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Très grandes inquiétudes pour la retraite des auteurs

Le gouvernement prépare une très importante réforme des retraites qui aura des conséquences absolument désastreuses pour les auteurs s’ils n’obtiennent pas des aménagements spécifiques. Une fois encore il se révèle indispensable de mettre en place un vrai statut de l’auteur en France.

Le gouvernement vise à remplacer à l’horizon 2025 les 42 régimes de retraite actuels par un système universel dans lequel chaque euro cotisé donnera des droits à la retraite identiques, et ce quel que soit le statut du cotisant, qu’il soit salarié, indépendant, fonctionnaire…

2025, c’est loin, mais tout ceci se décide en ce moment même. Le Haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, a annoncé qu’il pourrait remettre ses préconisations début mai, dans l’idée de lancer un débat parlementaire sur la retraite universelle cet été.

Pour rappel, les cotisations s’élèvent à 17,75 % des revenus d’un salarié :

COTISATIONS Salarié Employeur total
Vieillesse 6,90% 8,55% 15,45%
Déplafonnée 0,40% 1,90% 2,30%
Total 17,75%

Alors que les cotisations représentent seulement 7,30% des revenus d’un artiste auteur. C’est la part diffuseur/employeur qui diffère :

COTISATIONS Auteur Diffuseur total
Vieillesse 6,90% 6,90%
Déplafonnée 0,40 % 0,40 %
Total 7,30%

Cela ouvre aux artistes auteurs les mêmes droits qu’un salarié : pour un revenu équivalent, les semestres sont validés de la même manière.

En effet, depuis la loi du 31 décembre 19751, les artistes auteurs sont rattachés au régime général de la Sécurité sociale, comme n’importe quel salarié, et ont les mêmes droits aux assurances sociales et aux prestations familiales. Dès le départ, vu que les artistes auteurs n’ont pas d’employeur, le législateur a remplacé la part patronale sur les cotisations par une contribution diffuseur. Dans la loi d’origine, cette contribution diffuseur devait permettre de financer les dépenses du régime qui ne sont pas couvertes par les cotisations des artistes auteurs2. De fait aujourd’hui, elle n’a rien à voir en termes de montant, puisqu’elle n’est que de 1,1%.

Dans un système universel de retraite dans lequel chaque euro cotisé donnera des droits à la retraite identiques, on voit tout de suite le problème : vu la faiblesse de la contribution diffuseur, les artistes auteurs, à revenus identiques, cotisent beaucoup moins en tout que les salariés.

Plusieurs issues sont possibles, toutes problématiques :

  • Il faudrait que les auteurs obtiennent une dérogation pour ne pas cotiser plus. Mais si leurs cotisations restent les mêmes, ils perdront donc énormément sur leur retraite. Leur pension de retraite pourrait baisser de plus de la moitié, voire pire !
  • Ou bien il faudrait que les auteurs cotisent autant que les salariés juste pour garder les mêmes droits, ce qui reviendrait à se voir prélever l’équivalent de l’importante part patronale sur leurs revenus !
  • Ou bien il faudrait, comme le prévoyait la loi à l’origine, que les diffuseurs financent l’équivalent des cotisations patronales. Mais on peut imaginer, s’il y avait une inflation soudaine de leur contribution diffuseur, qu’ils en reporteraient le coût sur les créateurs en baissant d’autant les payements qu’ils leurs font.
  • Ou bien il faudrait que les pouvoirs publics mettent en place une compensation à cette hausse pour celui qui la payerait. Mais, en pleine tension budgétaire, il faudra trouver plusieurs centaines de millions d’euros…

À cela s’ajoute la question de la retraite complémentaire. L’IRCEC, en charge de celle des auteurs, tire le signal d’alarme. Il semblerait que le taux unifié retenu comme hypothèse de réforme soit de 28%, complémentaire incluse. Le taux de la complémentaire des auteurs, le RAAP, étant aujourd’hui de 8%, cela reviendrait à passer le taux de cotisation de 15,3% (7,3+8%) à 28%. Ce qui provoquerait une hausse de cotisation de près de 13% pour la plupart des auteurs… sans aucune amélioration de leurs pensions de retraite à terme !

De fait, le calcul des retraites est des plus complexes et il semble que la réforme pourrait s’avérer encore pire pour les auteurs. Les simulations commandées par l’IRCEC montrent pour beaucoup un effondrement du taux de remplacement, avec ou sans sur-cotisation. Le taux de remplacement montre quelle part de son revenu avant retraite l’auteur gardera après retraite.


Nous ne pouvons que vous recommander de lire en entier le dossier publié par l’IRCEC :

Tout ceci est extrêmement inquiétant. Depuis plusieurs années, les organisations d’auteurs tirent la sonnette d’alarme : la situation des auteurs du livre se dégrade en France. Les études se multiplient, montrant qu’entre 41%3 et 53%4 des professionnels gagnent moins que le SMIC et que leurs revenus continuent de baisser, en particulier pour les plus jeunes5. Leurs cotisations sociales ne cessent en parallèle d’augmenter : un auteur gagnant l’équivalent d’un SMIC et demi brut, aura vu celles-ci croître de plus de 7% entre 2004 et 2020, passant de 16,60% à 23,81%6.

Si aucun mécanisme n’est trouvé par les pouvoirs publics pour protéger les artistes auteurs d’un passage à un système universel dans lequel chaque euro cotisé donnera des droits à la retraite identiques, c’est soit leurs retraites qui vont s’effondrer, soit leurs cotisations sociales qui vont exploser. Aucune de deux situations n’est acceptable.

Le calendrier est court, la réforme semble vouloir être présentée sans tenir compte de la situation très particulière des artistes auteurs. La Ligue des auteurs professionnels, comme toutes les organisations d’auteurs et d’artistes, ne peut accepter cette situation. Il est urgent que les pouvoirs publics, en particulier le ministère de la Culture, proposent une solution pérenne pour préserver la création en France.

