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Décret du 28 août 2020 : décryptage

Le décret n° 2020-1095 publié le 28 août 2020 était attendu depuis près de 7 ans par l’ensemble des artistes-auteurs. Présenté comme le véhicule législatif venant mettre en application les préconisations du rapport Bruno Racine, force est d’admettre qu’il mélange de nombreux sujets, et autant d’avancées attendues que de reculs catastrophiques pour notre profession. La Ligue des auteurs professionnels vous propose un décryptage pointu sur la partie du décret consacrée au champ du régime des artistes-auteurs. Nous reviendrons plus tard sur les enjeux autour de la gouvernance du régime, qui doivent trouver des réponses dans un cycle de réunions de travail sur la notion de “représentativité” avec le ministère de la culture et le ministère du travail.

UNE NOUVELLE DÉFINITION DES ACTIVITÉS ARTISTIQUES

Concernant les activités artistiques, le décret intègre désormais de nouvelles pratiques créatives dans le champ du régime.

Une ouverture du champ du régime. Notre régime social affiche une contradiction avec l’esprit du Code de la propriété intellectuelle qui vise une liste non exhaustive d’activités littéraires et artistiques. La notion “artiste-auteur” issue du Code de la sécurité sociale (v. notre vidéo illustrée) limite des activités protégées. Il en résulte que nombreux auteurs et autrices protégés en droit d’auteur sont exclus du régime artistes-auteurs.

La conservation de branches sectorielles n’a aucun sens du point de vue de la sécurité sociale. Si le régime s’élargit, il compte toujours ses cinq branches sectorielles très critiquables. Ces branches renvoyant aux secteurs de l’économie de la culture fixent la liste des auteurs et autrices susceptibles d’être rattachés au régime. Le régime conserve donc son ancienne approche : on ne part pas des individus qui créent des œuvres, mais des secteurs de diffusion des œuvres. Une telle structuration n’a aucun fondement juridique et divise des artistes-auteurs pourtant liés par des problématiques sociales communes : maladie, naissance, mariage, décès, etc.

La branche des arts graphiques et plastiques connaît des évolutions. Elle ne fait plus référence aux articles restrictifs du Code général des impôts, mais vise de manière plus large les auteurs d’œuvres originales, graphiques ou plastiques, les auteurs de scénographies de spectacles vivants, d’expositions ou d’espaces et les auteurs d’œuvres du design pour leurs activités relatives à la création de modèles originaux.

La branche du cinéma et de l’audiovisuel qui visait seulement les auteurs d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles accueillera désormais les auteurs de traductions, de sous-titres ou des audiodescriptions.

La prise en compte de nouveaux revenus principaux et accessoires

Avant la réforme. Pour rappel, une circulaire de 2011 précisait l’ensemble des revenus principaux et accessoires soumis aux cotisations sociales du régime des artistes-auteurs. Le décret apporte de nouvelles règles. Antérieurement au décret, étaient considérés comme revenus principaux : les droits d’auteurs versés en contrepartie d’un contrat de cession et la rémunération tirée d’une vente de l’oeuvre.

Du côté des “revenus accessoires”, la circulaire visait les revenus rattachés de manière dérogatoire au régime artistes-auteurs, pour des activités qu’on estimait entrer dans le champ de leur activité professionnelle : rencontres publiques, débats, cours et interventions scolaires… Ces rémunérations accessoires n’étaient prises en compte que pour les affiliés et la circulaire était si technique qu’elle avait parfois du mal à s’appliquer.

Le décret introduit deux nouveaux articles au sein du Code de la sécurité sociale. L’article R. 382-1-1 traite des revenus principaux et l’article R. 382-1-2 traite des revenus accessoires.

Les revenus principaux

Constituent, selon l’article R. 382-1-1 du Code de la sécurité sociale, des revenus principaux, les rémunérations versées “en contrepartie de la conception ou de la création, de l’utilisation ou de la diffusion d’une œuvre” dès lors que l’activité n’est pas salariée. Tel est le cas des revenus suivants :

1) La vente ou la location d’œuvres y compris les recettes issues de la recherche de financement participatif en contrepartie d’une œuvre de valeur équivalente ;

Les rémunérations tirées des ventes et locations étaient déjà prises en compte, en revanche, les recettes issues de la recherche de financement n’étaient pas visées par la circulaire de 2011 et laissaient planer un doute quant à leur prise en compte. Désormais, elles sont expressément visées par le Code de la sécurité sociale.

