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Compte-rendu de la réunion du 25 septembre 2020

En février dernier paraissait le Rapport Racine, et avec lui la promesse d’un plan artistes-auteurs ambitieux pour sortir nos professions de l’angle mort des politiques culturelles. Cette analyse de 140 pages, fruit de longs mois d’auditions et de travaux d’experts, pointe la non représentativité des artistes-auteurs comme la source systémique des graves problèmes que nous rencontrons. Absence d’un statut clair, non recours sociaux, réformes chaotiques et non concertées, faiblesse face aux exploitants de nos œuvres… La non reconnaissance de notre profession se traduit par un dialogue social déstructuré et peu efficace, où le droit commun est absent. A la lumière de ces enjeux, les réunions de travail promises par le Ministère de la Culture sur la notion de représentativité sont d’importance.

compte rendu de la réunion du 25 septembre 2020 – groupe sectoriel “AUDIOVISUEL”

Ordre du jour du ministère :

  • Proposition de priorisation des différents chantiers inscrits à l’agenda des prochains mois en distinguant les enjeux de court terme et ceux de moyens terme ;
  • La question de la représentativité des organisations d’artistes-auteurs : identification des finalités et modalités possibles.

Organisations présentes :

Dans l’attente des listes complètes communiquées par le ministère de la culture sur la composition des groupes de travail.

Dans l’attente de mesures concrètes

8 mois après la sortie du rapport Racine, les mesures préconisées par ce dernier sont toujours en attente d’une mise en application. Le décret du 28 août 2020 a permis des avancées significatives sur le champ du régime artistes-auteurs, mais la question de la représentativité et donc de la gouvernance de ce dernier reste en suspens et génère de nombreuses tensions. Durant la réunion du travail, chaque association, syndicat et organisme de gestion collective a dressé une liste de ses propres priorités pour les artistes-auteurs. Toutes les problématiques évoquées sont déjà bien connues de l’État. Nous rappelons qu’un diagnostic limpide et pragmatique a déjà été posé. La question qui demeure est la suivante : avec le remaniement ministériel, la nouvelle Ministre de la culture Roselyne Bachelot va-t-elle s’emparer du rapport Racine comme ligne de conduite pour des actions concrètes à venir en faveur de la profession ? Les artistes-auteurs attendent depuis des années malgré des cris d’alarme continus, et la situation sociale et économique ne fait que s’aggraver. Des solutions concrètes existent. Nous rappelons les propositions pour relever les défis du rapport Racine dans ce document.

Une approche sectorielle qui pose question

De nombreuses organisations professionnelles d’artistes-auteurs étant composées de créateurs et créatrices exerçant leurs activités dans plusieurs secteurs de diffusion, l’approche sectorielle a révélé la similitude des problématiques remontées peu importe les groupes de travail. Portail Urssaf défaillant, non recours sociaux dramatiques, nécessité de revaloriser les rémunérations, contrat de commande… les artistes-auteurs étant unis par un même régime de sécurité social et étant toutes et tous des auteurs au sens du Code de la Propriété Intellectuelle, il est logique que les doléances identiques se retrouvent dans chaque groupe.

L’absence du ministère du travail

Nous déplorons de nouveau l’absence du ministère du travail. Le dialogue social relève du champ de compétence du ministère du travail, et nous souhaitons que la profession des artistes-auteurs cesse d’être mise à part de toutes les considérations et lois qui s’appliquent dans ce pays en matière de dialogue social. Aussi, nous demandons solennellement que le Ministère du Travail soit présent et contribue à cadrer ces discussions.

La question du contrat de commande

Parmi les sujets qui sont venus pêle-mêle sur la table des discussions en introduction, le contrat de commande a cristallisé les débats. Certaines associations d’auteurs ou organisme de gestion collective se sont opposés à sa mise en place, au prétexte que l’encadrement de nos conditions de travail serait une mise en danger du droit d’auteur. Cet argument est parfaitement infondé. Nous tenons à éclaircir un point juridique fondamental : distinguer le paiement de l’acte de création et de la cession des droits ne retire aucunement la titularité de droit d’auteur aux artistes-auteurs !

Il existe une incohérence frappante du droit qui protège l’auteur parce qu’il est la partie faible du contrat d’exploitation sans toutefois prévoir un cadre juridique pour le protéger davantage au moment de la création, en amont de la diffusion d’une œuvre. Ce moment – l’acte de création – est pourtant le cœur battant de l’activité des auteurs et autrices. Il ne s’agit pas de révolutionner le droit existant, mais plutôt de le faire appliquer !

L’article 1710 du Code civil prévoit que « le louage d’ouvrage est un contrat par lequel l’une des parties s’engage à faire quelque chose pour l’autre, moyennant un prix convenu entre elles ».

Par transposition au secteur du livre ou de l’audiovisuel par exemple, le louage d’ouvrage est un contrat par lequel un auteur ou une autrice s’engage à écrire une œuvre pour un éditeur ou un producteur, moyennant un prix convenu entre eux.

Au titre de la commande, l’auteur s’engage à écrire une œuvre et à la livrer à l’entreprise dans un délai convenu. Il s’engage aussi à faire des modifications, impératif qui existe déjà dans les contrats de cession actuels, que ce soit dans le livre ou l’audiovisuel.

Au titre de la cession de droits, l’auteur s’engage à céder à l’éditeur les droits patrimoniaux nés sur l’œuvre qu’il a créée.

Actuellement, seul le second contrat est rémunéré.

Sans aucun encadrement, on voit se multiplier des contrats de cession mélangeant ce qui relève de la cession de droits à des impératifs qui devraient d’une façon ou d’une autre relever légalement du Code du travail, y compris pour un travail indépendant. Les auteurs se retrouvent souvent dans des situations administratives ubuesques, dans la confrontation entre ce qui relève de la propriété et/ou du travail. Un exemple : une autrice enceinte a droit en pratique à des indemnités pour son congé maternité, mais son contrat d’édition peut imposer des dates de rendu sur la même temporalité. Quel droit prévaut : le droit du contrat ou le droit social ? En l’absence de cadre et de régulation, les conditions économiques et sociales des auteurs se dégradent de façon inéluctable et rapide, que ce soit en termes d’à-valoir (avance sur droits), de rémunération proportionnelle ou de non-recours sociaux.

Auparavant, seules les rémunérations versées à l’auteur en contrepartie de la cession de droits étaient conçues comme des rémunérations principales dans le régime artistes-auteurs. Le décret du 28 août 2020 vient d’ouvrir une porte en reconnaissant plus largement les rémunérations issues de la conception des œuvres – non pas uniquement de leur exploitation – comme entrant dans le champ du régime. Jusqu’ici, cette absence d’encadrement du moment de l’acte de création a permis le développement des avances ou à-valoir, un mode de rémunération très contestable juridiquement qui invisibilise le travail créatif et paralyse l’obtention de redevances du fait de mécanismes de compensations.

Partant du constat que les auteurs et autrices sont les parties faibles des contrats de commande et de cession, la Ligue milite pour mettre en place un véritable droit de la négociation collective qui permettrait aux auteurs et autrices d’être plus forts lors de la signature de leurs contrats. Cela demande la reconnaissance d’une véritable branche professionnelle pour l’ensemble des créateurs et créatrices et donc d’une représentativité clarifiée.

Des organisations professionnelles pointées comme non légitimes pour participer au débat

En préambule de la réunion, la Ligue et d’autres organisations professionnelles ont dû essuyer des critiques d’autres organisations sur leur présence dans le groupe de travail “audiovisuel”. Cette introduction était à elle seule l’illustration du document de la Guilde des scénaristes, L’impossible dialogue social. Faute d’encadrement légal, la représentativité de la profession n’est pas établie. La Ligue rappelle que ses adhérents sont composés d’auteurs et d’autrices du livre dont les activités de création s’exercent en simultané dans de nombreux secteurs de diffusion. 10% des adhérents de la Ligue sont scénaristes d’audiovisuel, ce qui représente plus de 200 individus, mais surtout les auteurs et autrices de livre voient leurs droits audiovisuels systématiquement captés par les maisons d’édition. Aussi, les auteurs et autrices de la Ligue sont confrontés au quotidien à des problématiques liées au marché de l’audiovisuel : écriture, cession de droits, droit moral, etc. Le ministère de la culture nous a informé en préambule les critères de présence aux groupes de travail : avoir des adhérents exerçant des métiers dans le secteur économique concerné. Aucun autre critère. Comme l’indiquait le rapport Racine, en absence de représentativité entérinée, nul ne peut présumer de quelle organisation d’auteurs est représentative de quoi faute d’un écosystème à la cartographie des intérêts clarifiés par la voie légale et démocratique.