Notes

1Loi n° 75-1348 du 31 décembre 1975 : 1975_12_loi_75_1348_jo_1976_01.pdf

2Loi n° 75-1348 du 31 décembre 1975, article III :
« Le financement des charges incombant aux employeurs au titre des assurances sociales et des prestations familiales est assuré par le versement d’une contribution par toute personne physique ou morale, y compris l’État et les autres collectivités publiques, qui procède, à titre principal ou à titre accessoire, à la diffusion ou à l’exploitation commerciale d’œuvres originales relevant des arts visés par le présent titre.
Cette contribution est calculée selon un barème tenant compte notamment du chiffre d’affaires réalise par ces personnes à raison de la diffusion ou de l’exploitation commerciale des œuvres des auteurs, vivants ou morts, ou de la rémunération versée à l’auteur lorsque l’œuvre n’est pas vendue au public.
Elle est recouvrée comme en matière de sécurité sociale par l’intermédiaire d’organismes agréés par l’autorité administrative qui assument, en matière d’affiliation, les obligations de l’employeur à l’égard de la sécurité sociale.
Conformément aux dispositions du paragraphe VI ci-dessous, cette contribution permet de financer les dépenses du régime qui ne sont pas couvertes par les cotisations des personnes mentionnées à l’article L. 613-1. »

3Seulement 59% des 8000 auteurs du livre affiliés AGESSA gagnent plus d’un SMIC en droits d’auteur.
Ministère de la Culture, Étude sur la situation économique et sociale des auteurs du livre – Résumé DGMIC, 2017.
PDF p. 24

4Seulement 47% des 1500 auteurs de BD à avoir répondu gagnent plus d’un SMIC brut et 36% sont sous le seuil de pauvreté.
États Généraux de la Bande Dessinée, Enquête auteurs 2016 – Résultats statistiques, 2016.
PDF p. 37

5« Les générations les plus récentes ont de moindres perspectives de progression de leur revenu d’auteur que les générations antérieures […] Quelle que soit l’approche, les données indiquent donc une baisse du revenu d’auteur des affiliés du livre sur la période récente »
Ministère de la Culture, Étude sur la situation économique et sociale des auteurs du livre – Résumé DGMIC, 2017.
PDF p. 33-35

6Dans l’hypothèse d’une compensation seulement partielle de la hausse de la CSG, ce serait 8% et 24,81% : hausse_cotisations_2004_2020.pdf

Mission ministérielle sur l’auteur et l’acte de création : construire le futur

Le ministre de la Culture, Franck Riester, lors de son discours au salon Livre Paris a présenté une mission ambitieuse sur l’auteur et l’acte de création. Le ministre répond ainsi aux demandes de nombreux créateurs qu’avait portées la Ligue des auteurs professionnels lors de leur premier rendez-vous1. Le ministre a annoncé qu’il confiait cette mission à Bruno Racine. La Ligue demande officiellement à être partie prenante de cette mission afin que des résultats concrets puissent être rapidement obtenus.

Pourquoi cette mission ?

Le ministre avait déjà acté le principe de lancer une réflexion sur le statut du créateur lors du festival de la BD d’Angoulême2. Il a réitéré le constat qu’il avait déjà fait sur les difficultés du moment : « Nous devons nous interroger sur la place réservée aux artistes, aux créateurs, au sein de notre société. Ils nous alertent, depuis des années, sur leur précarité. J’entends les voix des auteurs, en particulier, qui s’inquiètent de voir l’écart se creuser, entre le temps qu’ils consacrent à la création et les revenus qu’ils en retirent. Cette évolution est due à des causes variées – qu’il s’agisse de dynamiques propres aux différents secteurs économiques concernés, ou de la mise en œuvre de réformes jugées peu adaptées. »

Le ministre a tenu à se tourner vers l’avenir : « Les conditions de la création artistique font l’objet, depuis trois décennies, d’une profonde transformation. Elles sont aussi différentes de celles d’hier, que de celles qui s’imposeront demain. Ne soyons pas nostalgiques des temps passés. Au contraire : préparons-nous pour l’avenir. »

Le ministre, avant d’agir, a proposé de réfléchir. Cette réflexion doit « permettre de trouver le cadre le plus favorable à l’épanouissement de la création et de la diversité culturelle, pour les prochaines années. Cette réflexion doit être ambitieuse et réaliste, concertée et ouverte, multidisciplinaire et prospective, au service de tous les créateurs. »

Qui pour cette mission ?

Le ministre a décidé de confier cette mission à Bruno Racine, « un grand connaisseur des politiques publiques de la culture, et je connais son goût pour l’analyse des mutations de notre société ».

Bruno Racine a mené une longue carrière au service de la culture, notamment comme directeur de la Villa Médicis à Rome, puis président du Centre Georges-Pompidou et enfin président de la Bibliothèque nationale de France. Il a présidé en parallèle la Fondation pour la recherche stratégique et le Haut Conseil de l’éducation. Une partie des fondateurs de la Ligue des auteurs professionnels le connaissent bien, ayant travaillé avec lui au sein de l’Association pour la promotion de la bande dessinée à Angoulême. Créée en 2017 à l’initiative du ministère de la Culture et de la Communication à la demande du SNE, du SEA, du SNAC BD et des États Généraux de la Bande Dessinée, elle a réussi, sous sa présidence, à pacifier une situation complexe et a permis à tous les acteurs et financeurs du festival d’Angoulême de faire entendre leur voix.

Le ministre lui demande de construire une mission exigeante. « Cette réflexion doit être ambitieuse et réaliste, concertée et ouverte, multidisciplinaire et prospective, au service de tous les créateurs ». Il a demandé à Bruno Racine de lui « faire des propositions pour constituer un collège d’intellectuels, d’experts et d’acteurs du secteur, qui permettra de nourrir ses réflexions : je pense à des sociologues, des universitaires, des philosophes, des économistes, des juristes… ». Le ministre a conclu en soulignant que les créateurs y seraient « étroitement associés ».

