comparer avec avril 2020.

De nombreux artistes-auteurs restent néanmoins artificiellement exclus du dispositif transversal en raison du paiement différé de leurs rémunérations.

Deux préconisations simples permettraient de résoudre ce problème pour soutenir plus massivement les professionnels en ayant besoin.

Il est à noter que peu d’artistes-auteurs semblent au courant de l’assouplissement des critères, interrogeant sur la mission d’information associée à ce fonds de soutien.

En outre, l’absence de « case » artiste-auteur pour celles et ceux qui déclarent leurs revenus en traitements et salaires (et n’ont de fait pas de numéro SIRET) est un important frein à l’accès à ce fonds pour nombre de professionnels.

B. Fonds de solidarité CNL – SGDL

Pour la période d’avril 2020, seuls 6% des répondants déclarent pouvoir accéder au fonds de solidarité CNL – SGDL. 39% ne savent pas s’ils y ont accès ou ne sont pas sûrs, et 55% n’y ont pas accès.

Parmi les obstacles à l’accès à ce fonds, ceux qui ont répondu ne pas savoir ou ne pas y avoir accès ont principalement mis en avant :

  • L’inéligibilité pour cause de revenus trop importants par rapport à 2019 (34%)
  • Les critères inadaptés (32%)
  • L’impossibilité de cumuler cette aide avec d’autres aides (13%)
  • La complexité du dossier (8%)
  • L’absence de réponse (3%)
  • L’ignorance de l’existence de ce fonds (2%)

On notera que le dispositif CNL – SGDL, supposé être « complémentaire », imite en fait la logique du fonds de solidarité national. Il est donc logique de retrouver le même premier obstacle : l’impossibilité de prouver une perte de revenus sur un mois précis.

Le problème d’accès est également aggravé par les multiples critères et la lourdeur administrative de la démarche, quand le fonds de solidarité ne demande qu’une déclaration sur l’honneur sans justificatifs.

L’accès à ce fonds de solidarité alimenté par l’argent public (CNL) et l’argent des auteurs (via les Organismes de Gestion Collective) s’avère pour l’heure problématique.

V. Sentiments des auteurs et autrices sur la gestion de cette crise pour leur secteur

Lorsque l’on demande leur sentiment général sur la gestion des impacts de la crise sur la population professionnelle des artistes-auteurs, les sentiments qui dominent parmi les répondants sont essentiellement négatifs. On peut constater :

  • Un sentiment d’abandon, de mépris ou d’indifférence par le gouvernement et les pouvoirs publics ;
  • Une inquiétude importante, notamment quant à l’avenir ;
  • Le constat que les spécificités liées à leurs métiers ne sont pas connues ou pas prises en compte ;
  • Un sentiment de gestion catastrophique, désastreuse pour leur profession ;
  • Une sensation de confusion, de flou, l’impossibilité de se projeter dans l’avenir ;
  • Une impression de complexité quant aux solutions proposées et apportées ;
  • Un sentiment de colère et d’injustice ;
  • Un sentiment d’amertume, d’abattement.

Une mince partie des auteurs et autrices éprouve néanmoins de l’espoir, a confiance en l’avenir ou se déclare satisfait des mesures prises jusqu’ici.

L’inquiétude partagée par nombre d’auteurs et d’autrices tient aussi au fait qu’ils ont conscience que les effets de cette crise se feront encore ressentir sur le long terme.

VI. Conclusion

Cette seconde étude confirme le profil socio-économique des auteurs et autrices du livre ayant répondu à l’enquête. Il s’agit de professionnels pour qui la création est l’activité principale. Ils ont souvent plusieurs métiers créatifs et/ou exercent dans plusieurs secteurs culturels.

Pour nombre d’entre eux, la crise a un impact très net sur leurs revenus, au minimum à court et moyen-terme : ils devront vivre avec en moyenne 700,81 euros par mois entre juin et septembre 2020. Aussi, à l’heure d’aujourd’hui, seulement 19% des auteurs et autrices indiquent avoir reçu les redditions de compte de l’ensemble de leurs maisons d’édition. 37% indiquent n’avoir reçu aucune reddition de compte d’aucune maison d’édition.

Pourtant, au moins 45% d’entre eux n’ont pas accès au dispositif de fonds de solidarité national et seulement 6% déclarent pouvoir avoir accès au fonds SGDL/CNL.

L’accès aux différentes aides et fonds est un parcours du combattant faute d’information centralisée, de critères adaptés et d’appréhension de la réalité des métiers de la création (notamment la particularité d’une rémunération par nature différée et aléatoire).

