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Atelier “Négocier son contrat d’édition”


Public : Cet atelier s’adresse aux auteurs et autrices qui envisagent de négocier ou renégocier un contrat d’édition. Elle alterne apports théoriques (droits d’auteur, points de discussion, connaissance du marché…) et des mises en situations pratiques sur-mesure recréées pour l’occasion.

Lieu : à Paris (l’adresse vous sera communiquée) ou en visioconférence

Objectifs :

  • Acquérir une bonne connaissance du contexte :
    • marché du livre : aspects juridiques de la propriété intellectuelle avec des exemples concrets de points négociables (clauses, droits cédés, résiliation…)
    • méthodes de négociations courantes auxquels sont généralement formés vos interlocuteurs
  • Anticiper, connaître et utiliser vos points forts et vos faiblesses
  • Partager et échanger vos expériences avec vos pairs
  • Développer vos compétences en expérimentant vos propres situations de négociation (dans un contexte bienveillant et formateur).

Participation : 10 personnes maximum. Inscription gratuite, mais obligatoire.

Apports théoriques : L’interactivité est privilégiée (questions-réponses, partage d’expérience) ; Etude, analyse et critique de contrat existants : à partir de cas existants produire une analyse juridique succincte pour prendre conscience des conséquences attachées à certaines clauses contractuelles ; Simulation : Les mises en situation peuvent être inspirées d’expériences vécues et recueillies en amont par les formateurs).

Les différents apports seront restitués et revus lors du débriefing qui permet l’intégration, le renforcement et la mise en œuvre de nouvelles compétences.

Évaluation : Suivie de la formation, sanctionné par une attestation de présence, les documents pédagogiques seront donnés sous format électronique.

Description détaillée : La relation qui lie les auteurs et autrices à leurs éditeurs et éditrices est conçue au sein du Code de la propriété intellectuelle (CPI) comme naturellement déséquilibrée. Les auteurs et autrices sont donc les “parties faibles” du contrat, ils se doivent de connaître certaines règles issues du CPI qui renforcent la protection de leurs intérêts.

En dépit de cet arsenal juridique, on constate globalement une absence de négociation pour la très grande majorité des autrices et auteurs. Ces derniers sont souvent signataires d’un contrat sans avoir négocié les principales clauses, lesquelles sont parfois inéquitables, voire illégales. Et pourtant, du point de vue juridique, le contrat d’édition est un contrat de “gré à gré”, en principe : tant qu’il n’est pas signé, il peut être discuté, négocié et amendé !

La discussion avec le diffuseur est d’abord une négociation en vue d’un accord commercial bien qu’elle concerne un objet émotionnellement très investi par son auteur (l’œuvre) et mobilise des représentations chargées (place de l’argent, valorisation et reconnaissance de l’œuvre, image de l’artiste etc.). Ainsi, le poids des rapports de pouvoir, la relation particulière de l’artiste à son œuvre, à son activité créatrice (et à tout ce qui peut en être fait) et les enjeux affectifs et économique de la relation avec le diffuseur sont des éléments à prendre en ligne de compte en amont et au moment de la négociation sous peine de manquer une occasion avec des conséquences à long voire très long terme !

Dans ce contexte, la discussion n’est jamais une simple formalité commerciale ; dès lors, discuter et amender son contrat est plus facile à dire qu’à faire… Dans les faits, les auteurs et autrices témoignent souvent de points de réserve formulés par leurs cocontractants, de pressions implicites ou explicites les empêchant de discuter et de négocier à fortiori certaines clauses.

La méthode proposée permet de recréer ces situations complexes dans un cadre formateur et sécurisant. C’est l’occasion d’expérimenter et de mettre en œuvre vos propres méthodes, d’éprouver vos limites comme vos points forts ; ceci sous le regard bienveillant de pairs confrontés aux mêmes problématiques…

En somme, la double approche théorique et pratique (juridique, psycho sociologique, expérientielle) est au cœur de la démarche. Prenons le temps d’y réfléchir ensemble afin d’aborder ces rencontres avec les diffuseurs et de vous y préparer au mieux.

Ralph Balez, Docteur en Psychologie et Psychologue clinicien, du Travail et des Organisations, consultant et formateur en simulation professionnelle et Stéphanie Le Cam, Docteur en droit et directrice de la Ligue des auteurs professionnels vous invitent à participer à leur premier atelier dédié à la négociation de son contrat d’édition.

L’atelier est ouvert gratuitement aux adhérents et adhérentes de la Ligue (inscription obligatoire et possible dans la limite de 10 personnes).

Préserver l’ensemble des métiers du livre

La Ligue prend acte des mesures sanitaires prises par le gouvernement, dans le but d’endiguer l’actuelle pandémie qui nous concerne toutes et tous. Protéger les vies humaines est évidemment une priorité. Si le chiffre d’affaire global de l’édition a montré des résultats positifs malgré cette année 2020 complexe, ce sont les acteurs les plus fragiles de la chaîne du livre qui se sont en revanche retrouvés profondément éprouvés. Maisons d’édition indépendantes, librairies de premier niveau, jeunes diplômés, et bien sûr auteurs et autrices… À ce titre, la Ligue alerte les pouvoirs publics. Le secteur de la culture, comme tous les secteurs économiques, inclut des acteurs dominants et d’autres bien plus fragiles. Le tissu de l’économie du livre est très divers mais une certitude demeure : l’ensemble de la chaîne du livre est aujourd’hui mobilisée, craignant à raison les impacts économiques et sociaux sur le court et moyen terme pour ses travailleurs. Pour ce qui concerne les auteurs et autrices, la fermeture des librairies a des effets dévastateurs. Ce sont des années de travail envolées, la durée de vie des livres étant aujourd’hui très limitée et les chances de les voir de nouveau exploités minces. Également, nombreux sont les auteurs et autrices à ne pas comprendre la cohérence des mesures appliquées : certains commerces vendant des livres sont ouverts, d’autres fermés.

Pour finir, ce nouveau confinement aura des impacts économiques et sociaux sur l’ensemble des artistes-auteurs du pays. Population déjà profondément malmenée, cela nécessite aujourd’hui un plan d’urgence ambitieux en adéquation avec la gravité de la situation. Nous demandons solennellement au gouvernement de prendre toutes les mesures pour préserver l’ensemble des métiers du livre, et plus généralement de la culture. Cela demande de déployer des moyens sans précédents, à la hauteur des défis auxquels nous devons faire face.