Qu’est-ce qu’un syndicat ?

Dans les groupes de travail du livre comme de l’audiovisuel, le point brûlant est la question de quel type d’organisation d’auteurs peuvent prétendre représenter les intérêts des artistes-auteurs. Nous appelons à une reprise en main de notions fondamentales sous le prisme du droit commun. Il faut distinguer le type de structure selon les intérêts qu’elle défend, afin d’éviter tout conflit d’intérêt. Il faut aussi distinguer les différents champs sur lesquelles s’appliquent le dialogue social :

  • Droits individuels et droits collectifs
  • Régime de sécurité sociale
  • Négociation interprofessionnelles pour encadrer les conditions de travail des artistes-auteurs

Nous constatons qu’autour de la table sont présentes de nombreuses structures représentant des métiers très divers, dans des secteurs fins : clarifier la représentativité n’empêche en rien la diversité, au contraire ! En revanche, il s’agit bien pour chaque organisation de clarifier l‘objet de sa mission au service des artistes-auteurs. Le terme de “syndicat” prête à confusion car il est peu utilisé dans notre écosystème qui découvre la démocratie sociale.

Alors qu’est-ce qu’un syndicat ? Une organisation syndicale ou professionnelle ne se définit donc pas par sa forme juridique, mais par son objet : la défense exclusive des intérêts d’une profession. Peu importe qu’elle prenne la forme d’une association régie par la loi du 1er juillet 1901 ou par la loi du 21 mars 1884. C’est l’objet de l’activité de l’entité qui permet la qualification d’organisation syndicale ou professionnelle et de la distinguer d’autres groupements. Ces organisations ne défendent pas uniquement leurs adhérents, mais tous les professionnels visés par leurs statuts, qu’ils soient adhérents ou non. C’est ce qui leur permet d’ester en justice pour la profession.

Pourquoi en France, le dialogue social est réservé aux syndicats ? Justement pour éviter les conflits d’intérêt. Du fait de ce paysage non clarifié, il y a encore peu de temps, les pouvoirs publics pouvaient estimer que le Syndicat National de l’édition “représentait les auteurs”. Qui imaginerait dans un autre secteur un syndicat d’employeurs représenter les salariés ? Même si les artistes-auteurs ne sont pas salariés, nul ne peut ignorer le lien de dépendance qui existe entre eux et les exploitants de leurs œuvres et le fait qu’ils sont parti faible du contrat. De même, quand une structure cumule de nombreux objets et pas exclusivement la défense des intérêts de la profession s’exercent forcément des tensions internes, conflits ou divergences d’intérêt. Le Rapport Racine pointait que le chaos qui régnait dans notre écosystème était la raison systémique à l’impossibilité actuelle à faire émerger un véritable statut pour les artistes-auteurs. Cette clarification est donc une priorité.

Conclusion

Pour l’heure, les groupes de travail s’apparent davantage à des groupes de parole. Les mêmes thématiques et points sensibles reviennent selon les secteurs de diffusion. La raison est simple : peu importe la façon dont nos œuvres sont diffusées, nous sommes toutes et tous des créateurs d’œuvres ! Nos métiers ont des particularités mais pour enfin obtenir un véritable statut, nous devons nous concentrer sur nos points communs entre artistes-auteurs et organisations professionnelles ayant la même mission, à savoir défendre exclusivement les intérêts d’une profession. L’obtention d’un statut protecteur pour un groupe social n’empêche en aucun cas l’expression de la spécificité des métiers. À titre d’exemple, le statut des intermittents du spectacle permet tout à fait à chaque corps de métiers de représenter ses spécificités. Si cette notion même de “profession” fait encore débat, c’est bien que nous avons un cap historique à franchir. À la lumière des confusions et interrogations de beaucoup d’associations d’auteurs, le meilleur moyen de cadrer ces travaux serait d’y faire intervenir des rappels élémentaires du droit, d’où la nécessité de l’intervention du ministère du travail. Nous militons pour l’application des préconisations du rapport Racine, pour un écosystème lisible et clarifié à l’abri de tout conflit d’intérêt, et ce afin que les artistes-auteurs accèdent enfin, après des siècles, à un véritable statut les reconnaissant comme les professionnels de la culture qu’ils sont.

Vous pouvez retrouver ici les contributions que la Ligue a fait parvenir au Ministère de la Culture :

Compte rendu de la réunion ministérielle du 24 septembre 2020

En février dernier paraissait le Rapport Racine, et avec lui la promesse d’un plan artistes-auteurs ambitieux pour sortir nos professions de l’angle mort des politiques culturelles. Cette analyse de 140 pages, fruit de longs mois d’auditions et de travaux d’experts, pointe la non représentativité des artistes-auteurs comme la source systémique des graves problèmes que nous rencontrons. Absence d’un statut clair, non recours sociaux, réformes chaotiques et non concertées, faiblesse face aux exploitants de nos œuvres… La non reconnaissance de notre profession se traduit par un dialogue social déstructuré et peu efficace, où le droit commun est absent. A la lumière de ces enjeux, les réunions de travail promises par le Ministère de la Culture sur la notion de représentativité sont d’importance.

compte rendu de la réunion du 24 septembre 2020 – groupe sectoriel “auteurs de l’écrit”

Ordre du jour du ministère :

  • Proposition de priorisation des différents chantiers inscrits à l’agenda des prochains mois en distinguant les enjeux de court terme et ceux de moyens terme ;
  • La question de la représentativité des organisations d’artistes-auteurs : identification des finalités et modalités possibles.

Organisations présentes qui se sont exprimées :

  • Ligue des auteurs professionnels
  • Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse
  • SNAC
  • Société des gens de lettres
  • Conseil permanent des écrivains
  • Ecrivains associés du théâtre
  • Association des traducteurs littéraires de France
  • CAAP
  • Sofia

(D’autres organisations étaient présentes mais ne se sont pas exprimées)

Une méthodologie qui pose question

Alors que ces groupes de travail sont supposés être dédiés à la représentativité, pour trouver une méthodologie claire sur comment établir la représentativité des artistes-auteurs, les réunions n’ont eu de cesse d’être décalées et l’ordre du jour modifié. Ce “groupe de travail” s’est plutôt apparenté à un groupe de parole, là où nous attendions le début de travaux fournis sur la mise en place des futures élections professionnelles. Nous espérons que cette introduction laissera place à de véritables travaux.

Une approche sectorielle problématique

Alors que la question de la représentativité est commune à l’ensemble des artistes-auteurs, le ministère de la culture a imposé des groupes “sectoriels” aux terminologies d’ailleurs peu cohérentes (parfois sous le prisme des métiers, d’autres fois des secteurs de diffusion) qui sont déjà en soi révélatrices de la difficulté à appréhender de façon claire l’écosystème des artistes-auteurs autrement qu’à travers les exploitants dans leurs œuvres.

L’absence du Ministère du travail

Nous déplorons l’absence du ministère du travail, dont la présence nous avait été pourtant promise par les équipes du Ministère de la culture. Le dialogue social relève du champ de compétence du ministère du travail, et nous souhaitons que la profession des artistes-auteurs cesse d’être mise à part de toutes les considérations et lois qui s’appliquent dans ce pays en matière de démocratie sociale. Aussi, nous demandons solennellement que le Ministère du Travail soit présent et contribue à cadrer ces discussions.

La présence problématique du SNE

Le Ministère de la culture a fixé comme critère qu’une organisation d’auteurs peut être présente à ces réunions, peu importe sa forme juridique, à partir du moment où certains de ses membres exercent des métiers dans le secteur du groupe de travail visé. Point problématique : le Syndicat national de l’édition était présent dans une réunion qui ne concernait que les artistes-auteurs. Une façon de sélectionner les interlocuteurs qui en dit déjà long sur la non cohérence des partenaires sociaux conviés en fonction des périmètres des sujets qui doivent être négociés.

La représentativité : pour quoi faire ?

Le Ministère de la Culture a demandé à chaque organisation professionnelle sa position sur la notion de représentativité. Se sont scindés rapidement trois “camps” dans les organisations présentes :

  1. Celles pour une clarification de la représentativité sous le prisme du droit commun ;
  2. Celles contre toute clarification, estimant que ce n’est pas un sujet prioritaire ;
  3. Celles pour une clarification mais craignant que leur structure juridique actuelle ne leur permettent pas de participer par la suite au dialogue social.

La Ligue rappelle que la notion de représentativité est la capacité légitime et reconnue à une organisation de représenter une profession. Les artistes-auteurs, soit 270 000 personnes en France, ne se sont jamais appropriés la notion de démocratie sociale. Or, face à la précarisation grandissante de nos métiers, il est urgent que la représentativité des artistes-auteurs soit établie par voie démocratique.