Il apparaît clairement que les auteurs et autrices du livre n’ayant pas d’autre métier ou protection sociale ne sont aujourd’hui pas soutenus à la hauteur de la crise.

L’absence d’identification précise des artistes-auteurs, la méconnaissance de leur activité professionnelle et l’actuelle complexité de leur statut sont un puissant frein à une politique culturelle efficace envers l’ensemble des créateurs et créatrices.

De même, la perception des auteurs et autrices de la gestion les concernant est très négative, témoignant d’un sentiment d’abandon et de la perception d’une grave méconnaissance de leur profession.

Il apparaît urgent de se pencher sur une évaluation et une harmonisation des guichets « sectoriels » existants ainsi que d’assouplir l’accès au fonds de solidarité transversal. De même, il est nécessaire de corriger le plan artistes-auteurs actuel pour distinguer ce qui relève du soutien économique aux créateurs et créatrices, de l’aide sociale et de la compensation des défauts de rémunération.

Annexe – Verbatim

Extraits des réponses des auteurs et autrices interrogés à la question : « Quel est votre sentiment général sur la gestion des impacts de la crise sur la population professionnelle des artistes-auteurs ? »

« Une gestion éclatée, incompréhensible et non adaptée à nos métiers. »

« Amateurisme et inadéquation des mesures proposées. »

« Nous devrions être traités comme des professionnels en crise, et non pas comme des particuliers avec des problèmes de gestion de leurs finances dont on doit valider la bonne conduite. »

« Il nous faut un seul statut , un seul interlocuteur. »

« Je pense que le CNL et la SGDL confondent nos revenus pour lesquels nous payons nos impôts avec les conditions d’aide sociale de la CAF. »

« Un casse-tête administratif. »

« On ne demande pas à un boulanger les revenus de son épouse pour lui verser une aide. »

« Une usine à gaz pensé en dépit du bon sens et, surtout, en dehors des réalités de nos métiers. »

« Les artistes-auteurs ne sont clairement pas prioritaires et les aides ne sont pas assez précises pour être utiles. »

« C’est très humiliant de voir les aides professionnelles plafonnées comme des aides sociales. »

« Comme d’habitude, nous n’existons pas (en pire). »

« Comme tout le reste quand il s’agit de notre profession : infantilisation ! »

« Si le rapport Racine avait été pris en compte et ses recommandations suivies, nous ne connaîtrions pas ce sentiment d’abandon total et ces inégalités absurdes. »

« Je suis perdue, sans la Ligue je serai au courant de rien. »

« J’ai le sentiment que nous sommes une profession invisible, pour le public et surtout pour l’administration et les politiques. »

« Une bonne blague pour l’année de la BD. »

« Pour l’aide du CNL, purement scandaleuse. Du copinage, et un méandre administratif (qui exclut les jeunes et paupérise les femmes) qui vont faire du bien à un petit syndicat inconnu par 90% des artistes-auteurs. »

« Un sentiment de découragement profond. »

« Impressions très pénibles qu’on nous laisse mourir. »

« L’absence de guichet unique et public rend l’obtention des aides impossibles : les critères sont trop sélectifs pour la réalité des auteurs. »

« Plus de cinq semaines pour modifier un formulaire informatique qui nous permettrait de bénéficier de la solidarité nationale, pas de guichet unique… voilà qui en dit long sur le respect de nos métiers. »

« Tant que les artistes-auteures n’auront pas de vrai statut, de protection, nous serons mis de côté, et par ce fait sans voix. »

« La démonstration est flagrante de la non reconnaissance de cette profession. Non identifiée, contradictoire dans ses statuts qui n’en sont pas vraiment. Il est donc impossible de la prendre en compte, politiquement, socialement, fiscalement. »

« L’impression de ne pas avoir de métier. »

« Comme pour le dossier entier de la situation des artistes-auteurs en France, la gestion est catastrophique. »

« Chaotique. Tant qu’il n’existera pas de statut précis pour les artistes-auteurs, cela continuera. »

« C’est le flou artistique, mais j’ai espoir que des solutions se mettent en place. »

Artistes-auteurs : 8 préconisations urgentes

Depuis le début de la crise, la Ligue des auteurs professionnels, aux côtés de nombreuses organisations professionnelles d’autres métiers créatifs, alerte les pouvoirs publics sur la gestion de la crise sanitaire pour les artistes-auteurs. Le président de la République vient de s’exprimer. En attendant le décryptage des annonces, et surtout l’analyse de ce qui sera réellement accessible ou non pour les artistes-auteurs, nous vous présentons les propositions essentielles pour nos professions que nous avons adressé aux pouvoirs publics.