La Ligue demande que soient présents dès le départ dans la mission Samantha Bailly, Denis Bajram et Benoit Peeters. En premier lieu parce que cette mission répond aux demandes portées spécifiquement par la Ligue, dont ils sont tous trois fondateurs et membres du bureau. Mais aussi parce qu’ils sont tous les trois des auteurs fortement identifiés par les autres auteurs pour leur implication à les défendre ces dernières années. Enfin et surtout, parce qu’ils ont une expertise sur l’ensemble des sujets que va traiter cette mission, une expertise acquise dans le cadre des travaux des États généraux de la Bande Dessinée3 pour Benoit Peeters et Denis Bajram, dans le cadre de la présidence de la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse pour Samantha Bailly.

Avec la Ligue, ils ont depuis élargi leur expertise aux questions qui concernent l’ensemble des auteurs du livre, mais ils restent avant tout des auteurs de terrain. Benoit Peeters, scénariste et écrivain, y adjoint son expérience d’universitaire et d’éditeur de littérature et d’essai. Denis Bajram, scénariste et dessinateur, a aussi été éditeur. Samantha Bailly, autrice, vidéaste, est particulièrement impliquée dans les nouvelles formes d’édition. Ils se montrent donc tous les trois très attentifs aux problèmes de tous les acteurs de la chaîne du livre. La mission ne peut se passer de leurs connaissances pratiques, pragmatiques et sociologiques des difficultés des auteurs mais aussi de l’ensemble du livre.

La Ligue prépare en parallèle une liste de personnalités qualifiées qui pourraient apporter leur expertise et leurs points de vue variés au travail de la mission.

Qu’attendre de cette mission ?

Ne nous le cachons pas : beaucoup d’auteurs n’ont ni le temps ni l’envie d’attendre. Leur pouvoir d’achat est pris en tenaille depuis plusieurs années entre la baisse des ventes de livres et des hausses continues de cotisations sociales. Beaucoup ne gagnent plus assez bien leur vie avec leur création et se retrouvent face à l’obligation de devoir cesser leur activité créative. Leurs problèmes auraient dû être pris à bras le corps bien plus tôt. Il y a une telle urgence que la Ligue ne cessera pas, pendant la mission, de réclamer de meilleures conditions de rémunération aux éditeurs, mais aussi aux organisateurs de manifestations culturelles. De même, la Ligue ne cessera de demander à l’État de mieux protéger les auteurs des conséquences négatives des réforme actuelles et à venir.

Mais la Ligue pense qu’il faut agir plus en profondeur. Il faut aux auteurs et aux artistes un projet plus ambitieux que de simplement réagir au coup par coup à chaque mauvaise nouvelle. Les auteurs ne doivent plus avoir à s’adapter à une dégradation continue de leur condition.

Alors, oui, la Ligue va s’engager pleinement dans cette mission ministérielle. Et ce sera long. Il va falloir mettre à plat la situation actuelle des créateurs. Il va falloir établir un constat, sans concession, il va falloir pointer tous les problèmes, et surtout comprendre exactement leurs origines. Il va falloir leur trouver des solutions pertinentes. Peut-être suffira-t-il d’améliorer sur quelques points l’existant pour les artistes et auteurs. Peut-être faudra-t-il un tout nouveau cadre, fiscal, social, légal, économique, un cadre qui sera non seulement plus favorable aux auteurs qu’aujourd’hui, mais aussi les défendra mieux et leur permettra de s’adapter aux profondes mutations à venir de leurs métiers, de leur pratique créative et de la diffusion de leurs œuvres. C’est un énorme travail, mais cela vaut la peine.

La Ligue se tient donc dès aujourd’hui à la disposition de M. Bruno Racine pour entamer ce travail fondamental pour l’avenir des auteurs et de la création en France. En sachant que la seule chose qui est interdite à cette mission est de ne pas aboutir à des résultats réels, concrets et qui changent la vie des créateurs. Les auteurs ne le pardonneraient pas.

 

Notes

Le Ministre de la Culture annonce une réflexion sur le statut du créateur

Le Ministre de la Culture, Franck Riester, lors de son discours au Festival international de la Bande Dessinée d’Angoulême, a pointé la précarité grandissante des auteurs, et annoncé une importante réflexion sur le statut des artistes et auteurs.

À Angoulême, après avoir rencontré les acteurs de la Bande Dessinée, dont le SNAC-BD et les États Généraux de la Bande Dessinée (tous deux fondateurs de la Ligue des auteurs professionnels), le Ministre de la Culture a reçu officiellement le rapport de la mission Lungheretti de réflexion sur la politique nationale en faveur de la bande dessinée1. Franck Riester s’est ensuite exprimé sur sa politique pour la Bande Dessinée lors d’un discours, jusqu’à élargir son propos à l’ensemble des créateurs.

Amélioration de l’actuel statut des artistes auteurs

Le Ministre de la Culture a évoqué la question du régime social des artistes-auteurs : « Une mission, confiée à l’inspection générale des affaires culturelles et à l’inspection générale des affaires sociales, vient de s’achever. Elle propose des pistes de consolidation et d’évolution du régime social des artistes-auteurs. » Le Ministre a bien précisé l’importance de la concertation avec les principaux intéressés : « Le Gouvernement prendra le temps d’étudier ces propositions. Je veux vous dire qu’elles feront l’objet d’une concertation effective. »

La question de la mauvaise prise en compte de la multiplicité des revenus des créateurs a été évoquée : « Les rapporteurs de cette mission se sont penchés sur une évolution du régime des rémunérations “connexes” aux revenus tirés de l’exploitation directe des œuvres. » Aujourd’hui, les auteurs attendent que la circulaire 2011 soit revue et profondément améliorée, pour correspondre à leurs besoins actuels. Une nouvelle fois, la nécessité d’une concertation véritable a été rappelée : « Je souhaite que les services de l’État puissent travailler avec vous sur ce dossier. Un groupe de travail sera installé́ à cet effet prochainement. »

La Ligue prend acte de cette promesse d’une véritable concertation, qui est indispensable pour tenir compte de la complexité des métiers d’artistes-auteurs. Pour rappel, de nombreux dysfonctionnements dans les réformes non concertées pénalisent aujourd’hui fortement les auteurs. La Ligue apportera à cette concertation sa connaissance fine des pratiques et des difficultés actuelles des auteurs afin que le plus grand nombre puisse rapidement profiter d’une amélioration effective de son régime social et fiscal. Il est urgent que soient réglées les nombreuses difficultés rencontrées, dont les organisations de défense des auteurs ont dressé une longue liste lors des États Généraux du livre en 2018 et des réunions ayant eu lieu par la suite avec le Ministère de la Culture et la Direction de la sécurité sociale.