2) La vente d’exemplaires de son œuvre par l’artiste-auteur qui en assure lui-même la reproduction ou la diffusion, ou lorsqu’il est lié à un diffuseur par un contrat à compte d’auteur ou par un contrat à compte à demi ;

Autrement dit les auteurs et autrices auto-édités, les auteurs et autrices signant à compte d’auteur ou à compte à demi entreront enfin dans le régime et pourront enfin cotiser comme les auteurs et autrices édités à compte d’éditeur. Ils pourront déclarer les revenus tirés des produits dérivés de leurs oeuvres, ce qui constitue une avancée assez inédite.

3) L’exercice ou la cession de droits d’auteurs ;

Les droits d’auteur sont les rémunérations issues de la cession des droits étaient déjà des revenus artistiques principaux, le décret ne change rien sur ce point.

4) L’attribution de bourse de recherche, de création ou de production avec pour objet unique la conception, la réalisation d’une œuvre ou la réalisation d’une exposition, la participation à un concours ou la réponse à des commandes et appels à projets publics ou privés ;

La circulaire de 2011 prévoyait déjà que les bourses entrent dans le revenu artistique quand elles ont pour objet unique la conception, la réalisation d’une œuvre ou la réalisation d’une exposition. Elle visait aussi les sommes perçues en contrepartie de réponses à des commandes et appels à projets publics ou privés. La nouveauté est que ces rémunérations sont maintenant visées par le Code de la sécurité sociale au même titre que les droits d’auteur précédemment envisagés. Leur qualification ne fait plus de doute.

5) Les résidences de conception ou de production d’œuvres, dans les conditions fixées par arrêté pris par le ministre chargé de la culture et le ministre chargé de la sécurité sociale ;

La circulaire de 2011 prévoyait que ces rémunérations entrent dans le champ des revenus artistiques si le temps consacré à la conception/réalisation de l’œuvre est ≥ à 70% du temps de la résidence et si un contrat énonce l’ensemble des activités réalisées par l’artiste-auteur ainsi que le temps consacré à chaque activité. Puisqu’ici, l’item n° 5 fait référence aux “conditions fixées par arrêté”, il faudra interpréter le texte à la lumière dudit arrêté, même s’il y a tout lieu de penser que la règle précédente soit à nouveau celle qui sera appliquée par voie d’arrêté.

6) La lecture publique de son œuvre, la présentation d’une ou plusieurs de ses œuvres, la présentation de son processus de création lors de rencontres publiques et débats ou une activité de dédicace assortie de la création d’une œuvre ;

La circulaire de 2011 prévoyait une disposition bien délicate à appliquer puisqu’elle prévoyait que les revenus étaient principaux lorsqu’ils provenaient de : la lecture publique d’une œuvre, assortie d’une présentation orale/écrite, à l’exclusion des participations de l’auteur à des débats ou à des rencontres publiques portant sur une thématique abordée par l’auteur dans l’une de ses œuvres, des conférences, ateliers, cours et autres enseignements. Désormais, les participations rémunérées des auteurs et autrices aux rencontres publiques, dès lors qu’ils y présenteront leur processus de création, seront prises en compte.

Autre remarque, il est prévu dans le décret que les rémunérations tirées des activités de dédicace seront aussi concernées si elles sont assorties “de la création d’une œuvre”. C’est le cas des dédicaces illustrées qui a été pensé ici, mais le renvoi à “la création d’une œuvre” laisse place à d’autres interprétations : si l’auteur écrit un court poème en guise de dédicace ou réalise une esquisse, alors le régime s’appliquera à la rémunération qu’il aura touchée. Plus largement, on pourra présager une quasi-impossibilité d’exercer un contrôle sur des ouvrages dédicacés qui sont, de fait, voués à être possédés par leurs lecteurs… Autrement dit, si l’auteur et l’autrice ne réalisent pas de dédicaces “créatives” et sont rémunérées, rien ne les empêchera de déclarer ces revenus au titre de leurs rémunérations principales.