Le SNE veut contrôler le dialogue social

Une vidéo de l’assemblée générale du Syndicat national de l’édition est en train d’émouvoir beaucoup d’auteurs et autrices. On y entend le président des éditeurs y tenir des propos sur les organisations professionnelles d’auteurs qui semblent provenir d’un autre siècle. La volonté affichée par le SNE de garder un contrôle tout paternaliste sur le dialogue social confirme l’analyse du Rapport Racine sur les problèmes de représentativité pour les artistes-auteurs. Au vu de cette vidéo, il est clair que l’État doit prendre ses responsabilités au plus vite : seules des élections professionnelles peuvent déterminer librement et démocratiquement qui parle au nom des auteurs et autrices.

Lors de son assemblée générale, le Syndicat national de l’édition a abordé la question de la représentativité des auteurs et autrices du livre et du dialogue social entre les créateurs et les groupes éditoriaux. Un sujet crucial et attendu, dans un contexte de crise sociale, administrative et économique sans précédent pour l’ensemble des artistes-auteurs. Les mesures essentielles du Rapport Racine peinent à émerger malgré un constat documenté et objectif sur la crise que nous traversons. La gestion chaotique des mesures du Covid 19 pour les auteurs et autrices a montré les dysfonctionnements profonds de notre statut, mais aussi la nécessité de la reconnaissance de la profession que nous formons.

Cette intervention de Vincent Montagne, président du SNE, a fait l’objet d’une captation vidéo qui a été relayée hier sur les réseaux sociaux. En voici deux extraits qui ne peuvent être passés sous silence :

Alors que cette fédération de la profession qui nous semblait il y a quelques années évidente, et qui a été mise à mal par ces critiques systématiques des éditeurs, nous nous persistons à dire que c’est notre force c’est notre rôle et notre responsabilité.

Je pense que cet enjeu est devant nous et comme le rapport Racine l’indique, même si les auteurs souhaitent avoir leur propre représentation, nous considérons que… il faudra accueillir cette représentation quand elle aura lieu mais à condition qu’elle ne soit pas une caricature j’ai envie de dire fortement syndiquée ou colorée de ce que les auteurs veulent en réalité.

Ma discussion avec la présidente du CPE [Conseil permanent des écrivains] était intéressante. C’est qu’elle avait son conseil et elle me disait : « Bah… je ne sais pas trop quoi dire parce qu’objectivement, je considère que ce plan [d’aide du gouvernement] est bon pour nous. Mais j’ai peur de perdre la base, qui va continuer à critiquer. »

C’est cette réflexion-là, disons, entre nous. On est très conscients des dissensions qui existent entre les organisations des auteurs mais nous considérons aujourd’hui que dans son ensemble, les quatorze associations qui sont au CPE, sous forme de… sont plus raisonnables que d’autres, disons. Et je pense qu’il faut les soutenir et dialoguer avec eux et c’est un des axes de ce que nous souhaitons faire dans les mois à venir.

Et peut-être qu’il y a une prise de conscience au Ministère que les positions excessives de certains auteurs et de la Ligue en particulier rend toute discussion impossible. Et je crois que cette prise de conscience, elle est récente, elle date de quelques semaines.

Et je crois que nous devons prendre acte aussi que même s’il y a devant nous la problématique de l’élection des auteurs. Et un peu la distorsion dans la construction dans le Ministère d’une distorsion entre les professions et les acteurs de ces professions. Il faut essayer, à mon sens, de continuer à dialoguer avec le CPE. Ne serait-ce que pour que les votes dans les nouveaux… dans la nouvelle organisation des auteurs soient en faveur de la SGDL et du CPE. Montrer qu’il y a un dialogue avec les éditeurs et qu’il y a de véritables avancées.

La stratégie donnée par le SNE est très claire : le refus catégorique de voir apparaître une forme de démocratie sociale pour les auteurs et autrices. De façon franche, le président du Syndicat national de l’édition révèle la volonté de privilégier le Conseil Permanent des Écrivains comme interlocuteur du dialogue social, jugé plus « raisonnable ». Il s’oppose également à une représentation des auteurs et autrices trop « syndiquée et colorée », même si celle-ci devait être choisie par la voie des urnes, par les auteurs et autrices eux-mêmes. Enfin, il est question de manipuler le dialogue social en élaborant une stratégie visant à « montrer des avancées » pour « ne serait-ce que les votes dans la nouvelle organisation des auteurs soient en faveur de la SGDL et du CPE. »

Cette intervention du SNE montre également le déni complet de l’indignation vécue par les auteurs et autrices. Ces derniers seraient forcés à rejoindre un mouvement de contestation qui ne serait pas de leur propre volonté :

Tous les auteurs viennent voir leurs éditeurs en disant en gros c’est pas vous, on est plutôt obligé de suivre, on l’a vu à Angoulême où les auteurs les plus sympathiques ont levé le crayon parce qu’ils ne pouvaient pas faire autrement.

Ces propos tenus interpellent vivement le conseil d’administration de la Ligue des auteurs professionnels. Ils ne sont pourtant pas une surprise : si des auteurs et autrices investis depuis longtemps dans les instances de dialogue ont décidé de créer la Ligue des auteurs professionnels, puis de quitter le Conseil Permanent des Écrivains, c’est qu’ils sont parfaitement conscients que le système actuel est profitable au Syndicat national de l’édition. Ce dernier a tout intérêt à choisir des interlocuteurs non syndicaux et à refuser l’intervention de l’État ou toute régulation sous le prisme du code du travail.

Néanmoins, nous ne pouvons rester sans réagir face à des propos aussi graves, qui attestent à la fois d’un déni complet de la réalité sociale des auteurs et autrices, d’une tentative d’usurpation de leurs voix et d’un paternalisme qui n’a plus sa place au XXIe siècle.

