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Votre émission web sur le statut des artistes-auteurs

Depuis des mois, des auteurs et autrices bénévoles de la Ligue travaillent sur l’un des plus gros chantiers de notre année : VOTRE émission web innovante dédiée à VOTRE STATUT !

Deux fois par mois durant un an, nous vous donnons rendez-vous sur la chaîne Twitch de la Ligue pour des tables rondes interactives et en direct. En plateau, des experts se mêleront aux artistes-auteurs et autrices, traitant d’une thématique précise pendant 1h30.

Le but ? Vous informer massivement sur vos droits, faire connaître notre statut, mais aussi créer un espace de parole où vous pourrez témoigner et réagir, partager vos expériences, face à des juristes, sociologues, avocats, etc…

Si cette émission s’adresse en premier lieu à nos adhérents, donc des auteurs et autrices du livre, la perspective a été élargie à tous les artistes-auteurs, et nous recevrons d’autres organisations professionnelles partenaires qui contribueront activement.

Nous vous promettons un rendez-vous dynamique, entre tables rondes, pastilles et vidéos pédagogiques, chat pour poser vos questions en direct, mais aussi humour et entraide.

La première émission web aura lieu le 3 septembre à 18h00, sur le thème « Qu’est-ce qu’un artiste-auteur ? ». Alors, à vos agendas !

Plénière au Ministère de la Culture du 8 juillet 2020

Mercredi 8 juillet 2020 avait lieu une plénière artistes-auteurs au Ministère de la culture. Trois sujets primordiaux y ont été abordés :

  • Le décret du régime social des artistes-auteurs attendu depuis 2013.
  • Les 4 mois d’exonération de cotisations sociales promises par le président de la République.
  • La représentativité professionnelle.

La Ligue des auteurs professionnels exprime sa profonde inquiétude quant à la gestion générale des problématiques sociales liées aux artistes-auteurs : les conséquences du décret s’il est appliqué en l’état, la grande complexité des modalités de l’exonération des cotisations ainsi que l’absence de garantie de la reconnaissance d’une profession et d’une démocratie sociale.

Nous vous proposons un compte-rendu de cette plénière, afin de mieux mesurer les enjeux qui vont se nouer dans les mois à venir pour les auteurs et autrices du livre, et plus globalement l’ensemble des artistes-auteurs.

Régime social : petites avancées sur le champ du régime, confiscation de la démocratie sociale et maintien de l’existant
  • Le projet de décret proposé au mois de mars aux syndicats, associations et organismes de gestion collectives a pour ambition de « clôturer l’édifice qu’est le régime artistes-auteurs ». Malgré de nombreux retours construits et étayés juridiquement d’une quinzaine d’organisations professionnelles, c’est ce projet inchangé qui a été envoyé en lecture au Conseil d’État.
  • Le ministère assure avoir transmis au Conseil d’État toutes nos questions et nos retours. Une seconde version du décret aurait été rédigée. L’arbitrage se jouera entre deux décrets possibles : celui du mois de mars et la version amendée après consultation du Conseil d’État. Nous n’avons pas accès à cette seconde version.
  • Peu importe sa version, le décret mélange deux sujets : les revenus entrant dans le périmètre du régime des artistes-auteurs et notre organisme de sécurité sociale.
  • En ce qui concerne le champ du régime artistes-auteurs, le décret comprend potentiellement plusieurs avancées significatives : intégration des revenus d’autodiffusion, intégration de la conception de l’œuvre ou distinction consolidée juridiquement entre revenus principaux et revenus accessoires.
  • En revanche, le décret intègre des directeurs de collection de façon ambivalente, ce qui laisse la porte ouverte à de nombreuses entorses au droit du travail et qui vient en contradiction avec la première décision du Conseil d’État.
  • En ce qui concerne l’organisme de sécurité sociale, aucune élection professionnelle n’est prévue juridiquement : cela va à l’encontre de la promesse formulée par le Ministre de la culture Franck Riester.
  • Les représentants des artistes-auteurs seront choisis par les ministères, tandis que les organismes de gestion collectives se voient octroyer des voix délibératives (les OGC étaient auparavant seulement consultatifs à l’Agessa, et absents de la Mda)
  • Un seul organisme de sécurité sociale est annoncé maintenu. D’après nos informations, il s’agirait de l’Agessa, en dépit du fait qu’il est désormais de notoriété publique que cet organisme a agi en violation de la loi depuis 50 ans, portant préjudice à plus de 200 000 artistes-auteurs.

Conclusion :

Sur le champ du régime des artistes-auteurs, nous notons quelques avancées qui sont le fruit d’un long travail de discussion avec le ministère de la culture tout au long de 2019, pour lequel une partie de nos recommandations ont été manifestement intégrées (auto-diffusion, conception de l’œuvre, consolidation juridique des revenus principaux et accessoires, etc). Néanmoins, ce décret a profité à d’autres groupes d’intérêt pour introduire dans le champ du régime artistes-auteurs des activités très ambivalentes entre le Code de la propriété intellectuelle et le Code du travail. Le régime des artistes-auteurs ne doit pas être un outil d’effet d’aubaine (1,1% de l’équivalent de la “part patronale” seulement) pour les employeurs afin de précariser les autres métiers de l’édition.

En ce qui concerne l’organisme de sécurité sociale, la Ligue des auteurs professionnels est très inquiète. Compte tenu du bilan catastrophique de la gestion du régime, une réforme d’envergure s’imposait. En l’état, c’est le maintien de l’existant comme s’il n’y avait aucune leçon à tirer des 50 dernières années. C’est un déni complet des préjudices subis par les artistes-auteurs et une confiscation de la démocratie sociale.

Aides et exonérations : promesse non tenue
  • Emmanuel Macron a promis pendant la crise du COVID-19 une exonération des charges sociales de quatre mois pour les artistes-auteurs.
  • La réalité de sa mise en pratique est une déduction et non pas une exonération, selon un système extrêmement complexe, qui comprend de nombreux effets de seuils. D’un point de vue technique, le système promet déjà un décalage dans le temps important avant que les artistes-auteurs puissent voir les effets concrets de cette mesure.
  • Il a été décidé de ne faire bénéficier de cette mesure qu’une partie des artistes-auteurs. Un nouveau critère arbitraire de professionnalité a été établi par les pouvoirs publics : ne pourront bénéficier de cette mesure d’exonération de 4 mois des cotisations sociales que les artistes-auteurs ayant touché au minimum 3000 euros de revenus artistiques en 2019. Cela exclura de fait les jeunes créateurs et créatrices en début d’activité ou encore ceux et celles ayant eu une année difficile.
  • Le système retenu est un abattement forfaitaire sur les revenus 2020 variable par tranche d’assiette sociale 2019. Pour être appliqué, cet abattement nécessite la connaissance par l’administration du montant total des revenus 2019 et 2020. Les artistes-auteurs dispensés de précompte et en BNC peuvent déjà moduler leurs cotisations à 0 sur leur espace artistes-auteurs, en faisant le calcul de l’abattement auquel ils auront droit. Mais les artistes-auteurs précomptés ne verront l’effet de ces exonérations qu’en 2021 au plus tôt.
  • En outre, l’exonération ne prend pas en compte notre retraite complémentaire, l’IRCEC.

Conclusion :

Contrairement à la promesse présidentielle, il ne s’agit pas d’une exonération complète des cotisations sociales, mais d’une déduction d’une partie des cotisations sociales pour une partie des artistes-auteurs, le tout selon des conditions complexes et qui promettent une mise en place technique aussi lourde que la compensation de la CSG.

La notion de profession pour les artistes-auteurs semble utilisée à géométrie variable, selon les circonstances. Encore une fois, le seul critère du revenu est retenu, alors que les travaux du rapport Racine ont bien indiqué que ce critère était insuffisant pour juger de la professionnalité des artistes-auteurs compte tenu de la fluctuation de nos rémunérations.

Nos organisations professionnelles avaient proposé une exonération d’un tiers des cotisations sociales de l’année 2020 (l’équivalent de 4 mois de cotisations, lissées sur l’année donc). Les autres travailleurs indépendants de la culture disposent d’une véritable exonération. Nous déplorons qu’une solution simple n’ait pas été retenu et qu’il ait été préféré une usine à gaz technocratique et complexe, basée sur des arbitrages budgétaires et une appréhension politique floue de qui l’État doit soutenir quand il soutient “les artistes-auteurs”.

Élections professionnelles : la nécessaire intervention du Ministère du travail
  • Aucun signe des élections professionnelles tant attendues.
  • Il a été proposé de mettre en place des « groupes de travail » en septembre, une nouvelle fois « par secteur », c’est-à-dire en raisonnant par les canaux de diffusion et non pas par nos métiers.

Conclusion :

La question de la représentativité professionnelle doit être traitée selon deux axes pour former un véritable statut : notre régime de sécurité sociale et les accords interprofessionnels encadrant nos conditions de travail avec les exploitants de nos œuvres. Sur la question du régime de sécurité sociale, nos secteurs de diffusion ne devraient avoir aucun rapport avec la discussion. Sur la question de la négociation de nos conditions contractuelles, il faudrait une vision transversale artistes-auteurs ensuite affinée par secteurs de diffusion pour entrer dans le détail des différents métiers. La méthodologie proposée actuellement par le ministère de la culture est en totale contradiction avec les résultats du Rapport Racine qui proposait de remettre l’artiste-auteur au centre, non pas à travers ses secteurs de diffusion mais bien de son activité de création.

L’absence d’un véritable statut professionnel et de règles claires de représentativité a clairement impacté les artistes-auteurs durant la crise du Covid 19. Les instances et pouvoirs publics ont immédiatement établi le raisonnement qu’il fallait aider les créateurs et créatrices pour qui l’activité de création représentait un enjeu de survie économique et sociale. Mais chaque structure, association, opérateur privé ou public a formulé sa propre conception personnelle de la professionnalité. Résultat : un mélange chaotique entre des mesures d’ordre social, professionnel ou économique et d’énormes des difficultés administratives, quand les autres professions ont pu accéder à leurs droits de façon simple et automatique.