7) La remise d’un prix ou d’une récompense pour son œuvre ;

Les prix et récompenses d’une œuvre n’étaient pas visés par la circulaire de 2011 alors même que leur lien principal avec l’activité de création ne faisait aucun doute. Le Code de la sécurité sociale y fait maintenant référence.

8) Un travail de sélection ou de présélection en vue de l’attribution d’un prix ou d’une récompense à un artiste-auteur pour une ou plusieurs de ses œuvres ;

Les rémunérations tirées d’une activité de jury en vue de l’attribution d’un prix relevant de votre activité principale, elles sont maintenant visées par le Code de la sécurité sociale.

9) La conception et l’animation d’une collection éditoriale originale.

Le décret intègre des directeurs de collection de façon claire, sans condition qu’ils sont également artistes-auteurs, alors même qu’ils ne sont pas à proprement parler à l’origine d’une œuvre de l’esprit. Il y a lieu de douter de la possibilité de leur verser des droits d’auteur (lesquels sont la contrepartie de la cession de droits). Le Code de la sécurité sociale vient donc mettre en place une fiction juridique qui pourrait être à l’abri de la critique sur la forme si elle ne laissait pas la porte à de nombreuses entorses au droit du travail… Rappelons en effet que des décisions du Conseil d’État et de la Cour de cassation, nos deux plus hautes juridictions suprêmes ont posé que si le directeur de collection exerçait une activité sous les ordres et directives d’une maison d’édition, il était tout à fait possible de caractériser entre eux un lien de subordination requalifiant ainsi le contrat en contrat de travail ! Cette fiction juridique n’empêchera donc absolument par l’Urssaf de procéder à un contrôle et pourquoi pas… à un redressement !

Les revenus accessoires

La prise en compte des revenus accessoires est faite sous réserve que les artistes-auteurs et artistes-autrices justifient de l’existence de revenus principaux sur l’année en cours ou une des deux années précédant l’année en cours. Les revenus accessoires sont intégrés à l’assiette des revenus dans la limite de 12 180 €. Avant le décret, le plafond était fixé à 80% du seuil d’affiliation (soit 7 308 € en 2020).

Constituent des revenus accessoires, les revenus provenant :

1) Des cours donnés dans l’atelier ou le studio de l’artiste-auteur, d’ateliers artistiques ou d’écriture et de la transmission du savoir de l’artiste-auteur à ses pairs :

Avant, la circulaire de 2011 considérait comme revenus accessoires les revenus provenant des cours donnés dans l’atelier ou le studio de l’artiste auteur, ainsi que ceux provenant d’ateliers, “dans la limite de 3 ateliers par an (1 atelier valant 5 séances d’une journée maximum)”. Le texte prévoyait aussi des exceptions qui rendaient l’application du texte plus compliquée : par exemple, pour les ateliers réalisés auprès d’organismes spéciaux (écoles primaires, collèges, lycées, universités, hôpitaux, prisons, etc.) la limite était portée à ateliers par an… En somme, le décret procède sur ce point à un vrai toilettage et rendra l’application de l’article R. 382-2-1 du Code de la sécurité sociale plus simple.

On pourra également admettre la qualification de revenus accessoires pour ceux tirés de consultations lorsque l’artiste-auteur renseignera ses pairs sur certains aspects de l’activité artistique et, pourquoi pas, les droits sociaux et fiscaux attachés au statut d’artiste-auteur.

2) De sa participation à des rencontres publiques et débats entrant dans le champ d’activité de l’artiste-auteur dès lors qu’il n’y réalise pas l’une des activités mentionnées au 6° de l’article R. 382-1-1 ;

La circulaire de 2011 prévoyait initialement que les seules “rencontres publiques et débats en lien direct avec l’œuvre de l’artiste auteur” entraient dans la catégorie des revenus accessoires. Or, dorénavant ces revenus intégreront les revenus principaux (v. infra, art. R. 382-2-1, n°6).