La Ligue des auteurs professionnels et bien d’autres organisations professionnelles sont pleinement ouvertes au dialogue social avec le Syndicat national de l’édition. Mais comme l’a attesté le rapport Bruno Racine, aujourd’hui, ce dialogue social ne peut avoir lieu dans des conditions équilibrées, ce qui nous conduit à une impasse. Les accords CPE/SNE de 2014 n’ont pas empêché la dégradation rapide et brutale de nos revenus, et pour cause : ils ne protègent pas nos conditions de création. Aussi, les artistes-auteurs sont privés à ce jour d’une branche professionnelle

Le dialogue social est une composante essentielle de la démocratie. Pour rappel, la France s’est engagée, en ratifiant la convention n°87 de l’Organisation Internationale du Travail sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, à « prendre toutes mesures nécessaires et appropriées en vue d’assurer aux travailleurs et aux employeurs le libre exercice du droit syndical ». Le Conseil constitutionnel a bien rappelé que tout travailleur doit pouvoir participer, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective de ses conditions de travail1. Tout comme ce principe de valeur constitutionnel, la négociation collective a été reconnue comme un droit fondamental au niveau du droit de l’Union européenne2.

Finalement, ces déclarations sont un aveu : celui de la connaissance de la déconnexion entre la représentation actuelle des auteurs et autrices du livre reconnue par le SNE et « la base », comme elle est appelée. La négation de la démocratie sociale des auteurs et autrices participe activement à la fragilisation de leurs conditions économiques et sociales.

Les groupes éditoriaux ne peuvent plus nier aujourd’hui que l’acte de création est un travail qui engendre une œuvre, et donc une propriété. Nous ne laissons plus invisibiliser cette première phase de création qui est le cœur battant de notre activité. Nous ne laisserons plus confondre la création d’une œuvre et l’exploitation d’une œuvre.

Nous sommes les créateurs et créatrices à l’origine de l’industrie du livre, et nous revendiquons le droit, comme toutes les professions, à des conditions de travail encadrées et un dialogue social légitime.

À ce titre, la Ligue des auteurs professionnels est pleinement ouverte à un dialogue avec le Syndicat national de l’édition. Mais aujourd’hui, la priorité est de rendre aux auteurs et autrices leurs voix : les laisser décider par eux-mêmes, à travers des élections professionnelles, de leurs représentants. Ce moment historique ne saurait leur être volé.

La Ligue des auteurs professionnels est convaincue que des avancées majeures pour davantage d’équilibre entre auteurs et autrices et maisons d’édition pourraient avoir lieu, si l’écosystème actuel était enfin clarifié et les rapports de force rééquilibrés. Nous nous tournons donc vers le Ministère de la Culture, mais aussi le Ministère du Travail : quand reconnaîtrez-vous les créateurs et créatrices de ce pays comme de véritables professionnels ?

Notes

Le contrat d’édition équitable recommandé par la Ligue

Illustration de Cy

Après des mois de travail, la Ligue des auteurs professionnels est heureuse de vous dévoiler un modèle de contrat d’édition équitable. Son utilisation est gratuite pour tous les auteurs et autrices, dans une volonté de démocratisation de pratiques plus justes.

Ce contrat d’édition équitable est le fruit du travail d’une vingtaine d’avocats, juristes et universitaires spécialisés en droit de la propriété intellectuelle et en droit du travail dans le cadre du Hackathon 2020. Cet événement était co-organisé avec la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse, les États Généraux de la Bande Dessinée, la Guilde Française des scénaristes, l’Institut des Sciences Sociales du Travail de l’Ouest et les Jeunes Universitaires Spécialisés en Propriété Intellectuelle. L’ensemble du groupe de travail a étudié de nombreux contrats d’édition type et a jugé que ces derniers étaient très majoritairement déséquilibrés, quand certaines clauses n’étaient pas tout simplement illégales. Faute d’accords-cadres réellement protecteurs pour l’heure, nous mettons à disposition cet outil pour soutenir les auteurs et autrices individuellement dans la négociation avec les maisons d’édition.

Mode d’emploi du contrat d’édition équitable

Rééquilibrer le rapport de force :

Si traditionnellement, c’est la maison d’édition qui envoie le contrat d’édition construit par son service juridique, un auteur ou une autrice peut tout à fait envoyer son propre modèle de contrat d’édition. Les agents littéraires n’hésitent d’ailleurs pas à rédiger leurs propres contrats sur-mesure pour leurs clients.

Comprendre les différentes cessions de droits :

Ce contrat d’édition équitable est pour une version imprimée de l’œuvre. Trop souvent, les contrats d’édition type impliquent la cession de tous les droits. Or, chaque cession de droit a une valeur. Les auteurs et autrices doivent être plus éclairés sur le périmètre des droits cédés.

Négocier à partir d’une base équilibrée :

Ce contrat d’édition équitable est une base de négociation. Le contrat d’édition que vous envoie une maison d’édition est négociable au gré à gré. Ce contrat d’édition est évidemment discutable entre vous et la maison d’édition, selon les cas de figure. Néanmoins, cette base contractuelle vous permettra de voir de façon lisible les changements demandés.

Préserver l’intérêt des auteurs et autrices :

Ce contrat d’édition équitable est une recommandation de la Ligue des auteurs professionnels. N’hésitez pas à vous appuyer sur cette recommandation : notre organisation professionnelle a pour objectif de défendre la profession.

Le contrat d’édition équitable sera suivi d’autres outils et d’autres travaux pour aider à rééquilibrer le rapport de force entre les auteurs, les autrices et les entreprises publiant leurs œuvres. À suivre !

 

Hackathon 13/14 mars 2020

Auteurs et autrices, vous êtes conviés à une expérience exceptionnelle. Durant 24 heures, vous allez pouvoir échanger avec une vingtaine d’avocats, de juristes, d’universitaires, tous spécialisés en propriété intellectuelle, droit social, droit du travail, droit des contrats. Le but ? Réinventer la protection de nos métiers dans les secteurs du livre et de l’audiovisuel. Comment ? En construisant un contrat d’édition équitable, en trouvant des moyens de mieux nous défendre collectivement, et en mettant en place des outils pour simplifier nos démarches administratives et légales. Inscrivez-vous vite !

Auteurs et autrices, c’est le moment de venir avec vos contrats, vos redditions de comptes, vos demandes concernant l’Agessa-Mda et l’Urssaf, pour bénéficier d’un accompagnement personnalisé par des experts.