Cela permettra :

  • De piloter enfin notre régime social et d’être intégrés aux décisions qui concernent nos professions ;
  • De consolider des organisations professionnelles élues démocratiquement en leur assurant des financement pérennes pour peser davantage face aux exploitants des œuvres ;
  • De mettre en place des accords collectifs venant réguler les conditions d’exercice de nos métiers créatifs, assurant ainsi des rémunérations plus justes.

Quant aux inquiétudes de certaines organisations sur le fait de devoir faire évoluer ou non leur structure pour se conformer aux législations en vigueur en matière de dialogue social, nous les comprenons. Mais aujourd’hui, il nous appartient à nous et à nos adhérents d’aller vers le changement et de nous réformer aussi dans notre façon de faire, si nous voulons assurer à nos professions une défense de leurs intérêts solide.

Les élections professionnelles : quelle méthodologie ?

Le Ministère de la Culture a interrogé par la suite quelles solutions pratiques pouvaient être mises en place pour établir la représentativité. Nous avons renvoyé aux nombreuses contributions écrites que nous avons fournies ces derniers mois. Les élections professionnelles sont à notre sens la solution la plus légitime et la plus démocratique pour établir la représentativité d’organisations professionnelles, comme c’est le cas pour d’autres professions. Le Ministère de la Culture a interrogé notre ressenti sur une autre méthode, l’enquête de représentativité. Nous sommes favorables à des élections professionnelles. L’enquête de représentativité laisse de nouveau le soin aux Ministères d’établir leur propre jugement sur qui est représentatif ou non. C‘est aux artistes-auteurs eux-mêmes de décider de qui les représente, non pas à l’Etat.

Se sont posées deux questions :

– Comment définir le corps professionnel des artistes-auteurs votant ?

C’est bien le nerf de la guerre : l’Etat est incapable pour l’heure d’identifier la profession des artistes-auteurs. Pour le corps professionnel votant, auparavant, les élections professionnelles étaient uniquement réservées aux artistes-auteurs atteignant le seuil d’affiliation du régime de sécurité sociale (environ 9000€/an). Nous sommes pour un assouplissement de ce seuil car la professionnalité d’un artiste-auteur ne saurait être définie par le seul montant de ses revenus. Dans un premier temps, pour des raisons pratiques, il faudra sans doute fixer un premier montant plus souple que le précédent. Mais l’objectif est bien d’identifier par la suite l’ensemble de la profession, avec souplesse, ce qui pourrait se faire à travers des critères supplémentaires. Le problème étant que pour l’heure, l’État n’a toujours pas mis en place les outils pour permettre de connaître nos professions.

– Quelles organisations seront éligibles ?

C’est sûrement le sujet qui génère le plus de panique au sein de l’écosystème. Du point de vue du droit commun, seuls les syndicats sont éligibles. Car un syndicat est la seule structure dont l’objet exclusif est la défense des intérêts d’une profession. Pourquoi est-ce que ce critère est important ? Parce que cela pose un véritable garde-fou quant aux intérêts collectifs défendus. A noter qu’un syndicat peut tout à fait avoir la forme d’une association, juridiquement, ce qui compte, c’est que son unique objectif soit de défendre une profession.

Aussi, les syndicats éligibles doivent répondre à des critères selon le code du travail, comme leur audience, leur ancienneté, leur indépendance, etc. L’indépendance pose question chez les organisations d’artistes-auteurs, dont les financements dépendent majoritairement de subventions aléatoires et remises en cause chaque année. Certaines organisations, nous l’avons constaté, ont pu faire l’objet de pressions venant entraver l’exercice de leur liberté syndicale.

C’est donc bien l’ensemble d’une structuration à revoir : que l’État donne aux artistes-auteurs, comme aux autres professionnels, les outils et moyens de construire une représentation syndicale légitime et financée.

conclusion

Nous invitons donc chaque organisation professionnelle à ne pas voir la représentativité sous l’angle de “qui est inclut ou exclut” mais bien d’accepter que l’heure est à la remise en question, aux évolutions et au changement pour qu’enfin le statut artistes-auteurs soit reconnu et que nos professions bénéficient de la démocratie sociale et de toutes les avancées majeures que cela pourra entraîner. Profession identifiée, droits sociaux effectifs, négociation collective pour des minimums de rémunération, etc. Nous déplorons que cette évolution soit source d’hostilité pour certaines associations, syndicats ou organismes de gestion collective. Il ne s’agit que d’une clarification nécessaire et saine, dans l’intérêt de nos professions, pour une ventilation plus efficace et établie des rôles de chacun.

Vous pouvez retrouver ici les contributions que la Ligue a fait parvenir au Ministère de la Culture :

Pour les artistes-auteurs les plus précaires, pas de réduction de cotisations !

Avec 15 autres organisations professionnelles, la Ligue dénonce un amendement qui privera les auteurs et autrices les plus précaires de la réduction de cotisations sociale que leur avait pourtant promis le président de la République.

Ce texte intersyndical inaugure le nouveau site artistes-auteurs.fr qui regroupe les communiqués et les actions collectives de nombreuses organisations qui informent et défendent les artistes-auteurs. Être créateur, être créatrice, si c’est avant tout une passion, c’est aussi souvent un métier. Aujourd’hui, il est urgent de protéger ces professionnels d’une précarisation économique et sociale toujours plus forte. Aujourd’hui, il est urgent de défendre et faire progresser les droits sociaux et les protections légales de tous les artistes-auteurs.

Communiqué intersyndical du 13 juillet 2020

Pour les artistes-auteurs les plus précaires, pas de réduction de cotisations !

En contradiction avec les engagements du président de la République, un amendement du gouvernement a supprimé la réduction de cotisations sociales aux artistes-auteur·trices les plus précaires !

Le président de la République a annoncé le 13 avril 2020 que des annulations de cotisations sociales seraient mises en œuvre pour les secteurs de l’économie durablement affectés par la crise, tels que le tourisme, la restauration, l’hôtellerie, la culture, le sport ou l’évènementiel. Le 6 mai 2020, il a expressément confirmé que les artistes-auteur·trices seraient concerné·es par cette mesure.

La troisième loi de finances rectificative pour 2020 prévoit en effet l’octroi d’une réduction de cotisations sociales pour tous les travailleurs non-salariés des secteurs particulièrement affectés par la crise. Mais lors de l’examen en première lecture, le gouvernement a déposé un amendement1 qui supprime toute aide aux artistes-auteur·trices les plus précaires. Ces créateurs et créatrices seraient donc les seuls parmi tous les travailleurs non-salariés à ne pas bénéficier d’une réduction de leurs cotisations sociales en dépit de l’engagement du Président de la république !

Cette inégalité de traitement au détriment des professionnel·les les plus fragiles, parmi les auteurs et les autrices d’œuvres littéraires, dramatiques, plastiques, graphiques, photographiques, lyriques, chorégraphiques, musicales, cinémato-graphiques, audiovisuelles, etc., est injustifiable et inacceptable.

En créant « un seuil d’au moins 3 000 € de revenus en 2019 » comme condition pour bénéficier d’une aide, seraient exclus :

  • la plupart des artistes-auteur·trices en début d’activité ;
  • les artistes-auteur·trices ayant consacré leur année 2019 à créer des œuvres sans en avoir tiré un bénéfice supérieur au seuil ;
  • des artistes-auteur·trices ayant engagé des frais importants de production d’œuvres ;
  • des artistes-auteur·trices ayant investi dans le développement de leur activité professionnelle (outils, matériels, frais de local professionnel, …) ;
  • des artistes-auteur·trices ayant subi d’importants coûts de réparation ou d’entretien ;
  • des artistes-auteur·trices dont l’activité artistique professionnelle a été réduite parce qu’ils ont suivi une formation professionnelle longue pour développer leur compétence artistique ;
  • des artistes-auteur·trices dont l’activité artistique professionnelle a été réduite en raison d’un congé maternité, de problèmes de santé ou d’un accident de parcours ;

En l’état, le dispositif constituerait un désaveu de l’engagement présidentiel à soutenir la création artistique en général et la création émergente en particulier.