La Ligue des auteurs professionnels plaide pour un traitement transversal artistes-auteurs des questions de représentativité professionnelle, considérant que les créateurs et créatrices sont unis par un seul et même statut. Transversalité ne signifie pas effacement des spécificités ! Le statut des intermittents du spectacle n’empêche en aucun cas l’élaboration de questions sectorielles plus fines ou l’existence de métiers très divers et particuliers. Mais c’est l’absence d’un véritable statut pour les créateurs et créatrices, tout comme la reconnaissance de la profession, qui permet le maintien d’une situation économique, sociale et administrative aussi chaotique et grave.

Il est fondamental que la question de la représentation professionnelle ne soit pas traitée sous l’angle des affects, de l’ancienneté ou de l’idéologie, mais bien du droit et de la loi.

Il est impératif que le Ministère du travail soit activement associé à ces travaux afin que soient clarifiées ces notions de représentativité professionnelle, de dialogue social et de liberté syndicale.

La Ligue milite pour un véritable statut professionnel des artistes-auteurs où notamment le revenu ne serait pas l’unique critère définissant un créateur ou une créatrice de profession. Il est essentiel que des travaux soient conduits à l’aune d’une réflexion profonde, sérieuse et à la croisée du Code de la propriété intellectuelle, du Code de la sécurité sociale et du Code du travail.

La Ligue des auteurs professionnels réitère ses profondes inquiétudes. Le diagnostic du Rapport Racine et ses préconisations étaient finalement d’une redoutable prescience à la lumière de la crise sanitaire actuelle et de ses conséquences. N’est-il pas temps de tirer les enseignements de près de 50 ans de dysfonctionnements pour donner aux créateurs et créatrices de ce pays le cadre clair qu’ils méritent ?

Certificats de précompte : la Ligue à la rescousse !

La déclaration de revenus artistiques de l’Urssaf est en ligne. Compte tenu du nombre incroyable de bugs et de problèmes que vous rencontrez, nous vous conseillons d’attendre avant de la remplir. Trop de dysfonctionnements que les services doivent corriger, dont nous n’avons pas à faire les frais. Plusieurs organisations professionnelles ont demandé le report de la deadline et ont fait remonter les nombreuses problématiques que vous rencontrez.

Parmi toutes les problématiques que vous rencontrez, une est très récurrente : l’Urssaf vous demande vos certificats de précompte. Un document que vos diffuseurs doivent en principe vous remettre obligatoirement s’ils précomptent vos cotisations sociales. Sauf que… dans la pratique, cette obligation n’est quasiment jamais remplie par les diffuseurs. L’Urssaf vous demande aujourd’hui d’aller chercher vous-même, un à un, ces documents : un parcours du combattant long, fastidieu , et qui ne vous incombe pas juridiquement. Rappelons que souvent, vous avez des diffuseurs très multiples, il n’est pas rare qu’un artiste-auteur de profession ait collaboré dans l’année avec une trentaine de diffuseurs différents (éditeurs, producteurs, galeristes, établissements scolaires, institutions, etc). Rappelons que les organismes de gestion collectives précomptent également les cotisations lors du versement des droits collectifs : certains fournissent automatiquement des certificats de précompte, d’autres pas.

Alors que faire ?

La Ligue vous propose une action collective. Il est obligatoire d’uploader un PDF contenant un certificat de précompte pour valider votre déclaration, mais vous êtes dans l’incapacité d’en obtenir. Uploadez alors à la place ce document créé par la Ligue, qui rappelle à l’Urssaf les obligations légales des diffuseurs. Une façon massive et collective de faire passer le message : les artistes-auteurs ne sont pas responsables des défaillances de leurs diffuseurs. Il est nécessaire que le code de la sécurité sociale soit plus clair et contraignant envers les diffuseurs. Et surtout, au XXIe siècle, il devrait être possible de générer systématiquement ces documents dans votre espace artistes-auteurs à partir du moment où le diffuseur a bien reversé les cotisations sociales pour vous, information que seule l’Urssaf propose.

À vous de jouer !

Quelques rappels indispensables :

Le précompte de cotisations est une opération réalisée par le diffuseur consistant à prélever sur les revenus artistiques les cotisations sociales de l’artiste-auteur. Une fois calculé, il opère le versement de ces cotisations à l’Urssaf Limousin.

Le précompte ne concerne pas les artistes-auteurs dont les revenus sont déclarés fiscalement en bénéfices non commerciaux (BN ). Lorsque les droits d’auteurs sont imposés selon les règles applicables en matière de traitements et salaires, le précompte sera la règle, à moins que l’artiste-auteur ne fasse une demande de dispense de précompte et gère lui-même le versement des cotisations sociales.

Qu’impose concrètement la loi au diffuseurs ?

L’article 1 de l’arrêté du 19 avril 1995 donne deux précisions sur le rôle du diffuseur en matière de précompte.

D’une part, le diffuseur “remet” à l’artiste-auteur un document comportant les mentions suivantes :

  • Le nom et l’adresse de la personne physique ou morale qui verse la rémunération ;
  • L’organisme auquel cette personne verse lesdites cotisations et contributions ;
  • Les nom et prénoms de l’artiste-auteur ;
  • L’adresse postale de l’artiste-auteur ;
  • Le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques ;
  • La nature de l’activité artistique donnant lieu à rémunération ;
  • Le montant de la rémunération brute ;L’assiette, le tau et le montant des cotisations, de la contribution sociale généralisée, de la contribution pour le remboursement de la dette sociale et la contribution formation professionnelle précomptées à la charge de l’artiste-auteur ;
  • Le montant de la somme effectivement perçue par l’artiste-auteur ;
  • La date de paiement de ladite somme ;
  • Les éventuels montants pris en charge par l’État.

D’autre part, le diffuseur “conserve” un double du document remis à l’artiste-auteur.

Une absence de cadre contraignant

Or, tout le problème est que ces deux règles obligatoires n’ont en l’état aucun cadre contraignant, ce qui explique sans doute pourquoi qu’elles ne sont pas respectées en pratique.

Cette absence de cadre est fort regrettable, car ce certificat de précompte constitue un document essentiel pour l’artiste-auteur. Il lui permet de faire valoir ses droits à la retraite et d’attester que l’obligation de cotiser socialement au régime artistes-auteurs a bien été respectée par les diffuseurs.

Pire encore, les organismes de gestion du régime demandent fréquemment au artistes-auteurs de produire la preuve que leurs diffuseurs ont bien payé les cotisations sociales en fournissant des certificats de précompte qu’ils n’ont pour la plupart jamais reçu de leur carrière…

Pourtant on peut lire, par exemple, sur le site http://www.secu-artistes-auteurs.fr/, que les organismes de gestion du régime artistes-auteurs spécifient bien l’obligation qui incombent au diffuseurs.

“Lors du règlement de votre rémunération, votre diffuseur doit vous remettre une certification de précompte”.

Une réforme exigée !

Le Code de la sécurité sociale doit être modifié et prévoir e pressément une obligation légale sans ambiguïté et contraignante incombant au diffuseurs de remettre un certificat de précompte automatiquement au artistes-auteurs. Le ode devrait aussi prévoir une obligation pour le diffuseur de conserver le certificat en question, lequel pourrait être réclamé directement par l’Urssaf Limousin et mis à disposition de l’artiste-auteur sur son espace artiste-auteur dédié.

Tant qu’une réforme n’intervient pas, les artistes-auteurs sont face à une réalité très problématique : les diffuseurs ne leur délivrent pas ce document.

Petit guide du régime fiscal des artistes-auteurs

Vous avez dit fiscalité ? Il est extrêmement difficile de trouver des informations fiables sur le régime fiscal des artistes-auteurs : encore aujourd’hui, notre profession est très mal informée. La Ligue vous propose un article exhaustif vous permettant un premier repérage dans ce labyrinthe administratif, rédigé par “Tonton Fiscal”, alias Manu, dévoué administrateur de la Ligue passionné par les cases aux numéros impossibles à retenir.

Déclarer ses revenus artistiques en traitement et salaire (TS), ou en bénéfices non-commerciaux (BNC) ? Renoncer à la retenue TVA, étaler le paiement des impôts ? Précompte ou pas précompte ? Que faire si vous êtes en dessous ou au dessus des seuils d’imposition ? Pas de panique, on fait le point !

Attention : ce document est essentiellement conçu pour les artistes-auteurs et autrices « du livre » avec peu de frais professionnels, qui perçoivent des revenus artistiques à la fois payés par des éditeurs/producteurs/organismes de gestion et par des sources différentes (ventes d’originaux, droits annexes, ateliers d’écriture, lectures publiques, interventions, signatures…). Puisqu’il traite des impôts sur le revenu, il s’adresse essentiellement aux artistes-auteurs qui ont perçu entre 12000 euros (le seuil d’imposition pour une personne seule) et 70000 euros (seuil de la déclaration contrôlée).

Néanmoins, en fin de document, vous trouverez des indications plus générales concernant les revenus qui n’entrent pas dans cette fourchette, ainsi que des pistes pour un choix plus éclairé de votre régime fiscal.

En cas de doute, vous pouvez utiliser :

  • L’outil de simulation des impôts (« modèle complet ») pour tester vos calculs. C’est un peu comme un jeu vidéo, en moins rigolo.
  • Le site du CAAP, le plus complet pour toutes les questions pointues sur la fiscalité, les seuils, les modes de déclaration et le droit des artistes auteurs et autrices.
  • Les outils comme ceux de Florence Hinckel
  • Le allô des impôts, 08 10 467 687 (0.06 e/mn). Préparez bien vos questions et soyez gentils avec les gens, ils ne connaissent hélas pas souvent notre régime fiscal…
  • Votre espace personnel des impôts, en testant et en revenant en arrière. Il n’y a que 0,97% de risques que vous cochiez une case qui vous envoie directement en prison ou fasse exploser votre ordinateur. Au pire, vous allez remplir plusieurs fois les mêmes rubriques.

1. Traitements et salaires ou Bénéfices non Commerciaux ? Les deux, mon capitaine… ou comment se jeter à l’eau (et se mettre à jour avec ses obligations légales !)