Il conviendra à partir de 2021 de faire la différence entre, d’une part, les rencontres publiques qui ne donnent lieu à aucune lecture, aucune présentation de l’œuvre ou de son processus créatif, aucune dédicace créative et, d’autre part, les rencontres publiques qui donnent lieu à une lecture ou une présentation de l’œuvre ou une dédicace créative…

Les premières seront des revenus accessoires et les secondes des revenus principaux. Nous formulons donc une crainte c’est que la frontière entre les deux ne soit pas trop fine et que les artistes-auteurs et autrices s’y retrouvent en pratique…

3) Des participations à la conception, au développement ou à la mise en forme de l’œuvre d’un autre artiste-auteur qui ne constituent pas un acte de création originale au sens du livre I du code de la propriété intellectuelle ;

La circulaire de 2011 visait “les participations ponctuelles, dans la limite admise de 4 par an, à la conception ou à la mise en forme de l’œuvre d’un autre artiste plasticien”. Fréquemment, il arrive en effet que des artistes-auteurs fassent appel à d’autres artistes-auteurs pour les aider à procéder à l’installation d’une œuvre ou à la mise en forme d’une performance, sans pour autant que les “aidants” soient en mesure de revendiquer un droit d’auteur sur la création. À ce moment-là, les revenus tirés par “l’aidant” pouvaient intégrer l’assiette des revenus accessoires.

Ces participations sont interprétées plus largement et incluent finalement toutes les interventions extérieures de tiers au moment de la conception de l’œuvre dès lors qu’elles n’impliquent pas un acte de création original. La rémunération ainsi versée sera qualifiée de revenu accessoire. À titre d’exemple, le recours aux consultants et aux scripts-docteurs est fréquent dans le secteur audiovisuel. Si leur intervention donne lieu à une réécriture complète du scénario teintant ce dernier de leur personnalité, la qualification juridique de la rémunération pourra être soulevée.

4) De la représentation par l’artiste-auteur de son champ professionnel dans les instances de gouvernance mentionnées au sixième alinéa de l’article L. 382-1 du présent code et à l’article R. 6331-64 du Code du travail.

Enfin, nouveauté du décret, les indemnités liées à l’occupation d’un siège par l’artiste-auteur ou par une artiste-autrice donneront lieu à la qualification de revenus accessoires.

La non-remise du certificat de précompte sanctionnée

Qu’est-ce que le précompte ? Le précompte et la dispense de précompte sont des conséquences très concrètes de la déclaration sociale des revenus tirés de l’activité de l’artiste-auteur.

Lorsque l’auteur et l’autrice déclarent leurs revenus en bénéfices non commerciaux, ils sont dispensés de précompte.
Pour en attester auprès de leurs diffuseurs, ils seront munis d’un certificat administratif qu’il conviendra alors de présenter aux clients. Les diffuseurs devront procéder au calcul de leurs cotisations “diffuseurs” et s’en acquitter auprès de l’Urssaf compétent.

Lorsque les auteurs et autrices déclarent fiscalement leurs revenus en traitements et salaires, les tiers qui les paient (diffuseurs ou exploitants) précomptent les cotisations sociales et les reversent directement à l’Urssaf.
Autrement dit, au moment de rémunérer les auteurs et autrices, les diffuseurs de leurs œuvres auront à calculer le coût social de la rémunération versée à l’auteur. Ils détermineront alors la part “auteur” et la part “diffuseur” et procéderont au paiement des sommes auprès de l’Urssaf. Selon un arrêté, lorsque le diffuseur précompte, il “remet” à l’artiste-auteur un certificat de précompte et il en “conserve” un double. Mais, la règle est peu respectée en pratique !

Pourtant ce précompte constitue un document essentiel : il permet de faire valoir des droits à la retraite et il permet d’attester que l’obligation de cotiser socialement au régime est respectée.

Dorénavant, le Code de la sécurité sociale prévoit que le défaut de production du certificat de précompte par le diffuseur entraîne l’application d’une pénalité égale à 155 euros par certificat de précompte non remis, ce qui devrait créer de nouveaux usages et inviter les diffuseurs à plus de rigueur !