Nous demandons donc au gouvernement et aux parlementaires de modifier le texte afin :

  • de n’exclure aucun·e artiste-auteur·trice de la réduction sur le paiement de leurs cotisations 2020 ;
  • d’octroyer une aide significative, donc d’instaurer un montant forfaitaire d’au moins 1 000€ (et non « d’au moins 500 € » !) ;
  • de veiller à réellement limiter les effets de seuil engendrés par les paliers à 8 000 € et 20 000 €.
Organisations signataires :
  • AdaBD Association des Auteurs de Bandes Dessinées
  • AICA France Association Internationale des Critiques d’Art
  • CAAP Comité Pluridisciplinaire des Artistes-Auteur·trices
  • CEA Commissaires d’Exposition Associés
  • Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse
  • CLAP Comité de Liaison et d’Action pour la Photographie
  • EGBD États Généraux de la Bande Dessinée
  • Ligue des auteurs professionnels
  • SELF Syndicat des Écrivains de Langue Française
  • SMdA-CFDT Syndicat Solidarité Maison des Artistes CFDT
  • SNAA-FO Syndicat National des Artistes-Auteurs FO
  • SNAP-CGT Syndicat National des Artistes Plasticiens CGT
  • SNP Syndicat National des Photographes
  • SNSP Syndicat National des Sculpteurs et Plasticiens
  • UNPI Union Nationale des Peintres Illustrateurs
  • USOPAVE Union des Syndicats et Organisations Professionnelles des Arts Visuels et de l’Écrit

Annexes

Contexte et budget

Nous souhaitons rappeler que les artistes-auteurs·trices sont les seuls travailleurs non-salariés à ne pas pouvoir bénéficier d’une aide sociale de leur propre régime. Ils ne comprendraient pas que, de surcroît, le montant d’aide minimal au paiement des cotisations (500 € dans le texte actuel) soit inférieur à tous les montants forfaitaires d’aide qui seront retenus pour les autres travailleurs non-salariés.

De plus, nous observons que le coût global de la mesure telle qu’actuellement envisagée serait en réalité très largement inférieur aux 100 millions annoncés par le gouvernement. En effet, non seulement les revenus des artistes-auteurs·trices, donc leurs cotisations proportionnelles, seront en forte baisse en 2020, mais encore l’aide forfaitaire est plafonnée et différentielle (« dans la limite des cotisations et contributions de sécurité sociale dues au titre de l’année 2020 »).

Commentaires

Commentaires relatifs à l’exposé sommaire de l’amendement du gouvernement adopté par l’Assemblée Nationale.

Source : http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/3074/AN/1730

► Nous sommes pleinement d’accord avec le premier paragraphe de l’exposé sommaire qui préconise de ne pas retenir comme référence l’année 2020. La référence à l’année 2020 aurait privé l’abattement de tout effet pratique pour les artistes-auteurs·trices les plus impacté·es par la crise et donc n’aurait pas atteint l’objectif visé de venir en aide aux artistes-auteurs·trices qui auront subi les plus fortes baisses de revenus en 2020.

­► Le deuxième paragraphe précise : « Il est également apparu nécessaire d’adapter les tranches de rémunération afin de minimiser les effets de seuils et de s’assurer que l’aide apportée bénéficie aux artistes-auteurs les plus touchés dont l’activité artistique constituait bien une activité suffisamment significative en 2019. »

La modification des tranches réduit un peu les effets de seuil sans toutefois les supprimer.

Nous observons que le critère « d’activité suffisamment significative » n’est nullement invoqué pour les autres travailleurs non-salariés.

Dans la présentation générale du PLFR 3, le gouvernement a exprimé la crainte d’un effet d’aubaine pour les artistes-auteurs « qui ont une activité principale (salariés ou fonctionnaires le plus souvent) en plus de leurs activités artistiques ». Il a également pointé « l’hétérogénéité de profils et de niveaux de revenus » du secteur de la création et noté qu’il « n’est pas envisageable de mettre en place un critère de niveau d’activité sur les années antérieures ou un critère d’activité exclusivement artistique pour exclure les artistes-auteurs par ailleurs salariés ou fonctionnaires, du fait de l’absence de données connues sur la nature des revenus antérieurs ».

Les artistes-auteurs·trices ont tous la même activité économique : la conception et la création d’œuvres originales. La population des micro-entrepreneurs, par exemple, est infiniment plus hétérogène que celle des artistes-auteurs·trices, nombre d’entre eux cumulent divers statuts (salarié, etc.) et leur activité économique n’est pas toujours particulièrement « significative » or, tous sans exception bénéficient d’une réduction de cotisation.

Nous sommes par ailleurs les premiers à regretter la carence de données relatives aux profils socio-économiques des artistes-auteurs·trices et à appeler de nos vœux depuis longtemps la création d’un observatoire. Cette carence n’est pas imputable aux artistes-auteurs·trices eux-mêmes et ne peut avoir pour conséquence d’exclure aujourd’hui des professionnels non salariés dont les revenus ont été faibles en 2019.

► Le troisième paragraphe pose tout particulièrement problème : « Pour apprécier le caractère d’activité suffisamment significative le Gouvernement a retenu le seuil de 3 000 euros de revenus en 2019 qui correspond au seuil qui ouvre droit à la formation professionnelle (AFDAS). »

Tout d’abord, nous nous étonnons fortement que l’exposé sommaire affirme que « le seuil de 3 000 € de revenus… correspond au seuil qui ouvre droit à la formation professionnelle (AFDAS) » alors que l’ouverture du droit à la formation professionnelle n’est nullement fondée sur un seuil de revenu annuel à 3 000 €, mais sur des chiffres d’affaires cumulés (9 000 € sur 3 ans, 12 000 € sur 4 ans et 15 000 € sur 5 ans).

Un seuil minimum de « revenu artistique » est d’autant moins opératoire que l’évaluation de l’activité de tout acteur économique ne se mesure pas à son bénéfice mais à son chiffre d’affaires. Exclure de l’aide au paiement des cotisations les artistes-auteurs·trices dont le bénéfice est faible en 2019 en raison du niveau de leurs dépenses professionnelles serait particulièrement aberrant.

Par ailleurs, l’introduction comme critère d’un seuil minimal de revenu annuel ne permet nullement d’atteindre l’objectif visé par le gouvernement. Par exemple, un homme politique, un sportif de haut niveau ou n’importe quelle personnalité connue peut aisément avoir écrit un bestseller qui lui rapporte en 2019 un revenu complémentaire supérieur au seuil, pourtant son « activité artistique » — ni habituelle, ni constante n’est nullement « significative ». Inversement, un·e artiste-auteur·trice dont l’activité artistique est exercée à titre habituel, constant et dans un but lucratif — donc à titre professionnel selon les critères de l’administration fiscale — peut aisément avoir consacré son année 2019 à créer des œuvres sans en avoir tiré un bénéfice supérieur au seuil.

La déconnexion entre le travail effectué et l’éventuelle rémunération qui en résulte est la principale spécificité de la création artistique.

Ainsi, le critère retenu par le gouvernement est déconnecté de la réalité et de la spécificité des conditions d’exercice professionnel des artistes-auteurs·trices. Ce critère exclurait de fait de nombreux professionnels de la création artistique lourdement impactés par crise, et ce, sous couvert de ne pas vouloir viser les artistes-auteurs dont l’activité créatrice est marginale, alors que la puissance publique elle-même n’est pas en capacité de les discerner, faute d’observatoire du secteur de la création et de connaissance des profils socio-économiques des artistes-auteurs.

Autrement dit, en l’état du texte, les écueils seraient pleinement atteints, contrairement aux objectifs…

Notes

Assemblée générale de la SOFIA : Votez !

Êtes-vous sociétaire de la SOFIA ? (Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit). Cet organisme de gestion collective collecte le droit de prêt en bibliothèque et reverse ensuite les sommes collectées aux auteurs et autrices. Pour récupérer l’argent qui vous est dû issu du droit de prêt, vous devez adhérer (acte volontaire). Etre sociétaire donne aussi accès à un vote : vous avez voix au chapitre dans les décisions des organismes de gestion collective.

Dans le cadre de l’assemblée générale de la SOFIA du 18 juin 2020, un vote par internet est ouvert depuis le 3 juin 2020 jusqu’au 17 juin 2020 à 15h00. Vous avez dû recevoir un email avec une liste de résolutions pour lesquelles vous prononcer (oui / non / abstention) : attention, le mail peut être dans les spams !

Après consultation de l’ensemble des documents relatifs à l’Assemblée générale et des résolutions qui sont l’objet du vote, nous souhaiterions attirer votre attention sur un certain nombre de points qui mériteraient sans doute une discussion et une réflexion avant de se prononcer positivement ou négativement.