Réflexion sur le statut du créateur de demain

Franck Riester a ensuite annoncé qu’il allait, en parallèle de ce travail sur le régime actuel des artistes-auteurs, ouvrir une réflexion sur son avenir, et ce dès cette année : « J’ai par ailleurs décidé d’engager une réflexion plus large sur le statut du créateur, afin de redéfinir sa place économique, sociale et culturelle […] Elle dressera le panorama économique dans lequel évoluent créateurs et auteurs. Elle recensera les difficultés qu’ils rencontrent, mais aussi les opportunités dont ils disposent. Les artistes-auteurs et l’ensemble des acteurs culturels y seront pleinement associés. »

La Ligue remercie le Ministre d’avoir compris l’urgence de cette question et d’avoir aussi rapidement répondu à la demande qui lui avait faite lors d’une rencontre au Ministère de la Culture en décembre2.

Dans son constat3, La Ligue des auteurs professionnels a établi les difficultés rencontrées concrètement par les auteurs avec le régime actuel, qui est parcellaire et multiplie les injonctions contradictoires. Dans son discours, le Ministre a noté un fait essentiel : « Pour autant, le statut des créateurs n’est ni celui des salariés, ni réductible à celui des indépendants. » Dans la lignée de la défense du droit d’auteur, il est grand temps que les auteurs eux-mêmes soient placés au centre des préoccupations. La Ligue des auteurs professionnels se tient donc, dès aujourd’hui, à la disposition du Ministère de la Culture sur la question des évolutions du statut, qui doit en effet faire l’objet d’une analyse profonde et transversale. Elle apportera sa connaissance des problématiques de terrain des auteurs, mais aussi la boîte à outils et le travail d’hypothèses qu’elle a d’ores et déjà entamé à ce sujet.

La Ligue espère surtout que cette réflexion, quelle que soit la forme qu’elle prendra, sera ambitieuse et à la hauteur des enjeux actuels. Elle doit permettre de construire un environnement favorable à la fois au quotidien des créateurs et au dynamisme culturel de la France.

Franck Riester, Ministre de la Culture, Pierre Lungheretti, directeur général de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image d’Angoulême, et Denis Bajram, vice-président de la Ligue des auteurs professionnels.
Franck Riester, Ministre de la Culture, Pierre Lungheretti, directeur général de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image d’Angoulême, et Denis Bajram, vice-président de la Ligue des auteurs professionnels.

Notes

Pour la reddition trimestrielle des droits d’auteur dès 2019

L’édition doit soutenir ses auteurs en passant à la reddition trimestrielle des droits d’auteur dès 2019

LETTRE OUVERTE AUX ÉDITEURS

Pour permettre aux auteurs de payer le prélèvement à la source de l’impôt et d’accéder à la prime d’activité, il y a nécessité que leurs droits d’auteur leur soient versés de manière trimestrielle dès 2019.

L’année 2019 est arrivée, et avec elle le prélèvement à la source de l’impôt. Malgré leur régime spécifique assimilé salarié, les auteurs sont soumis au principe de l’acompte contemporain, tout comme les indépendants. L’administration fiscale prélève donc l’impôt directement sur leur compte en banque chaque mois ou chaque trimestre. De fait, son montant est calculé selon leurs revenus deux années plus tôt (en 2019, selon les revenus de 2017 tels que déclarés au printemps 2018). Il est heureusement possible pour l’auteur de demander un ajustement de son taux d’imposition, mais il y a un important risque de pénalités en cas “d’erreur”, comme, par exemple, des revenus d’auteurs non prévus.

Par nature, le droit d’auteur est un revenu très fluctuant et imprévisible : l’auteur n’a pas de contrat de travail, mais un contrat d’édition. Sa rémunération est dépendante des ventes des ouvrages. La plupart des auteurs touchent leurs droits d’auteur sur les ventes de leurs livres seulement une fois par an, lors de la reddition de compte annuelle des éditeurs. Aujourd’hui en France, un auteur de livre n’a donc aucune transparence sur ses chiffres de ventes durant l’année, malgré les demandes répétées des organisations d’auteurs. L’opacité est donc totale, et évaluer les revenus de l’exploitation de ses livres relève de la voyance.

Les éditeurs auraient pu prélever l’impôt à la source sur les droits d’auteur, comme ils le font pour d’autres, mais l’ont refusé. Les auteurs se retrouvent donc dans une situation d’extrême fragilité en 2019.

En parallèle, le Gouvernement a annoncé une importante revalorisation de la prime d’activité dès le 5 février 2019, afin de redonner du pouvoir d’achat aux Français. Peu d’artistes et d’auteurs le savent mais ils y ont autant droit qu’un salarié. La Ligue fait donc campagne pour qu’ils y accèdent1. En effet, il s’avère qu’il est très compliqué pour un auteur de toucher cette prime d’activité, compte tenu de la nécessité de fournir à la CAF des déclarations de revenus trimestrielles. Il est déjà difficile de faire comprendre aux CAF la nature du droit d’auteur (BNC ou salaire) et de leur fournir des documents qui leur conviennent. Mais, et surtout, avec un relevé de droits d’auteur le plus souvent annuel, les auteurs se retrouvent facilement à avoir la plupart de leurs revenus sur un seul trimestre, le faisant passer au-dessus des plafonds de la prime, et à avoir trois autres trimestres en dessous, eux, du seuil de la prime.