Au nombre d’environ 270 000 en France, les artistes-auteurs sont des créateurs d’œuvres. Alors que des dispositifs transversaux et spécifiques viennent soutenir de nombreuses professions face à la crise du Covid-19, les artistes-auteurs sont confrontés à des décisions et arbitrages inadaptés à leur secteur professionnel.

À l’heure où le confinement est l’occasion pour les français et françaises de redécouvrir l’importance primordiale des livres, des images, des films, de la musique, de la culture, notre pays ne doit pas oublier que ces œuvres sont les créations d’êtres humains, bien vivants. Nous ne demandons rien de plus que l’accès à des droits comme tous les autres professionnels. Il appartient à l’État de prendre ses responsabilités pour soutenir sans faille le secteur de la création, constitué de l’ensemble des créateurs et des créatrices.

Aujourd’hui, nous vous proposons de lire le diagnostic fin et détaillé des dysfonctionnements et ruptures d’égalité qui émaillent la gestion de cette crise pour nous. Ce document a été élaboré en partenariat avec d’autres organisations professionnelles : il formule 8 recommandations très simples et concrètes pour revoir la gestion de la crise pour les artistes-auteurs.

 

Artistes-auteurs : 8 préconisations urgentes

1. Une identification précise des artistes-auteurs par l’organisme de recouvrement de leurs cotisations sociales (l’Urssaf Limousin) dans les meilleurs délais.

Les artistes-auteurs ne sont pas un « continent noir » : ce sont les créateurs et les créatrices d’œuvres, ils ont une activité économique et un régime social commun. Ensemble, ils constituent le secteur de la création.
En revanche, ils ont été et sont encore mal identifiés administrativement, tant par l’INSEE que par leurs propres organismes sociaux. Les artistes-auteurs restent constamment dans l’angle mort des politiques culturelles (voir annexe 1, p.7).

2. Un accès effectif de tous les artistes-auteurs au fonds de solidarité national avec une « case » artistes-auteurs.

Comme très souvent dans le cadre des politiques nationales transversales, le cas des artistes-auteurs a été oublié. Dans la conception de son formulaire de demande de subvention au fonds de solidarité, la DGFIP a imposé la mention d’un numéro de SIRET. Pourtant elle n’ignore pas qu’un artiste-auteur déclare ses revenus en bénéfices non commerciaux (BNC) et/ ou en traitements et salaires (TS), et dans ce second cas, l’artiste-auteur n’a pas de numéro de SIRET. Nous attendons la résolution de ce « problème technique » depuis un mois et demi.

3. Une amélioration des conditions d’octroi du fonds de solidarité.

De nombreux artistes-auteurs restent artificiellement exclus de ce dispositif transversal notamment en raison du paiement très souvent différé de leurs rémunérations. Ce problème peut aisément être résolu (voir annexe 2, p.10).

4. Des aides complémentaires réellement « complémentaires et subsidiaires », donc cumulables avec le fonds de solidarité.

Les autres travailleurs non-salariés peuvent bénéficier d’aides complémentaires adaptées, défiscalisées et cumulables (aide automatique mise en place par le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants, aide sociale de l’Urssaf, etc.). Pourquoi les artistes-auteurs en seraient-ils privés ?

5. Des aides cumulables qui correspondent à nos besoins spécifiques immédiats et à nos réalités professionnelles, établies en fonction des propositions des représentants des artistes-auteurs eux-mêmes.

Les besoins d’aide des artistes-auteurs se sont avérés indépendants des circuits de diffusion et du répertoire de leurs œuvres, donc transversaux, toutes et tous attendent de bénéficier (voir annexe 3, p.12) :

  1. d’une compensation des défauts de rémunérations des projets artistiques et culturels annulés,
  2. d’une aide au maintien de leur activité économique : la création,
  3. d’une action sociale (le cas échéant)
6. Une évaluation et une harmonisation des multiples guichets d’aide existants à l’adresse des artistes-auteurs.

Pour répondre effectivement aux besoins et pour mettre fin aux ruptures d’égalité et aux insécurités juridiques constatées (voir annexe 4, p.13).

7. La création d’une véritable action sociale.

Au sein du régime des artistes-auteurs dans le prochain décret de la Direction de la Sécurité Sociale (voir annexe 5, p.16).

8. La création d’un Centre National des Artistes-Auteurs.

Force est de constater qu’aucun opérateur public existant ne s’est avéré pertinent pour gérer le secteur de la création (voir annexe 5, p.16).