Principe : certains droits d’auteur se déclarent en Traitements et salaires, d’autres en Bénéfices non commerciaux (BNC).

Il n’y a pas « d’auteurs en BNC » et « d’auteurs en TS ». En fait, la distinction s’applique plutôt aux diffuseurs, c’est-à-dire ceux qui paient les artistes-auteurs et autrices.

* Je déclare par défaut en Traitements et Salaires (case 1 GF) mes droits d’auteur payés par des éditeurs, producteurs, organismes de gestion collective (type SOFIA, SACD, SACEM, ADAGP, SAIF, etc… qui incluent la TVA de 0.8%).

Attention : je peux néanmoins opter pour déclarer ces revenus en BNC, comme les revenus ci-dessous :

* Je déclare en Bénéfices Non Commerciaux (BNC, case 5HQ ou 5QC et suivantes) mes activités accessoires et mes revenus artistiques provenant d’autres sources : associations, particuliers, établissements publics ou scolaires… (qui n’incluent pas de TVA ou à qui je la facture)

=> Sur la déclaration en ligne, la rubrique des bénéfices non commerciaux se débloque en cochant « Je déclare des revenus non commerciaux » sur la première page.

Ces droits d’auteur à déclarer en BNC ont normalement fait l’objet d’une facture. On lit parfois qu’il suffit d’établir des « notes de droit d’auteur » (sorte de facture comportant seulement le n°Agessa), mais ces fameuses notes, comme les licornes, n’ont pas d’existence légale. Désolé pour les amateurs de licornes.

Par conséquent, pour établir une facture de droits d’auteur, ainsi que pour déclarer des BNC, je dois avoir un numéro de Siret (=inscription au répertoire des entreprises, indépendants et autres professionnels).

Si c’est le cas, foncez en 2) sans passer par la case suivante… Sinon, c’est ici :

1.1 Comment obtenir un Siret ?

Encore une fois, le CAAP a très bien fait les choses : on peut suivre ici la démarche de création d’un statut d’artiste-auteur (à ne pas confondre avec auto-entrepreneur, attention ! Ce sont deux régimes différents).

On peut surtout télécharger la notice PDF « demander son Siret pas à pas », beaucoup plus détaillée que les lignes ci-dessus.

En résumé :

La demande de Siret est gratuite, se fait en quelques minutes, n’engage à aucun changement de type de comptabilité. En outre, un numéro Siret me permet de demander l’aide d’urgence COVID directement sur le site des impôts et d’être facilement identifiée et identifiable par tout organisme administratif (chorus pro, etc).

Pas-à-pas rapide :

https://www.cfe.urssaf.fr/saisiepl/

Colonne « déclarer une formalité »

Rubrique : Profession libérale ou assimilée Artistes, auteurs

Choix : Un début d’activité, une création d’activité (en ayant préparé une preuve d’identité électronique).

Je remplis « Déclaration relative à la personne »

Je ne coche pas la case EIRL, je remplis la rubrique « déclaration sociale », je sélectionne « régime général des salariés » (si je suis Agessa/Mda) ou « autre »… et je coche la case « artiste-auteur »

À « activité la plus importante », je choisis mon activité… la plus simple à expliquer. Ce qui compte, c’est la case « ensemble des activités » : si je suis dessinatrice, illustratrice…, j’indique « création artistique relevant des arts plastiques 9003 A » ; dans les autres cas, j’indique « autre création artistique 9003 B »

Les numéros ne sont pas obligatoires : il s’agit du code APE qui me sera attribué, et même s’il n’a pas une grande importance administrative, il vaut mieux avoir le bon. C’est une façon d’éviter à la personne qui traite votre dossier de vous confondre avec un.e traducteur/traductrice de notices de frigos ou avec un couseur.couseuse d’abat-jours en macramé farci.

Option fiscale : laquelle choisir sur le formulaire ?

Régime d’imposition des bénéfices :

– Si j’ai gagné moins de 70000 euros en 2019 et que je préfère une comptabilité simplifiée, je coche « Régime spécial BNC » (abattement forfaitaire de 34% sur mes revenus imposables).

Dans les autres cas, je dois passer par la déclaration contrôlée (calcul des frais réels). Mon imposition et mes cotisations seront calculées sur mes recettes professionnelles (montants perçus) moins mes dépenses professionnelles.

Régime TVA :

Je peux demander la franchise en base si j’ai gagné moins de 42900 euros de rémunérations artistiques (droits d’auteur, ventes d’œuvres, activités accessoires, …) en 2019 : je ne facture pas la TVA et je ne la reverse pas (toutefois, mes éditeurs, producteurs et organismes de gestion continuent à me reverser 0,8% et à verser 9,2% de TVA à l’Etat)

Au-delà de 42900 euros, je dois facturer, déclarer et reverser ma TVA sur mes factures. Je peux le faire de façon « simplifiée » sur les droits d’auteur (je retiendrai 0,8% de l’ensemble de la TVA et j’en reverserai 9.2% à l’Etat) ou « au réel » (je tiens une comptabilité TVA, où je pourrai déduire la TVA payée sur mes dépenses professionnelles).

2. Options possibles : déclarer tout en BNC / renoncer à la retenue de TVA / étaler le paiement des impôts

2.1 Déclarer tous mes droits d’auteur en BNC

J’ai également le droit de déclarer mes droits d’auteur payés par des éditeurs, producteurs, organismes de gestion (SOFIA, SACD, SACEM, ADAGP, SAIF, etc) en BNC (case 5HQ pour le régime « simplifié », dit aussi « micro » ou « spécial »).

La première fois que je le fais, je le signale dans ma déclaration de revenus, ce qui m’engage pour trois ans.

Avantages :

1) En micro-BNC (« régime spécial »), les cotisations sociales sont calculées après un abattement forfaitaire, donc moins élevées (d’environ un quart) que les cotisations sur les revenus déclarés en TS.

En contrepartie, je m’ouvre moins de droits à la retraite et congés maladie.

Exemple : En 2020, pour 1000 euros de droits d’auteur, les cotisations sociales sont* :

En TS = 160 euros (précomptés par le diffuseur)

En micro-BNC = 123 euros (que je verserai moi-même à l’Urssaf un de ces jours).

2) En outre, hors frais réels, les droits d’auteurs sont imposés sur 79% du brut en TS (abattements compris) et sur 66% du brut en micro-BNC.

Exemple : En 2020, sur 1000 euros de droits d’auteur, mon revenu imposable est* :

En TS = 788 euros (hors IRCEC, à retirer avant abattement)

En micro-BNC = 660 euros

* Chiffres arrondis à l’euro le plus proche, selon le simulateur https://florencehinckel.com/TSBNC2020.html (rubrique « En un clin d’œil »)

NB : Selon ma profession, mon âge, ma situation familiale, et tout un tas d’autres trucs comme mes convictions politiques et ma philosophie de vie, je peux donc opter pour « bénéficier » ou pas du droit d’être déclaré et précompté par mes éditeurs, et cotiser ainsi davantage aux caisses de maladie et de retraite.

Le point ici : https://florencehinckel.com/TSBNC2020.html

Pour un choix le plus éclairé possible, je peux utiliser ce simulateur (expérimental) qui évalue les indemnités et la retraite auxquelles je peux prétendre : https://florencehinckel.com/IJSS+retraite.html

2.2 Renonciation à la retenue de la TVA

Je peux renoncer à la retenue de la TVA par mes éditeurs si je souhaite gérer moi-même l’ensemble de ma TVA. Dans ce cas, il me faudra la facturer.

2.3 Étalement de l’imposition (article 100bis du CGI)

En cas d’écart important de mon revenu sur plusieurs années, je peux demander à étaler le paiement de l’imposition sur trois ou cinq ans (régime de la déclaration contrôlée ou sur les montants déclarés en Traitements et salaires à condition de passer à l’option « frais réels »).

3. Précompte ou pas PRÉCOMPTE ? LA QUESTION !

En l’absence d’une dispense de précompte (qui peut être demandée dès qu’on possède un Siret), tous les diffuseurs, quels qu’ils soient, sont censés précompter les cotisations sociales, c’est-à-dire les prélever sur les rémunérations qu’ils versent aux artistes-autrices et auteurs, puis verser directement vos cotisations sociales à l’Urssaf (anciennement, Agessa/MdA).

– Pour les droits d’auteur qu’on est certain de vouloir déclarer en Traitements et salaires, pas de problème, même si on a tout à fait le droit d’utiliser sa dispense de précompte.

– Pour les autres revenus artistiques, il est préférable de produire une dispense de précompte (ou le certificat de situation INSEE, à demander quand on a obtenu un Siret). Sinon, il faudra demander le remboursement du trop-perçu de cotisations à l’Agessa – ce qui se produit quand on déclare des BNC pour la première fois.

En pratique, un certain nombre d’entre nous ont tendance à penser que le précompte est plus encombrant qu’utile. Quitte à gérer certaines sommes brutes à déclarer plus tard à l’Urssaf, autant le faire pour toutes, à condition de provisionner le montant des cotisations sociales, voire des impôts, sur les sommes perçues. Bref, à moi de faire mon propre précompte !

Exemple : J’ai touché 13000 euros de droits d’auteur en 2019, dont une partie à déclarer en BNC ; j’ai choisi le micro-BNC.

Mes droits se décomposent comme suit :

  1. 10000 euros (brut, soit 8282 nets et 8566 imposables) de la part d’un éditeur pour un roman et les droits sur les ventes d’un titre précédent,
  2. 1000 (brut, soit 828 nets et 856 imposables) de la part d’un producteur pour un scénario
  3. 1000 euros (brut, soit 828 nets et 856 imposables) de droits de prêt de la part de la Sofia
  4. 1000 euros (brut, soit 828 nets) pour une série d’interventions dans un collège

Toutes ces sommes ont été précomptées (à tort dans le dernier cas, car je n’ai pas envoyé de dispense de précompte au gestionnaire du collège) :

  • Je déclare 1+2+3 (10278 euros) en traitements et salaires, case 1GF. Je déduis ma cotisation Ircec (payée en 2019 sur 2018)
  • Je déclare 4 en BNC (1000 euros), case 5HQ

Une fois ma déclaration validée, je contacte l’Agessa/MdA (pas l’Urssaf !) pour demander le remboursement du trop-perçu de cotisations. En effet, pour le 4), le collège a précompté 171 euros, alors que pour cette somme en micro-BNC, je n’en dois que 131. (Et je m’arme de patience…)

4. En-dessous / en-dessus des seuils d’imposition : que faire ?

4.1 Recettes inférieures à 12000 euros

En règle générale, ces recettes, si elles constituent la seule source de revenus, ne sont pas imposables sur le revenu.