Les auteurs éprouvent donc actuellement de très grandes difficultés à accéder à la prime d’activité, un dispositif permettant pourtant un gain de pouvoir d’achat pouvant dépasser 250 euros par mois2. Socialement, nous savons que la population des auteurs est dans une situation dramatique : 41% des auteurs professionnels gagnent moins que le SMIC. Les tenir éloignés de ce gain de pouvoir d’achat est donc inadmissible.

Pour ces deux raisons, prélèvement à la source de l’impôt et prime d’activité et vu la situation d’extrême fragilité où sont déjà nombre d’auteurs, la Ligue des auteurs professionnels demande aux maisons d’édition d’aider leurs auteurs à surmonter cette année très difficile en mettant en place une solution simple et pratique : la reddition de compte trimestrielle accompagnée du paiement sans délai des droits d’auteur.

Au XXIe siècle, les maisons d’éditions ayant les chiffres de ventes au jour le jour, aucun obstacle technique ne saurait empêcher de multiplier les redditions de compte dans l’année. Afin de se caler avec les pratiques de l’administration fiscale comme de la CAF, ces redditions de comptes devront être arrêtées et payées aux mois suivants : mars, juin, septembre et décembre.

Il faudrait en parallèle que les auteurs aient eux aussi connaissance au jour le jour de leurs ventes, afin d’avoir une visibilité sur leurs revenus à venir, via un site et/ou des applications dédiées.

Ce serait aussi l’occasion pour les éditeurs qui n’appliquent pas le Code de la Propriété intellectuelle d’enfin le respecter. À ce jour, 60% des auteurs doivent encore réclamer leur reddition de compte et 64% des auteurs doivent également réclamer le paiement de leurs droits3, alors que ces procédures sont supposées être automatiques.

La collaboration entre l’auteur et l’éditeur étant le socle de l’édition, les auteurs ont plus que jamais besoin du soutien de leurs partenaires éditoriaux afin de faire face aux crises et aux réformes en cours. Il nous parait impensable que notre demande ne soit pas entendue.

Une copie de cette lettre ouverte a été envoyée au SNE, Syndicat National de l’Édition.

Notes

1Communiqué de presse Auteurs, demandez la prime d’activité :
https://ligue.auteurs.pro/2019/01/18/auteurs-demandez-la-prime-dactivite/

2La prime est de 253 euros par mois pour un auteur ayant gagné 3420 euros brut sur un semestre, soit l’équivalent de 0.75% du SMIC.

37e baromètre des relations auteurs / éditeurs, 2018, SCAM, SGDL : https://www.sgdl.org/phocadownload/actualit%C3%A9s_2017/7e_Barometre_12_03_18_DEF.pdf

Auteurs, demandez la prime d’activité !

Le Gouvernement a annoncé une importante revalorisation de la prime d’activité dès le 5 février 2019, afin de redonner du pouvoir d’achat aux Français. La prime d’activité, mise en place en 2015, vise à soutenir l’activité et le pouvoir d’achat des travailleurs modestes. Très peu d’auteurs ou d’artistes le savent, mais ils y ont autant droit qu’un salarié. Ce dispositif peut leur donner un gain de pouvoir d’achat pouvant dépasser 250 euros par mois1.

La Ligue des auteurs professionnels s’étonne qu’avec les difficultés économiques que rencontrent les auteurs, les pouvoirs publics et les organismes de Sécurité sociale n’aient jamais pensé à les avertir que cette prime leur est accessible, et ce depuis 2015. En effet, les conditions d’attributions ne le précisent pas2, et le régime flou des artistes-auteurs (BNC ou traitements et salaires) n’aide en rien à y voir plus clair. La Ligue a donc demandé au Ministère de la Culture des éclaircissements sur la question, en soulignant les difficultés techniques pour les auteurs à obtenir cette prime.

Il s’avère en effet assez compliqué pour un auteur de toucher cette prime d’activité, compte tenu de la nécessité de fournir à la CAF des déclarations de revenus trimestrielles. Déjà, l’irrégularité de ses revenus peut faire passer un auteur alternativement au-dessus du plafond ou en-dessous du seuil de la prime. Il est, en plus, d’après les témoignages recueillis, difficile de faire comprendre aux CAF la nature du droit d’auteur (BNC ou salaires) et de leur fournir des documents qui leur conviennent.

La Ligue recommande donc à tous les auteurs de faire dès aujourd’hui une simulation de leur prime d’activité. Vu leurs faibles revenus, la plupart ont probablement droit à un complément de revenu significatif :

https://wwwd.caf.fr/wps/portal/caffr/simulateurpa/

La Ligue recommande aussi aux auteurs de se rendre à leur Caisse d’Allocations Familiales pour compléter cette simulation. S’ils se voient refuser la prime d’activité malgré un revenu annuel compatible, la Ligue demande aux auteurs de faire remonter leurs témoignages.

La Ligue demande aussi aux pouvoirs publics de faire un point sur l’accès des artistes et auteurs à la prime d’activité. Si, comme les témoignages déjà recueillis le disent, il est très difficile aux auteurs d’y avoir accès pour des raisons d’inadaptation des critères à leur mode de rémunération, la Ligue demande à ce que les Ministères de la Culture et des Solidarités et de la santé proposent un moyen de mettre fin à cette inégalité d’accès à la prime d’activité pour les travailleurs que sont les auteurs et les artistes.

Enfin, en parallèle, afin de lisser leurs revenus sur l’année pour l’accès à la prime d’activité, mais aussi pour accompagner la réforme de l’impôt, la Ligue des auteurs se tourne dès aujourd’hui vers les maisons d’édition et le Syndicat National de l’Édition, en leur demandant de passer à la reddition trimestrielle des droits d’auteur : Lettre ouverte aux éditeurs3.