7e résolution

Les frais de mission des administrateurs. La 7e résolution prévoit que l’électeur en se prononçant “oui” approuve le montant d’indemnité forfaitaire de 200 € par session attribué aux administrateurs. Cela concerne donc à la fois les auteurs et autrices, mais aussi les salariés de maisons d’édition qui sont déjà par ailleurs rémunérés par leurs entreprises. Si cette annonce n’appelle pas de remarque particulière, la résolution précise en revanche que “les frais de déplacement et d’hébergement engagés par les administrateurs pour la participation aux instances de la Sofia sont remboursés à l’euro près, sur présentation de justificatifs”. Des plafonds ont-ils été mis en place ? Les électeurs souhaiteraient connaître plus en détail les modalités pratiques liées à ce remboursement avant de se prononcer.

8e résolution

La gestion des livres indisponibles. La 8e résolution prévoit que l’électeur en se prononçant “oui” approuve l’utilisation de sommes non réparties du droit de prêt, pour un montant de 278 672,96 € à la gestion des livres indisponibles. Le rapport de synthèse annonce que l’ensemble des perceptions réalisées par la Sofia pour les livres indisponibles s’est élevé à 91 151 €, au titre des exploitations réalisées sur 2015, 2016 et 2017 et de 62 990 € au titre de l’exploitation sur l’année 2018.

Les perceptions de droit sur ces quatre années ont fait l’objet d’une première redistribution aux auteurs au second semestre 2019, seul un montant de 16 368 € a pour l’instant été réparti, ce qui soulève une remarque : le montant des charges relevant de la gestion des livres indisponibles semble exorbitant en comparaison des sommes qui reviennent aux auteurs et remet en cause l’intérêt de financer ces frais de gestion des livres indisponibles.

Le financement d’études. La même résolution prévoit que par un “oui” l’électeur approuve, d’une part, le financement d’une sur la lutte contre le piratage numérique de livre pour un montant de 120 000 € et, d’autre part, la réalisation par le ministère de la Culture et le CNL d’une étude sur la filière de l’édition jeunesse, pour un montant de 35000 €. À nouveau ces deux dépenses soulèvent des interrogations.

D’abord, le premier financement semble être dénué de fondement juridique. La Commission de contrôle des organismes de gestion collective s’est encore exprimée à ce sujet dans son rapport de 2019. Elle rappelle que les ressources d’action artistique et culturelle n’ont pas lieu de financer la lutte contre la piraterie. Pour légitimes qu’elles soient, ces missions doivent être supportées dans les dépenses ordinaires de frais généraux de l’organisme et non au titre des ressources d’action artistique et culturelle.

Ensuite, le second donne lieu à la critique. Le Ministère de la Culture et le Centre national du livre n’ont pas à recevoir l’argent des auteurs pour financer leurs actions publiques. L’étude sur la filière jeunesse est une promesse de l’ancienne Ministre Françoise Nyssen datant de décembre 2018 : pourquoi serait-elle financée en partie par l’argent du droit d’auteur et non pas totalement par l’État ?

Rapport d’activité

Indemnité de départ d’un salarié. Le rapport d’activité indique que le montant total des rémunérations versées est en diminution sur 2019, celui des charges sociales et autres charges est stable. L’augmentation constatée provient en partie de l’indemnité de départ d’un salarié en 2019. Cette annonce interpelle l’électeur qui souhaiterait en savoir davantage sur les raisons de ce départ. S’agit-il d’un licenciement ou d’une rupture conventionnelle ? Pour quel motif le contrat a-t-il pris fin ? Quel est le montant précis de cette indemnité ?

Être éclairé sur notre écosystème professionnel est le premier pas vers une compréhension plus fine des auteurs et autrices des enjeux les concernant au premier plan. La Ligue des auteurs professionnels vous proposera régulièrement des analyses, focus et éclairages de ce type.

 

Rappel : la SOFIA

La SOFIA est la Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit. Cet organisme de gestion collective a été fondé en 1999 sur l’impulsion de la Société des Gens de Lettres, avec le soutien d’autres associations ou syndicats d’auteurs, dont la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse. Le but ? Créer le droit de prêt en bibliothèque, pour permettre aux auteurs et autrices de toucher une compensation financière du fait du manque à gagner lorsque leurs ouvrages sont empruntés en bibliothèque. Dès 2000, cet organisme de gestion collective, supposé être uniquement composé d’auteurs et d’autrices, est en réalité rejoint par le Syndicat National de l’Édition. La SOFIA devient donc « paritaire » auteurs / éditeurs. À ce jour, seules deux organisations professionnelles ont des « sièges » officiels à la SOFIA : la SGDL et le SNE. Pour le reste, les administrateurs, auteurs ou éditeurs, sont élus en leurs noms propres mais avec l’ambiguïté d’être aussi soutenus ou d’avoir mandats parfois de leurs organisations professionnelles. Cela pose de façon plus générale, encore une fois, la question de la représentativité professionnelle au sein d’instances ayant des enjeux importants dans notre avenir ou notre rémunération. N’oublions jamais que la SOFIA a été créée à l’origine dans l’intérêt des auteurs et autrices.

 

 

Lettre ouverte au président de l’IRCEC

 

Lettre ouverte au président de l’IRCEC

Le 1er juin 2020,

Monsieur le Président,

Vous n’ignorez pas que les artisans et commerçants ont obtenu de leur régime de retraite complémentaire (RCI) une aide intitulée « CPSTI RCI COVID-19 ». Cette aide est cumulable avec le fonds de solidarité mis en place par le gouvernement. Le montant de ce dispositif est plafonné à hauteur des derniers versements effectués (cotisation RCI sur revenu 2018) et dans la limite de 1250 € nets d’impôts et de charges sociales. Cette aide a été versée automatiquement fin avril 2020 aux artisans et commerçants relevant du Régime complémentaire des indépendants.

Vous n’ignorez pas non plus que les professionnels libéraux ont obtenu de la Cipav une prise en charge des cotisations « retraite complémentaire » dans la limite du montant des cotisations versées en 2019 et dans la limite de 1392 €. Ils ont aussi obtenu la prise en charge des cotisations « retraite de base » dans la limite de 477 €. Bénéficieront de cette aide exceptionnelle tous les adhérents qu’importe leur statut et le niveau de leurs revenus. Par ailleurs, ils se verront attribuer 100 % des points et trimestres, afin que l’année 2020 n’affecte pas leurs droits futurs à la retraite.

Vous n’ignorez pas, enfin, que les activités professionnelles des artistes-auteurs sont gravement touchées par la crise sanitaire et qu’ils subissent de lourdes pertes financières. En conséquence, et compte tenu des réserves importantes de l’IRCEC, nous vous demandons de prendre d’urgence la même mesure pour venir en aide aux artistes-auteurs, sans perte de droits pour la période bien entendu.

Les artistes-auteurs et autrices constituent le cœur d’un secteur d’activité de premier plan dans la vie sociale et économique. À ce titre, vous conviendrez qu’ils méritent la plus grande attention ainsi que la défense et la protection de leurs intérêts sociaux et économiques.

Nous espérons que vous saurez entendre notre demande, et vous prions de recevoir nos salutations distinguées.

 

Signataires :

  • AdaBD Association des auteurs de bande dessinée
  • CAAP Comité pluridisciplinaire des artistes-auteur·trices
  • CEA Commissaires d’exposition associés
  • Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse
  • EGBD Etats généraux de la bande dessinée
  • Guilde française des scénaristes
  • Ligue des auteurs professionnels
  • SELF Syndicat des Ecrivains de Langue Française
  • SMdA-CFDT Syndicat Solidarité Maison des Artistes CFDT
  • SNAA-FO Syndicat National des Artistes-Auteurs FO
  • SNAP-CGT Syndicat National des Artistes Plasticiens CGT
  • SNP Syndicat National des Photographes
  • SNSP Syndicat National des Sculpteurs et Plasticiens
  • UNPI Union Nationale des Peintres-Illustrateurs
  • USOPAVE Union des syndicats et organisations professionnelles des arts visuels et de l’écrit

Joann Sfar répond à la SGDL

Joann Sfar, président d’honneur de la Ligue des Auteurs Professionnels, a décidé de répondre publiquement au communiqué publié hier par la Société des Gens de Lettres.

Paris, le 26 Mai 2020

Tout le monde me conseille de me taire parce qu’il va y avoir un procès. Peut-être est-ce l’objectif de cette plainte, d’ailleurs, qu’on se taise.