Toutefois, à partir de 9150 euros de recettes annuelles, mes cotisations m’ouvrent l’ensemble des droits sociaux (« trimestres de retraite » + indemnités journalières de sécurité sociale : c’est l’ancien « seuil d’affiliation » à l’Agessa et Mda). A noter que, désormais, la prise en charge des soins est possible au premier euro cotisé, et que chaque tranche de 1505 euros m’ouvre les droits à un trimestre de retraite (soit 6020 euros annuels pour 4 trimestres).

En-dessous de ce seuil, j’ai le droit de surcotiser = de payer des cotisations en supplément pour m’ouvrir ces droits.

Ce simulateur de l’Urssaf permet de calculer la différence de cotisation et de surcotisation.

(Beware ! Il faut parfois le rafraîchir entre deux calculs, il a une fâcheuse tendance à garder des chiffres en mémoire)

J’ai également le droit de demander l’aide de la Commission d’action sociale pour prendre en charge une partie de cette surcotisation (voir en particulier le §3 de cet article du CAAP)

4.2 Recettes supérieures à 44500 euros HT

Je dépasse dès lors le seuil de franchise de TVA. L’année suivante (ou le mois suivant dès lors que j’ai dépassé 53900 euros dans l’année), il me faut la déclarer et la facturer.

Désormais, mes factures portent alors la mention « TVA… % », à ajouter au brut. L’année suivante, je règlerai 9.2% de ces montants aux impôts (TVA simplifiée) ou je calculerai ma propre retenue en fonction de la TVA payée sur mes dépenses (TVA au réel).

NB : si je n’y renonce pas expressément, mes éditeurs/producteurs doivent continuer à pratiquer la retenue de 9,2% à la source. Je ne facture rien, je ne prends pas cette TVA en compte dans ma déclaration annuelle.

4.3 Recettes supérieures à 55000 euros HT (41136 euros net)

Le plafond annuel de la sécurité sociale (somme au-delà de laquelle je ne cotise plus à l’assurance vieillesse et à l’assurance maladie) est de 41136 euros.

Au-delà de cette « assiette sociale » (équivalent à 55 000 de droits d’auteur si je déclare en micro-BNC), certaines cotisations ne sont plus dues, mais la CSG et la CRDS demeurent. En d’autres termes, je paie beaucoup sans m’ouvrir de nouveaux droits (car les remboursements de la sécurité sociale et la retraite sont « plafonnés », ils s’arrêtent à un certain seuil).

Il peut en aller de même si je cotise déjà « à plein » via un autre métier.

4.4 Recettes supérieures à 72600 euros

Déjà, bravo : c’était une bonne année.

Si je déclare l’ensemble de ces revenus en BNC, je n’ai plus droit au « régime spécial » (micro-BNC). Je dois donc établir une déclaration contrôlée, c’est-à-dire tenir mes comptes de façon un peu sérieuse, c’est pour les impôts !

Pour viser la déclaration en question je dois faire appel à une AGA (association de gestion agréée), voire à un comptable professionnel, pour valider mes comptes, sinon les tenir à ma place.

À noter que je peux tout à fait déclarer en Traitements et salaires les droits versés par des éditeurs et producteurs, et continuer à déclarer en micro-BNC mes autres revenus artistiques : le seuil de 72600 euros s’applique en effet seulement à eux.

Nota : Si je pressens que les années suivantes ne seront pas forcément aussi fructueuses, il existe une option d’étalement du paiement de l’impôt sur le revenu, évoquée en 2.3, qui peut également s’avérer intéressante.

 

Merci d’avoir suivi ce premier article sur la fiscalité avec Tonton Fiscal !

URSSAF : quoi de neuf ?

Mercredi dernier avait lieu le comité de suivi URSSAF. Comme d’habitude, nous y avons remonté vos difficultés et avons pu obtenir quelques informations supplémentaires :

– L’Urssaf a commencé l’envoi des courriers contenant les codes d’activation pour les auteurs et autrices déclarant en Traitements et Salaires. À ce jour, depuis début janvier, environ 75 000 artistes-auteurs possédant un numéro de SIRET ont reçu leur code d’activation.

– Si vous n’avez pas reçu votre code d’activation, vous pouvez en faire la demande via ce formulaire : Formulaire code d’activation (pdf)

Nous avons remonté à l’Urssaf vos expériences : grande réactivité de leurs équipes par Twitter, mais peu par mails. De nombreux artistes-auteurs ayant fait la demande du code n’ont toujours rien reçu.

– À réception de votre code d’activation, vous devez créer votre espace personnel sur www.artistes-auteurs.urssaf.fr

– La déclaration de revenus ne sera pas ouverte avant juillet. Patience, donc. Pour le moment, les services de l’Urssaf ne peuvent pas nous donner de date précise. Ce décalage dans la déclaration aura une incidence sur le calcul des indemnités journalières pour certains artistes-auteurs, ce qui n’est pas neutre.

ATTENTION : Prélèvements automatiques : reprise le 15 juin ! L’Urssaf a suspendu tous ses recouvrements pendant le confinement. Si vous avez choisi l’option “télépaiement” (c’est-à-dire le prélèvement automatique) après le 24 mars, les prélèvements reprendront le 15 juin.

– Modulation des revenus : pour ceux et celles dispensés de précompte, n’oubliez pas que vous pouvez moduler vos cotisations. Une option importante durant cette période difficile.

– Quid des 4 mois d’exonération de cotisations pour les artistes-auteurs annoncés ? À ce sujet, nous avons la semaine prochaine un point d’étape avec le ministère de la culture. Nous espérons pouvoir vous informer très rapidement des modalités mises en place… et surtout que celles-ci soient simples et efficaces, et pas un énième bricolage comme nous en avons trop vécu.

Crise sanitaire : les annonces de l’État pour le livre

Dans un communiqué de presse paru aujourd’hui, le ministre de la Culture Franck Riester et le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire ont annoncé la suite des mesures concernant le soutien à la filière du livre.


Parmi ces mesures concernant essentiellement les maisons d’édition et les libraires, certaines nouvelles concernent les artistes-auteurs au sens large :

– Artistes-Auteurs : ces derniers ont accès au fonds de solidarité pour les mois de mars à mai 2020. Ce dispositif sera prolongé jusqu’à la fin de l’année 2020. Conformément aux engagements du Président de la République, ils bénéficieront également d’une exonération de cotisations sociales de 4 mois (mars à juin 2020).

– Commande publique : le programme de commande publique annoncé par le Président de la République le 6 mai dernier sera ouvert aux auteurs. Les modalités de ce programme seront présentées prochainement.

Fonds de solidarité

Comme les autres professionnels de la culture, les artistes-auteurs se verront donc octroyer un accès prolongé au fonds de solidarité jusqu’à la fin de l’année 2020. Il s’agit d’une bonne nouvelle qui devrait réduire les ruptures d’égalité et permettre à davantage d’artistes-auteurs de recevoir un soutien économique.

Il convient cependant de noter qu’aujourd’hui encore le fonds de solidarité montre de nombreux dysfonctionnements (notamment le formulaire mis en ligne tardivement pour les artistes-auteurs sans n° de SIRET). Nous espérons que l’accès à ce fonds de solidarité évolue pour que son obtention devienne aussi rapide et efficace que le formulaire disponible sur l’espace personnel des impôts.

De nombreux artistes-auteurs restent néanmoins artificiellement exclus du dispositif transversal en raison du paiement différé de leurs rémunérations.

Deux préconisations simples1 parmi celles proposées il y a un mois permettraient de résoudre ce problème pour soutenir plus massivement les professionnels en ayant besoin. Nous demandons aux Ministères d’étudier ces possibilités.

Il est à noter que peu d’artistes-auteurs semblent au courant de l’assouplissement des critères pour accéder au fonds de solidarité, interrogeant sur la mission d’information associée à ce fonds de soutien.

Exonération des cotisations sociales

Cette annonce avait déjà été faite par le président de la République, et nous connaissons désormais sa périodicité (mars à juin 2020).

Néanmoins, de nombreuses questions restent sans réponse. Cette exonération concerne-t-elle la retraite complémentaire IRCEC-RAAP ? Quelles modalités pour bénéficier de cette exonération, sachant qu’une partie des artistes-auteurs reverse elle-même ses cotisations sociales à l’Urssaf, tandis que l’autre est précomptée par les diffuseurs de leurs œuvres ?

Les nombreux problèmes techniques rencontrés nous obligent donc à la plus grande vigilance : nous avons absolument besoin de dispositifs simples et opérationnels.

Commande publique

Il est pour l’heure difficile de se faire une idée sur cette mesure avec si peu d’informations. Quelles sont les modalités de ces commandes ? Pour quelle rémunération ? Quel programme ?

Si la commande publique est une pratique développée dans les arts visuels, ce n’est pas le cas dans le milieu de l’édition. Comment ces travaux de création seront-ils encadrés juridiquement ?

Ce point nécessitera sans doute une mise en place d’outils très précis pour permettre aux artistes-auteurs d’être rémunérés correctement.

 

Dans l’ensemble, si nous saluons l’effort de transversalité de ces mesures, nos organisations professionnelles appellent à la vigilance.

Ces derniers mois, les artistes-auteurs ont beaucoup souffert des nombreux dysfonctionnements administratifs et se sont sentis oubliés par les pouvoirs publics en cette période extrêmement difficile.

Par ailleurs, nos organisations professionnelles remarquent que, si des mesures d’ampleur semblent prises pour les autres professionnels de la culture, celles réservées aux artistes-auteurs semblent encore bien timides.