Notes

1La prime est de 253 euros par mois pour un auteur ayant gagné 3420 euros brut sur un semestre, soit l’équivalent de 0.75% du SMIC.

2https://www.economie.gouv.fr/entreprises/travailleurs-independants-prime-activite

3https://ligue.auteurs.pro/2019/01/18/reddition-trimestrielle-des-droits-dauteur-des-2019/

La Ligue reçue par le Ministre de la Culture

La Ligue des auteurs professionnels a été reçue ce vendredi 14 décembre au Ministère de la Culture par Franck Riester, nouveau Ministre de la Culture.

La Ligue, représentée par Samantha Bailly, Denis Bajram et Benoît Peeters, a résumé les raisons de sa création puis a rappelé les différentes urgences sociales ainsi que les dysfonctionnements des réformes en cours. Depuis le 9 juillet dernier, les auteurs sont dans l’attente de la grande mission prospective sur leur avenir, annoncée par le Ministère de la Culture.

Des bouleversements aussi majeurs du régime social des auteurs ne peuvent avoir lieu sans une réflexion profonde sur les métiers créatifs aujourd’hui, mais surtout, de tels bouleversements ne peuvent avoir lieu sans les auteurs eux-mêmes.

L’association a défendu la nécessité de mesures fortes pour sauver les métiers des auteurs. Des mesures qui doivent avoir une ambition digne de ce que fut, en son temps, la loi sur le prix unique du livre. Remettre l’auteur au centre de l’économie du livre et revaloriser la place des créateurs au sein de l’exception culturelle française est une urgence sur tous les plans : social, économique et culturel. Si la défense du droit d’auteur, notamment au niveau européen, est une priorité pour la France, la Ligue a rappelé que le droit d’auteur devait protéger avant tout les auteurs.

Le Ministre a proposé de mettre en place un groupe de travail avec la Ligue et d’autres partenaires au sujet du statut social, des métiers et de la rémunération équitable des auteurs. La Ligue apprécie l’attention qui a été portée à son constat et l’intérêt montré pour les multiples hypothèses qu’elle est en train de développer. La Ligue des auteurs professionnels est convaincue qu’il est possible de construire un statut aussi ambitieux que protecteur pour l’auteur du XXIe siècle.

La Ligue espère que ce groupe de travail permettra d’avancer rapidement. Il est urgent de mettre en place des propositions concrètes, à l’heure où la précarisation des auteurs s’accentue de façon rapide : 41% des auteurs professionnels vivent avec moins que le SMIC1.

La Ligue remercie monsieur le Ministre de la Culture de son écoute, et est impatiente de travailler avec le Ministère à un avenir meilleur pour les auteurs.

Notes

1Seulement 59% des 8000 auteurs du livre affiliés AGESSA gagnent plus d’un SMIC en droits d’auteur. Ministère de la Culture, Étude sur la situation économique et sociale des auteurs du livre – Résumé DGMIC, 2017. PDF p. 24

CSG : l’État bricole, les auteurs le payent

Une nouvelle réunion entre les Ministères de la Culture et des Affaires sociales et les artistes-auteurs confirme l’échec de la concertation promise. Obtenue après que les auteurs ont tiré le signal d’alarme l’année dernière, cette concertation représentait un véritable espoir d’être entendus et de mener les réformes en bonne intelligence. Hélas, durant cinq mois, les artistes-auteurs n’ont été que très partiellement informés de décisions prises de façon unilatérale par les pouvoirs publics. La réunion d’hier a confirmé les pires craintes de la Ligue.

Après cette réunion, il faut acter que « l’aide » censée compenser les 0,95% de la CSG restant à la charge des artistes-auteurs relève d’un bricolage inquiétant. Il a été justifié par un manque de moyens des services, ce qui est plus inquiétant encore.

L’aide ne correspond pas réellement à la hausse de la CSG. La compensation 2018 est basée sur les revenus 2016-2017. Elle ne correspond donc pas à la hausse de la CSG perçue en 2018. C’est plus qu’approximatif, compte tenu des grandes fluctuations des revenus des artistes-auteurs.

L’aide est imposable. En effet, les Ministères ont confirmé que l’aide relève, fiscalement, du droit d’auteur. Dans l’esprit, un mécanisme de compensation de la CSG imposable est une aberration. Dans les faits, tous les auteurs imposables ne seront donc que partiellement compensés.

Les assujettis sont exclus de l’aide en 2018, le décret ne concernant que les affiliés. Sont donc exclus aujourd’hui les auteurs ayant un autre métier, mais aussi tous ceux qui sont trop pauvres pour être affiliés. Ces derniers connaîtront donc une baisse de près d’1% de leur pouvoir d’achat, sans parler des hausses de cotisations retraite de 6,9% qui arriveront de pair pour eux au 1er janvier 2019. C’est un véritable scandale social.

Beaucoup d’affiliés ne seront pas compensés, le dispositif reposant sur une démarche volontaire des artistes-auteurs. Aujourd’hui, selon les chiffres communiqués, seulement 15 600 des 49 000 artistes-auteurs éligibles au dispositif de compensation de la CSG en ont fait la demande. Les organisations d’auteurs savent que beaucoup d’affiliés attendent toujours d’avoir accès au formulaire. Enfin, une très mauvaise campagne d’information fait que beaucoup ne savent même pas qu’ils y ont droit et qu’ils doivent impérativement faire leur demande avant le 31 décembre 2018. L’administration a précisé qu’un délai pourrait être observé, mais ces paroles sont en contradiction avec les messages que reçoivent les auteurs.

Cette compensation mal faite est une bonne affaire pour l’État. Vu le peu d’affiliés compensés, seuls 2 millions d’euros sur les 18 millions débloqués pour cela ont pour l’instant été versés ! Le reste de l’argent retournera au budget de l’État sans être fléché vers les artistes-auteurs.