Trois ateliers structureront ce hackathon de 24 heures :

Premier atelier – Construire un contrat d’édition équitable :
Construire le contrat d’édition équitable proposé par la Ligue dans le document remis à la mission Bruno Racine1. Programmer un outil en ligne accessible à tous les auteurs pour leur permettre d’évaluer leur contrat d’édition.

Deuxième atelier – Réinventer le droit des relations collectives :
Trouver des solutions concrètes pour permettre aux associations et syndicats d’auteurs d’être plus forts à la table des négociations.

Troisième atelier – Lutter contre le non-recours aux droits sociaux :
Aider les auteurs à comprendre leur régime social et lutter contre un problème majeur : le non-recours aux droits sociaux, en créant des outils pour simplifier leurs démarches administratives et juridiques.

Le hackathon se tiendra du vendredi 13 mars 10h au samedi 14 mars même heure au Labo de l’édition, 2, rue Saint-Médard, Paris 5e – Métro Place Monge.

Les résultats seront présentés à la presse le samedi 14 mars à 10h.

Entrée gratuite, sur inscription, places limitées :

Un immense merci à l’équipe bénévole sur cet événement co-organisé par :

  • Les Jeunes Universitaires Spécialisés en Propriété Intellectuelle (JUSPI)
  • L’Institut des Sciences Sociales du Travail de l’Ouest (ISSTO)
  • La Ligue des auteurs professionnels
  • La Guilde Française des ScénaristesLa Charte des auteurs et des illustrateurs pour la jeunesse
  • Les États généraux de la Bande Dessinée

Merci au Labo de l’édition pour son accueil.

Notes

Relever les défis du rapport racine

Dix organisations professionnelles de tous les métiers créatifs (écrivains et écrivaines, dessinateurs et dessinatrices, scénaristes, plasticiens et plasticiennes, photographes, peintres…) se sont réunies pour vous proposer une synthèse du rapport Racine. Ce document a pour vocation de décrypter les grands enjeux du rapport et d’affirmer quelles sont pour nous les mesures prioritaires. Qu’est-ce que telle mesure veut dire ? Qu’est-ce qu’elle peut changer ? Quels sont les points de vigilance ?

Il est aujourd’hui fondamental que les artistes-auteurs puissent avoir accès à l’ensemble des informations et enjeux qui concernent leurs professions. Il est aussi de notre devoir de fournir ce travail d’analyse pour que chacun puisse s’emparer de ce rapport.

La première partie du Rapport Racine, Une fragilisation de la situation de l’artiste-auteur dans tous les champs de la création, pointe « la stagnation ou la régression du revenu moyen tiré des activités de création, (…) la confusion des règles applicables, la position dominante des acteurs de l’aval dans les rapports contractuels avec les artistes-auteurs et la faiblesse collective de ces derniers, l’éparpillement de l’action de l’État.»

La seconde, L’État mis au défi d’agir, observe que les artistes-auteurs 
sont constamment dans l’angle mort des politiques publiques et structurellement consignés dans une position de faiblesse : « La mission conclut à la nécessité pour l’État de s’affirmer dans son triple rôle de régulateur et garant des équilibres, de promoteur de l’excellence, de la diversité et de la prise de risque, tout en se montrant lui-même un acteur exemplaire. »

À cet effet, la mission formule 23 recommandations qui visent notamment à renforcer les artistes-auteurs collectivement et conforter l’artiste-auteur au niveau individuel.

Ces recommandations résolument tournées vers une reconnaissance professionnelle des artistes-auteurs relèvent d’un changement de paradigme et rompent avec la vieille représentation romantique de l’artiste-auteur. Dans un élan unitaire, les organisations d’artistes-auteurs – sans rechercher l’exhaustivité, ni se perdre dans les détails – ont tenu à pointer les lignes de force essentielles du Rapport Racine.

Nous en profitons pour remercier Cambon, Brice Cossu, Malo Kerfriden, Alexis Sentenac et Ronan Toulhouat qui ont accompagné de leurs dessins la publication de ces analyses sur les réseaux sociaux ces dernières semaines :

Mission ministérielle : enfin le rapport Racine !

Aujourd’hui est un grand jour pour les artistes-auteurs comme pour la Ligue : le rapport de la Mission Bruno Racine vient enfin d’être remis et publié dans la foulée. En espérant qu’il soit suivi de décisions politiques concrètes !

Ne le cachons pas, c’est une grande victoire pour la Ligue des auteurs professionnels car elle est à l’origine de toute cette aventure.  En effet, en décembre 2018, la toute jeune Ligue, armée de son constat sur le statut des auteurs1, avait obtenu un rendez-vous avec le nouveau Ministre de la Culture2. Nous y avions défendu la nécessité de mesures fortes pour sauver les métiers des auteurs et avions obtenu la création d’un groupe de travail ministériel sur le sujet.

Ne le cachons pas non plus, La Ligue et ses membres fondateurs se sentaient alors très seuls à porter cette demande de changement. En effet beaucoup d’autres organisations s’inquiétaient de ce que les artistes-auteurs pourraient perdre dans des modifications de leur statut, sans sembler voir tout ce qu’ils étaient déjà en train de perdre… voire tout ce qu’ils n’avaient jamais eu. Heureusement, l’avenir nous a montré qu’en fait notre analyse de la situation était bien plus partagée que nous le pensions (en particulier par La Guilde française des scénaristes et le CAAP, merci à eux).

Après quelques mois de réflexion, cette demande s’incarna dans une mission ministérielle, confiée à Bruno Racine. Logiquement, la Ligue fut reçue en premier, en avril 20193. Nous fîmes un grand état des lieux qui fut écouté avec une extrême attention par les membres de la mission, venus de tous les horizons. Après avoir mené toutes ses autres auditions, la mission nous reçut une seconde fois4, en juillet, afin de lui remettre notre travail, un document dense de 36 pages de réflexions et d’hypothèses sur le statut des auteurs mais aussi sur les régulations possibles. Ce document, nous ne l’avions pas rendu public jusqu’à maintenant, car nous avions vite compris que beaucoup de groupes d’intérêt voulaient en connaître le contenu afin de mieux pouvoir s’en défendre.

Puis, comme tout le monde, nous avons attendu. Nous avons maintenu un fort contact avec la mission comme avec le ministère pendant toute cette période, histoire de bien rappeler que ce rapport ne pouvait pas être flou ni tiède, que les artistes-auteurs ne le pardonneraient pas.