Nous invitons donc les pouvoirs publics à prendre connaissance, si ce n’est déjà fait, de l’ensemble de nos préconisations. La crise sanitaire a agi comme un révélateur de nos problématiques de statut et de représentativité : il y a urgence à tirer des leçons de la gestion de la crise pour sauver nos professions créatives.

 

Notes

1Cf. Artistes-auteurs : 8 préconisations urgentes, point 2 : Un accès effectif de tous les artistes-auteurs au fonds de solidarité national avec une « case » artistes-auteurs , point 3 : Une amélioration des conditions d’octroi du fonds de solidarité.

Réunion avec le ministre de la Culture

Le mardi 12 mai a eu lieu une réunion auteurs de l’écrit en visio-conférence avec le Ministre de la culture Franck Riester. Étaient présents les représentants du ministères, du CNL, des OGC et des organisations professionnelles.

Quoi de neuf ? Pour l’heure, nous n’avons pas de date arrêtée pour la case artistes-auteurs ni d’autres précisions sur l’application des 4 mois d’exonération de cotisations sociales – c’est acté, mais quelles modalités précises ? La retraite complémentaire est-elle bien comprise ?

Nous avons formulé des propositions simples et efficaces, à l’écrit1 comme à l’oral, pour harmoniser les différents guichets dits “sectoriels” existants et adapter le fonds de solidarité national à la particularité du revenu différé des artistes-auteurs. Pour les guichets sectoriels, on nous renvoie à la « gouvernance » de ces guichets qui reste floue et qui sous-entend qu’il n’y a pas de pilotage global artistes-auteurs. Les ruptures d’égalité actuelles et le mimétisme du mécanisme de fonds de solidarité que nous soulignons depuis des semaines ne semblent donc pas prises en compte. De fait, ces guichets sont non cumulables (sauf celui de la Sacem) et aucun ne prend en compte notre plus grande spécificité : notre revenu différé dans le temps. Pourtant, ces deux sujets pourraient être facilement corrigés.

Nous maintenons que si l’urgence est indéniable et peut expliquer certaines décisions hâtives2 , les problèmes actuels doivent à tout prix être réglés sous le prisme du statut artistes-auteurs en distinguant ce qui relève du soutien économique, de l’aide sociale et de la compensation des annulations de prestations. Sur ce sujet, il a semblé légitime au Ministère comme à d’autres organisations présentes que les différents aspects soient ainsi mélangés dans les soutiens. Cela montre hélas tous les biais de perception de ce que chacun projette des besoins d’« un auteur » et une absence de reconnaissance de la profession.

Nos demandes d’harmonisation, d’adaptation et de clarification n’ont pourtant rien d’extraordinaire : elles s’appliquent dans les autres professions. Il s’agit bien, durant cette crise, de traiter les artistes-auteurs comme les professionnels qu’ils sont, sans rupture d’égalité et dans la compréhension de leurs métiers.

Nous rappelons que notre devoir de représentation est de porter les demandes des auteurs et autrices eux-mêmes. Aujourd’hui et comme vient de le montrer notre récente étude3 , ces derniers ne sont pas satisfaits de la gestion de la crise et les conséquences économiques et sociales seront lourdes. Peu ont accès en pratique aux dispositifs de soutiens, et paradoxalement les plus professionnalisés, sans autre sécurité (aucun droit chômage, pas de droits sociaux par un autre métier etc) sont exclus pour des raisons qui pourraient être rectifiées.

Notre réalité doit à tout prix être prise en compte, en trouvant des solutions.

Nous réitérons donc nos demandes, continuons d’envoyer des documents et préconisations, mais sommes inquiets que ces dernières ne soient pas entendues malgré leur simplicité. L’avenir nous le dira rapidement. Elles ne demandent pourtant qu’un arbitrage politique favorable.

Notes

Résultats de l’enquête, phase 2 : Impacts du COVID-19 sur les revenus des auteurs et autrices du livre

Étude menée du 23 avril 2020 au 6 mai 2020

En raison de l’épidémie du COVID-19 et des mesures prises pour lutter contre la contamination, les revenus des auteurs et autrices du livre, comme ceux de nombreux Français et Françaises, ont été impactés.

Après avoir mesuré les pertes de revenus que représentent les annulations de salons, d’interventions et les décalages des plannings de sorties d’ouvrages lors d’une première phase, la Ligue des auteurs professionnels et ses membres fondateurs (Charte des auteurs et Illustrateurs Jeunesse et États Généraux de la BD) ont mis en place un second questionnaire à destination des auteurs et autrices du livre. Son objectif est de déterminer l’impact de la crise sur leur situation sociale et économique après 8 semaines de confinement : accès ou non aux dispositifs de soutien, pertes de revenus, perspectives d’avenir, sentiment sur la gestion par les pouvoirs publics, etc.

I. Population

L’enquête porte sur 415 auteurs et autrices du livre. Au sein de la population de répondants, 41% sont écrivains ou écrivaines, 33,4% dessinateurs ou dessinatrices, 14,3% scénaristes, 5,5% coloristes, 5,3% traducteur ou traductrice. Si cela ne fait pas partie du champ des activités de création, 0,5% la des répondants ont précisé exercer une activité de correction.

Une importante majorité des répondants (68%) déclare avoir publié plus de dix ouvrages en édition traditionnelle ou en auto-édition.

De même, plus de 80% des répondants (80,7%) déclarent que leur activité de création (dans et hors secteur du livre) constitue leur principale ou unique activité professionnelle.

La population de cette étude est par conséquent très professionnalisée et installée.

II. Pratique des métiers créatifs

Comme c’est souvent le cas pour les auteurs et autrices du livre, une importante proportion des répondants (39,5%) déclare exercer plusieurs métiers de la création dans le secteur du livre.

Une importante proportion des répondants (40%) déclare également tirer une partie de ses revenus artistiques et droits d’auteurs d’au moins une autre activité créative dans un secteur culturel différent de celui du livre.

Ces résultats, ainsi que ceux présentés dans la Figure 4., illustrent la tendance répandue au sein des artistes-auteurs et artistes-autrices à pratiquer plusieurs activités créatives. La population concernée est donc en grande partie et multi-métiers et exerce dans plusieurs secteurs de diffusion.

III. Revenus liés au secteur du livre

La suite de l’étude porte sur les revenus envisagés par les auteurs et autrices du livre entre juin et septembre 2020. Il s’agit habituellement d’une période économiquement creuse pour la profession : peu de parutions (et donc peu d’à-valoir prévus à la sortie des ouvrages le cas échéant), peu de signatures de contrat, peu d’événements culturels.

Les congés d’été pour les maisons d’édition sont souvent synonymes de décalage de paiement à la rentrée, situation préjudiciable pour les auteurs et autrices.

Après un printemps montrant une forte perte de revenus pour de nombreux auteurs et autrices (cf. la première phase de cette étude : pour 45 jours de confinement, les auteurs et autrices perdent en moyenne 2798,46 euros), l’arrivée dans la période estivale creuse, couplée à la crise du COVID-19, a pour conséquence un affaiblissement net des revenus des auteurs et autrices.

23% des répondants déclarent qu’ils ne toucheront rien au cours des quatre mois compris entre juin et septembre 2020, tandis que 22% pensent toucher 1000 euros ou moins. 41% des répondants estiment qu’ils vont gagner entre 1000 et 5000 euros (soit entre 250 et 1250 euros par mois). Seuls 14% des répondants gagneront plus que cette somme au cours des quatre mois estivaux.

En moyenne, les auteurs et autrices répondants ont prévu de toucher 2803,24 euros pour l’ensemble de la période estivale 2020 (soit 700,81 euros par mois). Rappelons que pour 80,7% d’entre eux, la création constitue leur principale ou unique activité professionnelle.

En moyenne, les répondants à cette étude déclarent travailler avec 4 maisons d’édition.

20% des auteurs et autrices ne travaillent qu’avec une seule maison, quand la majorité (56%) travaille avec deux à cinq maisons différente. 21% travaillent avec six éditeurs ou plus, 5% avec plus de dix. 3% des auteurs et autrices professionnels n’ont pas publié à compte d’éditeur et tirent leurs revenus de l’autoédition.

À la date de l’étude, seuls 19% des répondants déclarent avoir reçu les redditions de compte obligatoires de l’ensemble de leurs éditeurs, contre 37% qui n’ont rien reçu d’aucun éditeur et 44% qui ont reçu leurs redditions de certains de leurs éditeurs mais pas d’autres.

Parmi les auteurs et autrices qui ont reçu toutes ou partie de leurs redditions de compte, seuls 27% déclarent avoir reçu l’intégralité des sommes dues pour l’année 2019, contre 38% qui n’ont pas tout reçu et 35% qui n’ont rien reçu à la date de l’étude.

19% des répondants déclarent également qu’au moins une des maisons d’éditions avec lesquelles ils travaillent a annoncé différer les versements attendus par les auteurs.

À l’heure actuelle, la situation économique de nombreux auteurs et autrices de livre est extrêmement précaire. L’arrivée de la période estivale, traditionnellement creuse, sera encore plus durement ressentie que d’habitude en raison de la crise du COVID-19.

En effet, le décalage des offices, le ralentissement de l’activité des maisons d’édition et l’annulation d’événements culturels ont largement amputé les revenus du printemps sur lesquels comptaient les auteurs et autrices de livre (voir Phase 1 de l’étude). Ces premiers chamboulements de la crise ont ainsi empêché nombre d’auteurs et d’autrices de constituer des réserves de trésorerie pour l’été, habituellement peu rémunérateur.

À cela s’ajoutent des pertes impossibles à quantifier à ce stade : contrats annulés ou décalés, absence de ventes d’œuvres, impact des fermetures des librairies sur les ventes, etc. L’ampleur des effets ne pourra s’appréhender que sur le moyen terme.

IV. Accès aux aides et fonds de solidarité

A. Fonds de solidarité DGFIP

Pour la période d’avril 2020, seuls 13% des répondants déclarent pouvoir accéder au fonds de solidarité DGFIP. 42% ne savent pas s’ils y ont accès ou ne sont pas sûrs, et 45% n’y ont pas accès.