Pour 2019, toujours pas de mécanisme pérenne. Ce sera le même système. Entre temps, les assujettis AGESSA seront désormais précomptés. Ils pourront, sur justification avec certificats de précompte et démarche volontaire, demander leur compensation de la CSG. Combien le feront, compte tenu de la complexité de la démarche et du manque d’informations ?

Pour 2020, un mécanisme qui se voudrait pérenne. Vraiment ? Le principe retenu est une prise en charge d’une fraction des cotisations vieillesse de base, supposée être automatique compte tenu du basculement du recouvrement à l’URSSAF. Mais en parallèle, se prépare la fusion des régimes de retraite dans un système universel. Les auteurs vont-ils subir une nouvelle fois les dommages collatéraux de réformes transversales qui ne prennent pas en compte la spécificité des droits d’auteur ?

Ce bricolage permanent est plus qu’inquiétant pour la réforme en cours de la Sécurité sociale des artistes-auteurs. La réforme, conduite à marche forcée sans vraie concertation et laissant de nombreux points dans le flou, s’avère d’ores et déjà inapplicable aux dates annoncées. Ainsi, nous l’avons appris lors de cette réunion, le recouvrement des cotisations ne basculera totalement vers l’URSSAF qu’en 2020. Le portail artistes-auteurs de l’URSSAF censé remplacer celui de l’Agessa/MDA n’ouvrira donc pas en 2019. Et ce contrairement à toutes les déclarations faites jusqu’ici. La Ligue reviendra sur cette réforme de la Sécurité sociale des artistes-auteurs après la prochaine réunion avec les Ministères, le 4 décembre, qui y sera consacrée. Mais la confusion est totale.

La Ligue des auteurs professionnels est scandalisée du sort réservé aux auteurs. Oubliés de la compensation de la CSG, leurs organisations ont dû aller chercher celle-ci au forceps auprès des pouvoirs publics. Les auteurs ont dû ensuite accepter de ne pas avoir droit à la hausse de pouvoir d’achat accordée, elle, aux salariés. Il s’avère aujourd’hui que, pour les plus aisés comme pour les plus pauvres, cette compensation ne sera au mieux que partielle. Et que seuls y auront droit ceux qui auront la chance d’être au courant.

La suite des réformes ne peut se dérouler de cette manière. Les Ministères doivent cesser d’apporter de mauvaises réponses aux problèmes réels des auteurs de livre. Il est plus qu’urgent de remplacer ces réunions d’information par une véritable concertation. Il est indispensable de lancer la grande mission prospective promise depuis le 9 juillet 2018. Les organisations professionnelles avaient proposé de suspendre les réformes, le temps de bien les préparer ensemble. Elles n’ont pas été entendues.

Nous ne pouvons croire que les Ministères veulent nuire aux artistes-auteurs. Mais alors, comment interpréter les bricolages qui nous sont proposés : précipitation ? Incompétence ? Mépris ?

Il est temps que les services et les pouvoirs publics prennent la mesure de la situation.

 

Les éditeurs ignorent-ils la situation des auteurs ?

Les propos d’une grande éditrice lors de l’émission Boomerang sur France Inter ont fait réagir de nombreux auteurs, d’autant plus que ces propos ont été relayés ensuite par le Syndicat National de l’Édition. Interrogée sur le fait que l’auteur soit le plus précarisé dans la chaîne du livre, elle répondait ne pas comprendre et que les auteurs se trompent.

La Ligue des auteurs professionnels s’est créée face à l’urgence sociale sans précédent que traverse la profession des auteurs du livre. Chaque jour démontre davantage à quel point les éditeurs ignorent la situation dans laquelle les auteurs se trouvent.

Aujourd’hui, selon les enquêtes, entre 41% et 53% des auteurs professionnels vivent avec moins que le SMIC, les revenus se dégradent, les perspectives d’avenir sont moindres en particulier pour les jeunes et les femmes. Au 1er janvier 2019, le régime social des auteurs va subir des bouleversements majeurs ayant des impacts considérables sur la possibilité d’exercer ce métier.

Les éditeurs, qui dépeignent la relation auteur/éditeur comme un partenariat, doivent en effet se tenir au fait de la situation dans laquelle se trouvent leurs partenaires. Les maisons d’édition sont donc directement concernées par la Ligue des auteurs professionnels et son travail. Nous les invitons à lire le constat, document d’analyse inédit faisant un état des lieux économique, social, financier et juridique de la profession d’auteur du livre.

La Ligue des auteurs professionnels, par ce travail de recherche et son mouvement de revendication, entend faire prendre conscience à l’ensemble de la chaîne du livre du besoin urgent de réagir à la situation dans laquelle se trouvent les autrices et les auteurs. Il est vital que la chaîne du livre comme les pouvoirs publics se penchent sur des solutions pour préserver un métier qui est à la base du rayonnement et du dynamisme culturel français.

Compensation de la CSG : mais que se passe-t-il ?

Rappel des faits

Mesure phare du programme présidentiel d’Emmanuel Macron, l’augmentation de 1.7% de la CSG avait pour but de transférer une partie du financement de la protection sociale des revenus du travail vers les autres types de revenus. À ce titre, il avait été promis une compensation de la CSG à tous les actifs. Lors de l’été 2017, les organisations d’auteurs se sont hélas aperçues que les artistes-auteurs avaient été oubliés par cette réforme. En effet, aucun des principes de compensation choisis, par exemple la suppression sur les salaires des cotisations chômage et maladie, n’était applicable aux auteurs. Seuls 0,75% était récupérable sur la cotisation maladie, mais sans chômage pour les artistes-auteurs, il manquait donc encore 0,95% à l’appel.

En octobre 2017, la Ministre de la Culture promettait en personne une compensation1, promesse confirmée devant les députés début novembre2. À la fin du mois, on apprenait que cette compensation passerait par une subvention nommée “mesure de garantie du pouvoir d’achat” versée via l’Agessa et la Maison des Artistes3.