Ce rapport est donc aujourd’hui sur la table. C’est un vrai changement de paradigme. Aujourd’hui, ce n’est plus aux artistes-auteurs d’avoir à prouver la réalité de beaucoup de leurs problèmes. Ces problèmes sont enfin actés par une mission indépendante et experte. Cela veut dire que ceux qui continueraient à vouloir les nier, comme ceux qui voudraient toujours que rien ne change, tous ceux-là se rangeront officiellement dans le camp du désastre culturel et industriel qui s’annonce dans ce cas.

Ce rapport de 140 pages commence par 23 propositions, que nous publions intégralement ici. Ces propositions sont le plus souvent novatrices et à la hauteur de nos attentes. Si elles devaient être toutes appliquées, ce serait une véritable reconfiguration des rapports de force entre les artistes-auteurs et les exploitants de leur œuvres, et un vrai progrès dans la prise en compte des artistes-auteurs par les pouvoirs publics.

Ces propositions peuvent sans doute être une peu difficiles à lire pour tous ceux qui ne maîtrisent pas bien le sujet, d’autant plus qu’elles résument en fait l’ensemble du constat et de la réflexion porté par la Mission Bruno Racine. Nous ferons notre possible pour expliquer simplement le principe et les enjeux de celles qui nous paraissent les plus fortes dans de prochaines communications.

 

Répondre à la demande de statut en définissant la professionnalité des artistes-auteurs

  • Recommandation n°1 : Tenir compte de critères de professionnalité pour permettre aux auteurs de bénéficier d’une prise en charge de leurs surcotisations par les commissions d’action sociale de l’AGESSA et de la MDA, lorsqu’ils ne remplissent pas la condition de revenus et qu’ils en font la demande.
  • Recommandation n°2 : Simplifier et assouplir les dispositifs de lissage pour tenir compte des revenus perçus par les artistes-auteurs (calcul des cotisations et des impositions) et leur permettre d’étaler leurs paiements.
  • Recommandation n°3 : Étendre le champ des activités accessoires et rehausser le nombre annuel des activités permises ainsi que le plafond des revenus associés, afin de mieux tenir compte des activités de l’auteur dans la cité.
  • Recommandation n°4 : Ouvrir le droit de vote à des élections professionnelles à tous les artistes-auteurs remplissant la condition de revenus (900 fois la valeur moyenne du SMIC horaire) au cours d’au moins une des quatre années écoulées ; dans un second temps, prévoir les modalités permettant d’associer aux élections les artistes-auteurs ne remplissant pas la condition de revenus mais pouvant être regardés comme professionnels au regard de critères objectifs, lorsqu’ils en font la demande.

Renforcer les artistes-auteurs collectivement

  • Recommandation n°5 : Organiser rapidement des élections professionnelles dans chaque secteur de création artistique afin de doter les artistes-auteurs d’organisations représentatives, financées par les organismes de gestion collective.
  • Recommandation n°6 : Généraliser les instances de médiation sectorielles et renforcer leur rôle en leur permettant d’intervenir pour dénouer des litiges individuels opposant des artistes-auteurs aux acteurs de l’aval (éditeurs, producteurs, diffuseurs).
  • Recommandation n°7 : Créer un Conseil national composé des représentants des artistes-auteurs, des organismes de gestion collective et des représentants des producteurs, éditeurs et diffuseurs, chargé de formuler des propositions et de conduire les négociations collectives sur tout sujet intéressant la condition des artistes-auteurs ainsi que leurs relations avec les exploitants des œuvres.
  • Recommandation n°8 : Renforcer la représentation des auteurs au sein du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) et étendre les missions de celui-ci à l’étude de la condition des artistes-auteurs.
  • Recommandation n°9 : Créer une délégation aux auteurs au ministère de la Culture en tant que point d’entrée unique, chargée de coordonner la politique des artistes-auteurs du ministère de la culture et de ses établissements publics, de piloter la concertation territoriale animée par les DRAC, de préparer les réformes concernant les artistes-auteurs et d’assurer le secrétariat du Conseil national des artistes-auteurs.
  • Recommandation n°10 : Organiser la concertation et la négociation collective en vue de parvenir, d’ici la fin 2021, à :
    · la détermination d’un taux de référence de rémunération proportionnelle pour les auteurs selon les secteurs,
    · la mise en place d’une transparence accrue sur les résultats de l’exploitation de leurs œuvres, en premier lieu sur le suivi des ventes,
    · l’introduction dans le code de la propriété intellectuelle d’un contrat de commande rémunérant en droits d’auteur le temps de travail lié à l’activité créatrice,
    · la diffusion des bonnes pratiques professionnelles, dans le sens d’un meilleur équilibre des relations entre les artistes-auteurs et l’aval de la création, ainsi que d’un encouragement à la diversité dans la création.
  • Recommandation n°11 : Créer un observatoire au sein du Conseil national des artistes-auteurs afin de mettre en œuvre un suivi statistique et qualitatif affiné et fiable.

Conforter l’artiste-auteur individuellement

  • Recommandation n°12 : Accroître par redéploiement la part des aides accordées directement aux artistes-auteurs dans l’ensemble des aides publiques allouées à la culture.
  • Recommandation n°13 : Préciser l’article L. 324-17 du CPI en prévoyant une part minimum des crédits d’action artistique culturelle devant être employée par les OGC en soutien direct des auteurs.
  • Recommandation n°14 : Faciliter l’accès aux règles applicables aux artistes-auteurs en créant un portail d’information géré par le ministère de la culture en liaison avec la direction de la sécurité sociale et le ministère de l’économie et des finances.
  • Recommandation n°15 : S’assurer que tous les organismes de sécurité sociale connaissent les règles applicables aux artistes-auteurs et disposent d’une personne ressource identifiée comme référent.
  • Recommandation n°16 : Généraliser sans délai le droit de représentation à l’ensemble des expositions temporaires dans les institutions publiques.
  • Recommandation n°17 : Instaurer de manière partenariale avec le CNL et la SOFIA une rémunération des auteurs de bande dessinée et littérature jeunesse, dans le cadre de leur participation à des salons et festivals.
  • Recommandation n°18 : Conditionner l’allocation d’aides publiques au respect des règles et bonnes pratiques relatives aux artistes-auteurs.
  • Recommandation n°19 : Identifier les facteurs d’inégalités parmi les artistes-auteurs, selon l’origine sociale, géographique ou le sexe, et mettre en place des mesures adaptées pour en neutraliser les effets.
  • Recommandation n°20 : Veiller à ce que les étudiants des établissements d’enseignement artistique bénéficient de formations relatives aux aspects juridiques, administratifs et commerciaux de leur future carrière.
  • Recommandation n°21 : Prévoir des dispositifs d’aides susceptibles d’accompagner les artistes-auteurs dans la durée et étudier en particulier, dans les secteurs où ce serait pertinent, la possibilité de mettre en place un système comparable aux commissioners des pays scandinaves.
  • Recommandation n°22 : Renforcer et multiplier les programmes d’échanges internationaux au bénéfice des artistes-auteurs, des critiques d’art, des commissaires d’exposition et des conservateurs.
  • Recommandation n°23 : Organiser une manifestation ou un cycle d’expositions d’ampleur nationale autour de la création contemporaine en France visant notamment à montrer sa vitalité et sa diversité territoriale.