Parmi les obstacles à l’accès à ce fonds, ceux qui ont répondu ne pas savoir ou ne pas y avoir accès ont principalement mis en avant :

  • L’inéligibilité pour cause de revenus trop importants sur 2020 par rapport au même mois sur 2019 (50%)
  • Les critères inadaptés (17%)
  • L’impossibilité de remplir le dossier sans numéro de SIRET (15%)

Tous les artistes-auteurs partagent une même particularité : leurs revenus sont par nature aléatoires et différés dans le temps. Ce pour deux raisons :

  • Les revenus issus de l’exploitation de leurs œuvres sont des sommes d’argent qu’ils touchent de façon déconnectée de la période durant laquelle cette œuvre a été créée. Par exemple, au Canada, le choix a été fait de ne pas prendre en compte les revenus issus d’exploitation d’œuvre dans le calcul des montants touchés par les artistes-auteurs, du fait que ces revenus sont en réalité corrélés à une activité professionnelle antérieure.
  • Même si un artiste-auteur est rémunéré pour son acte de création (contrat de commande, prestation…) l’absence de réglementation sur les délais de paiement et les mauvaises pratiques des milieux culturels font que les retards et décalages de paiement sont extrêmement courants.

Faute de réglementation stricte, la rémunération des artistes-auteurs est la variable d’ajustement permanente des secteurs culturels. Il n’est pas rare de voir un auteur ou une autrice de livre toucher un à-valoir avec deux ou trois mois de retard pour un manuscrit rendu à temps.

On comprend que dans ces circonstances, certains auteurs et autrices ont aussi reçu des paiements inattendus liés à une activité professionnelle antérieure, qui ne reflète donc pas l’impact immédiat qu’a la crise sur leurs métiers. Cela ne signifie pas que ces professionnels n’ont pas expérimenté des pertes de revenus nettes en raison de la crise.

Le printemps étant la période de redditions de compte des maisons d’édition beaucoup d’auteurs et autrices touchent une partie importante de leurs revenus tirés de l’exploitation de leurs œuvres durant ces mois.

L’impossibilité de lisser les revenus 2019 sur l’année pour comparer avec le mois de mars 2020 a empêché un grand nombre d’entre eux d’accéder à une aide dont ils avaient besoin le mois dernier.

Pour le mois d’avril 2020, les critères de la DGFIP ont été assouplis : il faut désormais avoir 50% de perte de revenus en avril 2020 par rapport à avril 2019, et il est possible de choisir entre deux modes de calcul : soit comparer les revenus de avril 2019 avec avril 2020, soit faire une moyenne mensuelle des revenus de 2019 pour comparer avec avril 2020.

De nombreux artistes-auteurs restent néanmoins artificiellement exclus du dispositif transversal en raison du paiement différé de leurs rémunérations.

Deux préconisations simples permettraient de résoudre ce problème pour soutenir plus massivement les professionnels en ayant besoin.

Il est à noter que peu d’artistes-auteurs semblent au courant de l’assouplissement des critères, interrogeant sur la mission d’information associée à ce fonds de soutien.

En outre, l’absence de « case » artiste-auteur pour celles et ceux qui déclarent leurs revenus en traitements et salaires (et n’ont de fait pas de numéro SIRET) est un important frein à l’accès à ce fonds pour nombre de professionnels.

B. Fonds de solidarité CNL – SGDL

Pour la période d’avril 2020, seuls 6% des répondants déclarent pouvoir accéder au fonds de solidarité CNL – SGDL. 39% ne savent pas s’ils y ont accès ou ne sont pas sûrs, et 55% n’y ont pas accès.

Parmi les obstacles à l’accès à ce fonds, ceux qui ont répondu ne pas savoir ou ne pas y avoir accès ont principalement mis en avant :

  • L’inéligibilité pour cause de revenus trop importants par rapport à 2019 (34%)
  • Les critères inadaptés (32%)
  • L’impossibilité de cumuler cette aide avec d’autres aides (13%)
  • La complexité du dossier (8%)
  • L’absence de réponse (3%)
  • L’ignorance de l’existence de ce fonds (2%)

On notera que le dispositif CNL – SGDL, supposé être « complémentaire », imite en fait la logique du fonds de solidarité national. Il est donc logique de retrouver le même premier obstacle : l’impossibilité de prouver une perte de revenus sur un mois précis.

Le problème d’accès est également aggravé par les multiples critères et la lourdeur administrative de la démarche, quand le fonds de solidarité ne demande qu’une déclaration sur l’honneur sans justificatifs.

L’accès à ce fonds de solidarité alimenté par l’argent public (CNL) et l’argent des auteurs (via les Organismes de Gestion Collective) s’avère pour l’heure problématique.

V. Sentiments des auteurs et autrices sur la gestion de cette crise pour leur secteur

Lorsque l’on demande leur sentiment général sur la gestion des impacts de la crise sur la population professionnelle des artistes-auteurs, les sentiments qui dominent parmi les répondants sont essentiellement négatifs. On peut constater :

  • Un sentiment d’abandon, de mépris ou d’indifférence par le gouvernement et les pouvoirs publics ;
  • Une inquiétude importante, notamment quant à l’avenir ;
  • Le constat que les spécificités liées à leurs métiers ne sont pas connues ou pas prises en compte ;
  • Un sentiment de gestion catastrophique, désastreuse pour leur profession ;
  • Une sensation de confusion, de flou, l’impossibilité de se projeter dans l’avenir ;
  • Une impression de complexité quant aux solutions proposées et apportées ;
  • Un sentiment de colère et d’injustice ;
  • Un sentiment d’amertume, d’abattement.

Une mince partie des auteurs et autrices éprouve néanmoins de l’espoir, a confiance en l’avenir ou se déclare satisfait des mesures prises jusqu’ici.

L’inquiétude partagée par nombre d’auteurs et d’autrices tient aussi au fait qu’ils ont conscience que les effets de cette crise se feront encore ressentir sur le long terme.

VI. Conclusion

Cette seconde étude confirme le profil socio-économique des auteurs et autrices du livre ayant répondu à l’enquête. Il s’agit de professionnels pour qui la création est l’activité principale. Ils ont souvent plusieurs métiers créatifs et/ou exercent dans plusieurs secteurs culturels.

Pour nombre d’entre eux, la crise a un impact très net sur leurs revenus, au minimum à court et moyen-terme : ils devront vivre avec en moyenne 700,81 euros par mois entre juin et septembre 2020. Aussi, à l’heure d’aujourd’hui, seulement 19% des auteurs et autrices indiquent avoir reçu les redditions de compte de l’ensemble de leurs maisons d’édition. 37% indiquent n’avoir reçu aucune reddition de compte d’aucune maison d’édition.

Pourtant, au moins 45% d’entre eux n’ont pas accès au dispositif de fonds de solidarité national et seulement 6% déclarent pouvoir avoir accès au fonds SGDL/CNL.

L’accès aux différentes aides et fonds est un parcours du combattant faute d’information centralisée, de critères adaptés et d’appréhension de la réalité des métiers de la création (notamment la particularité d’une rémunération par nature différée et aléatoire).

Il apparaît clairement que les auteurs et autrices du livre n’ayant pas d’autre métier ou protection sociale ne sont aujourd’hui pas soutenus à la hauteur de la crise.

L’absence d’identification précise des artistes-auteurs, la méconnaissance de leur activité professionnelle et l’actuelle complexité de leur statut sont un puissant frein à une politique culturelle efficace envers l’ensemble des créateurs et créatrices.

De même, la perception des auteurs et autrices de la gestion les concernant est très négative, témoignant d’un sentiment d’abandon et de la perception d’une grave méconnaissance de leur profession.

Il apparaît urgent de se pencher sur une évaluation et une harmonisation des guichets « sectoriels » existants ainsi que d’assouplir l’accès au fonds de solidarité transversal. De même, il est nécessaire de corriger le plan artistes-auteurs actuel pour distinguer ce qui relève du soutien économique aux créateurs et créatrices, de l’aide sociale et de la compensation des défauts de rémunération.

Annexe – Verbatim

Extraits des réponses des auteurs et autrices interrogés à la question : « Quel est votre sentiment général sur la gestion des impacts de la crise sur la population professionnelle des artistes-auteurs ? »

« Une gestion éclatée, incompréhensible et non adaptée à nos métiers. »

« Amateurisme et inadéquation des mesures proposées. »

« Nous devrions être traités comme des professionnels en crise, et non pas comme des particuliers avec des problèmes de gestion de leurs finances dont on doit valider la bonne conduite. »

« Il nous faut un seul statut , un seul interlocuteur. »

« Je pense que le CNL et la SGDL confondent nos revenus pour lesquels nous payons nos impôts avec les conditions d’aide sociale de la CAF. »

« Un casse-tête administratif. »

« On ne demande pas à un boulanger les revenus de son épouse pour lui verser une aide. »

« Une usine à gaz pensé en dépit du bon sens et, surtout, en dehors des réalités de nos métiers. »

« Les artistes-auteurs ne sont clairement pas prioritaires et les aides ne sont pas assez précises pour être utiles. »

« C’est très humiliant de voir les aides professionnelles plafonnées comme des aides sociales. »

« Comme d’habitude, nous n’existons pas (en pire). »

« Comme tout le reste quand il s’agit de notre profession : infantilisation ! »

« Si le rapport Racine avait été pris en compte et ses recommandations suivies, nous ne connaîtrions pas ce sentiment d’abandon total et ces inégalités absurdes. »

« Je suis perdue, sans la Ligue je serai au courant de rien. »

« J’ai le sentiment que nous sommes une profession invisible, pour le public et surtout pour l’administration et les politiques. »

« Une bonne blague pour l’année de la BD. »

« Pour l’aide du CNL, purement scandaleuse. Du copinage, et un méandre administratif (qui exclut les jeunes et paupérise les femmes) qui vont faire du bien à un petit syndicat inconnu par 90% des artistes-auteurs. »

« Un sentiment de découragement profond. »

« Impressions très pénibles qu’on nous laisse mourir. »

« L’absence de guichet unique et public rend l’obtention des aides impossibles : les critères sont trop sélectifs pour la réalité des auteurs. »

« Plus de cinq semaines pour modifier un formulaire informatique qui nous permettrait de bénéficier de la solidarité nationale, pas de guichet unique… voilà qui en dit long sur le respect de nos métiers. »

« Tant que les artistes-auteures n’auront pas de vrai statut, de protection, nous serons mis de côté, et par ce fait sans voix. »

« La démonstration est flagrante de la non reconnaissance de cette profession. Non identifiée, contradictoire dans ses statuts qui n’en sont pas vraiment. Il est donc impossible de la prendre en compte, politiquement, socialement, fiscalement. »

« L’impression de ne pas avoir de métier. »

« Comme pour le dossier entier de la situation des artistes-auteurs en France, la gestion est catastrophique. »

« Chaotique. Tant qu’il n’existera pas de statut précis pour les artistes-auteurs, cela continuera. »

« C’est le flou artistique, mais j’ai espoir que des solutions se mettent en place. »

1ère Enquête auteurs et autrices – Covid-19 : résultats

En raison de l’épidémie du COVID-19 et des mesures prises pour lutter contre la contamination, les revenus des auteurs et autrices du livre, comme ceux de nombreux Français et Françaises, seront impactés.