Les auteurs étaient à moitié satisfaits : n’était-il pas étrange que ce soit au budget du Ministère de la Culture de financer la hausse de la CSG des créateurs ? De plus, comment justifier que les artistes-auteurs ne soient que compensés au centime près, là où les salariés allaient voir leur pouvoir d’achat croître de 1,45% ? Enfin, qu’en était-il de la compensation de la CSG pour tous les autres auteurs et artistes non affiliés à l’Agessa/MDA ? En particulier ceux déjà trop pauvres pour être affiliés ?

Face à la pression des organisations d’auteurs et juste avant la tenue de leurs États Généraux du Livre, le décret mettant en œuvre cette compensation fut enfin publié en mai 20184. Mais, hélas, il ne répondait à aucune de ces questions. Les organisations d’auteurs comme d’artistes ont dû à nouveau réitérer leurs inquiétudes auprès de l’Agessa, de la MDA et des ministères concernés. Cette nouvelle mobilisation5 a entraîné la création d’une mission conjointe de l’Inspection générale des affaire sociales et de celle des affaires culturelles (IGAS/IGAC)6.

Aujourd’hui, une compensation bien discrète et incomplète

Aujourd’hui, les organisations d’auteurs découvrent en même temps que tout le monde l’application de cette compensation. La Ligue s’étonne en particulier  de plusieurs choses :

  • Il y a urgence : ces démarches sont a effectuer avant le 31 décembre 2018.
  • Ce dispositif n’est pas automatique, il repose donc sur la démarche volontaire des auteurs et le fait qu’ils soient au courant.
  • Aucune information d’envergure n’a été faite : certains auteurs ont reçu un mail d’information, d’autres non.
  • L’année 2018 n’étant pas terminée, l’ensemble des revenus d’un artiste-auteur n’est donc pas connu. Comment cette aide pourrait-elle correspondre à une compensation exacte de la hausse de la CSG en 2018 ?7
  • Quelle est la nature fiscale de cette “aide” ? Agessa/MDA ne le précisent pas. Faudra-t-il la déclarer ou pas ? Et si oui, comment et avec quel impact ?
  • Ce dispositif est accessible dans l’espace AGESSA ET MDA, sous la mention de “mesure de soutien”, une nouvelle entrée bien peu visible ni compréhensible.
  • Beaucoup d’auteurs vivent mal le vocabulaire employé. Est-il adroit d’utiliser les termes de “soutien” ou “aide” pour ce qui n’est que la compensation légitime de la CSG prévue pour tous les actifs (sans gain de pouvoir d’achat contrairement aux salariés).
  • La mesure de soutien apparaît sur certains comptes, pas sur d’autres, sans aucune explication, entretenant le flou. Les auteurs qui ne se la voient pas proposer doivent-ils faire une réclamation ?
  • Les auteurs rencontrent de nombreux bugs lorsqu’ils entrent leurs informations pour récupérer l’argent, notamment “Le nom du titulaire ne correspond pas à votre dossier.” (Il semblerait qu’il ne faille en fait saisir que le nom du titulaire du compte en banque, sans le prénom)
  • Il faut donc avoir un compte sur le site Agessa ou MDA. Quid des artistes auteurs assujettis ? Rappelons que dans le livre, on compte environ 100 000 auteurs, dont seulement environ 5000 affiliés8. Doivent-ils perdre définitivement tout espoir de voir la hausse de la CSG compensée pour 2018 ? Y compris pour les plus précaires d’entre eux ?

Les organisations d’auteurs, qui ont pourtant porté l’exigence d’une compensation complète de la CSG pour tous, ne demandaient qu’à accompagner sa mise en place pour qu’elle se passe au mieux. Pourtant, elles ont encore une fois été tenues à l’écart. Aujourd’hui, dans l’urgence, elles se retrouvent à devoir communiquer à la place de l’Agessa et de la MDA, et à devoir venir en aide à leurs adhérents et à l’ensemble des auteurs.

Demain ?

Le rapport IGAS/IGAC préconisant le dispositif de compensation pérenne de la CSG à partir de 2019 était supposé être communiqué en juillet. À ce jour, ce rapport n’a toujours pas été diffusé.

Cela laisse à penser que malgré les concertations en cours, tout est décidé pour janvier 2019, et que des milliers d’auteurs et d’artistes vont se retrouver face à des difficultés majeures dès l’année prochaine. Il est plus qu’urgent que les pouvoir publics veillent à ce que les auteurs soient non seulement écoutés, mais impliqués réellement dans toutes les réformes qui les concernent.

Le 9 juillet dernier, le Ministère de la Culture annonçait une mission d’envergure sur l’avenir du statut social des auteurs. Pour que cessent des bricolages approximatifs, et que les auteurs puissent obtenir un suivi à la hauteur de ce qu’ils représentent, la Ligue des auteurs professionnels demande que cette mission soit créée de toute urgence : elle devra réfléchir au cadre légal, fiscal et social dont a besoin l’auteur d’aujourd’hui et de demain.

Notes

Auteurs : le constat

Les auteurs de livres ne possèdent pas vraiment de statut professionnel. Pourtant leur travail alimente une filière de plus de 80 000 personnes, des éditeurs aux libraires.

Ils sont les créateurs, ceux sans qui rien n’existerait, et pourtant ils restent la variable d’ajustement : la moitié d’entre eux vit avec moins que le smic.

Leur situation ne cesse de se dégrader. Les gouvernements successifs, sans y prendre garde, malmènent les auteurs, les placent dans des cases inadaptées, augmentent leurs cotisations au moment où leurs revenus baissent.

La propriété intellectuelle est un enjeu majeur du XXIème siècle et la France ignore ses auteurs. Le déclin de la création littéraire aura des répercussions sur l’ensemble du secteur culturel : c’est aussi un choix de civilisation.

Un constat détaillé, précis, de la situation a été dressé par la Ligue des auteurs professionnels. Il est dès maintenant disponible en ligne et en téléchargement.