Nous publierons dans les prochains jours une analyse plus détaillée de l’ensemble. D’ici là, les plus courageux peuvent se plonger dans cette sérieuse lecture :

Nous vous proposons de lire aussi le document que la Ligue a remis à la mission Bruno Racine. C’était un outil de travail, prévu pour être utilisé comme « boîte à outil » de réflexion. Il contient beaucoup de pistes, auxquelles nous continuerons de réfléchir dans les prochains mois. Rien n’est définitif, tout n’est que réflexion en cours, ce document a avant tout pour but d’ouvrir le champ du possible :

Nous tenons enfin à remercier monsieur Bruno Racine et tous les membres de la mission. Vous avez, ensemble, fait un travail formidable. Vous avez dû résister, nous le savons, à de nombreuses pressions. Votre constat est éminemment expert mais est aussi courageux dans ses prises de positions.

Nous espérons que dès aujourd’hui, le Ministère de la Culture ainsi que les Commissions culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat vont s’emparer de ce rapport. Nous sommes évidemment à la disposition des élus et des pouvoirs publics pour leur apporter de nouveau l’expertise technique, la connaissance du terrain et la force de proposition que nous avons apportées à la mission Bruno Racine.

Pour conclure, il est évident que le rapport Racine n’est pour nous qu’un départ. Si nous obtenons déjà le renforcement de la représentation professionnelle des artistes-auteurs, par la légitimité démocratique et les moyens financiers, la défense des artistes-auteurs ne pourra qu’en sortir grandie.

Mais, surtout, il va falloir maintenant que ce rapport soit suivi de faits, de concret. Il doit s’incarner maintenant dans la loi, mais surtout dans nos réalités d’artistes-auteurs. Cela fait des décennies qu’aucune grande décision politique pour protéger les créateurs et créatrices n’a été prise en France. Pourtant l’urgence est là, il faut sauver les artistes-auteurs !

Monsieur le ministre de la Culture, nous savons que vous allez subir de très nombreuses pressions pour que rien ne change. Deux choix s’offrent à vous. Vous pouvez, en effet, décider de ne pas faire pas grand chose, comme tant d’autres avant vous. Vous pouvez, au contraire, prendre la mesure des enjeux et décider qu’il est temps de mieux protéger les artistes-auteurs. Mais, ayez-en bien conscience, c’est une bonne partie de l’avenir culturel de la France que vous tenez entre vos mains.

Notes

Lettre ouverte au président du SNE

Monsieur le président du Syndicat national de l’édition,

Lors de votre discours de présentation des vœux du SNE, vous vous êtes prononcé contre le fait que le gouvernement légifère sur la protection des auteurs.

Afin de garantir la bonne santé du secteur du livre, il serait donc nécessaire de conserver les choses en l’état actuel – à savoir le maintien des auteurs dans la précarité qui est actuellement la leur.

Ce message est faux, inacceptable et uniquement bâti sur la défense des intérêts économiques des entreprises que vous représentez. Faux car certaines maisons d’édition agissent dans le respect de leurs auteurs sans que cela ne nuise à leur croissance. Inacceptable car la grande majorité des autres maisons d’édition tirent largement profit de la précarité de leurs auteurs, alors même que ces derniers sont à l’origine de l’ensemble de leurs publications :

  • Un quart des auteurs ne perçoit aucun à-valoir.
  • 30% des auteurs touchent moins de 3000 euros d’à-valoir.
  • Les droits d’auteurs moyens sont de 7,2 % pour l’ensemble du secteur, 5,2% en jeunesse, 3% lorsqu’il y a un co-auteur.
  • 41 % des auteurs professionnels affiliés vivent avec moins que le SMIC.
  • 60 % des auteurs doivent encore réclamer leurs relevés de droits.
  • 52 % des auteurs n’ont jamais reçu de droits lorsque leurs œuvres ont été exploitées à l’étranger
  • 24 % des auteurs ont eu connaissance de traductions de leurs livres à l’étranger sans en avoir été informés au préalable par leur éditeur.1

Dans la Bande Dessinée, dont on s’apprête à fêter l’année :

  • 53 % des auteurs de BD professionnels vivent avec moins que le SMIC.
  • 50 % des autrices de BD professionnelles vivent sous le seuil de pauvreté.
  • 88% des auteurs de BD n’ont jamais bénéficié d’un congé maladie.
  • 81% des auteurs de BD n’ont jamais bénéficié d’un congé maternité, paternité ou adoption.2

Par ailleurs, le SNE fait état d’un chiffre d’affaires annuel de 2 670 000 000 € (deux milliards six cent soixante-dix millions d’euros) en 2018. Un secteur de poids dans les industries créatives, qu’il est indécent de qualifier de fragile au regard de la précarité galopante de celles et ceux qui sont à l’origine de cette vitalité économique et culturelle tant louée.

La crise sociale et économique que traversent les auteurs et autrices est directement imputable à la politique de maisons d’édition désireuses de maintenir une situation d’exploitation des créateurs plutôt qu’un réel partenariat liant auteurs et éditeurs.

Si le Syndicat National de l’édition prétend représenter les intérêts de l’édition au sens large, quelles mesures concrètes le syndicat a-t-il pris pour lutter contre la destruction des métiers de ceux et celles qui créent les livres ? Aucune.