La Ligue des Auteurs Professionnels avec ses membres fondateurs la Charte des Auteurs et Illustrateurs Jeunesse et les États Généraux de la BD ont mis en place un premier questionnaire à destination des auteurs et autrices de livre, dans le but de qualifier et quantifier l’impact du confinement sur leur activité et leurs revenus. L’enquête a été diffusée via les canaux de communication suivis par nos adhérents et adhérentes au tout début de la crise sanitaire, pour tâcher d’avoir un aperçu des premiers impacts. Ces enquêtes se poursuivront et s’étofferont tout au long de la crise.

Population

351 auteurs et autrices du livre ont répondu durant la semaine de l’enquête. Compte tenu des profils des adhérents de nos organisations professionnelles, il s’agit sans surprise d’une population très majoritairement professionnalisée, pour qui les impacts de la crise sont des enjeux de survie sociale et économique. Nous constatons que ceux et celles qui ont pris le temps de répondre sont très majoritairement des auteurs et autrices pour qui la rémunération de prestations en plus de l’exploitation de leurs œuvres est une pratique installée (ateliers, interventions scolaires…). De fait, ces auteurs et autrices constatent un impact immédiat et brutal sur leurs revenus, qu’il faudra additionner aux impacts plus long terme à venir, encore non quantifiables.

Les répondants pratiquent une activité d’écriture (63,5 %), de dessin ou illustration (54,5 %), de scénario (21,3 %) ou de traduction (5,4 %). La majorité des répondants pratiquent plusieurs activités.

Les principaux secteurs éditoriaux (nomenclature du Syndicat National de l’Édition reprise par les institutions) représentés parmi les répondants sont :

  • La littérature jeunesse (74,0 %)
  • La BD (32,6 %)
  • Le roman (22,5 %)
  • Le document, les essais, l’actualité, l’humour (8,4 %)
  • Les beaux livres et les livres d’art (7,8 %)
Mode de rémunération

Pour contextualiser, il faut comprendre que les rémunérations des auteurs et autrices du livre prennent plusieurs formes, intégrées au régime artistes-auteurs. Pour simplifier :

  • Les à-valoir, avance sur droits qui est la rémunération touchée pendant la création d’une œuvre. Cette rémunération peut hélas être fragmentée et différée : une partie à signature, une partie à remise du manuscrit, une partie à parution du livre.
  • Les redevances, qui sont les droits d’auteur générés par l’exploitation de livres antérieurs. Les auteurs et autrices du livre n’ont aucune visibilité sur leurs ventes ou les droits à venir. Seules les maisons d’édition ont cette information.  Les auteurs et autrices découvrent le montant qui leur sera versé une fois par an, entre avril et juin en général. Exception en bande-dessinée où les redditions de compte sont bi-annuelles.
  • Les “revenus accessoires“, qui sont des revenus issus de prestations des auteurs et autrices en lien avec leurs œuvres : interventions, conférences, ateliers, lectures publiques, etc. Ces revenus sont touchés durant des périodes d’événements, en général de mars à juin et de septembre à décembre.

Il est à noter qu’en plus d’être aléatoire, la rémunération des auteurs et autrices est soumise à une saisonnalité et des temporalités. Il n’existe pas de revenu mensuel fixe pour un auteur, ces derniers doivent construire une trésorerie en prenant en compte la variabilité des revenus. Actuellement, nous sommes donc dans une période où nombre d’auteurs et d’autrices du livre touchent des revenus qui doivent leur permettre de vivre jusqu’à la rentrée.

Perte de revenus liée aux annulations de salons littéraires, événements, rencontres scolaires, rencontres publiques, etc.

L’annulation des événements littéraires impacte les revenus des auteurs et autrices de manière croissante en fonction de la durée potentielle du confinement. Il faut noter que la période qui s’étend de mars à juin est un temps fort des sollicitations pour les auteurs et autrices de livre, la “saison des salons” constituant un temps intense de tournées qui retombe ensuite.

Près des quatre cinquièmes (79,8 %) des auteurs et autrices sont concernés par une perte de revenus induite par l’annulation de salons littéraires, événements, rencontres. Cette proportion est de 77,1 % pour les auteurs et autrices de BD et de 84,5 % pour les auteurs et autrices du livre jeunesse.

Parmi les répondants concernés :

  • Pour 15 jours de confinement (jusqu’au 1er avril), les auteurs et autrices perdent en moyenne 1597,90 €.
  • Pour 30 jours de confinement (jusqu’au 15 avril), les auteurs et autrices perdent en moyenne 2196,03 €.
  • Pour 45 jours de confinement (jusqu’au 1er mai), les auteurs et autrices perdent en moyenne 2798,46 €.

Dans la population des auteurs et autrices de BD concernés :

  • Pour 15 jours de confinement, les auteurs et autrices perdent en moyenne 1184,85 €.
  • Pour 30 jours de confinement, les auteurs et autrices perdent en moyenne 1672,22 €.
  • Pour 45 jours de confinement, les auteurs et autrices perdent en moyenne 2093,96 €.

Dans la population des auteurs et autrices de littérature jeunesse concernés :

  • Pour 15 jours de confinement, les auteurs et autrices perdent en moyenne 1655,28 €.
  • Pour 30 jours de confinement, les auteurs et autrices perdent en moyenne 2250,76 €.
  • Pour 45 jours de confinement, les auteurs et autrices perdent en moyenne 2848,45 €.

Perte de revenus liée aux changements de conditions de contrats éditoriaux

Suite à l’annulation des offices en librairie, de nombreuses maisons d’édition ont décidé d’adapter leur calendrier éditorial en reportant ou supprimant la parution de certains titres. Selon les conditions contractuelles (par exemple un versement de tout ou partie d’un à-valoir à la sortie d’un ouvrage, ou lors de la signature d’un contrat d’édition ou de commande), ces décisions peuvent être lourdes de conséquences pour les auteurs et autrices du livre.

58 % des auteurs et autrices du livre ayant répondu au questionnaire sont concernés par le report d’un ou plusieurs de leurs ouvrages.

Dans le cas où le versement de tout ou partie de l’à-valoir est conditionné à la sortie de l’ouvrage, 46 % des auteurs et autrices concernés voient ce versement être reporté par l’éditeur à la nouvelle date de sortie.

Au total, 32,5 % des auteurs et autrices voient disparaître une partie des revenus qu’ils devaient toucher dans les mois à venir du fait des reports (versements d’à-valoir décalés, annulations et reports de commandes).

  • Les auteurs et autrices concernés perdent en moyenne 3065,38 €.
  • Les auteurs et autrices BD perdent en moyenne 3779,73 €.
  • Les auteurs et autrices du livre jeunesse perdent en moyenne 2722,16 €.
Impact non mesurable de la crise sanitaire sur les revenus des auteurs.

57,5 % des auteurs et autrices sont impactés ou très impactés dans leur activité par la fermeture des écoles, crèches et garderies ;

34,4 % des auteurs et autrices sont impactés ou très impactés dans leur activité par la fermeture des services et commerces.

La présence des enfants en continu au sein du foyer et le besoin d’assurer la continuité pédagogique réduisent le temps alloué au travail et la qualité du travail des auteurs et autrices.

La difficulté d’accéder à certains services (livraison de planches, rencontres physiques entre co-auteurs, réception de contrats ou de règlements par courrier, dépôts de chèques, etc.) impacte le travail et les finances de nombreux auteurs.

La majorité des auteurs et autrices interrogés considère que le confinement impactera fortement leurs revenus sur le long terme (droits d’auteurs de l’année n+1).

Leurs principales craintes sont :

  • La diminution des ventes des livres sortis juste avant la crise sanitaire (distribution et promotion arrêtées) ;
  • L’engorgement à prévoir des parutions à la fin de la crise, entraînant une diminution automatique des ventes possibles ;
  • La diminution des revenus d’une partie de la population française (chômage forcé, réduction des bénéfices des entreprises) et donc la part allouée aux dépenses liées à l’achat de livres.

Nous savons que les impacts sur notre activité prendront de nombreuses formes et que certaines pertes de revenus seront impossibles à quantifier, du fait du ralentissement économique des industries culturelles. Ces conséquences dramatiques s’appliqueront également aux autres métiers de la création, déjà fortement fragilisés. Les artistes-auteurs sont la variable d’ajustement systématique des secteurs de diffusion. L’absence de régulation et de droit du travail laisse en plus craindre une vulnérabilité décuplée face aux entreprises exploitant leurs œuvres. Aussi, l’absence d’évolution de notre statut et de réforme efficace de notre régime de sécurité sociale induit de lourdes conséquences sur notre vie quotidienne et l’accès à nos droits sociaux. Il paraît donc essentiel de penser un fonds d’urgence transversal à l’adresse de tous les artistes-auteurs, pour accompagner sur le court et le long terme les professionnels que nous sommes dans cette période qui s’annonce extrêmement difficile.