Et on devrait remercier la Société des Gens de Lettres. J’ai eu tort de dire que cette institution représentait bien mal les auteurs. C’est vrai, on n’a pas entendu parler d’eux lorsque nous nous battions pour que le rapport Racine ne soit pas enterré. Ils ont été également très discrets lors du scandale de l’Agessa, lorsqu’on a découvert que notre organisme de sécurité sociale avait « oublié » une partie des cotisations de 190 000 artistes-auteurs, les amputant de leurs droits à la retraite. Mais aujourd’hui que notre profession sort exsangue d’années de crise et de plusieurs mois d’épidémie, ils se réveillent. Pour crier avec moi que la façon dont l’État a décidé de gérer la crise pour les artistes-auteurs est problématique ? Non. Pour demander la mise en place de mesures de soutien aux auteurs simples, adaptées et sans rupture d’égalité, comme pour les autres professionnels de ce pays ? Non. La Société des Gens de Lettres se réveille pour me faire un procès en diffamation. Je devrais donc la remercier et je comprends enfin la fonction de cet organisme : il sert à remettre les auteurs dans le droit chemin si par hasard il leur arrive d’être catastrophés, et par la situation sociale de leur profession, et par la façon paternaliste dont des associations font semblant de les défendre.

Passons sur le fait que le communiqué de la SGDL joue à BOGGLE avec mes déclarations pour me faire dire autre chose que ce que j’ai dit.

Et ne fermons pas notre grande bouche. Je ne crois pas que mes déclarations relèvent de la diffamation. Je veux bien entendre que je sois vague, imprécis, et que mes propos appellent au débat. Mais ce procès est une honte.

Pour dire le fond de ma pensée, je ne peux pas croire un instant que les 24 membres du conseil d’administration de la SGDL soutiennent cette démarche. Parmi eux des auteurs, des éditeurs et divers acteurs de la filière livre. Je ne peux pas croire qu’ils valident cette attitude honteuse à mes yeux. Pas plus que je ne peux imaginer les adhérents de la SGDL favorables au fait que leurs cotisations servent à attaquer un auteur en justice parce qu’il ose critiquer la situation actuelle.

Si j’émets ces critiques, et si d’autres auteurs le font avec moi, c’est parce que nous voyons au quotidien des collègues qui n’y arrivent plus, de tous âges. Nous voyons un système se refermer comme un nœud coulant autour de nos confrères. Et depuis des années chacune de nos initiatives auprès des pouvoirs publics finit réduite à néant. La dernière en date, le rapport Racine, a été torpillée. Ce rapport, commandité par le Ministère de la Culture comportait à la fois un constat juste sur notre situation, et des préconisations parfaitement sensées pour que les auteurs bénéficient enfin d’un statut plus conforme à leur activité. Dès sa publication, ce rapport a été l’objet de toutes les attaques émanant du Syndicat National de L’Edition, ce qui n’est pas une surprise, mais également d’autres organismes dont on a pu comprendre que leur investissement auprès des auteurs consistait avant tout à œuvrer pour que rien ne change.

Oui, j’affirme que la SGDL et tout le maillage mélangeant association culturelle, syndicats et organismes de gestion collective nous représente bien mal. C’est une confusion des intérêts défendus qui n’existe nulle part ailleurs dans la représentation professionnelle des métiers. La France s’est engagée, en ratifiant la convention n°87 de l’Organisation Internationale du Travail sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, à « prendre toutes mesures nécessaires et appropriées en vue d’assurer aux travailleurs et aux employeurs le libre exercice du droit syndical. »

Durant les temps d’abondance, tout le monde s’en foutait. Aujourd’hui que les auteurs ont besoin d’aide, je crois nécessaire de réfléchir aux raisons pour lesquelles aucun des relais qui devraient les aider ne fonctionne.

Je crois qu’on ne peut plus accepter l’absence d’une représentation professionnelle légitime des auteurs. Il y a des lois en France. Nous demandons une chose simple : l’application de la démocratie sociale, et l’organisation d’élections professionnelles conformes au droit du travail. Aujourd’hui, certaines associations et organismes nous représentent d’office sous prétexte d’ancienneté, emploient beaucoup de monde, sont très richement dotées. Nous avons le droit de critiquer leur action, et même leur existence si ça nous chante.

Il m’arrive d’être excessif, inexact, de me tromper dans les chiffres ? C’est possible. C’est sans doute une idée naïve, mais dans la mesure où l’État parvient à imposer l’impôt sur le revenu aux artistes-auteurs et à leur prélever des cotisations, je ne vois pas pourquoi il a besoin de la SGDL pour distribuer des aides d’urgence aux critères déconnectés avec nos métiers, au moment de l’une des plus grandes crises économiques du siècle. 1 million d’euros a été débloqué pour les auteurs par l’État. Plutôt que de les gérer lui-même, ce dispositif a été confié à la Société des Gens de Lettres. 1 autre million supplémentaire a été apporté par des organismes de gestions collectives. En date du 4 mai 2020, d’après les chiffres du Centre National du Livre, seulement 80 auteurs avaient eu accès à cette aide. Les auteurs ont fait savoir leur détresse.

Que la SGDL soit mécontente de mes mots, je l’imagine bien. Qu’ils aient le sentiment que je suis excessif, j’en conviens volontiers. Même si une part de moi songe qu’il faudrait hurler encore plus fort puisqu’après des années à s’époumoner, les collègues et moi-même ne sommes pas entendus. Qu’ils en arrivent à me faire un procès, cela relève selon moi de l’indignité. Et c’est une honte pour une association qui prétend être au service des auteurs.

Je demande solennellement et publiquement aux 24 membres du directoire de la SGDL ainsi qu’aux adhérents de cette association s’ils acceptent que leur nom serve à cette procédure honteuse.

Chère SGDL, je vais relire Balzac. J’aimerais bien déchirer ma carte de membre, mais je n’en fais pas partie. Tu ne me représentes pas. Et si tu persistes à vouloir attaquer ceux qui osent parler, prépare-toi à demander à l’État davantage de fonds car on risque d’être nombreux.

Joann Sfar
Président d’honneur de la Ligue des Auteurs Professionnels

SGDL : quand une société d’auteurs s’attaque à… un auteur

La Société des Gens de Lettres est censée défendre les auteurs, mais aujourd’hui elle décide d’en attaquer un en justice.

Samedi 23 mai, en pleine crise du COVID-19, Joann Sfar a fait une intervention remarquée sur France Inter destinée à défendre l’ensemble des auteurs et autrices alors que leur situation se dégrade sans cesse. Mais la SGDL n’en a retenu que ses remarques désillusionnées sur la manière dont est organisée l’aide aux auteurs, les prenant strictement pour elle. Plutôt que d’expliquer son point de vue, la SGDL a décidé d’annoncer par communiqué qu’elle va déposer une plainte contre Joann Sfar pour diffamation devant le Procureur de la République.

La Ligue des auteurs professionnels est consternée qu’une société fondée par des auteurs pour défendre les auteurs puisse envisager d’aller en justice contre un auteur. Et cela parce que sa parole libre lui déplait. Qu’en auraient pensé les fondateurs ? Qu’en pensent aujourd’hui les membres de la SGDL ? Comment est-ce seulement possible ?

La Ligue est en train d’étudier le communiqué de la SGDL. Après analyse des propos tenus à son encontre, elle verra quelle doit être sa réaction.

Quoi qu’il en soit, la Ligue défendra le droit de parler de Joann Sfar, en particulier son droit de soutenir les luttes des auteurs et autrices. La Ligue, plutôt que d’attaquer un auteur en justice, continuera, elle, de défendre tous les auteurs et autrices, leur liberté d’expression et leur droit à l’indignation. Y compris quand ils ne seront pas d’accord avec elle.

 

Réunion avec le ministre de la Culture

Le mardi 12 mai a eu lieu une réunion auteurs de l’écrit en visio-conférence avec le Ministre de la culture Franck Riester. Étaient présents les représentants du ministères, du CNL, des OGC et des organisations professionnelles.

Quoi de neuf ? Pour l’heure, nous n’avons pas de date arrêtée pour la case artistes-auteurs ni d’autres précisions sur l’application des 4 mois d’exonération de cotisations sociales – c’est acté, mais quelles modalités précises ? La retraite complémentaire est-elle bien comprise ?

Nous avons formulé des propositions simples et efficaces, à l’écrit1 comme à l’oral, pour harmoniser les différents guichets dits “sectoriels” existants et adapter le fonds de solidarité national à la particularité du revenu différé des artistes-auteurs. Pour les guichets sectoriels, on nous renvoie à la « gouvernance » de ces guichets qui reste floue et qui sous-entend qu’il n’y a pas de pilotage global artistes-auteurs. Les ruptures d’égalité actuelles et le mimétisme du mécanisme de fonds de solidarité que nous soulignons depuis des semaines ne semblent donc pas prises en compte. De fait, ces guichets sont non cumulables (sauf celui de la Sacem) et aucun ne prend en compte notre plus grande spécificité : notre revenu différé dans le temps. Pourtant, ces deux sujets pourraient être facilement corrigés.