Par ailleurs, en d’autres circonstances, le SNE a mené des actions de lobbying fortes pour la réglementation du secteur, quand il s’est agi du “droit d’auteur” au niveau européen dont les exploitants des œuvres sont les premiers bénéficiaires, ou encore du prix unique du livre qui a été de fait une mesure de régulation vous offrant un puissant pouvoir dans la chaîne du livre.

Votre discours a néanmoins le mérite de donner une réponse claire aux nombreuses revendications des organisations professionnelles d’auteurs : votre refus de l’idée que l’État joue son rôle de régulateur quand il s’agit de sauver nos métiers. Cette rupture du dialogue social met au jour les véritables intérêts en jeu. Il est d’autant plus urgent que les pouvoirs publics légifèrent pour protéger davantage les créateurs et créatrices et leur donner enfin un cadre de travail digne.

Les auteurs ont raison d’attendre avec impatience le rapport Racine. Si vous vous opposez par avance et avec une telle force à ses propositions aux législateurs, c’est que ce rapport pourrait bien contenir enfin les mesures de régulation que nous attendons.

Et s’il advenait que le rapport Racine soit amputé de mesures régulatrices, nous saurions que des pressions auront été exercées. La crise sociale, économique et administrative dans laquelle se trouvent nos populations professionnelles est sans précédent. L’heure est à la régulation pour davantage d’équilibre.

Le temps d’un dialogue social encadré par l’État et d’une politique volontariste en faveur des auteurs et autrices est venu. C’est l’avenir de la culture française qui se joue aujourd’hui.

Dessin de Coliandre
Dessin de Coliandre

Notes

L’édition a définitivement du mal avec ses travailleurs

« exclure de l’Agessa les directeurs de collection […] c’est surtout la volonté affirmée d’inscrire l’édition dans la logique (ou plutôt l’absurdité) générale de la production commerciale et de l’entreprise. »

Voici l’étrange conclusion d’une tribune publiée dans le Monde du 19 décembre1. Celles que le Ministère de la Culture appelle « les industries culturelles » ne seraient en fait pas des entreprises ? Elles ne feraient pas non plus de commerce ? Il faudrait donc croire que l’édition n’est que liberté, poésie et création ? Qu’on n’y parle jamais d’argent, de fusion-acquisition ou de cotisations sociales ?

Pourtant, c’est bien ce dernier sujet qui a mis le feu aux poudres. En effet, l’Agessa, en charge de la sécurité sociale des auteurs, a mis fin à une dérive qui avait consisté pour les maisons d’édition à rémunérer de plus en plus de directeurs de collection en « droits d’auteur ». Face à cette décision, le SNE, Syndicat National de l’Édition, qui représente les grands groupes d’édition, fort d’un chiffre d’affaire de 2,5 milliards d’euros annuel, avait saisi le Conseil d’État pour faire casser cette décision. Mal lui en a pris, puisque la plus haute cour de justice administrative a confirmé la légitimité de ce rappel à l’ordre du Code du travail2.

Mais pourquoi les maisons d’édition s’étaient-elles crues autorisées à payer en droits d’auteur ce travail de directeur de collection ?  La tribune du Monde nous dit qu’un « directeur de collection est un éditeur qui, par son goût personnel, donne aux livres qu’il sollicite auprès des auteurs contactés (aguerris ou débutants) une couleur particulière. » En quoi cette couleur particulière est-elle une contribution d’auteur ? N’est-ce pas le rôle même d’une maison d’édition de choisir des livres en fonction de ses goûts, de cette couleur particulière ? Créer une collection autour d’une idée forte, c’est une création, sans aucun doute. Mais le droit d’auteur ne protège pas les idées3, seules le sont les œuvres réalisées. De même, le droit d’auteur ne protège pas les interventions techniques4 sur une œuvre. Rémunérer en droits d’auteur un éditeur nécessiterait donc de considérer qu’en inventant sa collection, le directeur de collection est de fait co-auteur des livres qu’il y publie. S’il on suit ce raisonnement, l’éditeur devrait donc apparaître à ce titre sur les contrats d’édition ou les couvertures des ouvrages. Mais le SNE lui-même n’a jamais osé aller aussi loin, car il sait très bien que ce serait un abus manifeste, une atteinte aux droits moraux et patrimoniaux des auteurs sur leur œuvre. Surtout, le SNE sait très bien que ce serait une attaque sans précédent contre le droit d’auteur tel que défendu par le Code de la propriété intellectuelle.

Reste une possibilité, une exception dans certains cas qui n’aurait jamais dû devenir une règle pour de nombreux travailleurs de l’édition. En dehors du « pur » droit d’auteur tiré de l’exploitation de leurs œuvres, les auteurs et autrices peuvent aussi toucher des revenus dit « accessoires » sous le même régime social et fiscal. La circulaire de 2011 en définit la courte liste et les montants maximum5. La philosophie derrière les revenus accessoires est de permettre à des auteurs et autrices de ne pas multiplier les régimes et d’asseoir leur métier dans le temps, avec un même mode de rémunération. Il paraît très légitime, sur ce principe, qu’un auteur, puisse déclarer ses revenus de direction littéraire en « connexes » tant qu’ils restent dans des proportions raisonnables et que son statut d’auteur est clairement identifié6. Cette position est défendue par la Ligue des auteurs professionnels dans les négociations actuelles sur les revenus « connexes »7, sachant qu’elle a proposé en parallèle un modèle de statut professionnel à la Mission Bruno Racine8.

Quelle était la réalité des pratiques de l’édition ? De plus en plus souvent, les directeurs de collection étaient payés en droits d’auteur alors qu’ils étaient surtout, voire uniquement, éditeurs. Pourquoi, alors, les maisons d’éditions ne les employaient-ils pas en tant que salariés ? Surtout quand ils travaillaient pour elles l’équivalent d’un mi-temps, voire bien plus ? Et qu’il y avait un lien de subordination avéré ? La raison principale est loin d’être reluisante : parce que cela a beaucoup plus d’avantages pour l’employeur de faire travailler un auteur plutôt qu’un salarié.