Réductions de cotisations 2020, on vous explique tout !

Le Décret n° 2020-1103 sur les réductions de cotisations des artistes-auteurs affectés par la crise sanitaire vient de paraître. Il précise les conditions de mise en oeuvre de la mesure de soutien promise par le président de la République.

Pour rappel, la loi du 30 juillet 2020 prévoit que seuls les artistes-auteurs dont le revenu artistique en 2019 est supérieur ou égal à 3 000 € bénéficient d’une réduction des cotisations sociales redevables au titre de l’année 2020. Ce plancher a été dénoncé par la Ligue et d’autres organisations professionnelles : il prive les auteurs et autrices les plus précaires d’une réduction de cotisations sociales pourtant promise par le président de la République.

La loi fixait une réduction de cotisations d’au moins 500 € évoluant selon que le montant du revenu artistique 2019. Ce décret était donc très attendu puisqu’il détermine les montants précis de réductions accordées aux artistes-auteurs et artistes-autrices.

Les réductions augmentent progressivement selon des seuils :

  • 500 € pour les artistes-auteurs dont le revenu artistique 2019 est supérieur ou égal à 3 000 € et inférieur ou égal à 8120 €.
  • 1 000 € pour les artistes-auteurs dont le revenu artistique 2019 est strictement supérieur à 8120 € et inférieur ou égal à 20 300 €.
  • 2 000 € pour les artistes-auteurs dont le revenu artistique 2019 est strictement supérieur à 20 300 €.

Les artistes-auteurs et artistes-autrices qui débutent leur activité en 2020 sont aussi visés par le décret qui prévoit que le montant pris en compte pour déterminer le montant forfaitaire est le revenu artistique de l’année 2020, une fois ce dernier définitivement connu.

Deux modalités sont à connaître :

  • Pour les artistes-auteurs dont les revenus sont déclarés en BNC et qui sont dispensés de précompte, cette réduction s’applique via les acomptes provisionnels des cotisations calculés au titre de l’année 2020. Vous pouvez dès à présent moduler vos cotisations à la baisse en fonction de votre tranche, dans votre espace artistes-auteurs de l’Urssaf (si votre compte fonctionne…)
  • Pour les artistes-auteurs dont les revenus sont déclarés en traitements et salaires et ont fait l’objet d’un précompte, le montant correspondant à cette réduction sera versé, dans la limite des cotisations dues au titre de l’année 2020, par l’Urssaf Limousin lorsque le revenu de l’année 2020 sera connu. Autrement dit, cette catégorie d’artistes-auteurs et d’artistes-autrices se retrouvera une nouvelle fois lésée, puisque la réduction de cotisations sera bien plus tardive, sans que nous ayons à ce jour une date connue pour ce versement.

La réduction de cotisations est cumulable avec l’aide financière de l’État, mais elle n’a aucune conséquence sur l’ouverture des prestations sociales, qui sont évidemment maintenues.

La Ligue déplore que ce décret entre en complète contradiction avec les engagements du président de la République. Ce dernier avait annoncé une exonération des cotisations sociales, non pas une réduction. Jamais il n’avait été sous-entendu que cette dernière exclurait une partie des artistes-auteurs et artistes-autrices. Nous sommes la seule profession pour laquelle un tel système comprenant de lourds effets de seuil a été mise en place. De plus, une partie des artistes-auteurs ne verra ce soutien que dans un temps différé, encore inconnu à ce jour. Les nombreux dysfonctionnements vécus par les artistes-auteurs dans la transition entre l’Agessa/Mda et l’Urssaf Limousin présagent encore une mesure qui peine à atteindre son objectif : aider les créateurs et créatrices de ce pays.

Document : “L’impossible dialogue social” de la Guilde des scénaristes

La Guilde Française des Scénaristes publie un remarquable document, qui fera date dans l’histoire de la défense des artistes-auteurs et autrices. Pourquoi toutes les tentatives pour obtenir un véritable statut pour les artistes-auteurs échouent ? Pourquoi le scandale des retraites a-t-il été passé sous silence ? Pourquoi le rapport Racine a été enterré ? Pourquoi les pouvoirs publics sont si inactifs face aux dysfonctionnements de notre protection sociale, aussi bien le régime que les conditions de travail ?