Nous maintenons que si l’urgence est indéniable et peut expliquer certaines décisions hâtives2 , les problèmes actuels doivent à tout prix être réglés sous le prisme du statut artistes-auteurs en distinguant ce qui relève du soutien économique, de l’aide sociale et de la compensation des annulations de prestations. Sur ce sujet, il a semblé légitime au Ministère comme à d’autres organisations présentes que les différents aspects soient ainsi mélangés dans les soutiens. Cela montre hélas tous les biais de perception de ce que chacun projette des besoins d’« un auteur » et une absence de reconnaissance de la profession.

Nos demandes d’harmonisation, d’adaptation et de clarification n’ont pourtant rien d’extraordinaire : elles s’appliquent dans les autres professions. Il s’agit bien, durant cette crise, de traiter les artistes-auteurs comme les professionnels qu’ils sont, sans rupture d’égalité et dans la compréhension de leurs métiers.

Nous rappelons que notre devoir de représentation est de porter les demandes des auteurs et autrices eux-mêmes. Aujourd’hui et comme vient de le montrer notre récente étude3 , ces derniers ne sont pas satisfaits de la gestion de la crise et les conséquences économiques et sociales seront lourdes. Peu ont accès en pratique aux dispositifs de soutiens, et paradoxalement les plus professionnalisés, sans autre sécurité (aucun droit chômage, pas de droits sociaux par un autre métier etc) sont exclus pour des raisons qui pourraient être rectifiées.

Notre réalité doit à tout prix être prise en compte, en trouvant des solutions.

Nous réitérons donc nos demandes, continuons d’envoyer des documents et préconisations, mais sommes inquiets que ces dernières ne soient pas entendues malgré leur simplicité. L’avenir nous le dira rapidement. Elles ne demandent pourtant qu’un arbitrage politique favorable.

Notes

Crise sanitaire : lettre au président de la République

Malgré nos signaux d’alerte et nos propositions, la gestion de l’impact de la crise sanitaire pour les artistes-auteurs reste aujourd’hui parcellaire et émaillée de dysfonctionnements. Depuis le début, notre demande est simple : une gestion unifiée des artistes-auteurs par l’État pour accéder à des soutiens sans rupture d’égalité. Quatorze organisations professionnelles d’artistes-auteurs ont décidé d’adresser une lettre ouverte au président de la République.

Lettre ouverte au Président de la République

 

À Paris, le 20 avril 2020

Monsieur le Président,

Au nombre de 270 000 en France, les artistes-auteurs sont des créateurs d’œuvres : écrivains et écrivaines, photographes, dessinateurs et dessinatrices, plasticiens et plasticiennes, graphistes, scénaristes, compositeurs et compositrices, etc. Contrairement aux artistes-interprètes, qui sont salariés et intermittents du spectacle, les artistes-auteurs sont des indépendants rattachés au régime général dans un statut actuellement complexe aux injonctions contradictoires. Déjà fragilisés par un contexte économique, social et administratif mis en lumière par le rapport Racine, les créateurs et créatrices de ce pays sont aujourd’hui dans une situation extrêmement périlleuse.

Alors que des dispositifs transversaux et spécifiques viennent soutenir de nombreuses professions face à la crise du Covid-19, les artistes-auteurs sont confrontés à des décisions et arbitrages inadaptés à leur secteur professionnel. Ils doivent faire face à une myriade de guichets, publics ou privés, aux critères différents et restrictifs, réclamant des justificatifs inadaptés. Ils sont traités comme les derniers maillons de différents secteurs de diffusion aujourd’hui abondés par le ministère de la Culture.

Cette vision politique des auteurs est à mille lieues des réalités des créateurs et créatrices d’aujourd’hui.  Ils ont souvent des pratiques multi-créatives, et même quand ils n’exercent qu’un seul métier créatif, leurs œuvres sont fréquemment diffusées par plusieurs industries, culturelles ou non. Les logiques économiques propres à tel ou tel secteur de diffusion ne devraient pas conditionner l’accès des artistes-auteurs aux droits élémentaires de ces travailleurs non-salariés unis par une même activité économique (la création d’œuvres) et un même régime social.

Dans ce second volet de gestion de la crise, il est essentiel que soit mis en place un fonds d’urgence commun aux artistes-auteurs, géré par l’État, permettant aux professions créatives l’accès à des soutiens supplémentaires, rationalisés et simplifiés, sans rupture d’égalité. Il faut cesser d’accroître les inégalités déjà saillantes pour les artistes-auteurs, en particulier pour les femmes et les jeunes.

Nous savons également que les impacts de la crise pour nos métiers de la création ne cesseront pas une fois les mesures de confinement levées, mais s’étaleront sur une voire plusieurs années, compte tenu des décalages aléatoires de nos rémunérations (droits d’auteur, ventes d’œuvres, commandes, etc.). Modifier la méthodologie actuelle est indispensable à la survie de nos professions déjà extrêmement précarisées.

Lors du festival de la BD d’Angoulême, vous avez formulé sur scène, devant certaines de nos organisations professionnelles, la promesse suivante : « On veut aussi que les droits sociaux, l’encadrement administratif et juridique des auteurs, soient facilités et simplifiés. Il y a des propositions très claires qui sont faites par le rapport Racine et qui seront, qui sont en train d’être travaillées et seront reprises pour permettre de mieux protéger, accompagner dans leurs droits, dans leur quotidien les femmes et les hommes qui ont décidé de créer et qui, parfois, sont dans des situations de grande précarité. »

Monsieur le Président, cette promesse, nous vous demandons aujourd’hui de la tenir  de toute urgence. Nous vous demandons solennellement de rectifier les préjudices que nous subissons actuellement. La crise grave et durable que nous traversons implique plus que jamais une gestion publique unifiée des artistes-auteurs et une protection sociale renforcée.

À l’heure où le confinement est l’occasion pour les Français et Françaises de redécouvrir l’importance primordiale des livres, des images, des films, de la musique, de la culture, notre pays ne doit pas oublier que ces œuvres sont les créations d’êtres humains, bien vivants. Nous ne demandons rien de plus que l’accès à des droits comme tous les autres professionnels. Il appartient à l’État de prendre ses responsabilités pour soutenir sans faille le secteur de la création, constitué de l’ensemble des créateurs et des créatrices.

Les signataires :

  • AdABD (Association des auteurs de bandes dessinée)
  • CAAP (Comité des Artistes Auteurs Plasticiens)
  • Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse
  • Guilde française des scénaristes
  • Independants.co
  • Ligue des auteurs professionnels
  • SELF (Syndicat des Ecrivains de Langue Française)
  • SMdA CFDT (Syndicat Solidarité Maison des Artistes)
  • CFDT SNAA FO (Syndicat National des Artistes-Auteurs)
  • FO SNAP CGT (Syndicat National des Artistes Plasticiens)
  • CGT SNP (Syndicat National des Photographes)
  • SNSP (Syndicat National des Sculpteurs et Plasticiens)
  • UNPI (Union Nationale des Peintres Illustrateurs)
  • UPP (Union des Photographes Professionnels)

Dessin Henri Fellner

Problèmes avec le plan d’urgence CNL / SGDL

Si la Ligue salue l’ensemble du plan d’urgence en faveur du livre du Centre National du Livre, les auteurs et autrices auront cependant beaucoup de mal à accéder au dispositif qui leur est dédié, comme nous en avions averti les pouvoirs publics. Le fonds proposé dans le cadre du plan d’urgence du Centre National du Livre prend la forme d’une dotation à la Société des Gens de Lettres pour distribuer des aides. Si nous comprenons l’urgence de la crise et les difficultés que posent cette situation inédite, les décisions politiques prises aujourd’hui auront des impacts considérables sur nos professions.

À défaut d’un véritable fonds d’urgence artistes-auteurs, le ministre Franck Riester a chargé le Centre National du Livre d’organiser le fonds de 5 millions d’euros à l’attention de tous les professionnels du livre, et donc d’y intégrer les auteurs. Or le CNL, le 3 avril 2020, a acté de se décharger de sa mission et de transformer ces fonds ramenés à 1 million d’euros à destination des auteurs en subvention à une association, la Société des Gens de Lettres.

Depuis le début de la crise, nous sommes en lien avec le CNL, la DGMIC et le cabinet du Ministère de la culture auxquels nous avons adressé de nombreuses notes et propositions alternatives dans la gestion de l’octroi des aides aux auteurs et autrices, pour plus de simplicité et d’automatisme.