Problèmes avec le plan d’urgence CNL / SGDL

Si la Ligue salue l’ensemble du plan d’urgence en faveur du livre du Centre National du Livre, les auteurs et autrices auront cependant beaucoup de mal à accéder au dispositif qui leur est dédié, comme nous en avions averti les pouvoirs publics. Le fonds proposé dans le cadre du plan d’urgence du Centre National du Livre prend la forme d’une dotation à la Société des Gens de Lettres pour distribuer des aides. Si nous comprenons l’urgence de la crise et les difficultés que posent cette situation inédite, les décisions politiques prises aujourd’hui auront des impacts considérables sur nos professions.

À défaut d’un véritable fonds d’urgence artistes-auteurs, le ministre Franck Riester a chargé le Centre National du Livre d’organiser le fonds de 5 millions d’euros à l’attention de tous les professionnels du livre, et donc d’y intégrer les auteurs. Or le CNL, le 3 avril 2020, a acté de se décharger de sa mission et de transformer ces fonds ramenés à 1 million d’euros à destination des auteurs en subvention à une association, la Société des Gens de Lettres.

Depuis le début de la crise, nous sommes en lien avec le CNL, la DGMIC et le cabinet du Ministère de la culture auxquels nous avons adressé de nombreuses notes et propositions alternatives dans la gestion de l’octroi des aides aux auteurs et autrices, pour plus de simplicité et d’automatisme.

Comme nous l’avons craint dans ce genre de gestion éclatée via des opérateurs externes, les critères d’attribution envisagés sont encore plus restrictifs et complexes. Ils dénotent aussi d’une absence d’appréhension de la réalité de nos métiers et du statut des artistes-auteurs. Aussi, les artistes-auteurs étant multi-métiers, ils peuvent prétendre à de nombreux guichets sans savoir quel dispositif inclut ou exclut l’autre.

Des critères hors-sol

Pourront bénéficier de l’aide d’urgence exceptionnelle les auteurs et autrices du livre remplissant les conditions suivantes :

  • Ne pas avoir pu bénéficier d’une aide au titre du fonds de solidarité créé par l’ordonnance n°2020-317 du 25 mars 2020;
  • Avoir publié au moins 3 ouvrages en français à compte d’éditeur dont 1 dans les 3 dernières années ;
  • Attester en 2019 de revenus mensuels inférieurs :
    • à une fois et demi le SMIC, tous revenus confondus ;
    • ou à deux fois le SMIC, lorsque les revenus artistiques représentent plus de la moitié de la totalité des revenus perçus ;
    • et à trois fois le SMIC, pour l’ensemble des revenus perçus par le foyer fiscal (lorsque le demandeur est en couple) ;
  • Constater une absence de revenus au titre de son activité d’auteur aux mois de mars et/ou avril 2020, ou une baisse d’au moins 50 % par rapport à la moyenne mensuelle des revenus d’auteur perçus au cours d’une ou plusieurs des trois années antérieures ;
  • Attester, en 2019, de revenus artistiques issus d’une activité d’auteur de livres supérieurs à 50 % de l’ensemble des revenus artistiques perçus.
  • Par revenus d’auteur, il convient d’entendre les revenus mentionnés à l’article L 382-3 du code de la sécurité sociale.
  • L’auteur établit par tout moyen la perte de revenus constatés au titre des mois de mars et avril 2020, en produisant tout document de nature à en démontrer la réalité.

centrenationaldulivre.fr

Ces conditions seront à l’origine de nombreuses exclusions.

Le nombre d’ouvrages minimums (critère n° 2) posé ici comme une critère de professionnalité n’est pas du tout adapté aux réalités que connaissent les membres de nos professions. Si le nombre d’ouvrages est très variable d’un genre à l’autre, il est certain d’emblée que les jeunes auteurs et autrices devront renoncer à ce plan d’aides d’urgence. Cela exclut d’office les auteurs et autrices auto-édités, alors que l’auto-diffusion est aussi une partie des industries créatives que nulle ne peut ignorer.

Cette exigence exclut aussi la majorité de ceux et celles qui sont au “début” de leur carrière professionnelle. En somme, il y a de fortes chances que ceux et celles qui se consacrent depuis peu à une activité de création dans une perspective de professionnalisation soient totalement exclus du plan d’aides CNL/SGDL.

La référence à des plafonds de rémunération n’est pas plus logique. D’une part, nos activités de création sont caractérisées par des temporalités divergentes, tantôt exclusives de rémunérations et tantôt mieux rémunérées. D’autre part, si d’une année sur l’autre, nos revenus ne sont pas les mêmes, nous continuons pourtant de pratiquer nos activités de création à titre professionnel.

Il est demandé aux auteurs et autrices (critère n° 3) de gagner moins d’une fois et demi le SMIC soit une moyenne de 1828,50 € par mois en 2019,  OU moins de deux fois le SMIC (2438 euros), lorsque les revenus artistiques représentent plus de la moitié de la totalité des revenus perçus (soit plus de 1219 euros). En ce sens, ce dispositif est déconnecté de nos métiers. D’abord cela signifie que ceux et celles qui auront gagné plus de 21942 euros l’année dernière et qui, comme tout le monde, subiront de fortes pertes de rémunération du fait de cette crise sanitaire, ne bénéficieront pas de l’aide. Que le plan mette en oeuvre un plafond de rémunération au-dessus duquel un auteur ou une autrice qui ne sont pas dans le besoin ne peuvent pas toucher cette aide est une chose, mais ce plafond doit être cohérent. Si le fonds de solidarité général pose un plafond de rémunération de 80 000 euros, le dispositif ne peut pas en fixer un qui semble très dérisoire et exclusif de nombreux auteurs et autrices.

Autre point problématique, les auteurs et autrices dont le foyer fiscal serait supérieur à trois fois le SMIC (soit 3657 euros par mois) seront exclus (critère n°3). La prise en compte des revenus du conjoint ou de la conjointe pour décider du versement d’une aide de l’Etat à destination de professionnels est infondée et mal venue. Le plan d’urgence à destination des professionnels du livre n’est pas supposé donner des aides familiales. C’est une aide pour soutenir des professionnels et les aider à se maintenir à flot pendant la période de crise sanitaire due au Covid 19. De la même manière qu’on ne demandera pas aux libraires ou maisons d’édition de justifier du revenu de leur conjoint pour obtenir leur part de l’aide, il est tout à fait inadapté de le demander aux auteurs et autrices. Ce critère risque de discriminer et de freiner l’autonomie des autrices en particulier. Puisque globalement les femmes gagnent moins que les hommes dans notre société, toute aide qui prendrait en compte le revenu du conjoint empêcherait une grande partie d’y accéder.

Enfin, les critères n° 4 et n° 5 sont très difficile à mettre en oeuvre en pratique. Comment très concrètement pourrons-nous constater le montant précis des rémunérations perdues en mars et en avril, lorsque celles-ci sont aléatoires et calculées annuellement ?

Cela montre encore un manque d’appréhension de la réalité de nos métiers par les institutions, qui nous porte gravement préjudice, et ce dans un plan supposé être spécifique pour rattraper les professionnels ne pouvant accéder aux dispositions plus transversales. D’où la nécessité impérieuse d’organiser une gestion des artistes-auteurs unifiée pour identifier la profession et établir des critères cohérents.
Les demandes de la Ligue

Le Centre National du livre a proposé à la Ligue des auteurs professionnels de rejoindre une commission interne à la Société des Gens de Lettres, pour évaluer l’éligibilité des dossiers. Ce travail étant bénévole, et nos membres étant eux-mêmes des auteurs et autrices précaires, ils ne peuvent en plus travailler gratuitement pour ce dispositif social qui devrait incomber à l’État. Cela questionne de façon générale la façon dont le bénévolat est systématiquement demandé aux artistes-auteurs, par l’État lui-même, supposé être exemplaire. Pour aider à notre façon, la Charte des auteurs est illustrateurs jeunesse fera participer ses salariées à la commission des dossiers, à la hauteur de leur temps.

Quoiqu’il en soit, il nous paraît essentiel que le Centre National du livre joue son rôle de garant et de contrôle. À l’heure où les auteurs et autrices déplorent les occasions manquées d’argent fléché directement vers eux, il nous paraît essentiel que la transparence et les modalités de gestion soient effectives.

Nous demandons :

  • La mise en place de critères plus adaptés à nos professions ;
  • La communication publique de la convention signée entre le Centre National du Livre et la Société des Gens de Lettres ;
  • Les garanties juridiques que sur ces 1 million d’euros, aucun frais de gestion ne pourra être prélévé par la Société des Gens de Lettres ;
  • Les garanties juridiques que l’argent des auteurs et autrices sera fléché directement vers eux via des aides ;
  • Le remboursement des sommes non reversées aux artistes-auteurs au Centre National du Livre ;
  • L’expression de la faisabilité technique de la gestion de ses aides ;
  • Les garanties juridiques de gestion des données personnelles et de confidentialité.

En ces temps d’urgence et d’impacts socio-économiques sans précédents, nous devons déployer notre possible pour que les artistes-auteurs puissent être soutenus comme les travailleurs qu’ils sont. Dans la gestion du second volet de la crise et des nouvelles enveloppes budgétaires, nous demandons la mise en place d’un fonds unique artistes-auteurs abondé et géré par l’État, afin de réparer au mieux les préjudices actuellement subis par la mise en place difficile de dispositifs adaptés à nos professions. D’autres options, plus simples et automatiques, pourraient être envisagées pour soulager nos professions. Nous avons notamment soumis l’idée d’une exonération des cotisations de la retraite complémentaire, tout en maintenant nos droits, restée sans réponse à l’heure actuelle.

Pour conclure, nous souhaitons bon courage à tous les auteurs et autrices qui souffrent déjà de l’impact de la crise du COVID-19. Nous pensons aussi à tous ceux, la majorité, qui vont souffrir de ses conséquences  économiques dans les mois voire les années à venir. Comme d’autres syndicats, la Ligue va continuer à faire tout son possible pour que des dispositifs de soutien ambitieux soient proposés à tous les artistes-auteurs. Espérons que, cette fois, nos organisations professionnelles soient entendues.