Valérie Mangin est scénariste de Bande Dessinée, on la connait notamment à travers des séries emblématiques comme Alix Senator ou l’univers du Fléau des dieux. Fondatrice du SNAC BD, des États Généraux de la Bande Dessinée et de la Ligue des auteurs professionnels, elle livre ici un témoignage édifiant des dysfonctionnements administratifs auxquels les auteurs doivent faire face au quotidien.
Amis auteurs, amies autrices, vous le savez, contacter l’Agessa, notre sécurité sociale, tient souvent de la quête initiatique. Le 1er juin dernier, je me sentais une âme d’aventurière, alors je me suis donnée pour mission d’éclaircir un des grands mystères de l’univers : Comment toucher la « mesure de soutien » au pouvoir d’achat des artistes auteurs pour l’année 2019 ?
Vous le savez si vous parcourez régulièrement nos murs : cette mesure de compensation de la hausse de la CSG, enfin proposée fin 2018, est logiquement prolongée pour cette année. Mais impossible, en fouillant sur le site de l’Agessa, de trouver quoi que ce soit à ce sujet. Qu’importe, le bouton « nous contacter » est là pour ça. Formidable, on me promet de me répondre dans les plus brefs délais.
La réponse de l’Agessa est enfin arrivée le 17 juin, plus de deux semaines après. Il faut savoir être patient quand on part en quête. Patient et ouvert à la surprise aussi.
Comment ça je ne suis pas à jour de mes cotisations ? Alors que j’ai opté depuis des années pour le prélèvement automatique ? En plus, en avril encore, j’avais reçu un échéancier me confirmant que j’avais bien choisi ce mode de paiement.
Je dois dire que je n’avais pas vérifié si les prélèvements avaient bien été effectués. Pour la bonne et simple raison que ça se passe sans problème depuis des années. Quand on choisit la méthode automatique, c’est bien pour ne plus avoir à y penser, non ?
Ensuite, comme est-il possible qu’un prélèvement bancaire ne passe pas sans que l’Agessa ne nous le signale clairement ? Ma banque m’aurait signalé, elle, le moindre accident. C’est donc un problème de prélèvement du côté de l’Agessa. Oubli ? Incident technique ? Changement lié aux réformes ? Comment pourrais-je le savoir sans aucune communication de leur part ?
En plus, pourquoi, s’il y a un retard de payement de plusieurs mois, ne recevons-nous aucun message de relance ? Un courrier, un petit email, ou au moins une alerte claire sur le site ? Pourquoi le prélèvement n’est-il tout simplement pas relancé ? C’est quoi l’idée ? De laisser ça trainer, sans rien nous dire, puis d’envoyer le dossier pour recouvrement à l’Urssaf, avec les surcoûts pour l’auteur qui l’accompagnent ?
J’en ai discuté avec Denis, mon époux. On s’est aperçu qu’il était exactement dans la même situation que moi. C’est donc que l’Agessa n’a pas lancé les prélèvements automatiques de février et mars 2019 pour beaucoup d’auteurs, peut-être même pour tous. Denis s’étonne de suite que l’Agessa n’ait pas eu idée d’en informer et de relancer sérieusement les auteurs concernés, puisque le problème vient d’elle. Il faut dire que Denis connaît bien les problèmes liés à la sécurité sociale des artistes-auteurs, en tant que fondateur du SNAC BD et vice-président de la Ligue des auteurs professionnels.
Nous rédigeons donc un nouveau courrier ensemble :
Bon, soyons honnêtes, nous espérions créer une petite inquiétude à l’Agessa. La réponse fut en effet ultra-rapide, une semaine d’attente seulement ! Et je dois dire que cette réponse fut magique, à la hauteur de toute cette histoire :
Je vous le confirme, il n’y a pas de problème technique, la capture d’écran ci-dessus est bien complète.
Si. Vraiment.
Je vais réécrire à l’Agessa, parce que j’aime l’aventure, j’aime les quêtes impossibles, j’ai une foi inébranlable dans l’humanité. Mais j’ai quand même pris mes précautions et réglé par carte bleue sur le site les échéances non prélevées. J’ai aussi supprimé le prélèvement automatique, puisque c’est devenu n’importe quoi. On ne sait jamais, avec un tel talent, l’Agessa pourrait me prélever 5 000 euros en plaçant mal une virgule.
Avec la Ligue des auteurs professionnels, nous avons aussi décidé de rendre cette histoire publique. Si l’Agessa est incapable d’informer les assurés sociaux de ses erreurs, comme nous le lui avons demandé, il faut bien que nous, auteurs, le fassions à sa place.