Comme nous l’avons craint dans ce genre de gestion éclatée via des opérateurs externes, les critères d’attribution envisagés sont encore plus restrictifs et complexes. Ils dénotent aussi d’une absence d’appréhension de la réalité de nos métiers et du statut des artistes-auteurs. Aussi, les artistes-auteurs étant multi-métiers, ils peuvent prétendre à de nombreux guichets sans savoir quel dispositif inclut ou exclut l’autre.

Des critères hors-sol

Pourront bénéficier de l’aide d’urgence exceptionnelle les auteurs et autrices du livre remplissant les conditions suivantes :

  • Ne pas avoir pu bénéficier d’une aide au titre du fonds de solidarité créé par l’ordonnance n°2020-317 du 25 mars 2020;
  • Avoir publié au moins 3 ouvrages en français à compte d’éditeur dont 1 dans les 3 dernières années ;
  • Attester en 2019 de revenus mensuels inférieurs :
    • à une fois et demi le SMIC, tous revenus confondus ;
    • ou à deux fois le SMIC, lorsque les revenus artistiques représentent plus de la moitié de la totalité des revenus perçus ;
    • et à trois fois le SMIC, pour l’ensemble des revenus perçus par le foyer fiscal (lorsque le demandeur est en couple) ;
  • Constater une absence de revenus au titre de son activité d’auteur aux mois de mars et/ou avril 2020, ou une baisse d’au moins 50 % par rapport à la moyenne mensuelle des revenus d’auteur perçus au cours d’une ou plusieurs des trois années antérieures ;
  • Attester, en 2019, de revenus artistiques issus d’une activité d’auteur de livres supérieurs à 50 % de l’ensemble des revenus artistiques perçus.
  • Par revenus d’auteur, il convient d’entendre les revenus mentionnés à l’article L 382-3 du code de la sécurité sociale.
  • L’auteur établit par tout moyen la perte de revenus constatés au titre des mois de mars et avril 2020, en produisant tout document de nature à en démontrer la réalité.

centrenationaldulivre.fr

Ces conditions seront à l’origine de nombreuses exclusions.

Le nombre d’ouvrages minimums (critère n° 2) posé ici comme une critère de professionnalité n’est pas du tout adapté aux réalités que connaissent les membres de nos professions. Si le nombre d’ouvrages est très variable d’un genre à l’autre, il est certain d’emblée que les jeunes auteurs et autrices devront renoncer à ce plan d’aides d’urgence. Cela exclut d’office les auteurs et autrices auto-édités, alors que l’auto-diffusion est aussi une partie des industries créatives que nulle ne peut ignorer.

Cette exigence exclut aussi la majorité de ceux et celles qui sont au “début” de leur carrière professionnelle. En somme, il y a de fortes chances que ceux et celles qui se consacrent depuis peu à une activité de création dans une perspective de professionnalisation soient totalement exclus du plan d’aides CNL/SGDL.

La référence à des plafonds de rémunération n’est pas plus logique. D’une part, nos activités de création sont caractérisées par des temporalités divergentes, tantôt exclusives de rémunérations et tantôt mieux rémunérées. D’autre part, si d’une année sur l’autre, nos revenus ne sont pas les mêmes, nous continuons pourtant de pratiquer nos activités de création à titre professionnel.

Il est demandé aux auteurs et autrices (critère n° 3) de gagner moins d’une fois et demi le SMIC soit une moyenne de 1828,50 € par mois en 2019,  OU moins de deux fois le SMIC (2438 euros), lorsque les revenus artistiques représentent plus de la moitié de la totalité des revenus perçus (soit plus de 1219 euros). En ce sens, ce dispositif est déconnecté de nos métiers. D’abord cela signifie que ceux et celles qui auront gagné plus de 21942 euros l’année dernière et qui, comme tout le monde, subiront de fortes pertes de rémunération du fait de cette crise sanitaire, ne bénéficieront pas de l’aide. Que le plan mette en oeuvre un plafond de rémunération au-dessus duquel un auteur ou une autrice qui ne sont pas dans le besoin ne peuvent pas toucher cette aide est une chose, mais ce plafond doit être cohérent. Si le fonds de solidarité général pose un plafond de rémunération de 80 000 euros, le dispositif ne peut pas en fixer un qui semble très dérisoire et exclusif de nombreux auteurs et autrices.

Autre point problématique, les auteurs et autrices dont le foyer fiscal serait supérieur à trois fois le SMIC (soit 3657 euros par mois) seront exclus (critère n°3). La prise en compte des revenus du conjoint ou de la conjointe pour décider du versement d’une aide de l’Etat à destination de professionnels est infondée et mal venue. Le plan d’urgence à destination des professionnels du livre n’est pas supposé donner des aides familiales. C’est une aide pour soutenir des professionnels et les aider à se maintenir à flot pendant la période de crise sanitaire due au Covid 19. De la même manière qu’on ne demandera pas aux libraires ou maisons d’édition de justifier du revenu de leur conjoint pour obtenir leur part de l’aide, il est tout à fait inadapté de le demander aux auteurs et autrices. Ce critère risque de discriminer et de freiner l’autonomie des autrices en particulier. Puisque globalement les femmes gagnent moins que les hommes dans notre société, toute aide qui prendrait en compte le revenu du conjoint empêcherait une grande partie d’y accéder.

Enfin, les critères n° 4 et n° 5 sont très difficile à mettre en oeuvre en pratique. Comment très concrètement pourrons-nous constater le montant précis des rémunérations perdues en mars et en avril, lorsque celles-ci sont aléatoires et calculées annuellement ?

Cela montre encore un manque d’appréhension de la réalité de nos métiers par les institutions, qui nous porte gravement préjudice, et ce dans un plan supposé être spécifique pour rattraper les professionnels ne pouvant accéder aux dispositions plus transversales. D’où la nécessité impérieuse d’organiser une gestion des artistes-auteurs unifiée pour identifier la profession et établir des critères cohérents.
Les demandes de la Ligue

Le Centre National du livre a proposé à la Ligue des auteurs professionnels de rejoindre une commission interne à la Société des Gens de Lettres, pour évaluer l’éligibilité des dossiers. Ce travail étant bénévole, et nos membres étant eux-mêmes des auteurs et autrices précaires, ils ne peuvent en plus travailler gratuitement pour ce dispositif social qui devrait incomber à l’État. Cela questionne de façon générale la façon dont le bénévolat est systématiquement demandé aux artistes-auteurs, par l’État lui-même, supposé être exemplaire. Pour aider à notre façon, la Charte des auteurs est illustrateurs jeunesse fera participer ses salariées à la commission des dossiers, à la hauteur de leur temps.

Quoiqu’il en soit, il nous paraît essentiel que le Centre National du livre joue son rôle de garant et de contrôle. À l’heure où les auteurs et autrices déplorent les occasions manquées d’argent fléché directement vers eux, il nous paraît essentiel que la transparence et les modalités de gestion soient effectives.

Nous demandons :

  • La mise en place de critères plus adaptés à nos professions ;
  • La communication publique de la convention signée entre le Centre National du Livre et la Société des Gens de Lettres ;
  • Les garanties juridiques que sur ces 1 million d’euros, aucun frais de gestion ne pourra être prélévé par la Société des Gens de Lettres ;
  • Les garanties juridiques que l’argent des auteurs et autrices sera fléché directement vers eux via des aides ;
  • Le remboursement des sommes non reversées aux artistes-auteurs au Centre National du Livre ;
  • L’expression de la faisabilité technique de la gestion de ses aides ;
  • Les garanties juridiques de gestion des données personnelles et de confidentialité.

En ces temps d’urgence et d’impacts socio-économiques sans précédents, nous devons déployer notre possible pour que les artistes-auteurs puissent être soutenus comme les travailleurs qu’ils sont. Dans la gestion du second volet de la crise et des nouvelles enveloppes budgétaires, nous demandons la mise en place d’un fonds unique artistes-auteurs abondé et géré par l’État, afin de réparer au mieux les préjudices actuellement subis par la mise en place difficile de dispositifs adaptés à nos professions. D’autres options, plus simples et automatiques, pourraient être envisagées pour soulager nos professions. Nous avons notamment soumis l’idée d’une exonération des cotisations de la retraite complémentaire, tout en maintenant nos droits, restée sans réponse à l’heure actuelle.

Pour conclure, nous souhaitons bon courage à tous les auteurs et autrices qui souffrent déjà de l’impact de la crise du COVID-19. Nous pensons aussi à tous ceux, la majorité, qui vont souffrir de ses conséquences  économiques dans les mois voire les années à venir. Comme d’autres syndicats, la Ligue va continuer à faire tout son possible pour que des dispositifs de soutien ambitieux soient proposés à tous les artistes-auteurs. Espérons que, cette fois, nos organisations professionnelles soient entendues.