Personne n’a oublié The Legend of Zelda, jeu vidéo passionnant, truffé d’énigmes, de pièges et de labyrinthes. Depuis ce 31 mars, le Fonds de solidarité aux entreprises, indépendants et entrepreneurs est ouvert. Un trésor de 1500 € vous attend. Or, il est aussi, logiquement, ouvert aux artistes-auteurs.
Sophie Dieuaide a publié près de 80 livres en littérature jeunesse, elle a aussi été élue administratrice à la Ligue des auteurs professionnels. Après son témoignage L’arrêt de travail chez les auteurs, ou Tchoupi à la CPAM, la voici qui nous tend la main pour une nouvelle aventure : tenter d’accéder au fonds de solidarité mis en place dans le cadre de la crise sanitaire, quand on est artiste-auteur. L’administration et les auteurs, toujours un jeu d’énigmes…
1er avril 2020, 11 h 34 :
Je n’ai pas encore le gant de force, seulement l’épée et le bouclier, mais je tente, en tant qu’auteur, d’avoir quand même l’aide dédiée aux TPE, indépendants, artistes-auteurs…
Je suis super pistonnée, La Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse m’a dit d’aller sur mon espace particulier et pas « professionnel », je sens que j’ai déjà gagné un temps fou.
Ah ! On me demande mon numéro fiscal, mon mari doit avoir ça.
— Jean-Luuuuuc… Ils me demandent mon numéro fiscal !
— Attends…
J’attends.
Yes, je l’ai.
Je continue.
Ah ! On me demande mon numéro d’accès en ligne.
— Jean-Luuuuuc…
Yes, je l’ai.
Je continue.
Mince, je ne connais pas mon numéro de portable.
— Jean-Luuuuuc…
Je continue.
Et schtac ! aussitôt un mail pour me confirmer que j’ai ouvert mon espace. Et blim ! un autre mail qui me dit :
Hey ! Listen... comme dit la fée, j’ai rien demandé de tout ça, moi !
Tant pis, je continue. Et je me connecte à mon nouvel espace particulier. J’ai tout, je suis fière, j’appelle même pas Jean-Luc.
Maintenant, écoutez bien, amis auteurs, sinon vous serez sortis du confinement avant d’avoir trouvé le coffre. Et là, je bénis toutes ces heures passées avec Link à errer dans les palais parce qu’il faut avoir une sacrée habitude des jeux à devinettes.
Le hibou de pierre me dit : « Va dans ton espace particulier, clique sur “messagerie sécurisée”, clique sur “écrire”. »
Une entreprise fragilisée, avec la fermeture des librairies, c’est tout, moi, ça. Je clique !
Je certifie en tant que demandeur que mon entreprise remplit les conditions suivantes :
1° Elle a débuté son activité avant le 1er février 2020 ;
Pff… 25 ans que j’écris ! C’est bon.
2° Elle n’a pas déposé de déclaration de cessation de paiement au 1er mars 2020.
Ben, j’ai connu mieux, la surproduction de livres, la chute des ventes au titre, tout ça, mais non, quand même pas en faillite.
3° Son effectif est inférieur ou égal à dix salariés. Ce seuil est calculé selon les modalités prévues par le I de l’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale ; Nombre de salarié(s) en CDD ou CDI ?
Je note 0, je ne dois pas être mon propre salarié. Ou alors il faudra que je me parle et que je me dise deux mots. Parce que côté congés payés et RTT, je ne suis pas des plus généreuses et je compte bien me le dire !
En fait, après appel aux impôts, j’ai tort. Je suis mon propre salarié. Auteurs, renseignez “1”.
4° Le montant de son chiffre d’affaires hors taxes ou de ses recettes hors taxes constaté lors du dernier exercice clos est inférieur à un million d’euros. Pour les entreprises n’ayant pas encore clos d’exercice, le chiffre d’affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l’entreprise et le 29 février 2020 doit être inférieur à 83 333 euros ;
Aucun souci ! Ouf ! Si j’avais plus d’un million d’euros, j’étais mal.
5° Son bénéfice imposable augmenté le cas échéant des sommes versées au dirigeant, au titre de l’activité exercée, n’excède pas 60.000 euros au titre du dernier exercice clos.
6° Pour les personnes physiques ou, pour les personnes morales, le dirigeant majoritaire, n’est pas titulaires, au 1er février 2020, d’un contrat de travail à temps complet ou d’une pension de vieillesse et n’a pas bénéficié, au cours de la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020, d’indemnités journalières de sécurité sociale d’un montant supérieur à 800 euros ;
7° Elle n’est pas contrôlée par une société commerciale au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce ;
8° Lorsqu’elle contrôle une ou plusieurs sociétés commerciales au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce, la somme des salariés, des chiffres d’affaires, et des bénéfices des entités liées respectent les seuils fixés aux 3°, 4° et 5°.
Ça passe !
On me demande maintenant ma qualité. Trop facile ! Je sais que ça va être “autre”. Quand un auteur remplit un papier administratif, c’est TOUJOURS “autre”.
Bingo !
Oups… ça se gâte…
Les auteurs en traitements et salaires n’ont pas de numéro de Siret.
Ils ont dû y penser. Aux impôts, ils doivent quand même le savoir. Le hibou de pierre me dit : « Tout près d’ici dort un secret… »
Je n’ai plus que deux cœurs, mais j’appelle.
Bonjour et bienvenue au service d’information et d’assistance de la direction générale des finances publiques. Pour accéder à nos services, appuyer sur la touche étoile de votre téléphone. […] Vous avez une autre question, tapez 6.
6 ! Une dame me dira d’appeler le service des impôts des entreprises de ma commune qui ne répond pas ou la région qui me renvoie vers la chambre de commerce qui ne répond pas. Un monsieur au ministère des Finances me répondra qu’il ne sait pas et me conseillera d’appeler la première.
La boucle est bouclée. Il n’a pas de sites Internet avec les soluces pour sortir de ce palais-là.
Bon, je vais voir Jean-Luc. Amis auteurs, ce n’est pas gagné.