Un auteur ne signe pas de contrat de travail, et n’est pas du tout protégé par le droit du travail. Il est donc, entre autres, « licenciable » sans autre forme de procès. Ensuite, économiquement, il n’y a aucune rémunération minimum qui s’applique, aucun SMIC horaire. Enfin, socialement, l’employeur ne doit s’acquitter que de 1.1% de « cotisation diffuseur », bien que la loi de 1975 qui avait créé le régime de sécurité sociale des auteurs ait prévu originellement que cette contribution devait compenser l’équivalent des cotisations patronales salariales9.

Que fera un patron, si on lui offre le choix entre embaucher en CDI et payer entre 25 % à 42 % de charges et ne pas avoir à embaucher et ne payer que 1% de charges ? 10 On comprend que le SNE défende bec et ongles cette liberté de choix…

Les dérives autour de la rémunération des directeurs de collection sont le symptôme de l’ubérisation du secteur de l’édition. Le prix de la pseudo-indépendance des travailleurs de l’édition se traduit le plus souvent par des travailleurs précaires, corvéables à merci, qu‘on remercie au premier mot de travers ou soubresaut économique. Cela se traduit par l’absence de droit au chômage, par une incertitude majeure sur son avenir, par des carrières discontinues et par des pensions de retraite misérables à la fin…

Tout cela, les auteurs et autrices aujourd’hui ne le connaissent que trop bien. C’est ce qui fait d’eux des travailleurs ultra-précaires. Et on voudrait nous faire croire qu’il faudrait se battre pour que les directeurs de collections accèdent à ce statut catastrophique ? Tout cela pour que les maisons d’édition fassent des économies ? Pour qu’elles puissent continuer à produire au plus bas coût possible toujours plus de livres ?

Ce que demandent aujourd’hui les auteurs à leurs maisons d’édition ce n’est pas qu’elles étendent à leur personnel la précarité propre aux auteurs et aux autrices. Au contraire, dans leur situation complexe, les auteurs et autrices ont besoin d’avoir en face d’eux des interlocuteurs fiables, protégés, stables, disponibles, non surchargés de travail. Beaucoup d’auteurs croient encore au rôle des éditeurs et à tout ce qu’ils peuvent apporter aux livres. Au lieu de chercher en permanence à faire des économies sur tout le monde, il y a vraiment urgence à ce que les maisons d’édition donnent les moyens à leurs employés de bien travailler.

Aujourd’hui, les directeurs et directrices de collection qui ne sont pas auteurs sont donc dans un flou total : que va-t-il advenir de leurs contrats, qui sont, de fait, illégaux ? La responsabilité de cette insécurité juridique incombe à leurs employeurs. Il est indispensable que tous ceux qui travaillent exclusivement pour une maison d’édition puissent obtenir un contrat de travail de celle-ci.  Il est indispensable que les autres, qui vont devenir indépendants, obtiennent une hausse de rémunération leur permettant de couvrir complètement celle de leurs cotisations sociales. Si ce n’était pas le cas, nous ne pouvons que leur conseiller de s’organiser collectivement. Ils nous trouveront à leurs côtés pour les défendre.

Vive les directeurs et les directrices de collection !

Notes

1« Qu’est-ce qu’un directeur de collection ? », tribune de René de Ceccatty, écrivain, traducteur et directeur de collection. Parue dans Le Monde du 18 décembre 2019
Cf. https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/12/18/livres-qu-est-ce-qu-un-directeur-de-collection_6023307_3232.html

2Conseil d’État, 21 octobre 2019, décision n° 424779
Cf. https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2019-10-21/424779

3Cour de cassation, Chambre civile 1, 22 juin 2017, 14-20.310 : « les idées étant de libre parcours »
Cf. https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000035004808

4Cour de cassation, Chambre civile 1, 29 mars 1989, 87-14.895 : « la cour d’appel l’a débouté de cette prétention au motif que sa “prestation personnelle” constituait “la mise en œuvre d’une technique” et non la création intellectuelle »
Cf. https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007088008

5Cf. http://circulaires.legifrance.gouv.fr/pdf/2011/02/cir_32606.pdf

6Les craintes de la Direction de la Sécurité Sociale d’une nouvelle dérive sont néanmoins réelles. C’est une des nombreuses raisons qui font que la Ligue des auteurs professionnels pense qu’il est crucial de construire un statut professionnel de l’auteur permettant d’encadrer leurs activités créatives sans pour autant venir en contradiction du droit du travail.

7Dans le cadre des négociations actuelles, la question du périmètre des revenus connexes se pose, et doit donc être délimité de sorte à se conformer à la réalité des pratiques créatives, sans que le droit d’auteur ne soit un outil de contournement des cotisations sociales des employeurs.

8Cf. https://ligue.auteurs.pro/2019/07/25/la-ligue-remet-les-resultats-de-ses-travaux-a-la-mission-racine/

9Loi n° 75-1348 du 31 décembre 1975, article III :« Le financement des charges incombant aux employeurs au titre des assurances sociales et des prestations familiales est assuré par le versement d’une contribution par toute personne physique ou morale, y compris l’État et les autres collectivités publiques, qui procède, à titre principal ou à titre accessoire, à la diffusion ou à l’exploitation commerciale d’œuvres originales relevant des arts visés par le présent titre. Cette contribution est calculée selon un barème tenant compte notamment du chiffre d’affaires réalise par ces personnes à raison de la diffusion ou de l’exploitation commerciale des œuvres des auteurs, vivants ou morts, ou de la rémunération versée à l’auteur lorsque l’œuvre n’est pas vendue au public.
Elle est recouvrée comme en matière de sécurité sociale par l’intermédiaire d’organismes agréés par l’autorité administrative qui assument, en matière d’affiliation, les obligations de l’employeur à l’égard de la sécurité sociale. Conformément aux dispositions du paragraphe VI ci-dessous, cette contribution permet de financer les dépenses du régime qui ne sont pas couvertes par les cotisations des personnes mentionnées à l’article L. 613-1. »
Cf. https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000889242&pageCourante=00188

10Les directeurs de collections ne sont pas les seuls concernés par ces abus. Par exemple, correcteurs, correctrices et journalistes luttent de longue date contre ces pratiques qui détruisent leurs droits sociaux.
Cf. https://www.actualitte.com/article/monde-edition/les-editions-berger-levrault-condamnees-par-les-prud-hommes/69046