Un mot clef qui éclaire toutes nos problématiques : représentativité.

L’absence de liberté syndicale et d’une représentativité légale et démocratique des artistes-auteurs nous empêche d’acquérir enfin des droits comme n’importe quel citoyen de ce pays.

Cet argumentaire juridique extrêmement pointu dresse un bilan précis et sans fard de notre écosystème, sans édulcorer la responsabilité de l’État dans cette cacophonie. Ce qui s’applique à l’audiovisuel s’applique en grande partie à l’univers du livre – où l’on peut dire que jusqu’ici, notre représentativité a été confisquée par divers acteurs, dont d’ailleurs le syndicat des éditeurs.

Lisez “L’impossible dialogue social”. Partagez-le. Envoyez-le à vos parlementaires. La France bafoue ses engagements les plus élémentaires pour nos professions créatives.

À 10 jours du début des nouvelles concertation avec le ministère de la culture sur la thématique de la “représentativité”, nous vous invitons à être le plus informés possibles sur les enjeux en cours. Après le récent décret qui confisque une nouvelle fois la gouvernance de notre régime, il est essentiel d’enfin traiter du sujet en profondeur, sous l’angle des droits fondamentaux des citoyens de ce pays.

La constitution de 1946 débute en rappelant que « au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. »

Immédiatement après cet énoncé, ce même préambule « proclame, en outre, comme particulièrement nécessaires à notre temps » un certain nombre de « principes politiques, économiques et sociaux ». Parmi ces derniers, on trouve à l’alinéa 6 le fait que : « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix. »

Chroniques juridiques de la Ligue n°1 : protection de l’œuvre

La Ligue des auteurs professionnels inaugure une nouvelle rubrique : ses chroniques juridiques ! Nous effectuons une veille juridique constante sur des jurisprudences concernant les droits des auteurs et autrices. L’occasion pour nous de commenter certaines affaires et de rappeler des règles d’or en matière de droit, afin de mieux vous orienter dans l’écosystème éditorial. C’est parti pour le 1er épisode !

Chroniques juridiques la Ligue

Épisode 1

Protection de l’œuvre

Une œuvre est protégée,
peu importe le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.

(Temps de lecture 5 minutes)

 

Une maison d’édition a édité un ouvrage reproduisant une cinquantaine de photographies d’architecture réalisées par une autrice. Cette dernière se rend compte que l’ouvrage a fait l’objet d’une réédition sans son accord, d’autant que, selon elle, la cession des droits signée pour la première publication était expirée… Après plusieurs réclamations restées sans réponse, elle décide d’assigner son éditeur en contrefaçon.

Le TGI de Paris lui donne tort au prétexte que « les photos litigieuses révélaient seulement un savoir-faire technique sans démonstration d’un parti-pris esthétique de sorte qu’elles n’étaient pas protégeables au titre du droit d’auteur ». La décision des premiers juges est très sévère, mais au fond leur cheminement est mécanique : si les photographies ne sont pas considérées comme des œuvres au sens du Code de la propriété intellectuelle, elles ne peuvent pas être protégées… Par conséquent la photographe n’est pas autrice : il n’y a donc pas de droits sur sa création et pas de contrefaçon… CQFD !

L’autrice ne s’arrête pas là… et fort heureusement, la Cour d’appel (CA Paris, Pôle 5- 2, 19 juin 2020, n° 19/02523) va se livrer à une autre appréciation. Les juges de la Cour d’appel de Paris vont rappeler, d’abord, que l’originalité « doit être explicitée par celui qui se prévaut d’un droit d’auteur » et souligner, ensuite, « qu’il importe peu que les photographies représentent des monuments ».