Aides SGDL/CNL : 1er bilan


La Ligue des auteurs professionnels prend acte de deux évolutions dans les critères du fonds d’aides aux auteurs du Centre National du Livre délégué à la Société des Gens de Lettres :

– Le passage de 3 à 2 livres publiés
– Le retrait de la prise en compte des revenus du foyer fiscal

La Ligue des auteurs professionnels demandait des changements de méthodologie et de critères pour correspondre à la réalité de nos métiers. Si cet effort d’assouplissement est un minimum pour plus de cohérence et d’équité, les critères actuels de ce fonds restent très restrictifs et toujours problématiques. Cela permettra à certains auteurs et autrices supplémentaires d’accéder au dispositif, mais nous restons aujourd’hui très loin des mesures simples et spécifiques pour véritablement soutenir la profession.

Ce que nous constatons est que ce dispositif mélange une aide sociale avec des critères de professionnalité sans lien avec les fondements du régime artiste-auteur. Le mécanisme reste le même principe que le fonds de solidarité national : prouver une perte de revenus immédiate liée à la crise sanitaire avec un comparatif sur des revenus antérieurs.

Les spécificités de nos métiers ne sont pas prises en compte, loin de là, puisque le dispositif imite le fonds de solidarité national sur le principe, mais avec des critères plus restrictifs et des demandes de justificatifs contraignantes. Le fonds de solidarité national est une déclaration sur l’honneur sur le site des impôts, dont le fonctionnement a été décrit comme très rapide et efficace pour ceux et celles y ayant accès. De fait, les aides aux auteurs du livre ne sont aujourd’hui pas complémentaires du fonds de nationalité ni cumulatives.

Également, notre organisation professionnelle fait le constat que le fonds SGDL/CNL est très peu sollicité par rapport à l’ampleur des impacts que nous mesurons par ailleurs sur notre profession.

Ce type de fonds nécessitant la plus totale transparence, nous relayons ici les informations dont nous disposons sur le nombre d’auteurs y ayant eu accès. Depuis l’ouverture de la plateforme, 80 auteurs ont eu accès à une aide, pour un montant total dépensé de 74 726 euros sur les 1 million d’euros abondés par le CNL.

Par ailleurs, nous prenons également acte du fait que de nombreux organismes de gestion collectives (la SOFIA, la SCAM, le CFC, l’ADAGP et la SAIF) ont décidé à leur tour d’abonder ce fonds à hauteur d’1 million d’euros, élevant l’enveloppe totale à 2 millions d’euros. Rappelons que l’argent issu de la gestion collective est avant tout l’argent des auteurs et autrices eux-mêmes. Cela signifie que les organismes de gestion collectives ont pris la décision d’utiliser cet argent pour abonder un fonds qui est actuellement sous-sollicité et dont les critères restent très problématiques.

Le conseil d’administration de la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse a voté la décision de quitter la commission en interne de la Société des Gens de Lettres. Il s’agit essentiellement d’évaluer des dossiers de pairs, et la Charte déplore “l’incroyable complexité et la faible lisibilité des aides mises en place”.

Aujourd’hui, l’heure n’est plus à modifier un ou deux critères dans les fonds délégués à des organismes privés. L’heure est à un plan de soutien ambitieux, transversal et fonctionnel pour venir en soutien économique à l’ensemble des artistes-auteurs.

La Ligue demande :
  • Une harmonisation des multiples guichets d’aides existants à l’adresse des artistes-auteurs, avec des critères établis avec les syndicats d’artistes-auteurs, pour éviter les ruptures d’égalité et correspondre à nos réalités ;
  • Des aides complémentaires réellement complémentaires, donc cumulables, en prenant en compte la spécificité de nos revenus par nature différés dans le temps ;
  • Repenser l’ensemble du plan artistes-auteurs de façon cohérente : distinguer ce qui relève de l’aide sociale, du soutien économique et de la compensation de nos pertes de revenus, comme c’est le cas pour d’autres professions ;
  • Un accès en pratique de tous les artistes-auteurs au fonds de solidarité national avec une case artistes-auteurs ;
  • Une identification rapide des artistes-auteurs, ce que doit pouvoir faire par l’organisme de recouvrement de leur cotisations (URSSAF) sur la base des fichiers de l’Agessa et de la MDA.

#Livebibliothon : merci !