Il est très important de rappeler ici une règle essentielle du Code de la propriété intellectuelle : l’article L. 112-1 du CPI dispose que l’œuvre est protégée, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. Cet article illustre l’esprit “ouvert” du CPI qui protège l’œuvre indépendamment de ces caractéristiques indifférentes. Les photographies de monuments ne sont donc pas – par principe – exclues du champ de la protection du droit d’auteur.

Pour démontrer que ses œuvres sont protégées au titre du droit d’auteur, l’autrice doit alors rédiger une argumentation et démontrer que chaque création est originale. Autrement dit, elle doit pour chaque œuvre litigieuse démontrer en quoi elle est l’empreinte de sa personnalité… Le lecteur imaginera alors la difficulté de ce dossier qui portait sur une cinquantaine de photographies… Certaines affaires portent parfois sur plusieurs centaines d’œuvres qu’il faut alors caractériser une à une, c’est parfois très laborieux !

Les juges rappellent alors que l’artiste conserve « sa liberté créative d’effectuer des choix qui lui sont propres sur tous types de sujet, lesdits choix portant notamment sur des éléments de mise en scène, d’éclairage, de cadrage, d’angle de prise de vue ou d’atmosphère recherchée reflétant l’empreinte de sa personnalité ». Ils admettent donc la protection des photographies de l’autrice.

Pour se défendre, la maison d’édition arguait que la cession était toujours valable. En l’espèce, il n’y avait pas de contrat ; seule une facture précisait la mention Cession de droits mondiaux pour 5 ans ou 100 000 exemplaires. L’argument de l’éditeur était alors le suivant : la cession était valable tant que les 100 000 exemplaires n’étaient pas vendus… Étrange argument qui ne convaincra pas la Cour… Selon elle, les deux limites ne sont pas cumulatives : la cession était donc expirée 5 ans après l’émission de la facture et cela, qu’importe si le seuil des ventes n’était pas atteint.

L’autrice a donc gain de cause : la cession avait bien expiré et la reproduction de ses œuvres était illicite de la part de son éditeur. Elle a donc été indemnisée à hauteur des préjudices qu’elle a subis.

Voilà la solution de la Cour d’appel de Paris (Pôle 5- 2, 19 juin 2020, n° 19/02523) :

PAR CES MOTIFS

Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

Dit que les 48 photographies de Mme X, publiées dans l’ouvrage Y bénéficient de la protection au titre du droit d’auteur ;

Dit que la société Z a commis des actes de contrefaçon de droit d’auteur au préjudice de Mme X en rééditant et commercialisant sans son autorisation en 2008 et 2011 l’ouvrage ‘Y’ (…) ;

Condamne la société Z à payer à Mme X une somme totale de 18 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon de ses droits d’auteur ;

Fait interdiction à la société Z de commercialiser les rééditions litigieuses de l’ouvrage ‘Y’ ;

Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;

Condamne la société Z aux dépens de première instance et d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile et, vu l’article 700 dudit code, la condamne à payer à ce titre à Mme X une somme de 8 500 euros pour les frais irrépétibles de première instance et d’appel.

Cette affaire est l’occasion de rappeler deux règles d’or aux auteurs et autrices :

Règle n°1 : Vous pouvez tout à fait rédiger un petit carnet de bord lorsque vous réalisez des œuvres de l’esprit ! Cette pratique pourrait vous permettre de fixer pour l’avenir l’ensemble des choix que vous avez opérés pour la réalisation de votre œuvre de l’esprit (qu’importe le genre de l’œuvre, il faut démontrer les choix personnels qui ont été faits au moment de sa réalisation). En cas de contentieux, ces notes pourraient vous être précieuses et faciliter grandement le travail de démonstration d’originalité de vos œuvres, surtout si celles-ci ont, comme dans la présente affaire, été réalisées il y a plus de 15 ans !

Règle n° 2 : Vous devez rédiger un contrat pour la cession de vos droits. Si la pratique des factures est répandue dans certains secteurs de la création, elle n’est pas à l’abri de la critique. Il faut respecter le formalisme exigeant du Code de la propriété intellectuelle. Et pour cela rien de plus simple : un contrat d’édition équitable est à votre disposition au lien suivant (ICI), vous pourrez l’adapter en fonction de vos besoins.