Ce samedi 2 mai, la vidéaste Bulledop organisait un événement inédit en plein confinement : le #Livebibliothon, ou le livre se déconfine. 12h de live pour un divertissement innovant autour du livre depuis chez soi : tables rondes, quizz, pastilles, conseils d’écriture, interviews concerts… une façon de faire vivre la lecture en cette période si particulière. Réussite incontestable, les internautes ont été captivés par la qualité de la programmation qui nous a fait vivre un rare moment, à la fois drôle, émouvant et moderne, comme on l’attendait dans le monde du livre.

Dans le cadre de cette opération hors normes, il était possible pour les internautes de soutenir deux organisations : Initiales, association regroupant des librairies indépendantes, mais aussi la Ligue, pour la défense de la profession des auteurs et autrices. En 12h, c’est 8043 euros qui auront été récoltés pour notre organisation professionnelle.

Nous remercions du fond du cœur tous les donateurs, cela a dépassé toutes nos espérances. Un merci particulier aux auteurs et autrices de best-seller qui ont fait des dons très généreux : nous savons que l’après confinement sera marqueur de davantage de difficultés pour le lancement des jeunes auteurs et autrices, cette solidarité de notre profession est un geste fort.

Vu la précarité de la plupart des auteurs et autrices professionnels, la Ligue a fixé la cotisation annuelle à 5 euros seulement. Cela permet d’ouvrir l’adhésion au maximum d’auteurs et autrices, mais cela diminue d’autant ses ressources financières propres. La capacité d’action de la Ligue repose donc essentiellement sur l’engagement de ses bénévoles. Or, ils sont eux-mêmes artistes-auteurs et connaissant par conséquent les mêmes difficultés que l’ensemble de la profession. Ses dons vont permettre d’apporter de plus grands moyens d’action à la Ligue, de financer son travail d’expertise et de proposer de nouveaux outils pour défendre nos métiers. À notre échelle, cette somme est énorme et nos bénévoles sont déjà au travail pour monter des projets accessibles à toutes et tous.

Nous tenons à remercier très chaleureusement Bulledop pour son travail extraordinaire : de l’idée à la réalisation, il n’y a eu qu’une semaine seulement. Pourtant, la vidéaste a livré un événement qui a fait des émules et qui, à n’en pas douter, se reproduira. Membre de la Charte des auteurs des illustrateurs jeunesse depuis 2018, et de la Ligue depuis sa création, Bulledop a toujours alliée son activité créative à un engagement social fort. Souvenez-vous, en 2018, elle faisait partie des figures de proue de #Payetonauteur pour revendiquer la reconnaissance de la valeur du travail des auteurs et autrices.

Si ce #Livebibliothon a bien montré une chose, c’est que les créateurs et créatrices invités, toutes et tous ayant publié au moins un livre, étaient des artistes-auteurs au sens large : dessinateurs et dessinatrices, vidéastes, écrivains et écrivaines, graphistes, compositeurs ou compositrices, photographes,  bref ! Nous sommes tous unis par un seul et même statut, notre activité de création s’exerce sur de multiples supports et à travers de multiples canaux. Cet événement était le reflet de la vitalité et de la réalité de ce que vivent les créateurs et créatrices durant la période de confinement, et toutes et tous ont joué leur rôle : divertir, partager, faire réfléchir…

Encore merci à Bulledop, à toutes celles et ceux qui ont contribué à cet événement, à tous les donateurs. Nous espérons une seconde édition de ce #Livebibliothon !

Enquête – Phase 2 : l’impact économique de la crise sanitaire sur les auteurs et autrices du livre

En raison de l’épidémie du COVID-19 et des mesures prises pour lutter contre la contamination, les revenus des auteurs et autrices du livre, comme ceux de nombreux Français et Françaises, sont impactés. Après avoir quantifié et évalué les principales causes de perte de revenus de mars à avril, la Ligue des Auteurs Professionnels et ses membres fondateurs (Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse et Etats Généraux de la BD) souhaitent désormais mesurer l’impact à moyen terme sur votre activité et votre accès aux dispositifs de soutien.

En plus d’être aléatoire, la rémunération des auteurs et autrices est soumise à une saisonnalité. Actuellement, nous sommes dans une période où nombre d’auteurs et d’autrices du livre touchent des revenus qui doivent leur permettre de vivre jusqu’à la rentrée. Mais qu’en sera-t-il de mai à septembre ? Quelles nouvelles problématiques rencontrez-vous ? Parvenez-vous à accéder aux dispositifs de soutien mis en place ? Vos maisons d’édition ont-elles décalé vos paiements ? Vos réponses nous permettent de mieux comprendre vos difficultés afin de défendre vos intérêts auprès des pouvoirs publics.